Régulation et cohésion sociale

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> Régulation
et cohésion sociale
Séquence 10-SE11
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Introduction
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
.........................................................................................................................................................................
> Régulation sociale et vie en société
A
Définition
B
Les attentes du groupe par rapport à l’individu
.........................................
> Régulation sociale, sanctions, institutions
210
.....................
212
....................................
214
...................................
218
..................................................................................................................................................................
223
A
Contrôle et sanctions
B
Contrôle et institutions
> Conformité, déviance et délinquance
A
Définition
B
L’analyse de la déviance et de la délinquance
> Régulation sociale et conflits sociaux
A
Les différentes conceptions de la régulation sociale
dans la vie de l’entreprise
B
Le rôle des syndicats dans la régulation sociale
Travaux dirigés
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Sommaire séquence 10-SE11
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ntroduction
L
es échanges économiques se développent grâce aux initiatives des acteurs (producteurs et demandeurs) et au jeu des mécanismes régulateurs, qu’ils soient issus du marché ou de l’intervention des
pouvoirs publics. A la complexité du tissu des activités économiques répond la complexité des mécanismes de coordination. Mais, cette complexité des échanges économiques n’épuise pas l’ensemble
des interactions sociales, loin de là. La vie en société ne se réduit pas à sa seule dimension économique
et sociale. Des relations s’établissent sur d’autres modes et ne sont pas régulées par les mécanismes
de coordination économique. C’est cet ensemble très vaste de relations non régulées par le marché ou
par l’État qu’il convient d’examiner dans cette séquence.
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Régulation sociale
et vie en société
A
Définition
L’homme est parfois défini comme un animal social, c’est-à-dire un être incapable de vivre en ermite,
seul et à l’écart de ses semblables. Cette nature sociale de l’individu induit une multiplicité de contacts
et une présence au sein de multiples groupes plus ou moins vastes. L’individu fait partie d’une famille,
d’une entreprise, d’un club de sport, d’un groupe de campeurs, d’une nation… Au sein de ces différents
groupes, des manières de vivre ensemble se développent, parfois communes à l’ensemble des groupes,
parfois spécifiques à certains d’entre eux. Le contrôle social (ou régulation sociale si l’on veut donner
une traduction correcte du terme anglais « Control ») désigne l’ensemble des processus par lesquels
les membres d’un groupe entraînent les acteurs sociaux à respecter et reproduire les modèles de comportements conformes aux valeurs et aux normes en vigueur.
Les mécanismes de la régulation sociale exercent une certaine contrainte sur les manières de penser,
de sentir et d’agir des individus mais créent des liens sociaux indispensables à la pérennité du groupe
concerné. Grâce à eux, les différents individus s’intègrent dans les groupes en répondant aux attentes
dont ils sont l’objet de la part des autres membres de ce groupe.
Le club de football qui accepte l’adhésion d’un nouveau membre attend de lui qu’il participe aux
entraînements et qu’il ne s’absente pas inopinément. Une certaine forme de solidarité est espérée de
chacun des membres du groupes et celui qui s’y conforme, voire adopte des comportements non prescrits
mais qui témoignent des valeurs et des normes du groupe (par exemple organisation du co-voiturage
pour les déplacements de l’équipe, participation à l’encadrement et à l’entraînement des équipes de
jeunes…) facilite son intégration dans le groupe.
