rôle du déficit de motivation sociale dans le

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Théorie de la motivation sociale dans les
Troubles du Spectre Autistique (TSA): rôle
du déficit de motivation sociale dans le
jugement social physionomique chez des
adolescents autistes de haut niveau
Raphaël Delage, Master 2 Recherche en Sciences Cognitives
Université Paris Descartes
Ecole Normale Supérieure
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
2014/2015
Superviseur : Coralie Chevallier, Equipe Cognition Sociale, Laboratoire de
Neurosciences Cognitives, Inserm U960
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DECLARATION D’ORIGINALITE :
Les recherches expérimentales sur l’autisme illustrent l’influence grandissante des sciences
cognitives en psychiatrie. La psychologie évolutionniste postule que certains processus
cognitifs, au même titre que des traits physiques, sont expliqués par la théorie de l’évolution.
Le fil qui relie les recherches appliquées à l’autisme et les modèles théoriques de la
psychologie évolutionniste peut paraitre ténu. C’est pourtant le parti pris de la théorie du
déficit de motivation sociale dans l’autisme.
La motivation sociale a deux niveaux de description. Au niveau ultime, on la décrit comme la
tendance innée qui permet aux organismes vivants de certaines espèces d’augmenter leur
fitness en renforçant la coopération inter individuelle, l’altruisme, le mutualisme. Au niveau
proximal, elle est caractérisée par la recherche et l’entretien de lien social et d’affiliation.
D’après certains travaux théoriques, un déficit de motivation social pourrait être un facteur
causal crucial intervenant dans le développement de l’autisme.
Dans cette étude, nous formulerons l’hypothèse que le déficit de motivation sociale et
l’autisme entrainent des atypicités dans le traitement cognitif des indices physionomiques et
dans le jugement social.
Dans un premier temps, nous tenterons de justifier la cohérence de ce postulat au regard des
théories de la psychologie évolutionniste. Dans un second, nous proposerons un schéma
expérimental permettant d’évaluer cette hypothèse.
D’après nos recherches bibliographiques, l’originalité de ce travail tient en cette articulation
d’une démarche théorique dans le champ de la psychologie évolutionniste permettant de
fonder des hypothèses concernant les processus cognitifs propres à l’autisme.
Les précédents travaux étudiant les déterminants du jugement et de la catégorisation sociale
dans l’autisme ne s’étant pas munies d’un tel arrière-plan théorique ; leurs hypothèses, leur
design expérimental, et les modèles cognitifs élaborés étaient alors nécessairement différents.
2
DECLARATION DE CONTRIBUTION
Coralie Chevallier, Richard Delorme, Lou Safra, Christina Ioannou, Frédérique Amsellem et
moi-même (Raphaël Delage) ont contribué à cette étude.
Définition de la question scientifique: Coralie Chevallier, Richard Delorme et Raphaël Delage
Méthodologie expérimentale: Coralie Chevallier, Lou Safra et Raphaël Delage
Recherches bibliographiques: Coralie Chevallier et Raphaël Delage
Programmation expérimentale : Lou Safre, Christina Ioannou et Raphaël Delage
Collecte des données : Frédérique Amsellem, Christina Ioannou et Raphaël Delage
Analyse des données: Lou Safra et Raphaël Delage
Interprétation des résultats: Coralie Chevallier, Lou Safra et Raphaël Delage
Rédaction du mémoire: Raphaël Delage
Relecture du mémoire, commentaires et conseils: Coralie Chevallier
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TABLE DES MATIERES DETAILLEE :
I-INTRODUCTION
1/ UNE APPROCHE EVOLUTIONNISTE DES CAPACITES D’INTERACTIONS
SOCIALES
A/ Argumentaire épistémologique de la psychologie évolutionniste
B/ Le paradigme évolutionniste : fitness de l’individu, environnement collaboratif,
choix du partenaire
2/MOTIVATION SOCIALE : DEFINITION, FONDEMENTS, NIVEAU ULTIME ET
PROXIMAL
3/PROCESSUS COGNITIFS DE PHYSIONOMIE SOUS TENDANT LE JUGEMENT
SOCIAL
A/ Qu’est-ce qu’un jugement social ?
B/ Quels sont les fondements cognitifs du jugement social ?
C/ Phylogénie et ontogénie des processus inconscients de physionomie
4/PROCESSUS COGNITIFS DE PHYSIONOMIE SOUS TENDANT LE JUGEMENT
SOCIAL DANS L’AUTISME
II - METHODES
1/ POPULATION DE L’ETUDE
2/ TACHE EXPERIMENTALE
3/ MESURE DE LA MOTIVATION SOCIALE
4/MESURE DU QUOTIENT INTELLECTUEL
5/ VERIFICATION DE LA COHERENCE DES DONNEES EXPERIMENTALES
4
6/ PRETRAITEMENT DES DONNEES EXPERIMENTALES
7/ ANALYSES STATISTIQUES
III - RESULTATS
IV- DISCUSSION
1-SYNTHESE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
2- MESURE T’ON VRAIMENT LA MOTIVATION SOCIALE?
3-INFLATION METHODOLOGIQUE DU POIDS DES INDICES PHYSIONOMIQUES
DANS LA FORMATION DU JUGEMENT SOCIAL
4-QU’APPELLE T’ON AUTISME ?
5-AUTRES BIAIS METHODOLOGIQUES
A/ Age des participants
B/ Comorbidité du Trouble du Déficit Attentionnel et Hyperactivité (TDAH) et prise
de traitement psychostimulant
C/ Validité de l’échelle d’anhédonie sociale pour la population recrutée
6-PLACE DU PARADIGME EVOLUTIONNISTE DANS NOTRE DEMARCHE
SCIENTIFIQUE
7-CONCLUSION
5
I -INTRODUCTION :
1/ UNE APPROCHE EVOLUTIONNISTE DES CAPACITES D’INTERACTIONS
SOCIALE
A/ Argumentaire épistémologique de la psychologie évolutionniste
La psychologie évolutionniste fournit un cadre théorique à l’étude de l’esprit, des cognitions et
des comportements humains. Plus une orientation ou un paradigme scientifique qu’une
discipline aux objets et au cadre expérimental institués, elle influence et se nourrit des
conceptualisations théoriques et études expérimentales issues de plusieurs champs
disciplinaires attenant aux sciences cognitives : la psychologie cognitive, l’éthologie, la
biologie théorique, l’anthropologie, la sociologie, la philosophie de l’esprit, l’économie (Rose
& Lucas, 2001).
L’axiome de cette réflexion est la généralisation de la théorie moderne de l’évolution aux traits
psychologiques, processus cognitifs et comportements humains. Elle impose la réduction
scientifique des manifestations de l’esprit ainsi caractérisés par des déterminants et mécanismes
causaux. Elle respecte ainsi l’hypothèse darwinienne permettant de rentre inutile le recours à
toute téléologie. Pour clarifier par la suite les postulats de la psychologie évolutionniste, il
convient tout d’abord de s’en remémorer l’argumentaire et d’en justifier les contraintes
épistémologiques.
La théorie de l’évolution, comprise dans son influence sur l’apparition et la sélection de traits
physiques, postule une explication causaliste et mécanistique. Un trait phénotypique ne se
6
maintient pas « dans le but », ou « afin » de fournir un certain avantage à un individu, à un
membre ou à une espèce donné. La compréhension des chaines causales conduisant à cet
évènement privent la téléologie de sa vertu de recours indispensable.
De manière probabiliste et indéterminée, sous l’influence de mutations génétiques
stochastiques, des traits phénotypiques émergeants peuvent fournir un avantage à un être vivant
dans un environnement donné. Cet avantage augmente la durée de vie de cet être vivant,
favorise ses chances de reproduction et de transmission verticale de son génotype contenant le
code du trait phénotypique avantageux. Les êtres vivants dépourvus de ce trait phénotypique,
dépourvus d’avantage compétitif, n’augmentent pas leur durée de vie et n’augmentent pas leurs
chances de reproduction et de transmission de leur patrimoine (Barkow, Cosmides, & Tooby,
1995). Avec le temps, le trait phénotypique avantageux se diffuse par verticalité et se maintient.
Ainsi en est-il du pelage blanc des ours polaires et de la station verticale des premiers
hominidés.
L’avantage pour lequel un trait phénotypique a été sélectionné acquiert dans notre langage
courant une portée finaliste. On dira ainsi volontiers que le pelage blanc de l’ours polaire existe
car il le camoufle. Pour être logique et exact, il conviendrait plutôt d’affirmer que la robe
blanche d’un ours polaire a permis dans un environnement ancestral de lui donner un avantage
compétitif dans la recherche de nourriture. En vertu de cet avantage, ce caractère phénotypique
a pu se maintenir (Gayon & De Ricqlès, 2010).
Si cette nuance a une portée limitée quand elle concerne un trait physique, elle est importante
quand elle concerne un trait mental, ou un processus cognitif. La psychologie évolutionniste est
fréquemment critiquée sur ce manque de clarté et le finalisme qu’elle induit (Confer et al, 2010).
Nous développerons par la suite une étude des capacités cognitives de physionomie. Nous
tenterons d’évaluer qu’elle peut être son rôle dans le jugement social que portent les
7
neurotypiques et les autistes lors de la rencontre d’un tiers. Ignorer la nuance entre finalité et
fonction aurait pour conséquence d’entretenir l’ambiguïté à propos d’une adéquation réelle
entre traits physionomiques et traits mentaux.
B/ Le paradigme évolutionniste : fitness de l’individu, environnement collaboratif,
choix du partenaire
Si la théorie darwinienne de l’évolution avait pour clef de voûte la compétition pour les
ressources afin de maximiser la probabilité de transmission de ses gênes, les théories
évolutionnistes modernes font de la collaboration inter-organismes une valeur sélective. Le
mutualisme, compris comme la coopération entre organismes vivants pour le partage des
bénéfices, est une tendance comportementale des organismes contredisant en apparence la
compétition au sens darwinien (Lehmann & Keller, 2006).
Cependant, il convient comme le suggère Dawkins de considérer le niveau de la compétition
génétique et non inter-organismes. La finalité n’est pas la transmission du patrimoine génétique
d’un organisme mais la transmission du patrimoine génétique identique, distribué au sein de
plusieurs organismes. Ainsi, à l’échelle de l’organisme, un comportement altruiste ou
collaboratif à première vue paradoxal, permet l’augmentation de la probabilité de transmission
de copies de gènes identiques portés par un apparenté (Dawkins, 2006). La tendance à la
coopération mutualiste entre individus a une forte valeur sélective globale, c’est-à-dire qu’elle
favorise la transmission des gènes propres à l’individu mais aussi ceux des apparentés. Nous ne
reviendrons pas sur les théories explicatives du mutualisme et accepterons la pertinence de cette
hypothèse chez l’homme. Nous nous concentrerons sur deux de ses conséquences
particulièrement intéressantes pour notre propos.
