Institut Scientifique de la santé Publique - Louis Pasteur Section d'Epidémiologie Epidémiologie du SIDA et de l'infection VIH en Belgique Situation au 31 décembre 1997 III. Enquêtes spécifiques* III.2. Etudes d’incidence et autres études quantitatives III.2.5. Séroprévalence de l’herpesvirus humain de type 8 (HHV8) dans une population de personnes séropositives pour le VIH et dans une population d’adultes sans infection VIH, en Belgique16 (C. LIESNARD, L. POULIN, M-L DELFORGE, J-P VAN VOOREN, C-M FARBER) Le Sarcome de Kaposi (SK), rare dans la population générale est hautement prévalent parmi les patients ayant acquis une infecion VIH par transmission homo- ou bisexuelle, alors qu'il reste peu fréquent chez les patients porteurs du VIH ayant acquis l'infection par voie parentérale, suggérant qu'un agent infectueux, transmis sexuellement pourrait en être la cause. En dehors de l'infection VIH, cette tumeur existe également de façon plus prévalente en Afrique subsaharienne, où elle peut représenter entre 1 à 10% des néoplasies. Le virus humain de l'herpès de type 8 (HHV8) décrit récemment est étroitement associé au SK. Il est retrouvé par technique de réaction de polymérisation en chaine (PCR) quasi systématiquement dans toutes les lésions de SK associé ou non au VIH, ainsi que dans certaines pathologies rares comme le lymphome diffus des séreuses et la maladie de Castleman. Le virus est également détecté dans les lymphocytes du sang périphérique de la moitié des patients VIH atteints de SK. Chez les patients VIH asymptomatiques, la découverte du virus dans les lymphocytes pourrait prédire le développement ultérieur du SK. De nombreux arguments scientifiques plaident pour un rôle important du virus HHV8 dans le dévéloppement du SK. Récemment des tests sérologiques de recherche des anticorps vis à vis de l'HHV8 ont été mis au point, permettant des études de séroprévalence. Le laboratoire de référence SIDA de l'ULB a réalisé une étude préliminaire de séroprévalence de ce virus parmi une partie de la population des patients VIH suivis à l'Unité de Traitement des Immunodéficiences de l'hôpital Erasme. Le test utilisé est un test d'immunofluorescence indirecte sur cellules d'une lignée infectée chroniquement par HHV8. Les résultats sont exposés dans la table. Pour 13 patients VIH atteints d'un SK, nous avons apparié à chacun d'entre eux un patient VIH sans SK ayant le même facteur de risque de transmission de l'infection VIH, le même taux de CD4, la même durée de suivi et la même évolution. La comparaison des séroprévalences HHV8 entre le groupe de patients ayant un SK (tous masculins) et le groupe de patiens appariés ne montre pas de différence significative. L'appariement ayant été réalisé rétrospectivement à partir de 1993 lors d'une autre étude, depuis lors aucun des patients appariés n'a développé de SK mais 7 d'entre eux sont décédés. La sérologie HHV8 ne permet donc pas de discriminer les patients VIH avec ou sans SK, lorsque leur infection VIH évolue de la même manière . D'autres facteurs que l'infection HHV8 entrent en ligne de compte pour mener au développement du SK. La comparaison des séroprévalences HHV8 des patients porteurs d'un SK avec l'ensemble des patients VIH sans SK homo- ou bisexuels montre une différence tendant à la signification (p=0.051) qui aurait peut-être été plus nette avec un plus grand nombre de patients étudiés. Cette différence peut être attribuée au fait que les patients avec un SK sont à un stade plus avancé de leur maladie VIH que l'ensemble des autres personnes, toutes à des stades différents et que l'infection HHV8 est peut-être acquise par certains après l'infection VIH. L'infection HHV8 est très répandue dans ce groupe de patients homo- ou bisexuels, comme en témoigne la séroprévalence élevée. L'épidémiologie de l'infection VIH en Belgique se caractérise par un nombre importants de cas survenus chez des personnes hétérosexuelles originaires d'Afrique subsaharienne vivant temporairement ou définitivement en Belgique, et qui se sont contaminées soit dans leur pays d'origine, soit dans leurs communautés en Belgique. De par les contacts nombreux entre la Belgique et l'Afrique, un certain nombre de personnes hétérosexuelles belges se sont contaminées, soit à l'occasion de séjours en Afrique, soit au contacts de personnes africaines en Belgique. Il nous paraissait intéressant d'investiguer la séroprévalence de l'infection HHV8 chez des patients africains VIH se faisant soigner en Belgique et de * La responsabilité de l’Institut Scientifique de la Santé Publique - Louis Pasteur n’est en rien engagée par la publication de ces textes, qui n’engagent que leurs auteurs. 54 la comparer à une population hétérosexuelle non africaine (belge pour la plupart) infectée par le VIH. Nous avons choisi des femmes, pour une question de nombre de personnes disponibles. Nous avons constaté une séroprévalence HHV8 comparable à celle de la littérature chez les femmes africaines VIH, par contre les femmes non africaines VIH ont une séroprévalence équivalente à celle des femmes africaines, alors que la littérature rapporte des séroprevalences HHV8 beaucoup plus basses (4%). Sur l'ensemble des 11 femmes non africaines ayant des anticorps anti-HHV8, 4 ont été infectées par le VIH par un partenaire africain ou un partenaire contaminé en Afrique et 4 autres ont été contaminées par le VIH soit par un partenaire toxicomane, soit parce qu'elles étaient elles-mêmes toxicomanes. Nous nous attendions à trouver une plus grande séroprévalence HHV8 parmi les femmes non africaines ayant des partenaires en relation étroite avec la communauté africaine. Par contre il est possible que la séroprévalence de l'HHV8 soit également importante chez les toxicomanes, ce qui n'est pas décrit. Nous essayerons de vérifier ce fait lors d'une étude ultérieure. Enfin, comme attendu, la séroprévalence de l'HHV8 est très faible dans la population non VIH. La transmission du virus dans une population d'adultes en bonne santé de moyenne d'âge comparable à celle des personnes infectées par le VIH (moyenne d'âge des femmes non HIV : 31 ans – moyenne d'âge des hommes non HIV : 40 ans) est rare et le virus n'est pas ubiquitaire, contrairement, par exemple, au virus de l'herpes simplex ou à l'EBV. Tableau 48 : Anticorps ANTI HHV8: Personnes VIH Groupe avec SK Groupe contrôle sans SK Personnes VIH, sans SK Hommes non africains (homo- et bisexuels Femmes non africaines Femmes africaines Personnes sans VIH, sans SK Hommes non africains Femmes non africains N total N anti HHV8+ % 19 13 18 10 95 77 46 34 74 25 21 11 12 44 57 50 50 1 0 2 0 55