B
Les attentes du groupe par rapport à l’individu
Dans un groupe social, les attentes qui s’expriment à l’égard des individus ne sont pas toutes de même
nature. Certaines sont impératives, d’autres traduisent simplement des souhaits. Le sociologue français
Henri Mendras distingue trois types d’attentes très différentes :
Type d’attentes
Description
Sanction
Attentes obligatoires
Règles fondamentales de la vie en société. S’imposent
à tous les groupes. S’imposent à tous les membres sous
peine d’une sanction forte (exemple : vol des maillots
du club de football par l’un des membres de l’équipe)
Punition en cas de violation de la norme
(exemple : sanctions pénales)
Attentes nécessaires
Attentes dont la force est proche des attentes obligatoires mais qui ne concernent que des groupes particuliers
(exemple : refus de respecter les consignes de sécurité
dans un club de tir à l’arc)
Sanctions fortes dans le groupe mais
sans influence sur la position dans la
société (exemple : exclusion du club de
tir à l’arc)
Attentes facultatives
Règles facilitant la vie en société et partagées par les
membres du groupe (exemple : monopolisation du terrain de tennis le samedi après midi par une personne
du club)
Désapprobation en cas d’infraction à la
règle (exemple : remarques désagréables
des autres joueurs privés de terrain)
La vie en société suppose que tous les individus se soumettent aux contraintes induites par le respect
des normes comportementales. On fera toutefois deux remarques sur l’attitude des individus face aux
attentes du groupe.
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Des attentes réciproques
En premier lieu, il convient de remarquer que la notion d’attente obligatoire, nécessaire ou facultative,
ne doit pas se comprendre comme une relation à sens unique entre l’individu et le groupe. Le fonctionnement du groupe donne naissance à un tissu d’attentes réciproques, chaque membre du groupe
attendant des autres qu’ils se conforment aux normes comme il s’attend à ce que ces comportements
soient exigés de lui. Les rapports sociaux sont fondés sur la réciprocité des attentes individuelles.
L’adhérent du club de tir à l’arc qui respecte les consignes de sécurité s’attend à ce que tous les autres
membres les respectent aussi. Si tel n’est pas le cas, les relations au sein du club vont se distendre,
voire se transformer en conflit. Le président sera saisi par les membres qui respectent les consignes
des infractions qui sont commises et il lui sera demandé de réprimander les contrevenants avant qu’un
accident ne se produise et que la responsabilité des dirigeants du club ne soit engagée.
Une certaine souplesse dans le jeu des attentes sociales
En second lieu, il convient de remarquer que les règles de vie en société sont souvent très nombreuses
et que toutes ne sont pas respectées sans que des conflits graves n’éclatent pour autant. Dans un film
célèbre, les Ripoux, le vieux commissaire de police joué par Philippe Noiret fait une ronde en voiture
avec son jeune collègue fraîchement émoulu de l’Ecole de police, Thierry Lhermitte. Celui-ci veut faire
respecter la loi, toute la loi, rien que la loi. Il est prêt à sévir à la moindre infraction. Le vieux commissaire
finit par s’énerver et lui faire remarquer que s’il devait appliquer les textes dans toute leur rigueur, il
n’arrêterait pas de dresser des contraventions, voire de mettre les gens en prison car ils sont tous ou
presque coupables de violer les règles inscrites dans les différents textes de loi : le cafetier a installé
une terrasse qui déborde un peu sur le trottoir, la mère de famille qui traverse avec ses enfants à dix
mètres d’un passage clouté, le cycliste dont le vélo ne comporte pas tous les accessoires de sécurité
et d’identification…
En bref, la vie en société suppose en permanence un jeu avec la règle, des accommodements qui ne
portent guère à conséquence et qui rendent la vie plus simple. Ce n’est que si ce jeu devient excessif
que des mécanismes de régulation sociale se mettent en œuvre. L’adhérent d’un club de tennis qui
dépasse de deux minutes l’heure qu’il a réservée pour terminer une balle de match palpitante s’excusera auprès des joueurs suivants et les remerciera d’avoir patienté. Ceux-ci répondront sans doute
qu’ils s’en seraient voulu d’interrompre le match à cet instant crucial et tout le monde se retrouvera
au « club house » pour savourer un jus de fruit à la fin de l’après midi. Mais, si un adhérent dépasse
systématiquement d’un quart d’heure le temps qui lui est alloué, il risque de s’attirer les remarques
désagréables des autres joueurs. Ceux-ci auront la tentation de pénétrer sur le terrain et de se préparer
(risque de conflit), voire se plaindront au responsable du club qui sera amené à prendre des sanctions
comme l’exclusion de celui qui abuse.