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Tout d’abord, la coopération comme pivot de l’évolution implique une tendance innée à la
socialité et à la motivation sociale, ce sur quoi nous reviendrons dans le prochain paragraphe.
Deuxièmement, la coopération expose à un degré d’incertitude sur les intentions et le
comportement altruiste ou égoïste d’autrui. Elle implique une certaine régulation des
interactions humaines en vertu d’une prévision des comportements coopératifs ou non d’un tiers
(Kaplan, Hooper, & Gurven, 2009). Cette régulation pourrait être l’œuvre de certains processus
cognitifs impliqués dans le choix du partenaire, entendu dans son acception large et non au sens
d’un choix entièrement délibératif, réflexif et métacognitif (Baumard & Sheskin, 2015).
2/MOTIVATION SOCIALE : DEFINITION, FONDEMENTS, NIVEAU ULTIME ET
PROXIMAL
La coopération dans l’espèce humaine comprise au sens naturaliste d’un moyen de renforcer la
fitness d’un organisme implique qu’une tendance comportementale héréditaire favorise la
rencontre entre individus. Dans la littérature contemporaine, cette disposition est entendue par
le concept de motivation sociale à son niveau évolutionnaire ultime. Diverses hypothèses
théoriques et faits empiriques contribuent à donner à ce concept général des origines génétiques,
des mécanismes neurobiologiques et une expression comportementale propres à lui conférer un
niveau d’explication proximal (Chevallier, Kohls, Troiani, Brodkin, & Schultz, 2012).
Au niveau comportemental, on observe en effet chez l’homme une recherche du lien social, une
préférence pour les objets sociaux aux objets non sociaux, des efforts pour maintenir et
renforcer le lien social et un plaisir social récompensant cette recherche. Plusieurs données
empiriques issues de recherches en psychologie sociale confirment ces observations
écologiques : les visages et parties du corps humains attirent plus rapidement l’attention que les
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autres objets, ont un seuil de perception plus bas (George, Driver, & Dolan, 2001). Les yeux
exercent une attraction pour la perception visuelle particulièrement nette, en particulier pour les
jeunes enfants. Au cours d’expériences sociales comme dans le jeu du dictateur, les participants
s’engagent spontanément dans des stratégies collaboratives contraires à leur bénéfices directs
et en rapportent une expérience plaisante (Cason & Mui, 1998). Les mises à l’épreuve
expérimentale
d’expériences
d’exclusion
sociale
entrainent
déplaisir
et
stratégies
comportementales de ré-affiliation (imitations comportementales des autres participants,
attitudes pro-sociales, flatterie, adoption d’opinions similaires) (Williams & Jarvis, 2006).
3/PROCESSUS COGNITIFS DE PHYSIONOMIE SOUS TENDANT LE JUGEMENT
SOCIAL
Dans cette étude, nous allons nous intéresser à l’existence chez l’homme de processus cognitifs
inconscients dont la fonction serait de diminuer l’incertitude de la rencontre avec un tiers
humain et d’adapter le comportement d’un individu. Plus particulièrement, nous étudierons les
processus de physionomie sous tendant le jugement social.
A/ Qu’est-ce qu’un jugement social ?
Du point de vue de la philosophie de l’esprit, le sujet de l’ontologie du jugement porte à
controverse. Cette dernière oppose les tenants d’un représentationisme du jugement, visant à
défendre une réduction légitime du jugement comme représentation mentale entrant dans la
chaine causale des processus mentaux, et les partisans d’un holisme de l’esprit qui considèrent
10
qu’un jugement ne peut être réduit à un état mental et qu’il ne peut être étudié qu’au sein d’une
contextualité signifiante (Dretske, 2004). Notre étude ne se donnant pas pour objectif de
soutenir l’une de ces thèses, nous n’aurons qu’à admettre que des processus cognitifs puissent
influer sur le jugement social, et parmi ceux-ci nous nous proposons d’étudier certains
processus cognitifs inconscients.
De nombreuses études en psychologie sociale ont pu confirmer que le jugement social était un
processus cognitif sous-tendu à la fois par des sous-processus cognitifs inconscients et
conscients. Il va en effet de soi que le jugement social possède des aspects conscients, réflexifs,
déclaratifs, et métacognitifs. Ainsi le langage, l’analyse, le raisonnement entre autres ont un
rôle dans la coopération humaine, dans le traitement de l’information sociale liée à la rencontre
avec un tiers, dans la fabrication d’un jugement social, et dans sa communication. Nous croyons
intéressante l’hypothèse que, parallèlement et dans une interaction complexe qu’il reste à
modéliser et expliquer, des processus implicites plus spécialisés puissent remplir également
cette fonction.
B/ Quels sont les fondements cognitifs du jugement social ?
Plusieurs processus cognitifs sociaux implicites ont déjà été théorisés et font l’objet de
recherches expérimentales. Parmi ceux-ci, on évoquera bien évidemment les capacités
cognitives dites de théorie de l’esprit (ou de lecture mentale, terme anglophone :
« mindreading ») qui permettent la prévision des croyances, des intentions et des désirs d’un
autre individu et qui se développent au cours de l’ontogénèse (Frith & Happé, 1994). Cette
hypothèse fait notamment l’objet d’une recherche nombreuse et fructueuse dans le champ des
troubles autistiques. Conjointement, d’autres processus inconscients ont été étudiés. Citons
11
l’hypothèse de l’existence d’une biologie naïve et d’une sociologie naïve (Hirschfeld, 2001),
capacités cognitives implicites de compréhension du fonctionnement du monde biologique et
sociologique. Cette dénomination étend à d’autres champs de connaissances le concept de
psychologie naïve, habilité que permettraient les capacités de théorie de l’esprit. Enfin, de
nombreux travaux ont montré l’existence de processus impliqués dans la reconnaissance des
visages et dans la compréhension des émotions véhiculées par ces visages. Des études d’IRM
fonctionnelle, de MEG et d’EEG ont permis d’en identifier les corrélats neuraux (amygdale et
gyrus fusiforme) (Guyer et al., 2008). Nous ferons pour notre part l’hypothèse d’une
physionomie naïve sous tendue par des capacités cognitives implicites de compréhension des
traits physiques de visages même dénués d’expressions émotionnelles franches. Ces processus
pourraient être expliqués par la théorie de l’évolution.
C/ Phylogénie et ontogénie des processus inconscients de physionomie
Pour justifier de son origine évolutionniste, un mécanisme psychologique doit avoir possédé
une fonction chez les hominidés vivant à l’époque du Pléistocène, alors groupés en tribus
grégaires de chasseurs cueilleurs. Les contraintes environnementales ayant contribué à la
sélection du mécanisme doivent donc être celles interagissant avec le cerveau et la psychologie
humaine de cette époque paléolithique. On parlera de contraintes environnementales ancestrales
(Barkow et al., 1995). A cette époque, langage et écriture sont des moyens de médiation de
l’information moins développés qu’à notre époque contemporaine, les institutions et
assignations sociales moins complexes. Pour prévoir le comportement d’un tiers, les possibilités
de coopération et les potentialités d’approche sociale, il est probable que le cerveau humain
doive alors traiter une information comportementale à la portée signifiante plus rudimentaire :
12
l’information physionomique. Des capacités cognitives remplissant cette fonction, au potentiel
hautement adaptatif, ont ainsi pu émerger dans ces conditions. Les réseaux anatomofonctionnels les sous tendant ont pu être conservés et transmis à l’homme contemporain en
raison de l’avantage évolutif qu’ils confèrent.
Il n’est pas ici question de poursuivre les objectifs de la pseudoscience de physionomie qui
essayait malencontreusement de démontrer une corrélation réelle entre critères physiques et
traits psychologiques d’un individu (Hartley, 2005). Largement infirmée par diverses études
scientifiques, cette croyance en une physionomie pourrait cependant elle-même être la
conséquence de la physionomie naïve que nous cherchons à étudier. Il en va de même des
préjugés sur un individu inconnu après une très brève exposition ou rencontre.
Poursuivant ce but, Oosterov et Todorov ont identifié deux dimensions orthogonales de
confiance et de dominance (basées sur des variations sélectives de traits physiques)
universellement reconnues par les évaluateurs et suffisantes pour décrire l’évaluation de visages
émotionnellement neutres. En construisant un modèle de visages de synthèse exprimant avec
une intensité variée des traits jugés respectivement soumis ou dominants et dignes de confiance
ou indignes de confiance, ils ont démontré que plusieurs jugements sociaux et émotions (comme
la sympathie ou la peur) pouvaient être reproduits comme une fonction de ces deux variables
(Oosterhof & Todorov, 2008).
Sans préjuger de l’existence réelle de « traits physionomique de la dominance et de la
confiance », ce travail confirme l’existence de traits physionomiques inspirant universellement
les mêmes jugements sociaux. Cela constitue un argument pour l’existence de capacités
cognitives physionomiques issues de l’évolution.
13
Figure 1. Exemples de morphes modélisés par Oosterhov et Todorov. A gauche, le visage
présente un faible indice de confiance (-3) et un fort indice de dominance (+3). A droite, le
visage présente un fort indice de confiance (+3) et un fort indice de dominance (+2).
Lou Safra et Coralie Chevallier, membres de l’équipe de recherche, ont montré que les
jugements sociaux pouvaient être reproduits comme une fonction de ces deux dimensions
modulée par la motivation sociale de l’individu évaluateur. Ainsi en est-il du jugement de
sympathie. Quand les individus à forte motivation sociale sont autant sensibles aux dimensions
de dominance et de confiance, les individus à faible motivation sociale prennent
significativement moins en compte la dimension de confiance.
14
4/PROCESSUS COGNITIFS DE PHYSIONOMIE SOUS TENDANT LE JUGEMENT
SOCIAL DANS L’AUTISME.
Le paradigme évolutionniste et l’étude des processus inconscients de physionomie naïve
pourraient contribuer à améliorer la compréhension des atypicités du fonctionnement cognitif
des troubles du spectre autistique (TSA).
