Moïse face à Dieu Père Alain Marchadour, bibliste assomptionniste – Notre-Dame d’Espérance – Parcours biblique – 15 mai 2013 Aucun personnage de la Bible n'a autant fasciné les hommes que Moïse. Les premiers livres de la Bible ont l'allure d'une biographie de Moise, depuis sa naissance jusqu'à sa mort. Mais il apparaît comme I'initiateur de I'histoire du peuple juif et celui qui nous transmet la Torah reçue de Dieu au Sinaï. Celle-ci est la référence fondatrice pour la foi et la pratique des Juifs. Dans les écrits chrétiens, Moïse et la Torah sont mis au service de Jésus, le nouveau Moïse, porteur de la loi nouvelle de l'Évangile. Moïse: son nom est mystérieux. Il lui est donné par la fille de Pharaon parce qu'il a été « tiré des eaux » (Ex 2, 1O). Étrange d'entendre une princesse égyptienne parler hébreu ! Des Pères de l'Église, plus avertis de la langue hébraïque, voient en lui celui qui tire des eaux de la mort 1e peuple hébreu. En réalité, son nom est égyptien. Il signifie « fils de »), comme certains pharaons : Ramsès (« fils de Ré ») et Thoutmès (« né de Thot »). Moïse est un héros à double identité : hébreu par le sang, égyptien par la culture et l'éducation. Par sa postérité, il devient universel, surtout par le Décalogue, fondement d'une éthique pour tous les hommes. 11 apparaît dans le moment le plus dramatique de 1'histoire naissante d'Israë1. Irrité par 1a multiplication des enfants hébreux, le puissant pharaon décide de faire disparaître les enfants mâles. Origène souligne son extrême perversité: « Pour éteindre la race, il se sert des sages-femmes dont le rôle est de veiller à la vie » (Homélies sur l'Exode, Sources chrétiennes, Cerf). Entourée de violence, la naissance de Moïse baigne pourtant dans un univers merveilleux. En effet, dans un univers de mort, une coalition de femmes se dresse en faveur de la vie. Les sages-femmes, telle Antigone, choisissent la vie contre la mort (Ex 1, 17). Puis, la mère de Moise et sa soeur, préfèrent l'exposer au hasard des eaux du Nil, parce que, dans leur foi, elles pressentent que ce hasard est l'autre nom du Dieu providentiel. Quand le petit enfant, jeté dans une petite boîte sur le Nil, est exposé à tous les risques, ce sont encore des femmes, la fille de Pharaon et ses servantes, qui sauvent 1e petit Hébreu d'une mort inévitable. Là où la violence des hommes se déchaînait apparaît une belle alliance de femmes appartenant, pour certaines, au camp ennemi. Quand l'enfant a grandi et qu'il doit fuir, après avoir pris la défense d'Hébreux maltraités, il trouve refuge en Madian. Là, il rencontre au bord d'un puits sa femme Zippora, venue puiser de I'eau. Cela se termine comme dans les contes: Moïse épouse Zippora, et de leur amour naît leur fils Gershom. Pourtant cette période de sa vie n'est qu'une étape préparatoire. Le temps décisif pour Moïse, c'est la rencontre avec Dieu sur la montagne du Sinaï gardien du troupeau de son beau père, il s'aventure au-delà du désert. Là un buisson mystérieux (« senéb » en hébreu, comme « Sinaï,) l’attire et l'effraie : c'est alors que le Dieu de ses pères se révèle à lui sous un nom nouveau « Yahvé » : en hébreu, quatre consonnes sans voyelle, dont le sens se perd dans la nuit des temps. D'où la difficulté à traduire. La Bible grecque, influencée par la philosophie, a choisi: « Je suis l’existant ». D'autres traductions juives ont lu : « Je suis qui je serai. » C’est un nom de route, qui donne aux esclaves hébreux, sous la conduite de Moïse l'audace de quitter la servitude pour entrer au service du Dieu de l'histoire. Histoire ou légende Les récits sur Moise ne sont pas historiques au sens moderne du terme. Nous ne disposons pas, comme pour la fameuse bataille de Eadesh sur L’Oronte (1285) entre Hittites et Égyptiens, d'une double version. Les textes égyptiens sont totalement silencieux sur l'événement de l'Exode. Il est donc vain de chercher dans Ramsès II un compagnon d'étude de Moïse et dans la princesse Néfertiti, la maman adoptive de Moïse. Ni purement légendaires, ni pleinement historiques, ces pages sont transfigurées par la foi des croyants qui les ont racontées et transmises. Elles ont l'épaisseur de la méditation, de la foi et de la célébration d'Israël.