Entre Terre et Eau... Les prairies inondables, un milieu riche qui fait l’objet de beaucoup d’attention... Les prairies sont constituées de plantes herbacées, parmi lesquelles prédominent des graminées vivaces formant des peuplements hauts et denses, durant une partie de l’année. Elles se distinguent des roselières(1) et des mégaphorbiaies par leur utilisation anthropique(2) (pâturage et fauche). Les prairies sont maintenues par la fauche et/ ou le pâturage extensif. En effet, si ces terres n’étaient pas entretenues, elles évolueraient en friche puis en forêt marécageuse, moins riches en biodiversité. A l’inverse, l’intensification du pacage(3) entraînerait l’apparition de plantes nitrophiles(4) et plus banales. La qualité écologique de ces prairies humides est donc liée à une activité agricole qui maintient un équilibre entre les apports (alluvions et déjections animales) et les exportations (broutage et fauche). L’inondabilité est l’autre facteur important qui détermine les types d’espèces végétales pouvant s’établir dans les prairies humides. L’inondabilité des prairies varie selon les années et les saisons. Ces conditions particulières permettent l’accueil d’espèces adaptées (plantes hydrophiles)(5).Ces plantes sont soumises à des perturbations cycliques qui entraînent une alternance d’engorgement des sols et de sécheresse. On rencontre Des espèces animales remarquables et protégées... En hiver, les prairies inondées sont ainsi une escale pour des milliers d’oiseaux migrateurs et parfois une zone de repli lors des vagues de froid. Parmi les espèces remarquables qu’on y rencontre, on peut citer l’oie cendrée, le canard pilet et la barge à queue noire. Au printemps, c’est le râle des genêts, autrefois surnommé roi des cailles, qui s’installe pour se reproduire. ainsi la Fritillaire pintade (Fritillaria meleagris), l’Inule d’Angleterre (Inula britannica), la Grande douve (Renonculus lingua), la Gratiole officinale (Gratiola Les mégaphorbiaies, un milieu de transition, refuge pour les animaux... officinalis)... Les prairies inondables sont encore bien conservées et présentent une diversité remarquable d’associations végétales en fonction du degré d’hygrométrie des sols. Chaque prairie se caractérise par les 2 éléments suivants : • une submersion hivernale variant de 1 à 3 mois par an suivant l’altitude • une exploitation mixte : fauche et/ou pâture, ou non exploitation. Les mégaphorbiaies en zone inondable se retrouvent dans les fossés et prairies à végétation dense et haute, non annuellement fauchées. Ici, elles sont caractérisées par la présence du Pigamon jaune (Thalictrum flavum) et la Guimauve officinale (Althaea officinalis). Spontanément, elles peuvent évoluer vers une forêt alluviale. Elles jouent un rôle dans l’épuration des eaux de crues. Riche en insectes, elles servent de refuge lors des fauches à de nombreux oiseaux. De plus, ces formations végétales sont déterminantes dans le fonctionnement de l’écosystème aquatique (invertébrés, zones de frayères). Enfin, les mégaphorbiaies sont souvent linéaires et constituent des corridors qui permettent la libre circulation des espèces. Une prairie maigre de fauche, garde ses pieds au sec... Avant tout, ce sont des prairies naturelles à graminées fauchées en première exploitation (le pâturage extensif de regain(6) est possible). Situées sur les hauteurs, elles sont plus rarement touchées par les crues que les prairies alluviales inondables. Ces prés abritent une diversité d’espèces floristiques importante dont les espèces guides sont le Fromental (Arrhenatherum elatius) et le Vulpin des prés (Alopecurus pratensis). Ces prairies peuvent servir de zone de repli en cas de crues moyennes. Même si aucune espèce d’intérêt communautaire n’est présente sur cet habitat, il reste néanmoins intéressant pour la diversité des espèces floristiques qu’il abrite. Les prairies sont en régression ainsi que les habitats connexes. Ils renferment une flore patrimoniale, rare et/ou menacée. La faune dépendante de ces milieux est donc elle-même en disparition. Par ailleurs, les vaches entretiennent un réseau trophique important. En effet, leurs excréments forment des microhabitats pour des insectes inféodés à ces milieux. Ils se servent des excréments d’animaux comme nourriture. Les insectes sont eux-mêmes source de nourriture pour les oiseaux ou les micromammifères. Lexique 1 - roselière : milieu couvert