En effet, un déficit en motivation sociale pourrait être une des causes intervenant dans le
développement de l’autisme et du déficit de théorie de l’esprit (Chevallier et al., 2012). Les
personnes autistes montrent des difficultés significatives à la recherche, au maintien du lien et
au plaisir social. Le déficit dans l’acquisition de la théorie de l’esprit pourrait être la
conséquence d’anomalies précoces de l’exposition sociale liées à une motivation sociale
défaillante. Il semble en effet que des déficits d’orientation sociale puissent être mesurés à un
âge très précoce du développement (6 mois), c’est-à-dire à un âge du développement où aucun
déficit de lecture mentale n’a pu être démontré (Elsabbagh, Mercure, et al., 2012).
De plus, diverses atypicités cognitives dans le traitement cognitif des informations faciales ont
été mises en exergue par des précédents travaux. Les autistes montrent des difficultés à la
compréhension des émotions (peur, colère, joie) véhiculées par les visages (Braverman, Fein,
Lucci, & Waterhouse, 1989). La connectivité des réseaux amygdaliens et fusiformes, impliqués
dans la lecture faciale, est moindre lors de l’exposition à des visages (Schultz et al., 2003)
(Schultz, 2005). Les participants autistes portent une attention moindre aux régions oculaires
des visages et davantage à des régions atypiques. D’autres études affirment que les autistes ne
montrent aucune différence de catégorisation sociale, d’usage des stéréotypes sociaux (White,
Hill, Winston, & Frith, 2006). Dans une étude menée avec des ressources méthodologiques
15
proches des nôtres, les autistes montrent une différence dans la reconnaissance de la sympathie
lorsque les stimuli utilisés sont des morphes mais pas des visages photographiés (Forgeot d’Arc
et al., 2014). D’autres résultats suggèrent que le autistes portent un jugement différent sur des
visages lorsqu’on leur demande s’ils sont dignes de confiance (Adolphs, Sears, & Piven, 2001).
Ces résultats parfois contradictoires posent des problèmes d’interprétation irrésolus à ce jour et
ne s’intègrent pas dans une perspective neuro-développementale (Happé & Frith, 2014) et de
prise en compte de la motivation sociale.
L’hypothèse gouvernant notre étude est que le déficit de motivation sociale pourrait au cours
du développement modifier les processus inconscients de physionomie naïve dans l’autisme.
Considérant ces perspectives théoriques et les résultats des précédents travaux :
-La perception, le traitement des indices physionomiques de « dominance » et de « confiance »,
le jugement de « confiance » et de « dominance » pourraient être modifiés dans l’autisme et
lorsqu’il existe un déficit de motivation sociale
-Il devrait exister un déficit significatif de motivation sociale dans la population autiste.
-Comme dans la population neurotypique adulte, le déficit de motivation sociale devrait majorer
l’impact de la dimension de dominance et diminuer l’impact de la dimension de confiance dans
la formation du jugement de sympathie.
16
II – MATERIELS ET METHODES :
1/ Population de l’étude :
L’objectif du protocole expérimental est l’étude et la comparaison du fonctionnement des
processus cognitifs de physionomie à l’adolescence chez des individus aux phénotypes
autistique et neurotypique.
Nous avons donc constitués deux groupes de participants aux caractéristiques distinctes :
« Adolescents TSA + » et « Adolescents TSA - ».
Le groupe « Adolescents TSA + » a été constitué par des adolescents de 12 à 17 ayant reçu le
diagnostic d’autisme. Les diagnostics retenus étaient les suivants : syndrome autistique selon
les critères du DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), (American
Psychiatric Association, 2000) syndrome d’Asperger selon le DSM-IV, syndrome autistique
selon le DSM-V (APA, 2013). La concordance de ces diagnostics avec les résultats aux échelles
ADI ® (Autism Diagnostic Interview) et ADOS ® (Autism Diagnostic Observation Schedule)
était nécessaire lorsque ces tests aveint été effectués. Leur passation n’était pas un pré-requis
absolu car cela aurait eu pour conséquence de limiter largement les effectifs. En raison des
contraintes de faisabilité de l’expérience, un QI > 70 était un critère nécessaire à l’inclusion.
Pour recruter ces participants, nous avons mis à profit une collaboration entamée l’année passée
entre l’équipe Cognition Sociale du Laboratoire de Neurosciences Cognitives (LNC) et le
service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’Hôpital Robert Debré. Au sein des
17
différentes unités fonctionnelles du service, nous avons plus particulièrement bénéficié de la
collaboration de l’unité de recherche clinique.
L’ensemble de ces adolescents est actuellement suivi dans le service ou l’a été par le passé. Ce
suivi a pu être réalisé en consultation ambulatoire ou lors d’une hospitalisation. Il a consisté en
une prise en charge psychiatrique, psychothérapeutique individuelle ou groupale, éducative, de
rééducation orthophonique ou psychomotrice. Pour certains, la prise en charge a pu associer
plusieurs espaces thérapeutiques. Parfois, le relai a été transmis à une autre structure (Centre
Médico-Pédagogique, autre service hospitalo-universitaire) ou à des professionnels de santé
libéraux. La qualité de l’alliance thérapeutique entre les patients, leurs familles et le service a
grandement favorisé leur participation à notre protocole.
Le répertoire des participants aux activités de recherche biomédicale actuelles ou passées de
l’unité a ainsi été porté à notre disposition. L’état civil des participants, le diagnostic
psychiatrique retenu, et les coordonnées des parents y figurant ont permis une première préinclusion et la prise de contact. Ces informations ont été complétées par la recherche des
diagnostics retenus pour les participants. Les dossiers médicaux, les comptes rendus
d’hospitalisation, les échelles d’évaluation (ADOS et ADI) ont été utilisées. Les QI ont été
également consignés.
Cette première évaluation a permis la pré-inclusion de 40 participants potentiels, soumise à
l’avis des membres de l’unité de recherche clinique. Les familles de 3 participants n’ont pas été
contacté à leur demande pour des raisons diverses (familles trop sollicités, état conflictuel des
relations entre la famille et le service, etc.). 37 familles ont été contactées par téléphone. 21
participants, dont les parents avaient donné leur consentement à la participation et répondant
18
aux critères d’inclusion, ont finalement été inclus. 3 ont été exclus en raison de de diagnostics
manquants ou erronés
Le groupe « adolescents TSA - » a été constitué par des adolescents de 12 à 17 ans n’ayant
jamais reçu le diagnostic d’autisme. Comme pour les participants inclus dans le premier groupe,
un QI > 70 était requis pour l’inclusion.
Pour recruter ces participants, nous avons contacté plusieurs établissements de la région Ile de
France par différents moyens : contact direct avec l’administration, contact avec des
enseignants de notre entourage, contact avec des enseignants d’établissement ou étaient
scolarisé des élèves de notre entourage. Nous avons finalement mis en place une collaboration
avec le Lycée et Collège Public Rabelais, situé à Meudon (Hauts de Seine), seul établissement
dont la direction a donné son accord à notre présence.
Des demandes d’autorisation parentale ont été distribuées à la moitié des classes de la sixième
à la première. Parmi les élèves ayant rendu ces autorisations, nous avons sélectionné de manière
aléatoire un panel d’élèves répondant grossièrement aux exigences d’appariement sur l’âge et
le sexe et dont le calendrier scolaire permettait la passation des tâches. 22 participants contrôle
ont finalement été inclus.
Pour l’ensemble des participants, des critères d’exclusion susceptibles de favoriser des biais
méthodologiques ont été fixés.
19
Les troubles psychiatriques aigus ou chroniques, les affections chromosomiques, métaboliques,
neurologiques, susceptibles de biaiser l’attribution des résultats aux phénotypes neurotypique
ou autistique ont été systématiquement recherchés.
Pour les participants du groupe « adolescents TSA + », ces antécédents ont été recherchés dans
les dossiers médicaux, comptes rendus d’hospitalisation et de consultation et dans les échelles
de dépistage utilisés par l’équipe de recherche. En particulier, il était prévu d’exclure les
participants présentant un diagnostic clinique d’ « épisode dépressif majeur » ou de diagnostic
de dépression retrouvé à l’aide de l’échelle pédiatrique MDI-C (Test MDI-C- ECPA). En effet,
les participants déprimés présentent des troubles de l’éprouvé global du plaisir susceptibles de
biaiser l’évaluation de la motivation sociale.
Pour les participants du groupe « adolescents TSA - », ces antécédents ont été recherchés auprès
des parents, des enseignants et du médecin scolaire. De plus, ma qualification de psychiatre a
été mise à profit par un recueil des impressions cliniques subjectives à l’issue de la passation
des tests. Cette évaluation psychiatrique toutefois sommaire, aurait pu être idéalement
complétée d’un entretien clinique, d’un entretien semi-structuré ou de la passation d’échelles
de dépistage. Des contraintes de temps et l’absence d’autorisation de la pratique médicale en
milieu scolaire ont entravé cette exigence de rigueur.
Aucun participant présentant de telles comorbidités n’a été exclu.
20
Participants groupe TSA + Participants groupe TSA INCLUSION
Age chronologique (ans)
12-17
Niveau de fonctionnement > 70
12-17
> 70
intellectuel (score QI)
Diagnostic
Autisme
Pas d’autisme
Troubles du Spectre
Autistique
Syndrome d’Asperger
EXCLUSION Antécédents Psychiatriques
Antécédents Médicaux
Schizophrénie précoce
Schizophrénie précoce
Traumatisme crânien
Traumatisme crânien sévère
sévère
Phénylcétonurie, Sclérose
Phénylcétonurie, Sclérose
Tubéreuse de Bourneville,
Tubéreuse de Bourneville, Trisomie 21
Trisomie 21
Syndrome de l’X Fragile
Syndrome de l’X Fragile
Syndrome de Turner
Syndrome de Turner
Autres pathologies
Autres pathologies
chromosomiques
chromosomiques
Affections
actuelles
psychiatriques Episode Dépressif Majeur
Trouble Anxieux
Episode Dépressif Majeur
Trouble Anxieux Généralisé
Généralisé
Tableau 1. Critères d’inclusion et d’exclusion des groupes TSA + et TSA-
21
2/ Tâche expérimentale
Dans la continuité du travail de Lou Safra, la tâche expérimentale a été élaborée avec l’aide
d’une batterie de visages de synthèses (ou morphes) issus du modèle en 2D d’évaluation des
visages par Osterhoof et Todorov. Ce modèle repose sur la variation sélective de traits
physiques du visage suivant deux dimensions orthogonales qualifiées de dominance et de
confiance.
