L`essor et le retour en Europe

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L'essor et le retour en Europe
Soumis par Stephane Desbrosses
Dans la deuxième moitié du 21ème siècle, la psychologie sociale s'est désormais imposée en discipline scientifique
indépendante, forte d'une méthodologie expérimentale efficace, et centrée autour de thèmes fédérateurs qui lui sont
propres : Attitudes, Influence sociale, notion de Groupe. L'intérêt s'accroît pour la recherche et les paradigmes se
multiplient. On assiste notamment à une résurgence de la psychologie sociale européenne avec des thématiques
porteuses comme celles de l'influence minoritaire et des représentations sociales.
1. Multiplication des thèmes et diversitéLa seconde guerre mondiale a encouragé la mise en application certaines
théories développées en psychologie sociale. Pour instaurer de nouvelles habitudes et contrôler à des degrés divers les
réactions ou les comportement des populations, les dirigeants de l’époque ont fait appel à la discipline.
C’est par exemple en tentant de changer les habitudes alimentaires des américaines(1) que Kurt Lewin et ses
étudiants mirent en place une série d’expérimentations destinées à déterminer les meilleures procédures pour
provoquer le changement de comportement. La mise en place précédente d’une méthodologie expérimentale
forte et la seconde guerre mondiale offrirent alors à la discipline de nombreuses opportunités et occasions de
développement. Plusieurs thèmes de recherche comme la persuasion (Hovland, 1951) ou le changement
d’attitudes via la dissonance cognitive (Festinger, 1954) bénéficièrent également par la suite de
l’instauration de la Guerre Froide. On assistait dès lors à une augmentation nette des recherches et de
l’intérêt porté à la psychologie sociale.
Parmi les thèmes ayant fait l’objet d’une attention particulière :
1935 : La construction des normes sociales par Muzafar Sherif. Lors d'une expérience utilisant l'effet autokinétique,
Shérif montra la sensibilité de cet effet à la pression sociale(2). Shérif étudia par la suite (1961) la dynamique des
stéréotypes et préjugés, qui se fondent sur la présence de valeurs et de normes communes.
1933, 1944 : Kurt Lewin. Outre ces travaux concernant l’expérimentation et la méthodologie en psychologie
sociale, il étudie le groupe et sa dynamique, ainsi que le changement d’attitude. Il met par exemple en exergue le
fait que le changement de comportement s’obtient plus aisément en s’attaquant aux résistances internes
fondées sur les normes collectives plutôt que par la menace ou la récompense.
1951 : Carl Hovland et les mécanismes de la persuasion. Hovland se base sur la théorie de la communication de
Shannon et Weaver pour décortiquer le processus de persuasion : la source du message, le message, le récepteur,
l’audience.
1951 : Le conformisme par Solomon Asch. L’expérience célèbre de cet auteur(3) montre combien les normes du
groupe façonnent le comportement et même les perceptions du sujet.
1954, 1957 : Leon Festinger et la dissonance cognitive : le système cognitif présente une cohérence dont toute
perturbation entraîne une dissonance désagréable. Cette dissonance est une excellente base pour le changement
d’attitude et de comportement. Festinger élabore également une théorie de la comparaison sociale selon
laquelle l’individu évalue ses propres attitudes et comportements en se référant à autrui.
1958, 1972 : Fritz Heider, Harold Kelley : Théorie de l’équilibre cognitif et attribution causale : on explique le
comportement d’autrui de telle sorte qu’il s’accorde avec des cognitions déjà acquises.
1961 : Albert Bandura, l’apprentissage social et l’agression. L’imitation des pairs conduit à
l’apprentissage, les valeurs et normes se transmettent par l’observation du comportement d’autrui.
1965 : Robert Zajonc et les études sur la facilitation sociale. La présence d’autrui (effet d’audience) et la
coaction augmente la performance individuelle.
1968 : Latané et Darley, le comportement d’aide et l’apathie. Spontanément, les comportements
d’aide diminuent avec le nombre de personnes présentes, indiquant un certain sentiment de
déresponsabilisation au fur et à mesure que le groupe s’agrandit.
1963-1974 : Stephen Milgram et la soumission à l’autorité : la valeur sociale d’un individu (crédibilité,
autorité) sert de référentiel aux hommes, jusqu’à un point ou ceux-ci peuvent renier leurs propres capacités et
responsabilité pour se fonder sur celles de la figure d’autorité.
Etc…2. L’expérimentation sociale en EuropeEn Europe et plus particulièrement en France, se développe
une psychologie sociale imprégnée d’un certain regard sur la société. L’expérimentation en laboratoire
n’est plus le seul outil d’analyse, il peut s’accompagner d’expérimentations sociales et
d’observations (analyse de document ou enquêtes, sondages d’opinion…).
