http://medscape.fr//article/1508819/ De Medscape France Première rétine artificielle autorisée par la FDA dans la rétinite pigmentaire La FDA donne son feu vert à la première prothèse rétinienne capable de limiter les dégâts de la rétinite pigmentaire sévère de l'adulte. En France, les avis sont plus mitigés. Auteur : 18 février 2013 Silver Spring, Etats-Unis-La Food & Drug administration (FDA) a autorisé la première prothèse épirétinienne destinée à traiter les patients atteints de rétinite pigmentaire évoluée, un groupe hétérogène d'affections héréditaires dégénératives de la rétine qui touche environ une personne sur 4000 [1]. Appelé Argus II, et fabriqué par la société Second Sight Medical, cet « œil bionique » dispose d'un marquage CE depuis novembre 2011. « Ce dispositif peut permettre à des adultes atteints de rétinite pigmentaire qui ont perdu la capacité de distinguer les formes et les mouvements d'être plus mobiles et d'assurer certaines activités quotidiennes », indique le Dr Jeffrey Shuren (Directeur du Centre des dispositifs et de la santé radiologique de la FDA) dans un communiqué de l'Agence. Le dispositif est autorisé chez les adultes d'au moins 25 ans atteints d'une rétinite pigmentaire sévère qui ont une perception très faible de la lumière (perception de la lumière mais incapacité à détecter sa provenance) ou aucune perception de la lumière, avec une couche interne de la rétine fonctionnelle et ayant eu une vision utile des formes dans le passé. L'agence précise que les patients candidats doivent être désireux et capables de s'engager dans un processus de réhabilitation et de suivi au long cours. En pratique, Argus II comprend une petite caméra montée sur une paire de lunettes, un processeur portable (unité de traitement vidéo) qui traduit le signal de la caméra en stimulation électrique et une rétine artificielle [2]. L'implant permet de se substituer aux bâtonnets et aux cônes dégénérés en stimulant par un faisceau d'électrodes les cellules ganglionnaires et bipolaires. Le signal généré est transmis au cortex visuel via le nerf optique ce qui se traduit par des perceptions lumineuses. Le mode de fonctionnement général du dispositif face à un obstacle (source HAS) 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Détection d'un obstacle par la caméra montée sur les lunettes. Conversion de l'image vidéo en impulsions électriques par l'unité de traitement vidéo portée à la ceinture. Envoi des données de stimulation électrique par radiofréquence depuis l'antenne externe. Réception des données par l'antenne interne qui est en regard de l'antenne externe. Transmission des impulsions électriques vers le faisceau d'électrodes implanté dans l'oeil, à la surface de la rétine. Stimulation électrique des cellules ganglionnaires et des cellules bipolaires avec transduction du signal vers le nerf optique. Détection par le patient de perceptions lumineuses (phosphènes) modélisant l'obstacle. Un essai sur 30 personnes Pour donner son feu vert, l'Agence américaine s'est appuyée sur une étude de faisabilité, prospective, multicentrique, non comparative financée par le fabriquant et portant sur 30 patients suivis régulièrement pendant au moins deux ans après l'implantation (www.clinicaltrials.gov, NCT00407602). Cette étude a pour objectif d'évaluer la sécurité et l'efficacité du système ARGUS II. Parmi les 30 patients, 29 avaient pour diagnostic principal une rétinopathie pigmentaire. A l'inclusion, tous les patients avaient une perception résiduelle de la lumière (acuité visuelle > 2,9 LogMAR). Les 15 premiers patients ont bénéficié de l'implantation d'une première génération du dispositif ARGUS II et les 15 suivants, de la seconde génération. La procédure a été considérée comme étant un succès pour l'intégralité des patients et aucun d'entre eux n'a été perdu de vue. Les données montrent que le système Argus a permis à la plupart des patients de retrouver une acuité leur permettant de mieux réaliser certaines activités basiques : distinguer un carré noir sur un fond blanc, la direction d'un mouvement, des grosses lettres, des mots ou des phrases, les bordures de la route, mais aussi marcher sur un trottoir sans en sortir, et apparier des chaussettes noires, grises et blanches. Après l'implantation, 19 des 30 patients n'ont pas eu d'effets secondaires en rapport avec l'appareil ou la chirurgie. En revanche, onze participants ont subi 23 événements indésirables graves : érosions conjonctivales, endophtalmies, déhiscences conjonctivales, décollements de la rétine, déchirement de rétine, ré-attachements du clou rétinien, inflammation, hypotonies, ulcère cornéen infectieux, kératite infectieuse, opacité cornéenne, uvéite. Plus d'une