Ces dimensions ont été identifiées à l’aide d’analyses en composant principal des jugements
émis sur des visages émotionnellement neutres. Elles sont suffisantes pour la description d’un
visage. Puis à l’aide d’une évaluation statistique des données expérimentales, les dimensions
physiques de confiance et de dominance sur les visages ont été modélisées.
Trente morphes ont été sélectionnés parmi l’ensemble, avec une dispersion homogène dans les
deux dimensions. A chaque dimension, respectivement de dominance et de confiance, est
assignée une valence comprise entre -3 et +3. A titre d’exemple, le visage « +3,-3 » exprimera
une très forte dominance et une très faible confiance.
22
Figure 2. Distribution des morphes dans les deux dimensions orthogonales de dominance et
de confiance. Pour les besoins de l’étude, les valences assignées aux visages ont été ramenées
à un intervalle [-3, +3]
L’expérience est réalisée dans un lieu calme, bureau ou espace ouvert calme protégé par des
auvents, où seuls sont présents l’expérimentateur et le participant. Elle nécessite un moniteur
portable avec écran et clavier comme interface avec le participant.
La tâche expérimentale a été programmée à l’aide du logiciel E-PRIME ®. Elle est constituée
de trois sous-tâches distinctes proposées dans un ordre aléatoire. Chaque sous-tâche utilise des
stimuli identiques, à savoir les trente morphes sélectionnés. Les sous-tâches sont structurées
23
d’une manière similaire. Chaque visage est exposé sur l’écran au participant pendant 2
secondes. Après chaque exposition d’un visage, il est demandé au participant de remplir une
échelle visuelle analogique chiffrée de 1 à 9. Cette notation permettre de quantifier le jugement
porté par l’expérimentateur sur le morphe. Le jugement étudié diffère suivant la sous tâche : il
est respectivement demandé au participant d’évaluer le degré de dominance, de confiance et de
sympathie. Les questions posées sont les suivantes : « A quel point trouvez-vous ce visage
dominant ? », « A quel point trouvez-vous ce visage digne de confiance ? », « A quel point
trouvez-vous ce visage sympathique ? ». L’échelle visuelle analogique est composée des neuf
chiffres disposés horizontalement sur l’interface. Le participant doit cliquer sur le chiffre
correspondant à son choix. Le curseur est placé initialement sur le chiffre 5 pour ne pas biaiser
l’évaluation. Il est demandé au participant de distribuer la notation sur l’ensemble des valeurs
entre 1 et 9 dans la mesure de ses choix. Aucune contrainte de temps n’est prévue pour
l’évaluation du jugement.
24
Figure 3. Interface proposée au participant. Après une fixation d’une seconde, un visagestimulus apparait à l’écran pendant deux secondes puis disparaît. Lorsque l’interface de
réponse apparait, le participant clique à l’aide du pointeur numérique sur le chiffre
correspondant à sa réponse.
3/ Mesure de la motivation sociale
L’échelle d’anhédonie sociale pour enfants et adolescents (Social Anhedonia Scale) est une
échelle validée et largement utilisée (Kazdin, 1989). Originellement anglo-saxonne, elle est
traduite et validée pour un usage en langue française (Perot et al., 1999). Elle consiste en un
hétéro-questionnaire soumis au participant par l’expérimentateur. Les 39 items, spécialement
adaptées à l’enfance et à l’adolescence, explorent une variété de plaisirs sociaux, sensoriels,
physiques, ludiques, de réputation et d’estime de soi. A chaque situation imaginaire soumise au
jugement du participant, celui doit choisir l’appréciation la plus adaptée : « Plaisant »,
25
« Plaisant », « Pas plaisant ni déplaisant ». Ils permettent de recueillir un score d’Anhédonie
Physique, d’Anhédonie Sociale, et d’Anhédonie Autre. Nous utiliserons dans le protocole le
score d’Anhédonie Sociale et l’assimilerons à la mesure de la motivation sociale (se reporter au
chapitre « Discussion » pour la justification de cette démarche).
4/ Mesure du Quotient Intellectuel
Les participants du groupe « TSA + » ayant réalisé des tests de QI au cours de précédents
protocoles, leurs résultats ont été extraits de la banque de données fournie par le service (échelle
WISC IV® - Wechsler Intelligence Scale for Children).
Les participants du groupe « TSA - » ont passé quatre modules de l’échelle WISC IV : matrices
de Raven, épreuve des symboles, épreuve des similitudes, épreuve des séquences lettres et
chiffres. A partir des scores à ces épreuves, l’équivalent du QI total a été calculé d’après une
formule validée pour en donner une évaluation satisfaisante (Grégoire, 2006).
5/ Vérification de la cohérence des données expérimentales
Deux participants ont été exclus en raison d’un problème technique pendant la réalisation de la
tâche.
Aucun participant ayant fourni des données incohérentes au regard de plusieurs critères fixés
en amont n’a dû être exclu :
-aucun participants n’a été exclu pour avoir répondu trop rapidement (200 ms) afin d’éviter des
durées perceptives trop basses pour avoir permis un traitement cognitif ou trop élevées et ayant
fait appel à des processus cognitifs autre que les premières impressions.
-aucun participant n’a été exclu en raison d’un taux de réponse insuffisant.
26
-aucun participant n’a été exclu en raison d’une distribution insuffisante de la variance des
réponses, qui implique des réponses stéréotypées à l’excès.
-aucun participant n’a été exclu pour des réponses témoignant de leur incompréhension des
consignes risquant de biaiser les résultats (aucune réponse au-dessus ou en dessous de la note
moyenne 5, utilisation exclusive de la note minimale 1 et de la note maximale 9).
6/ Prétraitement des données expérimentales
Les données utilisées pour le traitement statistique sont les suivantes :
-« indices de physionomie » de confiance et de dominance = valence a priori des dimensions
de confiance et de dominance assignés aux visages modélisés (entiers relatifs compris entre -3
et +3)
-«jugement de sympathie », «jugement de confiance » et « jugement de dominance » par
quantification expérimentale (entiers entre 1 et 9)
-« anhédonie sociale » : somme des items du questionnaire de Kazdin relatifs à l’anhédonie
sociale
-« autisme » : variable binaire de 1 (diagnostic d’autisme) et 0 (pas de diagnostic d’autisme)
On parlera d’indices physionomiques positifs de confiance ou de dominance pour des indices
qui favorisent le jugement de confiance et de dominance et d’indices physionomiques négatifs
de confiance ou de dominance pour des indices qui favorisent le jugement de défiance et de
soumission.
27
D’une importance plus secondaire, l’« anhédonie physique », l’« anhédonie autre », et
l’« anhédonie totale (somme des trois scores) ont été calculés selon le même procédé.
L’ensemble de ces données a été traité par transformations affines et redistribué entre -1 et 1
pour favoriser la comparabilité et l’analyse statistique.
7/ Analyses statistiques
La réalisation d’un appariement permettra l’augmentation de la puissance de notre étude et
d’éviter l’attribution des différences entre les deux groupes à des biais de composition des
groupe. Avant toute analyse 16 sujets témoins parmi les 22 inclus ont été choisis pour être
appariés sur l’âge, le sexe et le QI aux 16 sujets autistes inclus. La significativité statistique de
cet appariement a été mis à l’épreuve du test t de Student.
Un test T de Student a ensuite été réalisé pour mesurer la différence de motivation sociale entre
les groupes.
Des régressions linéaires simples ont été utilisées pour mesurer l’impact global de la motivation
sociale sur l’évaluation des trois jugements sociaux testés (dominance, confiance et sympathie).
La significativité statistique était mise à l’épreuve de tests t de Student.
Le même test a été utilisé pour mesurer l’impact du phénotype autistique sur ces trois jugements
sociaux.
28
Des régressions linéaires simples ont été utilisées pour étudier la sensibilité aux indices
physionomiques de dominance dans la formation du jugement social de dominance, et la
sensibilité aux indices physionomiques de confiance dans la formation du jugement social de
confiance.
Ensuite, un modèle mixte de régression linéaire multiple a été utilisé pour mesurer les
interactions fines entre motivation sociale, indices physionomiques de dominance et de
confiance et jugement social de sympathie. Il a été utilisé également pour étudier les interactions
entre autisme, indices physionomiques de dominance et de confiance et jugement social de
sympathie.
Dans ce modèle, le jugement social est implémenté de la manière suivante :
Sympathie : b0
+βC*Confiance(indices)
+bD*Dominance(indices)
+bAS.*Anhédonie Sociale
+bC.D*Confiance(indices)*Dominance(indices)
+bC.AS*Confiance(indices)*Anhédonie Sociale
+bD.AS*Dominance(indices)*Motivation Sociale
+bC.D.AS*Confiance(indices)*Dominance(indices)*Anhédonie Sociale
+π+ε
et
29
Sympathie : b0
+bC*Confiance(indices)
+bD*Dominance(indices)
+bA*Autisme
+bC.D*Confiance(indices)*Dominance(indices)
+bC.A*Confiance(indices)*Autisme
+bD.A*Dominance(indices)*Autisme
+bC.D.A*Confiance(indices)*Dominance(indices)*Autisme
+π+ε
Avec b0 l’ordonnée à l’origine, bX le coefficient associé à chaque facteur de régression choisi,
π l’ordonnée à l’origine aléatoire spécifique à chaque sujet et ε l’erreur résiduelle. Le jugement
social de sympathie est dans ce modèle modulé par les indices physionomique de dominance et
de confiance, par la motivation sociale et par les interactions réciproques de ces facteurs.
Enfin, un modèle mixte équivalent de régression linéaire multiple a été utilisé pour mesure les
interactions fines entre motivation sociale, jugement social de dominance, jugement social de
confiance et jugement social de sympathie.
III - RESULTATS :
L’appariement réalisé a permis de constituer deux groupes comparables. Ainsi, les deux
groupes ne montrent pas de différence significative sur le sexe (dans les deux groupes, 17 sujets
dont 82,3% de garçons (n=13) et 17,7 % de filles (n=4)). Cette asymétrie de genre correspond
30
globalement au ratio masculin de 4:1 de l’autisme retrouvé dans les études épidémiologiques.
On ne trouve ni différence d’âge (âge moyen TSA+ : 14.41, TSA- : 13.76, p= 0.29) ni différence
de QI entre les deux groupes (TSA+ : 105.12, TSA- : 105.71, p= 0.92).