de roseaux 4 - nitrophile : qui a besoin d’un sol riche en nitrates 2 - anthropique : qui résulte de l’action de l’homme 5 - hydrophile : qui a besoin d’un taux d’humidité dans l’air très élevé 3 - pacage : pâturage 6 - regain : herbe qui repousse dans les prairies après une première fauche Les arbres, témoins des traditions... Les arbres, isolés ou en alignement (les haies), font partie intégrante du paysage de l’île. L’émotion débute dès l’entrée sur l’île avec cet arbre monument, un platane planté vers 1830 qui fait aujourd’hui 35 mètres de haut et 6.70 mètres de circonférence. les haies Puis, ce sont qui bordent les canaux et les sentiers qui retiennent notre attention. Formant un quadrillage irrégulier, elles constituent le paysage bocager notamment de la partie nord de l’île. Ici, c’est le frêne qui domine quasiment toute la trame bocagère et constitue ainsi l’étage dominant. L’orme champêtre, le saule blanc et le chêne pédonculé peuvent également cohabiter dans cet étage. La strate inférieure, lorsqu’elle existe, est en général composée de cépees(1) sur souche (orme et frêne) d’arbustes buissonnants tels que le prunellier, l’aubépine, le rosier sauvage (églantier) et le cornouiller. Les haies ont une fonction agricole (abri et enclos pour le bétail), paysagère (bocage), régulatrice (plantées le long des cours d’eau, elles ont alors un rôle de frein et limitent ainsi l’érosion des berges) et écologique. Cette dernière fonction est accentuée par la présence d’arbres taillés en têtards. Les arbres taillés en têtard, un savoir faire traditionnel à conserver... Les haies sont particulières car elles sont constituées d’arbres têtards. Leur silhouette caractéristique se retrouve dans de nombreuses zones inondables (Marais Poitevin, vallée de la Loire...) et rappelle un savoir Taille de frêne tétard faire traditionnel qui fait partie du patrimoine local. Leur forme est issue de la coupe du tronc 1,5 m à 2 m puis de coupes régulières des branches supérieures Jeune arbre 1 an après 5 ans après 9 ans après 15 ans après de 3 ans tous les 8 à 10 ans. Elle permet aux arbres d’avoir une grande longévité. A l’origine, les rameaux et feuilles étaient données en fourrage vert au bétail et les branches utilisées comme bois de chauffage. Certaines espèces supportent bien cette conduite : le frêne mais aussi le chêne et le saule. A la suite de ces tailles répétées, il se forme une excroissance au niveau de la zone de taille, appelée « tête », qui a tendance à se crevasser, à former des anfractuosités ou cavités. En plus d’abriter de nombreuses espèces de passereaux, les frênes tétards accueillent des rapaces nocturnes comme la Chouette chevêche (dont la population est très menacée), et des chauves-souris qui apprécient les anfractuosités. De plus, ces arbres en vieillissant attirent les insectes coléoptères xylophages (dont les larves, à durée de vie très longue, se nourrissent de bois) comme le Grand capricorne, le Lucane cerf-volant et la Rosalie des Alpes, qui sont également protégés. Aujourd’hui cette pratique agricole tend à être abandonnée alors qu’elle est très importante pour la sauvegarde de nombreuses espèces. 1 - cépées : touffe de tiges sortant de la souche d’un arbre Une toile source de vie... Environ 20 km de canaux jalonnent l’île. Les canaux jouent un rôle majeur dans le fonctionnement écologique de l’île. Ce sont des milieux aquatiques souvent temporaires sauf pour les canaux les plus profonds où l’eau peut stagner même en période estivale. Véritable vivier, ils accueillent de nombreuses espèces de macro-invertébrés benthiques (invertébrés visibles à l’œil nu, vivant sur un support ou dans le sédiment) tels que les crustacés, les mollusques, les insectes, les annélides (vers) et servent de lieu de reproduction d’espèces au cycle de vie amphibie(1) : amphibiens, odonates (libellule et demoiselle) mais également des muridés (rat d’eau, rat musqué, ragondin). On y trouve aussi une grande variété de plantes, hydrophytes(2), pour certaines telles que le Nénuphar jaune (Nuphar lutea), le Potamot pectiné (Potamogeton pectinatus) tandis que d’autres trouvent leur place le long des berges, c’est le cas des Roseaux, des Baldingères (Baldingera arundinacea), des Scirpes (Scirpus sp.) et des Iris faux-acore (Iris pseudoacorus). 1 - Amphibie : vie larvaire aquatique et vie adulte aérienne 2 - Hydrophytes : plantes qui se développent dans l’eau