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Fort-de-France
Le 18 septembre 2016
Les gorgones de Martinique
Sous la surface des eaux, on les affleure du
regard et, parfois, les larges formes
plumeuses nous caressent sur notre
passage. Elles apaisent les plongeurs
novices
avec
leurs
balancements
langoureux et décorent les aquariums en
apportant mouvement, délicatesse et
élégance. Elles sont les dames qui règnent
en maîtresses sur les paysages sous-marins
caraïbes.
Polypes épanouis de Diodogorgia nodulifera
© Romain Ferry / Madibenthos / MNHN
En éventail, en forme de plumes, de petits arbres touffus ou en chandelier, ce sont les gorgones. Leur
nature animale a été longtemps discutée et ce n’est qu’au milieu du 17e siècle que les « fleurs de
corail » ont été assimilées à des polypes munis de huit tentacules. Tout comme les Madrépores,
vulgairement appelés coraux (dont les fameux bâtisseurs de récifs), les gorgones sont des colonies
animales, ou plutôt des « siamois multiples », car tous les individus sont issus d’un même polype
fondateur et sont toujours reliés entre eux par un système de canaux. Les gorgones sont des filtreurs
actifs (munis d’un dispositif de capture) se nourrissant de plancton et de matière détritique en
suspension. Les espèces peu profondes possèdent aussi des algues symbiotiques, ce qui leur assure un
complément nutritionnel non négligeable dans les eaux pauvres en plancton.
Population de la gorgone Euniceopsis fusca
© Romain Ferry / Madibenthos / MNHN
Fort-de-France
Le 18 septembre 2016
Les gorgones sont particulièrement abondantes à quelques mètres sous la surface dans les Petites
Antilles et peuvent constituer de véritables forêts sous-marines qui sont des écosystèmes à part
entière, abritant une vie très diversifiée. Ce n’est pas pour rien que les pêcheurs les considèrent
comme les « maisons des poissons » même si elles gênent le maniement des filets. Entre 30 et 40
espèces habitent les eaux superficielles sur les côtes de la Martinique.
Cependant, les gorgones sont très peu étudiées dans les Petites Antilles françaises et les seuls
inventaires effectués sur le terrain remontent aux années 80.
L’expédition Madibenthos permet de renforcer les données mais aussi d’évaluer le devenir des
populations. En effet, depuis une trentaine d’années, les écosystèmes marins évoluent sous le double
impact des changements globaux (réchauffement climatique, acidification des eaux, espèces invasives)
et des perturbations locales.
A titre d’exemple, les populations de
gorgones sont durement affectées depuis
les années 90 par un champignon terrestre
qui s’est retrouvé dans le milieu marin à
cause, principalement, de la diminution du
couvert végétal littoral. Il est devenu
pathogène pour les gorgones déjà
fragilisées par l’hyper sédimentation et les
pollutions locales diverses. Mais les
gorgones peuvent aussi profiter de la
mortalité massive des coraux et s’imposer
dans les habitats récifaux. L’expédition
Madibenthos a donc pour objectif de mieux
mettre en évidence ces changements au
niveau régional, ce qui permettra d’ajuster
les mesures de protection pour l’avenir,
pour les gorgones certes, mais aussi pour la
vie foisonnante qu’elles abritent, y compris
dans les « forêts sous-marines » dont
l’importance écologique a été largement
sous-estimée jusqu’alors.
Martinique
© Romain Ferry / Madibenthos / MNHN
Les gorgones, organismes emblématiques des fonds marins caraïbes, sont aussi d’excellents
indicateurs de la biodiversité et de la santé des écosystèmes marins.
Véronique Philippot et Romain Ferry
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