Groupe TSA +
Groupe TSA -
Recrutement
Hôpital Robert Debré
Collège et Lycée Rabelais
Effectif total
N==17
N=17
Effectif masculin
N=13 (82,3%)
N=13 (82,3%)
Age minimum et maximum
[12,3-17]
[12,2-16,6]
Age moyen
14.41
13.76
QI moyen
105.1
105.7
Tableau 2. Caractéristiques des participants inclus dans l’étude
Les résultats concernant la différence de motivation sociale répliquent en partie ceux des
précédentes études. On mesure un score d’anhédonie sociale plus élevé dans le groupe TSA+
(36.11) que dans le groupe TSA- (31.35) de manière significative (p= 0.01). Cette différence
n’est pas retrouvée en terme d’anhédonie physique (TSA+ : 14.29 contre TSA- : 12.76, p=0.01)
mais nous mesurons également une légère diminution d’anhédonie autre (non physique, non
sociale) (TSA+ : 22, TSA- : 17, p=0.04). Il est probable que cette différence soit expliquée par
l’hétérogénéité caractérisant la catégorie des plaisirs « autres ». En effet, on y retrouve autant
des plaisirs ludiques ne relevant pas des plaisirs physiques ou sociaux (« Un samedi soir, tu
restes éveillé en regardant la télévision aussi longtemps que tu le souhaites », « Ton chien a
réussi à apprendre le nouveau tour que tu essayes depuis longtemps de lui enseigner ») que des
31
plaisirs liés à l’éprouvé d’une fierté, d’une réussite, et d’une bonne estime de soi (« c’est la
dernière minute du match de football et tu marques un but », « tu gagnes le premier prix à un
concours organisé dans ton école »). Cette dernière gamme de plaisir s’apparente au plaisir
social puisqu’elle implique la réussite aux yeux d’un tiers.
Le score globale d’anhédonie est plus élevé chez les adolescents autistes (TSA+ : 72.41, TSA- :
63.12, p=0.01).
Figure 4. Différence des scores d’anhédonie entre les groupes TSA+ et TSA-. Les résultats
significatifs sont surmontés d’une *.
L’anhédonie sociale n’a pas d’influence simple significative sur le jugement social. En effet,
les analyses en régression linéaire simple ne montrent pas d’interaction simple avec le jugement
subjectif de sympathie (bAS=-0.01 +/-0.01), t(32) = -0.71, p= 0.48. On ne retrouve pas non plus
d’effet sur le jugement subjectif de dominance (bAS=10^-5), t(32)= 0.01, p=0.99 ou sur le
jugement subjectif de confiance (bAS=-0.01 +/- 0.01), t(32)=-0.68, p=0.50.
32
L’autisme diminue la propension des sujets à juger un visage dominant (bA=-0.15+/-0.07),
t(32)= -2.04, p=0.04. A contrario, aucun effet significatif n’est retrouvé sur le jugement de
sympathie (bA=-0.08 +/- 0.05), t(32)= -1.59, p=0.12 ou sur le jugement de confiance (bA=-0.06
+/-0.052), t(32)= -1.29, p=0.21.
Si l’anhédonie sociale et l’autisme n’ont pas d’effet simple systématique sur les jugements
sociaux, ils ont un effet sur la variance de l’évaluation de ces jugements. Une diminution de la
variance autour du score moyen montre une diminution de la prise en compte des indices
extrêmes, une augmentation montre une meilleure prise en compte des indices extrêmes. On
peut ainsi affirmer que nos analyses permettent de mesurer la sensibilité aux indices de
confiance et de dominance pour former respectivement, le jugement de confiance et de
dominance.
Conformément au modèle développé par Oosterhoof et Todorov, plus les indices
physionomiques de dominance seront élevés (c’est-à-dire plus les traits saillants de dominance
seront accentués), plus le visage sera jugé par les individus comme dominant. Le même principe
est observé pour la confiance. Ces résultats confirment la pertinence du modèle développé par
ces deux auteurs pour former des visages de synthèse inspirant universellement ces jugements
sociaux (Oosterhof & Todorov, 2008).
On observe que le phénotype autistique conduit les individus à être moins sensibles aux indices
de dominance (-0.09
+/-
0.01), t(202)= -5.47, p=0.01, mais pas aux indices de confiance (-
0.023+/-0.01), t(202)= -1.48, p=0.14. Concernant l’anhédonie sociale, on observe que celle-ci
diminue légèrement la sensibilité aux indices de confiance (-0.01+/-0.01), t(202)=-4.17, p=0.01
comme de dominance (-0.01 +/- 0.01), t(202)= -4.33, p=0.01.
33
Les analyses par régression linéaire multivariée mettent en évidence que les indices
physionomiques positifs de confiance du visage ont une interaction positive avec le jugement
de sympathie attribué au même visage (bC=0.54+/-0.026), t(980)= 20.77, p=0.01 alors que les
indices positifs de dominance influent négativement sur le jugement de sympathie (bD=-0.14
+/-0.03), t(980)= -5.76, p=0.01. Ces résultats répliquent ceux des précédents travaux
d’Osterhoof et Todorov et de Safra et Chevallier.
On observe de manière significative une double interaction négative entre anhédonie sociale et
indices physionomie de confiance d’une part et jugement de sympathie de l’autre (bAS.C-0.01+/0.01), t(980)=- 4.15, p=0.01. On ne retrouve pas d’interaction entre anhédonie sociale, indices
de dominance et jugement de sympathie. Or on sait que les indices positifs de confiance
favorisent le jugement positif de sympathie. Cela signifie donc que lorsque l’anhédonie sociale
est forte, les indices physionomiques de confiance sont moins pris en compte dans la formation
du jugement de sympathie que lorsque l’anhédonie sociale est faible. Les indices de dominance
sont alors proportionnellement favorisés. Une nouvelle fois, ces résultats répliquent ceux des
études précédentes.
De la même manière, on retrouve une double interaction positive entre phénotype autistique et
dominance et sympathie (bA.D = 0.171+/-0.035), t(980)= 4.81, p=0.01 sans interaction
significative entre autisme, confiance et sympathie. De cela suit que les indices de dominance
sont moins pris en compte par les patients autistes, qui favorisent proportionnellement plus les
indices de confiance.
34
IV- DISCUSSION :
Tout d’abord, nous proposerons une synthèse des résultats de notre étude et un modèle des
processus cognitifs intervenant dans la formation du jugement social.
Il conviendra ensuite de mettre ces résultats en perspective. Cela se traduira dans un premier
temps par une réflexion critique sur la réduction méthodologique de la réalité de l’autisme et
de la motivation sociale. En filigrane s’imposera alors la nécessité d’élaborer un paradigme
méthodologique idéal neuro-développemental et dynamique de l’autisme.
D’autres biais méthodologiques et insuffisances de l’étude seront ensuite explicités.
Enfin, nous tenterons de mettre en évidence la place du cadre épistémologique de la psychologie
évolutionniste dans notre démarche.
1-SYNTHESE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
Rappelons que notre étude se donne l’ambition d’émettre des hypothèses sur les processus
cognitifs sous tendant la formation du jugement social de sympathie. Elle étudie plus
particulièrement les opérations de physionomie naïve y contribuant et stipule l’hypothèse de
différences dans ses opérations suivant le phénotype autistique ou neurotypique des participants
et leur niveau de motivation sociale. L’hypothèse que ces variables puissent influencer le
jugement social est d’une part héritée de résultats expérimentaux montrant des différences dans
l’évaluation sociale chez des individus autistes (Adolphs et al., 2001) et de différences dans
l’évaluation sociale en fonction du niveau de motivation sociale des individus. Elle s’inscrit
d’autre part dans la continuité de la théorie du déficit de motivation sociale dans l’autisme.
35
Nous schématiserons le jugement social des participants à notre étude comme un processus
cognitif à trois étapes :
1/ perception des indices physionomiques sur le visage-stimulus
2/traitement cognitif des indices physionomiques
3/jugement de sympathie formé à partir des indices physionomiques
A chaque étape, nous étudierons l’influence de la motivation sociale et de l’autisme.
Avant tout, il convient de noter que de manière identique aux études déjà menées, les autistes
possèdent d’après nos résultats un déficit de motivation sociale. L’observation réitérée de cette
corrélation ne permet pas toutefois d’affirmer la causalité du déficit de motivation sociale dans
le développement de l’autisme, ce à quoi nous reviendrons dans le prochain paragraphe.
A l’étape de la perception des indices, la motivation sociale et l’autisme ont des effets différents.
Ces effets sont étudiés grâce à la comparaison des valences objectives de dominance et de
confiance et de l’évaluation subjective de ces dimensions d’après le modèle expérimental
d’Oosterhoof et de l’évaluation subjective de ces dimensions par les participants. Bien que l’on
n’observe pas de de différence significative systématique entre valences objectives et
évaluation subjective, on met en évidence une diminution significative de la variance des scores
de dominance et de confiance chez les individus autistes ou à faible motivation sociale. Cela
montre que les indices extrêmes de dominance et de confiance ne sont pas pris en compte par
ces participants ou dans d’autres termes qu’il existe chez ces individus un lissage dans
l’évaluation de la dominance ou de la confiance. On peut ainsi en conclure à une baisse de
sensibilité aux indices physionomiques.
36
D’après nos résultats, le déficit de motivation sociale entraîne une baisse de la sensibilité des
individus aux indices physionomiques de confiance et de dominance. L’autisme entraine une
baisse de sensibilité aux indices de dominance mais pas aux indices de confiance.
Concernant le traitement cognitif des indices physionomiques au cours du jugement social de
sympathie, les effets de l’autisme et de la motivation sociale varient également.
Ces effets sont déduits des interactions entre facteurs indépendants d’un modèle d’évaluation
de la sympathie analysé en régression linéaire multiple. Le jugement de sympathie y est exprimé
en fonction des indices de dominance/confiance et de l’anhédonie sociale ou de l’autisme.
On met alors en évidence que le déficit de motivation sociale diminue l’impact des indices de
confiance dans le jugement de sympathie et que l’autisme diminue l’impact des indices de
dominance. Logiquement, le poids de la dimension non affectée croit proportionnellement.
La troisième étape de notre modèle est l’occasion de nouvelles interactions.
Le déficit de motivation sociale ne modifie pas la sympathie évaluée par les participants à partir
d’indices physionomiques identiques. Les jugements subjectifs de confiance et de dominance
ne sont pas affectés non plus.