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L’expérimentation classique souffrait par ailleurs de quelques lacunes : la difficulté à s’insérer en milieu «
naturel » ainsi que les affronts moraux de certaines expériences, par exemple, les expériences de Zimbardo ou Milgram.
Robert Pagès et Serge Moscovici réintroduisent donc la psychologie sociale expérimentale en France en
s’attachant à développer un regard neuf sur le rôle de l’expérimentation et la place de la discipline et des
thèmes abordés dans la société. Pagès s’intéresse notamment à l’insertion du dispositif social
expérimental en situation sociale naturelle, soulignant l’importance de l’affabulation et du débriefing
(donner une « fausse » explication pour amener le sujet à passer l’expérimentation sans se douter de son but,
puis renseigner par la suite le sujet sur l’expérience à laquelle il vient de participer). L’affabulation est une
nécessité technique pour réaliser l’expérimentation de manière écologique (sans dénaturer le milieu social
naturel) mais il est tout aussi nécessaire du point de vue éthique d’informer les sujets de la teneur de cette
expérimentation.
La psychologie sociale et l’expérimentation peuvent également s’insérer au sein d’une réflexion
sur la société et les phénomènes culturels, elles ne sont pas limitées à l’analyse de phénomènes prenant
naissance dans les groupes restreints. Moscovici est ainsi à l’origine de deux courants de recherches qu’il
va mettre en lien avec un niveau social supérieur à celui des micro-groupes étudiés habituellement.
la Représentation sociale : il créé ce terme en 1961 lors de l’étude approfondie de « la façon dont les gens
perçoivent la psychanalyse », et définit la représentation sociale comme le maillon intermédiaire entre la représentation
individuelle et la représentation collective. Elle constitue un ciment partagé par de grands groupes sociaux, un savoir de
sens commun qui permet de gérer la réalité sociale, en même temps qu’il accorde une certaine stabilité dans
l’ensemble social (plus grand que le groupe mais moins que la société). La représentation sociale est à ce titre un
facteur de cohésion et de maintien des sociétés.
l’Influence minoritaire : Si l’influence majoritaire a fait la démonstration de son existence lors de
nombreuses expérimentations précédentes (conformisme, persuasion…), elle ne constitue avant tout
qu’un facteur de stabilité au sein des sociétés et des groupes, et empêche son évolution. Pourtant, les
groupes, tout autant que les sociétés, subissent des changements parfois radicaux. Selon Moscovici, l’influence
minoritaire constitue le moteur de changement des ensembles sociaux. En étudier les mécanismes revient alors à
étudier l’évolution des sociétés.
Avec le renouveau européen, d’autres auteurs vont initier des travaux sur des thèmes proches, comme la
catégorisation sociale et l’identité sociale de Henry Tajfel : l’idée défendue est que l’individu
cherche une place dans un groupe avec lequel il partage des valeurs. L’appartenance groupale nivelle, à ces yeux,
les différences entre les membres de ce groupe, et exacerbe les différences intergroupes. L’individu se définit
quant à lui par rapport aux valeurs véhiculées par son groupe d’appartenance. Là encore le regard sur la société
et son fonctionnement prend une place importante dans la réflexion de l’auteur.3. Cognitivisme et neurosciences
socialesDepuis une trentaine d’années déjà, la psychologie sociale s’inspire plus ouvertement
d’autres sciences ou disciplines de la psychologie. Si la méthodologie devenue classique donne naissance à des
courants encourageants (par exemple, théorie de l’engagement, Beauvois et Joule, 1980), de nombreuses
recherches se tournent vers des méthodologies éprouvées en neurosciences ou en psychologie cognitive.
L’une de ces évolutions les plus marquantes est l’intervention d’outils tels que l’IRM dans la
mesure des comportements sociaux. Un champ vaste d’étend dans le domaine des corrélations entre faits
sociaux, émotions, et activité cérébrale, et la méthodologie cognitive intervient de plus en plus en psychologie sociale
pour exprimer et mesurer les données individuelles. En parallèle avec ce champ de recherches, l’essor de
l’internet et des ordinateurs offre de nouveaux outils et champs d’investigation prometteurs (nouveaux
réseaux sociaux, publicité, simulations sociales gérées par l’IA). La psychologie sociale atteint
vraisemblablement un nouvel âge d’or pour lequel ses applications prennent une importance toute particulière,
dans une société globalisante ou les contacts sociaux se diversifient et se multiplient sans cesse.(1) Lewin K., (1943),
Forces behind food habits and methods of change, Report of the committee on food habits. Washington, Bulletin Nat.
Res. Counc. CVIII, 35-65
(2) Sherif, M. (1935). A study of some social factors in perception. Archives of Psychology, 27(187) .
(3) Asch, S. E. (1951). Effects of group pressure upon the modification and distortion of judgment. In H. Guetzkow (ed.)
Groups, leadership and men. Pittsburgh, PA : Carnegie Press.
Moscovici S., (2003). Psychologie sociale, Paris PUF.
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