La vie en société doit donc se garder de deux attitudes porteuses de tensions entre les individus : la
violation systématique des normes qui détruit la cohésion du groupe et l’application excessivement
rigide de règles conçues comme des fins en elles-mêmes et non pas comme facilitatrices de la vie en
société.
La variabilité des attentes dans le temps et dans l’espace
En dehors de quelques normes qui constituent des invariants et qui correspondent à des prescriptions
morales fondamentales (ne pas tuer son voisin, ne pas voler ses biens…), la plupart des normes sociales sont variables dans le temps et dans l’espace. Telle attente à l’égard des membres du groupe est
progressivement délaissée. Ainsi, les joueurs de tennis ne sont plus obligés de porter des vêtements
blancs pour se présenter sur le court. A l’inverse, tel comportement qui faisait l’objet d’une indulgence
partagée devient plus fermement sanctionné. En matière de conduite sous l’emprise de l’alcool, l’opinion
publique a longtemps été très peu sensible au danger et aux conséquences catastrophiques pour les
conducteurs alcoolisés et leurs victimes. Le changement d’attitude de la société française est aujourd’hui
très net et la répression policière s’est très renforcée de manière très importante. Ce qui était de l’ordre
de la « tradition » est devenu un comportement socialement répréhensible et pénalement réprimé.
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Régulation sociale, sanctions,
institutions
A
Contrôle et sanctions
La régulation sociale, comme la régulation économique, repose sur l’idée que les comportements adaptés doivent être récompensés alors que les comportements inadaptés, qui menacent la cohésion du
groupe et l’intégration des individus, doivent être pénalisés. Toute régulation s’appuie donc un système
de sanctions positives (récompenses) et de sanctions négatives (punitions). Ces sanctions peuvent être
formelles (prix Nobel, prison avec sursis) ou informelle (félicitations en cas de réussite à un examen,
murmure réprobateur pour ceux qui n’ont pas éteint leur téléphone portable au cinéma).
Pour caractériser les sanctions (négatives) qui peuvent intervenir en cas de comportements dérogatoires
aux attentes du groupe, il est possible de les regrouper en quatre catégories.
Type de sanction
B
Définition
Exemple
Physique
L’individu qui déroge à la règle s’expose à un châtiment corporel. Système développé dans les sociétés pré-industrielles (mutilations, supplices, peine de
mort…)
Les coups de canne dans les écoles
anglaises d’autrefois
Economique
Ponction d’une partie du revenu des individus qui
contreviennent aux règles. Système généralisé dans
les sociétés industrielles
Amende en cas de stationnement interdit, dommages et intérêt pour le bateau
pollueur
Religieuse
Punition surnaturelle Peut prendre une des formes précédentes si la religion dispose de pouvoirs séculiers
Excommunication, enfer
Sociale
Témoignage de réprobation du groupe
Remarques, moqueries…
Contrôle et institutions
Chaque groupe exerce à son niveau et selon les modalités qui sont les siennes un pouvoir de régulation sociale afin de conduire ses membres à répondre aux différentes attentes qui conduiront à leur
intégration.
Les principaux acteurs de la régulation sociale sont les suivants :
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La famille
En tant que premier lieu de socialisation des enfants, la famille joue un rôle essentiel dans la régulation
sociale, en particulier parce qu’elle prépare l’enfant à son entrée dans le monde adulte. Les cinéastes
ont très souvent illustré le rôle de la famille dans les processus de socialisation. Certains films ou séries
télévisées peuvent être considérés comme des bons exemples de la diversité des formes d’organisation
de la famille et des relations qui s’établissent entre ses membres. Dans Tanguy, d’Etienne Chatiliez, les
parents Paul et Edith Guetz, un riche couple de cinquantenaires, ne supportent plus que Tanguy, leur
grand fils modèle de 28 ans, vive toujours au domicile familial. Ce dernier a beau être brillant et charmant,
ses parents vont faire de son existence un enfer pour le forcer à quitter leur luxueux appartement. Le
modèle familial proposé par la série « La petite maison dans la prairie » est à l’inverse un exemple de
famille traditionnelle alors que « Ma sorcière bien aimée » illustre la famille nucléaire type.