L’autisme n’a pas d’effet sur le jugement de sympathie. A contrario, il a un impact négatif sur
le jugement de dominance mais ne modifie pas le jugement de confiance.
Nous pouvons accepter provisoirement les conclusions suivantes avant d’en discuter certains
aspects dans les paragraphes suivants.
Premièrement, les traits physionomiques des visages influencent les jugements sociaux portés
par un individu sur un tiers. Le jugement de sympathie est l’un de ceux-ci. D’après le modèle
37
d’Oosterov et Todorov, deux dimensions physionomiques sont majoritairement prises en
compte et se modulent mutuellement: la dominance et la confiance.
Deuxièmement, l’influence des indices de dominance et de confiance dans la formation du
jugement de sympathie est modulée par deux facteurs.
Le déficit de motivation sociale diminue le poids des indices de confiance et majore par défaut
le poids des indices de dominance. L’autisme diminue le poids des indices de dominance et
majore par défaut le poids des indices de confiance.
Troisièmement, on retrouve un déficit de motivation sociale dans l’autisme. Ce déficit de
motivation sociale n’est pas isolé puisque d’autres domaines de l’éprouvé hédonique semblent
également atteints d’après nos résultats.
Quatrièmement, au vu des effets divergents de la motivation sociale et de l’autisme, la théorie
du déficit de motivation sociale dans l’autisme n’explique pas à elle seule l’altération du
jugement social. Il pourrait cependant être un facteur parmi d’autres expliquant cette altération.
2- MESURE T’ON VRAIMENT LA MOTIVATION SOCIALE?
L’échelle d’anhédonie sociale pour les enfants est un instrument clinique et de recherche
permettant de quantifier le déficit hédonique dans trois secteurs : le plaisir physique, le plaisir
social et le plaisir autre. Durant nos développements, nous avons assimilé anhédonie sociale et
motivation sociale sans en discuter la pertinence.
38
La motivation sociale, dans l’acception qu’en retiennent les théoriciens de son déficit dans
l’autisme, est caractérisée par un ensemble de dispositions cognitives et de mécanismes
biologiques orientant les individus vers la recherche et le maintien de lien sociaux. Elle est
considérée comme un facteur causal du développement de processus cognitifs sociaux au cours
du développement précoce (Chevallier et al., 2012). D’après ces auteurs, elle est sous forte
influence génotypique bien que son degré d’héritabilité n’ait jamais été mesuré. Cela est
probablement expliqué par le fait que sa définition comme ses contours restent vagues. La
motivation sociale est en effet un concept plus qu’un phénotype mesurable et quantifiable. Pour
approximer sa quantification, il est nécessaire de faire appel à des dimensions phénotypiques
plus précises et identifiables, comme le plaisir social.
D’un point de vue sémantique ou logique, ces notions ne sont pourtant pas identiques. Selon le
CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales), la motivation psychologique
est « l’ensemble des facteurs dynamiques qui orientent l'action d'un individu vers un but donné,
qui déterminent sa conduite et provoquent chez lui un comportement donné ou modifient le
schéma de son comportement présent ». Le plaisir est quant à lui « l‘état affectif agréable,
durable, que procure la satisfaction d'un besoin, d'un désir ou l'accomplissement d'une activité
gratifiante ». Le plaisir est ainsi un état affectif n’impliquant pas nécessairement une capacité
ou une disposition à l’action contrairement à la motivation. Le plaisir social pourrait être, parmi
d’autres, un facteur de motivation aux interactions sociales. La motivation sociale pourrait
développer un besoin, source de plaisir lorsqu’il est satisfait.
D’un point de vue neurobiologique, on sait cependant que la dopamine est un neuromédiateur
utilisé à la fois dans les circuits neuronaux de la motivation et du plaisir, principalement dans
les aires dopaminergiques méso-limbiques et cortico-frontales (Love, 2014).
39
Du point de vue de la clinique neurologique et psychiatrique, les notions sont connexes mais
pas identiques. Les symptômes conatifs d’aboulie, de manque d’envie et d’initiative d’une part
et les symptômes hédoniques comme le manque de plaisir ou le déplaisir sont souvent affectés
par les mêmes affections, que ce soit la dépression, la schizophrénie dans sa forme déficitaire,
ou le syndrome parkinsonien mais ne le sont pas nécessairement conjointement ou de manière
synchrone (Guelfi, & Rouillon, 2012). Bien que le plaisir soit vécu subjectivement comme un
levier de l’action, il existe de nombreux cas ou le manque de plaisir n’entraîne pas
nécessairement de manque de motivation. La motivation puise alors ses ressources dans
d’autres registres, celui du devoir ou de l’obligation par exemple. Rien ne permet d’affirmer
que les corrélats neurobiologiques et cognitifs de cette gamme d’actions humaines soient
identiques à ceux du plaisir social.
On pourra arguer que ces considérations subjectives, empiriques et cliniques relatives à la
motivation s’éloignent du concept scientifique de motivation sociale. Mais elles sont utiles,
faute de pouvoir identifier précisément ce que dénomme celui-ci : facteur causal impliqué dans
le développement de l’autisme dont il resterait à préciser l’ontologie cognitive et
neurobiologique ou simple vocable issu de la psychologie naïve ?
Il n’existe ni connaissance fine des corrélats neurobiologiques de la motivation sociale, ni outil
d’évaluation phénotypique validé. Faute de cela, nous devons recourir à une réduction
ontologique et méthodologique de la motivation sociale au plaisir social engendrant une
certaine approximation. Cette réduction est fréquente lorsque la complexité logique,
linguistique et pratique d’une notion dépasse la capacité de corrélation avec un état cérébral.
Elle est source de débats épistémologiques au sein comme au dehors des institutions
40
scientifiques et philosophiques des sciences cognitives. Il nous semble que cette réduction doit
être assumée car elle permet l’accumulation de connaissances scientifiques. Bien que n’ayant
pas un niveau de preuve évident et pouvant être parfois de bon droit taxées de spéculatives, ces
connaissances scientifiques peuvent déboucher sur l’élaboration future d’hypothèses
fructueuses. Elles permettent également la complémentarité inter disciplinaire propre aux
sciences cognitives car la rencontre de notions psychologiques, biologiques ou cognitives se
fait souvent au prix de telles réductions. Il convient toutefois d’expliciter clairement le recours
à de telles réductions pour éviter les équivoques et favoriser le dialogue scientifique critique
avec les sciences pratiques et les autres disciplines voisines des sciences cognitives.
Dans le champ des troubles autistiques qui nous occupe, les hypothèses cognitives causales
concurrentes et complémentaires du déficit de motivation sociale et du déficit de théorie de
l’esprit ont toutes deux des interactions avec le plaisir social. Ainsi, quand bien même le déficit
de théorie de l’esprit serait lié à d’autres facteurs causaux que le déficit de motivation sociale,
il peut avoir pour conséquence une baisse du plaisir social. Faire l’expérience quotidienne d’un
handicap dans la compréhension des états mentaux d’autrui peut entrainer sans doute un
déplaisir social lié aux conséquences gênantes, douloureuses et aversives ressenties et vécues.
De cela découle que la quantification d’une anhédonie sociale chez les autistes est plus une
vérification statistique d’une évidence clinique qu’une preuve de la théorie de la motivation
sociale.
La méthodologie employée dans notre étude est insuffisante pour étudier l’autisme comme un
processus neuro-développemental dynamique. Elle fige l’expression de la motivation sociale
d’un individu à l’expression phénotypique du plaisir social à un âge avancé de son
développement. D’après la théorie de la motivation sociale, celle-ci est davantage une tendance
41
orientant le développement cognitif précoce. Son déficit dans l’autisme pourrait à la fois être
un des facteurs causaux du déficit de théorie de l’esprit et modifier la formation de jugements
sociaux par la modulation de l’intégration cognitive des indices physionomiques.
D’importantes difficultés conceptuelles liées à ce concept se posent dans son étude scientifique.
Dans l’analyse des corrélations statiques comme dans les inférences et modélisations qu’on tire
de celles-ci, il conviendrait donc de faire preuve de prudence dans l’emploi du vocabulaire et
de préférer le terme « anhédonie sociale » à celui de « déficit de motivation sociale ».
Cependant, conserver l’usage du terme « motivation sociale » permet d’expliciter le lien entre
niveau évolutionnaire ultime et niveau proximal de notre projet de recherche.
3-INFLATION METHODOLOGIQUE DU POIDS DES INDICES PHYSIONOMIQUES
DANS LA FORMATION DU JUGEMENT SOCIAL
Notre protocole a pour but de tester l’influence, en population autiste et neurotypique, du
traitement cognitif des indices physionomiques. A ces fins, nous avons choisi de présenter des
stimuli constitués par des morphes issus d’un précédent travail. Ce choix permet de minimiser
les autres facteurs impliqués dans la formation du jugement social. En effet, le visage est
artificiel, inanimé, aucun trait de personnalité n’est mis en avant, la situation de rencontre entre
l’évaluateur et le stimulus est neutre de tout antécédent, de tout contexte historique et narratif.
L’évaluation est brève, ce qui amoindrit le recours à l’imaginaire des participants. Une
méthodologie plus écologique ou le choix de photos comme stimuli aurait probablement
conduit à fortement diminuer ou à faire disparaitre le poids statistique des indices
physionomiques. Par exemple, la différence de jugement de sympathie entre autistes et
neurotypiques retrouvée lorsqu’ils évaluent un visage de synthèse disparait lorsqu’ils regardent
42
une photographie (Forgeot d’Arc et al., 2014). Cet artifice méthodologique nécessaire ne doit
pas conduire à sous-estimer l’influence de facteurs essentiels au jugement social, dans des
registres métacognitifs, déclaratifs ou conscients.
4-QU’APPELLE T’ON AUTISME ?
Dans notre étude, les participants inclus dans le groupe « Troubles du Spectre Autistique » sont
en réalité atteint d’une forme d’autisme spécifique, l’autisme de haut niveau ou syndrome
d’Asperger. Les personnes atteintes de ce diagnostic possèdent des troubles des interactions
sociales et de la communication mais ont un niveau intellectuel préservé (« Orphanet:
Syndrome d’Asperger »). Le terme « haut niveau » est ambigu car il pourrait laisser croire à un
niveau intellectuel supérieur à celui de la population globale alors qu’il est relatif à celui des
autistes déficitaires sur le plan intellectuel. Cela se vérifie dans notre étude puisqu’il n’existe
pas de différence significative de QI entre les deux bras de population. Les autistes de haut
niveau ont une prévalence d’1/2000 alors que l’autisme concerne soixante-deux personnes sur
dix mille (Elsabbagh, Divan, et al., 2012).