centaine d'évènements indésirables non graves liés au dispositif ou à la procédure a été recensée, principalement des congestions conjonctivales, des hypotonies, des décollements choroïdiens, des irritations au niveau de la suture et des douleurs oculaires. France : un avis plus mitigé En France, la Commission Nationale d'Evaluation des Dispositifs Médicaux et des Technologies de Santé (CNEDiMTS) a estimé, en novembre 2012, que le Service Attendu de l'Argus II était insuffisant pour l'inscription sur la liste des Produits et Prestations prévue à l'article L.165-1 du code de la sécurité sociale : « Compte tenu du faible niveau de preuve des données fournies, l'intérêt du système ARGUS II ne peut être établi, dans la prise en charge de patients atteints de rétinopathie pigmentaire [3]. » Le groupe de travail chargé de l'évaluation souligne plusieurs limites de l'étude de faisabilité : les tests évaluant la fonction visuelle sont réalisés dans des conditions de contraste extrêmes, éloignées de la vie réelle ; en fonction du temps, un même test peut être réalisé sous des modalités différentes (test de la capacité à suivre une ligne au sol et de la reconnaissance d'une porte) ; il n'est pas garanti que le recueil des mesures du questionnaire FLORA (capacité à réaliser des tâches de la vie quotidienne) soit indépendant (possibilité d'intervention d'un technicien de la firme) ; l'étude ne permet pas d'évaluer les effets à long terme (au-delà de 3 ans) de la stimulation électrique chronique sur la rétine et le nerf optique ; à 12 mois, le système ne semble pas améliorer la qualité de vie des patients. Au-delà de 12 mois, les résultats ne sont pas interprétables compte tenu du nombre important de données manquantes. Le 12 décembre, le Collège de la Haute Autorité de Santé a recommandé un recueil de données cliniques complémentaires avec un encadrement spécifique en proposant la mise en oeuvre d'une prise en charge temporaire et dérogatoire de la prothèse épirétinienne ARGUS II au titre de l'article L.165-1-1 du code de la sécurité sociale [2]. Cette dérogation repose sur « le caractère innovant du dispositif, le caractère orphelin de la pathologie concernée, l'absence d'alternative thérapeutique, le fort potentiel d'amélioration de la qualité de vie des patients, le fort potentiel de compensation du handicap lié à la cécité et la probable balance bénéfice / risques favorable. » Le groupe de la HAS estime que les indications du système ARGUS II devraient se restreindre aux patients atteints de rétinopathie pigmentaire dont l'acuité visuelle se limite à la détection des mouvements de la main mais ne comptant pas les doigts (perception résiduelle de la lumière > 2,9 LogMar) et ayant eu une vision utile des formes dans le passé. L'agence souligne que « le patient doit être informé sur les incertitudes relatives à l'efficacité de la technique et de ses possibles complications afin d'éviter une demande d'explantation au motif d'un défaut de satisfaction. » Le développement du dispositif a été soutenu financièrement par trois agences gouvernementales (Department of Energy, National Eye Institute au NIH et National Science Foundation). L'étude de faisabilité a été financé par le fabriquant : Second Sight Medical Products. Références 1. Communiqué FDA. FDA approves first retinal implant for adults with rare genetic eye disease. 14 février 2013 2. Vidéo de présentation du système par le fabriquant (en anglais). 3. Groupe de travail mandaté par la HAS 2012. Evaluation d'une prothèse épirétinienne et de son acte d'implantation. 12 décembre 2012. Aude Lecrubier Diplômée d'une maîtrise de biologie moléculaire (Paris VI) et d'un Master de journalisme scientifique et médical (New York University), Aude Lecrubier écrit, depuis plus de 10 ans, pour la presse française et anglo-saxonne (Reuters Health, Emb o Reports...). Elle a fait ses premiers pas en journalisme à Popular Science, Science & Vie et Environnement magazine avant de se consacrer au médical. Après huit années au sein des groupes NHA Communication et Impact Médecine, elle a rejoint notre équipe. Aude Lecrubier n'a aucun conflit d'intérêt à déclarer. Aude Lecrubier Diplômée d'une maîtrise de biologie moléculaire (Paris VI) et d'un Master de journalisme scientifique et médical (New York University), Aude Lecrubier écrit, depuis plus de 10 ans, pour la presse française et anglo-saxonne (Reuters Health, Emb o Reports...). Elle a fait ses premiers pas en journalisme à Popular Science, Science & Vie et Environnement magazine avant de se consacrer au médical. Après huit années au sein des groupes NHA Communication et Impact Médecine, elle a rejoint notre équipe. Aude Lecrubier n'a aucun conflit d'intérêt à déclarer.