L’école
Complémentaire de la famille dans le processus de socialisation des enfants, elle a un rôle particulier dans
l’acquisition des savoirs et savoir-faire nécessaires pour l’intégration professionnelle des individus.
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L’entreprise
Elle est l’agent principal de socialisation dans le monde professionnel. En tant que collectivité de travail,
l’entreprise attend de ses membres des comportements professionnels adaptés : respect des horaires
ou des consignes de sécurité, application des méthodes de travail retenues, règles de comportement
vis-à-vis de la clientèle… Pour une illustration polémique des processus de socialisation en entreprise,
il est possible de voir le film de Jean-Marc Moutout, Violence des échanges en milieu tempéré. Le film
raconte l’histoire de Philippe, 25 ans, qui vient de quitter l’université et arrive de province pour intégrer à
Paris un grand cabinet de consultants en entreprise. Le matin de son premier jour de travail, il rencontre
Eva, jeune mère célibataire dont il s’éprend. Sa première mission, qu’il aborde avec enthousiasme, est
de préparer le rachat encore confidentiel d’une usine par un grand groupe.
Ses premiers rapports sont convaincants. Il gagne la confiance de son chef qui lui confie une nouvelle
responsabilité : sélectionner le personnel apte à travailler dans la nouvelle organisation de l’entreprise.
Dès lors, Philippe doit se convaincre et convaincre Eva du bien fondé de sa tâche et faire face aux hommes et aux femmes dont il prépare le licenciement. Il se trouvera évidemment confronté à la difficulté
de concilier attachement familial et origine sociale avec le comportement attendu d’un consultant
chargé de réduire les coûts.
L’église
Dans les sociétés qui comptent beaucoup de pratiquants, l’église assure une forme de régulation
sociale qui peut être extrêmement prégnante puisque les préceptes religieux ont en général vocation
à s’appliquer non seulement durant les manifestations collectives mais également à tout instant de la
vie des individus.
On voit donc que tout individu appartenant à une pluralité de groupes sociaux se trouve soumis à des
mécanismes de régulation sociale divers et qu’il lui appartient de s’adapter aux différentes attentes
qui assurent son intégration au sein de ces groupes multiples.
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Conformité, déviance
et délinquance
A
Définitions
Plongé dans la vie sociale, l’individu peut réagir de diverses manières selon son tempérament, son
éducation, son niveau de revenu… Le sociologue américain Karl Merton s’est ainsi fait une spécialité
de la manière dont les individus s’adaptent aux attentes ou eux exigences de la société. Il analyse ces
comportements adaptatifs sous l’angle des buts que les individus s’assignent et des moyens qu’ils
peuvent mettre en œuvre pour les atteindre.
Toute société ou tout groupe social attend des individus qu’ils partagent les objectifs considérés comme
souhaitables et importants et qu’ils utilisent pour les atteindre des moyens considérés comme normaux.
Ainsi, une société fondée sur des valeurs libérales et démocratiques attendra des individus qu’ils se
comportent en producteurs efficaces et en consommateurs avisés. Elle valorisera la réussite matérielle
des individus par le travail, le respect des lois, l’initiative et la prise de responsabilité. En caricaturant
pour simplifier et illustrer la typologie de Merton, on dira que la société donne pour but le fait de devenir
riche (objectif socialement valorisé) en travaillant beaucoup (moyen socialement adapté).
Selon les cas, les individus peuvent adhérer ou non aux buts et aux moyens ainsi définis. Dans le tableau
qui suit, l’adhésion est notée + et le refus -.