La catégorisation nosologique de l’autisme de haut niveau comme partie du continuum des
troubles du spectre autistique ou diagnostic indépendant n’est pas tranché et donne lieu à des
désaccords. Ces désaccords sont autant liés à la détermination ou non d’étiologies génoenvironnementales communes qu’aux conséquences idéologiques, pratiques et sociales
nombreuses liées à la nosologie qui en font un fait social complexe dépassant souvent les enjeux
scientifiques.
Au-delà des progrès dans l’origine causale et l’expression cognitive de ces troubles, les effets
de recherches en sciences cognitives sur la prise en charge psychosociale et médicale des
personnes atteintes d’autisme, sur leur intégration dans le corps social sont fréquemment sujets
43
à controverse. Ils mériteraient une analyse détaillée à part entière qui ne pourra faire partie de
notre étude.
Comme pour la majeure partie des recherches en sciences cognitives, les autistes présentant un
retard mental sont exclus en raison de l’impossibilité à effectuer les tâches requises qui
nécessitent un niveau intellectuel minimal. En effet, notre protocole présente pour prérequis la
compréhension de consignes à sémantique relativement complexe et une praxie gestuelle fine.
Il semble ainsi nécessaire d’indiquer en vue d’éviter des généralisations potentiellement
abusives et pour prévenir les controverses évoquées que la population inclue dans notre étude
est représentative de l’autisme de haut niveau et non de l’autisme en général. L’inclusion de
participants autistes avec retard mental nécessiterait des innovations méthodologiques
importantes.
5-AUTRES BIAIS METHODOLOGIQUES
A- Age des participants :
La population de notre étude se restreint à une population adolescente et pré-adolescente (12 à
17 ans).
Ce fait s’explique autant par des réalités d’organisation et de collaboration entre unités de
recherche que par des choix méthodologiques. En effet, un accord de collaboration unit depuis
cette année l’équipe de cognition sociale du Laboratoire de Neurosciences Cognitives et l’unité
de recherche clinique du service de Pédopsychiatrie de l’hôpital Robert Debré. Cette
collaboration s’inscrit dans le cadre d’un accord global délivré par le Comité de Protection des
Personnes aux activités de recherche clinique du service.
44
Cette organisation permet des facilités de recrutement évidentes. Les coordonnées des sujets et
de leur famille, précédemment inclus dans d’autres protocoles ont été mises à notre disposition.
Les diagnostics des patients sont posés par les psychiatres du service et complétés par la
passation d’échelles diagnostiques telles que l’ADI ou l’ADOS réalisées par les
neuropsychologues travaillant au sein de l’unité de recherche. Les participants et leurs familles
sont déjà sensibilisés à l’importance de la recherche biomédicale et aux contraintes que cela
peut leur imposer. Ces contraintes sont acceptables à leurs yeux en raison de la confiance qu’ils
accordent aux équipes soignantes du service. Nous avons pu mesurer tout au long de la
réalisation de notre projet combien cette confiance a facilité la prise de contact et favorisé leur
participation. L’aide que nous a apporté le service a permis la réalisation de notre étude et
l’inclusion d’un nombre de sujets relativement important dans un temps restreint au vu des
contraintes méthodologique lourdes liées aux projets de recherche biomédicale.
Il n’existe pas à ce jour de telle collaboration avec un service de psychiatrie adulte qui
permettrait l’inclusion de patients autistes adultes. Les tentatives passées de collaboration avec
des associations de personnes autistes ou de familles ne présentaient pas les mêmes avantages
logistiques et de communication que lors de la collaboration avec un service. Le choix de ne
pas inclure des enfants de moins de 12 ans était lié à la contrainte de développer des outils
adaptés à cet âge. Ces raisons expliquent l’âge des participants.
Au vu des différences cognitives de l’adolescence par rapport à l’âge adulte, il convient d’être
prudent quant à une hypothétique généralisation des résultats. En effet, bien que peu d’études
de cognition sociale n’aient été menées à ce sujet, on peut faire l’hypothèse que l’évaluation
de la dominance, de la sympathie et de la dignité de confiance ne sera pas la même à
l’adolescence qu’à l’âge adulte. En effet, la recherche d’appartenance à un groupe de
congénères du même âge comme la défiance de l’autorité sont connus par les cliniciens de
45
l’adolescence (Marcelli, Braconnier, & Gicquel, 2013). D’autres spécificités dans les
interactions sociales des adolescents sont également sensibles. Toutefois, rien n’indique que
ces différences soient liées à une évaluation physionomique des visages modifiée par rapport à
l’âge adulte.
B- Comorbidité du Trouble du Déficit Attentionnel et Hyperactivité (TDAH) et prise de
traitement psychostimulant
Parmi le groupe « TSA », 3 participants ont reçu le diagnostic de TDAH et reçoivent pour cette
raison un traitement par méthylphénidate. L’impact d’un tel diagnostic et d’un tel traitement
sur la cognition sociale est mal connu. Ce diagnostic est fréquemment co-morbide des troubles
autistiques et il présente des similitudes symptomatiques. Quelques biais potentiels (impulsivité
excessive) ont été exclus par notre protocole (exclusion des réponses trop rapides pour présager
d’un traitement cognitif satisfaisant). Les troubles de l’attention n’ont cependant pas été
recherché de manière synchrone à la passation des tâches (le diagnostic ayant été porté
rétrospectivement dans le groupe TSA et n’ayant pas été recherché dans le groupe contrôle) et
pourraient représenter un biais dans la perception des indices physionomiques.
C- Validité de l’échelle d’anhédonie sociale pour la population recrutée
A notre connaissance, il n’existe aucune échelle validée de mesure de la motivation sociale ou
de l’anhédonie sociale pour l’adolescence. L’échelle d’anhédonie sociale utilisée a été validée
en langue anglaise pour des enfants âgés de 6 à 13 ans et sa traduction en langue française pour
des enfants de 6 à 12 ans. D’autres échelles ont été validées pour l’âge adulte. D’après notre
évaluation empirique, la rédaction de l’échelle utilisée était plus appropriée pour des
46
participants de 12 à 17 ans que les échelles utilisées à l’âge adulte. Quelques plaisirs étaient
cependant très enfantins (« ta mère reste à côté de toi avant que tu t’endormes »). Les
participants étaient prévenus et il leur était demandé de répondre malgré cela la réponse qui leur
paraissait la plus juste.
6-PLACE DU PARADIGME EVOLUTIONNISTE DANS NOTRE DEMARCHE
SCIENTIFIQUE
Nous avons fait le choix d’expliciter les fondements de nos hypothèses sur la formation du
jugement social physionomique dans l’autisme et d’en dégager les limites, relevant de la
spéculation et de la réduction ontologique et méthodologique. Nous croyons que c’est à cette
condition que les résultats retrouvés par notre protocole de recherche pourront avoir un intérêt
scientifique.
Ces fondements sont largement issus de la psychologie évolutionniste. En effet selon celle-ci,
les comportements humains comprennent deux niveaux d’analyse complémentaires : le niveau
évolutionnaire ultime et le niveau proximal. C’est en vertu de l’avantage conféré par un
comportement donné dont les causes explicatives et les mécanismes s’étudient au niveau
proximal que celui-ci a pu être stabilisé et transmis au cours des générations successives,
conservé dans l’espèce humaine.
Cette complémentarité permet l’analyse de la motivation sociale, ensemble de dispositions
cognitives et de mécanismes biologiques orientant les individus vers la recherche et le maintien
de lien sociaux.
47
En effet au niveau évolutionnaire, la motivation sociale est un moyen de renforcer la fitness
d’un organisme, la tendance comportementale héréditaire favorisant la rencontre entre
individus. Or la tendance à la coopération mutualiste entre individus a une forte valeur sélective
globale, c’est-à-dire qu’elle favorise la transmission des gènes propres à l’individu mais aussi
ceux des apparentés.
Cette réflexion évolutionniste nous a conduits à suivre l’hypothèse que le jugement social de
sympathie porté sur un individu pouvait avoir pour origine causale le traitement cognitif des
indices physionomiques présents sur un visage.
Elle nous a également engagés à faire l’hypothèse que le déficit de motivation sociale, mesuré
au niveau du phénotype des individus, puisse être un facteur causal dans la formation du
jugement social de sympathie en modulant les indices physionomiques traités (indices de
dominance et de confiance).
Enfin, cette réflexion évolutionniste a permis à des auteurs de dégager l’hypothèse du déficit
de motivation social dans l’autisme. Nous avons voulu étudier et comparer dans notre travail
les effets du déficit de motivation social et de l’autisme dans la formation du jugement social.
Nos résultats ne permettent pas d’affirmer ni d’infirmer les affirmations de la psychologie
évolutionniste qui restent essentiellement spéculatives. Mais sans ce cadre épistémologique
théorique, même spéculatif, nous n’aurions probablement été en mesure d’envisager les liens
pouvant unir la motivation sociale, la perception physionomique d’un visage, l’autisme et le
jugement social de sympathie.
48
7-CONCLUSION
Le jugement social est un processus cognitif complexe possédant des aspects conscients et
inconscients. Parmi ces derniers, le traitement des indices physionomiques de dominance et de
confiance présents sur le visage d’un tiers ont une influence causale dans la représentation d’un
jugement de sympathie. Le déficit de motivation sociale ainsi que le phénotype autistique ont
des influences contrastées sur la représentation d’un jugement de sympathie.
Pour les besoins de notre étude, nous avons simplifié la chaîne causale de sa formation et
l’avons modélisé comme un processus cognitif à trois étapes :
1/Perception des indices physionomiques sur le visage-stimulus
2/Traitement cognitif des indices physionomiques
3/Jugement de sympathie formé à partir des indices physionomiques
Le déficit de motivation sociale et le phénotype autistique influencent différemment chacune
de ces étapes :
1/ Le déficit de motivation sociale entraîne une baisse de la sensibilité des individus aux indices
physionomiques de confiance et de dominance. L’autisme entraine une baisse de sensibilité aux
indices de dominance mais pas aux indices de confiance.
2/Tandis que le déficit de motivation sociale diminue le poids des indices de confiance et majore
par défaut le poids des indices de dominance, l’autisme diminue le poids des indices de
dominance et majore par défaut le poids des indices de confiance.