Typologie des modes d’adaptation individuelle
Mode d’adaptation
Buts
Moyens
1. Conformisme
+
+
2. Innovation
+
-
3. Ritualisme
-
+
4. Evasion
-
-
+-
+-
5. Rébellion
Chaque catégorie représente un type particulier de comportement social :
Le conformiste a adhéré à la fois aux objectifs et aux moyens socialement valorisés. Il représente
le modèle de réussite pour les institutions de régulation. Nous allons le retrouver un peu plus loin.
Une société demeure stable et cohérente tant que les conformistes représentent une large partie
de la population.
L’innovateur est celui qui adhère à l’objectif mais s’écarte des moyens habituellement mis en œuvre
pour les atteindre. Il vise à devenir riche mais il n’entend pas utiliser le moyen normal pour y parvenir.
Il peut par exemple compter sur sa « bonne étoile » en ne travaillant pas mais en fréquentant assidument les champs de course et les casinos. L’innovateur peut aussi bien développer une activité positive
(invention d’idées ou de produits nouveaux) que négative (activité criminelle en vue de s’enrichir).
Le ritualiste se caractérise par un respect scrupuleux des normes de comportement même s’il ne
partage pas les objectifs valorisés par la société. Il travaille pour gagner de quoi vivre mais pas plus :
« il se contente du peu qu’il a ».
L’évadé est celui qui a perdu tout lien avec la société dont il ne partage ni les objectifs ni les moyens
de les atteindre. En rupture avec la société, l’évadé se trouve souvent dans une situation très difficile :
folie, errance.
Le rebelle représente un cas particulier puisqu’il ne se contente pas de rejeter les buts et les moyens
valorisés socialement. Il vise à changer la structure sociale et à provoquer l’institutionnalisation,
c’est-à-dire l’adoption par le groupe social, des buts et/ou des moyens nouveaux. Les institutions lui
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apparaissent comme des obstacles à la réalisation des buts qu’il s’est fixé. Est un rebelle l’individu
qui souhaite faire renoncer la société à son objectif de réussite individuelle et matérielle au profit de
la préservation de la nature ou de la mise en commun des ressources produites.
� Conformité
Si les institutions de socialisation réussissent leur mission régulatrice, les individus s’intègrent dans
la société ou le groupe social, favorisant un développement harmonieux des relations entre les individus qui le composent et assurant la pérennité du groupe dans le temps. Le processus d’intégration
réussie et le résultat de ce processus portent le même nom : la conformité. La conformité est donc le
processus dont le résultat est l’assimilation par l’individu des attentes sociales propres au groupe et
la fourniture d’une réponse adaptée à ces attentes. Elle désigne également le résultat de ce processus,
c’est-à-dire la situation d’individus qui apportent une réponse adaptée aux attentes du groupe dans
lequel ils sont intégrés.
� Déviance
Lorsque ce processus échoue ou ne réussit pas complètement, des écarts se manifestent entre le comportement attendu d’un membre du groupe et le comportement observé dans la réalité. L’ouvrier que l’on
attend à 8 h 00 arrive plus tard. L’enfant dont on attend que tout le monde soit servi avant de commencer
à manger se jette sur son assiette à peine celle-ci remplie. L’automobiliste dont on attend qu’il laisse
passer le piéton engagé sur un passage clouté ne s’arrête pas et s’arrange même pour passer dans la
flaque d’eau qui éclaboussera les personnes sur le trottoir… De tels écarts qui concernent aussi bien
les objectifs que les moyens de les atteindre menacent l’homogénéité sociale et les plus graves d’entre
eux appellent des sanctions. La déviance n’est pas un problème d’ordre juridique mais sociologique.
La sanction de la déviance est en premier lieu le regard désapprobateur porté sur le déviant. Toute
déviance n’implique pas une sanction pénale ou physique. Si la norme du groupe social est le port de la
cravate et des cheveux courts, le « look punk » constitue une déviance qui suscite l’étonnement ou la
réprobation des individus conformistes mais pas de sanctions pénales ou physiques. Dans la typologie
de Merton, en dehors du conformiste, les autres types sont des déviants : l’innovateur qui développe
une nouvelle industrie aussi bien que le rebelle qui méprise la réussite matérielle.