49
3/ Le déficit de motivation sociale n’a pas d’influence sur la sympathie évaluée par les
participants à partir d’indices physionomiques identiques. L’autisme n’a pas non plus
d’influence significative.
Dans le domaine du jugement social de sympathie, la théorie du déficit de motivation sociale
dans l’autisme n’est donc pas un facteur explicatif majeur. Ces affirmations doivent être
nuancées par l’étude précise de la notion de motivation sociale dans sa portée évolutionniste,
des difficultés à la définir précisément et des difficultés méthodologique dans l’élaboration d’un
paradigme neuro-développemental de l’autisme.
50
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54
ANNEXE 1 : DECLARATION DE PRE ENREGISTREMENT DE L’ETUDE (PRE
SOUTENANCE DU MEMOIRE)
Arrière-plan théorique et motivation de l'étude :
Les progrès théoriques et les découvertes empiriques dans des domaines scientifiques variés et
complémentaires comme la génétique, les sciences cognitives et les études cliniques, ont permis
de définir les TSA comme une pathologie neuro-développementale multidimensionnelle
(Dawson et al, 2006). La caractérisation de multiples phénotypes cognitifs sous-tendus par des
bases génétiques propres, est une hypothèse de travail dorénavant largement acceptée (Happé
et al, 2006). Parmi ces phénotypes, la motivation sociale a montré sa pertinence explicative. Au
niveau proximal, elle est caractérisée par un ensemble de dispositions cognitives et de
mécanismes biologiques orientant les individus vers la recherche et le maintien de lien sociaux.
Au niveau évolutionnaire ultime, sa fonction est d’augmenter l’adaptation des individus dans
un environnement social collaboratif, notamment par la recherche d’interactions sociales
profitables. Elle est considérée comme un facteur causal du développement de processus
cognitifs sociaux au cours du développement. Le déficit de motivation sociale a été démontré
dans les TSA, et pourrait être une cause du développement atypique de processus cognitifs
sociaux dans cette pathologie (Chevallier et al, 2012).
Cette étude aura pour objet le jugement social, processus cognitif permettant de produire des
jugements sociaux automatiques et des jugements sociaux explicites. Ce processus intègre les
mécanismes de perception sociale, leur traitement représentationnel et émotionnel et le
comportement d’orientation sociale. Le jugement social automatique est sous-tendu par des
mécanismes cognitifs de bas niveau et permet l’adaptation rapide d’un individu à son
environnement social. De nombreuses études de psychologie sociale ont démontré le rôle
55
causal de la perception d’indices sociaux physiques véhiculés par les visages dans les jugements
sociaux automatiques. Oosterhof et Todorov (2008) ont montré grâce à des visages de synthèse
que les jugements sociaux étaient influencés par deux dimensions orthogonales : l’évaluation
de la possibilité d’approche sociale (confiance) et de la force physique (dominance). Plus
récemment, les travaux développés dans l’équipe de recherche dont je fais partie ont montré
que la motivation sociale module le poids de ces deux dimensions (Safra, 2014).
La question qui est au centre de cette étude est de savoir si le déficit en motivation sociale dans
l’autisme module le jugement social de la même manière. Le jugement social dans les TSA est
une thématique encore peu développée dans la littérature scientifique et qui montre des résultats
contradictoires (Adolphs et al., 2001, White et al. 2006, Forgeot d’Arc et al. 2014). A ce titre,
ce travail peut contribuer à mieux comprendre les troubles de la cognition sociale dans
l’autisme.
Hypothèse principale :
Le déficit de motivation sociale des adolescents autistes de haut niveau cause une altération du
jugement social automatique. Plus précisément, le déficit en motivation sociale devrait conduire
les participants autistes à accorder moins de poids aux informations de confiance lors de la
production du jugement social automatique.
Matériel et méthodes :
Population de l’étude : 40 sujets seront recrutés et séparés en deux groupes : 20 adolescents
TSA de haut niveau (groupe 1) et 20 adolescents neurotypiques (groupe 2). Pour être inclus, les
participants des deux groupes devront être âgés de 12 à 17 ans, le diagnostic de TSA devra être
retenu pour les participants du groupe 1 et exclu pour les sujets du groupe 2 et ne pas répondre
aux critères d’exclusion retenus.
56
Les participants du groupe 1 seront recrutés dans le service de Psychiatrie de l’enfant et de
l’adolescent de l’hôpital Robert Debré, et les participants du groupe 2 dans d’autres services du
même hôpital et dans des institutions scolaires ou parascolaires.
Stimuli expérimentaux : 30 visages de synthèse issus de l’étude d’Oosterhof et Todorov
(sélectionnés pour leur variabilité morphologique dans les deux dimensions orthogonales de
confiance et de dominance) seront utilisés comme stimuli.
Pilotes : Dans un premier temps, les expériences suivantes seront soumises à 30 participants
adultes de population générale (recrutés à distance) puis à 10 sujets adolescents (recrutés dans
des institutions scolaires ou parascolaires).
Expérience: Au cours de trois tâches), 30 visages seront présentés au sujet dans un ordre
aléatoire (durée d’exposition : 3 sec.). Après chaque exposition le degré de dominance,
de confiance et de sympathie (suivant la tâche) sera quantifié par le participant.
Mesure de la motivation sociale : Durant ces deux expériences, les sujets seront soumis à la
version traduite de l’échelle d’anhédonie sociale pour enfants et adolescents (SAS).
Critère de jugement : La mesure du jugement social automatique sera réduite pour les besoins
de l’étude à la quantification du degré de sympathie d’un sujet pour un visage et à la
quantification de sa préférence pour un visage.
Données : Quantification a priori de la valence de dominance et de confiance des visages,
quantification expérimentale de la valence de dominance, de confiance et de sympathie des
visages, de la motivation sociale seront les données de notre étude.
57
ANNEXE 2 : ECHELLE DE KAZDIN D’ANHEDONIE SOCIALE POUR LES
ENFANTS
Consignes : exposer les situations imaginaires suivantes. Pour chacune d’elles, l’enfant doit
dire s’il la trouve très plaisante, plaisante, pas plaisante ni déplaisante.
Cotation : coter la réponse suivant les modalités suivantes : 1- Très plaisante 2- Plaisante 3Pas plaisante ni déplaisante. Les indices S, P et A réfèrent aux catégories sociale, physique et
autre de l’anhédonie.
Additionner les cotes pour calculer les sous-scores d’anhédonie sociale, d’anhédonie physique
et d‘anhédonie totale. Additionner les trois sous scores pour calculer le score total
d’anhédonie.
1- Tu es allongé dans ton lit un samedi matin, en écoutant tes chansons préférées. P
2- Tu sors de chez toi, en portant les nouveaux vêtements que tu viens d'acheter, et
beaucoup de personnes complimentent ton style. S
3- Accidentellement, tu entends ton professeur dire au directeur que tu es un(e) élève
formidable. S
4- Un jour d’été, tu es allongé(e) sur la pelouse, en regardant le ciel et les nuages, et tu
imagines qu’ils ont des formes d'animaux. P
5- En jouant à ton jeu vidéo préféré, tu bats le meilleur score. A
58
6- Tu pars pour une longue promenade dans les bois avec ton copain/ta copine/ton/ta
meilleur(e) ami(e). S
7- Ton ami(e) te dit que tu es la/le meilleur(e) ami(e) qu’elle ait jamais eu. S
8- Apres avoir couru si vite que tu en as un point de côté, tu t'arrêtes pour te reposer et
reprendre ton souffle. P
9- Tu ouvres une carte d’anniversaire, que tu as reçu d'un(e) ami(e) et tu y trouves 10€. S
10- Tu descends la rue à toute vitesse en vélo en gardant parfaitement le contrôle. P
11- Ton professeur te félicite parce que tu es un(e) étudiant(e) formidable. S
12- Toute ta famille part ensemble pour de longues vacances. S
13- Tes camarades t’élisent délégué(e) de classe. S
14- Un samedi soir, tu restes éveillé en regardant la télévision aussi longtemps que tu le
souhaites. S
15- Tu manges ton repas préféré, que quelqu’un a cuisiné pour toi. A
16- Ton chien a réussi à apprendre le nouveau tour que tu essayes depuis longtemps de lui
enseigner. P
17- C’est la dernière minute du match de football et tu marques un but. A
18- A l’heure de te coucher, ta mère/ton père s'assied avec toi jusqu’à ce que tu
t'endormes. S
19- Ta mère te dit que tu as très bien rangé ta chambre. S
20- Tu participes à une fête avec tous tes amis, avec de la bonne musique et beaucoup de
bonne nourriture. S
21- Tes parents te mettent au lit et t’embrassent en te souhaitant bonne nuit. S
22- Tu es avec tes meilleurs amis, autour d’un feu et tu fais griller des saucisses au cours
d’une nuit fraiche. S
59
23- Ton ami(e) vient te trouver en pleurant à propos de quelque chose qui lui est arrivé à
l’école, tu en parles avec lui et réussis à le consoler. S
24- Tu ranges tes affaires et tu retrouves ton pull préféré, que tu pensais avoir perdu.
25- Tu te fais un(e) bon(ne) ami(e) à qui tu peux presque tout dire. A
26- Une personne que tu aimes beaucoup, t’appelle et te demande de venir jouer avec elle.
27- Tu manges ton bonbon préféré. S
28- Tu rentres de l’école à la maison et sens ton gâteau préféré en train de cuire dans le
four. S
29- Tu gagnes le premier prix à un concours organisé dans ton école. A
30- On t’offre un petit chiot pour ton anniversaire. A
31- Tu es choisi comme capitaine de ton équipe. S
32- On t’offre le nouveau jeu que tu demandais depuis l’année dernière. A
33- C'est le matin de Noel et en ouvrant tes cadeaux tu découvres que tu as reçu tout ce
que tu avais espéré. A
34- En te promenant dans un magasin de disques pour acheter un nouvel album, tu
découvres que ton chanteur préféré est là pour signer des autographes. A
35- Le jour de ton anniversaire, tous tes amis organisent pour toi une fête surprise. S
36- Tu fais quelque chose de courageux et ta photo apparaît dans le journal. A
37- Tu es élu meilleur joueur de ton équipe. A
38- Tu es accusé à tort d’avoir enfreint une règle de l’école. Quand tu arrives au bureau du
directeur, tes amis sont là pour te défendre. S
39- Ta mère/ ton père te dit qu’en raison de tes bonnes notes, tu es dispensé de ranger ta
chambre pendant un mois. A
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