La déviance a fait l’objet de nombreuses œuvres littéraires ou cinématographiques. A propos de Stupeur
et tremblements d’Amélie Nothon, vous avez le choix entre le livre et le film. Tous deux mettent en
scène une jeune fille Amélie, qui vient de terminer ses études universitaires. Sa connaissance parfaite
du japonais, langue qu’elle maîtrise pour y avoir vécu étant plus jeune, lui permet de décrocher un
contrat d’un an dans une prestigieuse entreprise de l’empire du soleil levant, la compagnie Yumimoto.
Fascinée par la hiérarchie d’entreprise japonaise, précise et méthodique, la jeune femme l’est d’autant
plus par sa supérieure directe, l’intrigante et fière Mademoiselle Mori. Pourtant, Amélie va rapidement
déchanter à la découverte d’une culture qu’elle ne connaît absolument pas. Ses fréquentes initiatives
sont régulièrement sujettes aux réprobations de ses supérieurs. Face à cet acharnement, la jeune femme
se plie à leurs exigences. Jusqu’à être mutée dans les toilettes. La déviance naît ici de la volonté de bien
faire dans un monde où l’héroïne ne maîtrise pas les conventions sociales propres au Japon.
� Délinquance
Seules les plus graves des déviances, celles qui consistent dans la violation des règles que les sociétés
ont pris le soin d’inscrire dans la loi, constituent des actes de délinquance. La délinquance n’est pas
qu’un problème sociologique, c’est un problème juridique qui appelle une politique de prévention et
de répression de la part des pouvoirs publics. Elle se mesure statistiquement, c’est un phénomène
objectif. La déviance ne se mesure pas dans la mesure où toutes les formes de déviance ne peuvent
être recensées et dépendent largement de la subjectivité de celui qui se fait « juge ».
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Il convient de bien distinguer ces deux notions. Ainsi, l’innovateur qui est toujours un déviant peut dans
certaines hypothèses être récompensé pour les changements qu’il aura apportés à ses semblables.
Gustave Eiffel est un déviant que la Ville de Paris remercie tous les jours du flux de touristes que la
construction de la tour attire sur le Champ de Mars ou au Trocadéro. A l’inverse, d’autres innovateurs
sont des déviants que la société condamne et poursuit pour les mettre en prison. Al Capone voulait
sans doute devenir riche mais il s’efforçait d’y parvenir en organisant des activités criminelles de toute
sorte. La justice américaine a d’ailleurs fini par le condamner et l’emprisonner.
B
L’analyse de la déviance et de la délinquance
L’apparition de phénomènes de déviance peut ainsi avoir plusieurs causes :
Une intégration
sociale
insuffisante
• L’individu ne se conforme pas aux normes de la société parce qu’il existe une faiblesse de ses relations sociales.
Une socialisation
incomplète
• Absence d’intériorisation des normes. L’individu ne ressent pas la contrainte sociale faute d’être inséré
dans des institutions.
Une opposition
entre deux
cultures
• La culture du groupe auquel il appartient est différente de la culture de la société dans laquelle il
vit.
La stigmatisation
• Une « étiquette » est apposée sur ceux qui sont susceptibles de ne pas s’intégrer au modèle culturel
dominant.
L’anomie
• Absence de freins moraux, de règles sociales : l’individu perd ses repères et peut être conduit au
suicide.
Du point de vue de la société, le développement de la déviance peut déboucher, si elle prend une forme
collective marquée, sur le développement de sous-cultures ou de contre-cultures. Lorsque la déviance
est le fait de groupes spécifiques (classes d’âge, classes sociales, groupes régionaux…) elle produit un
ensemble de normes et de comportements qui se distinguent des modèles culturels dominants et peuvent
en constituer des variantes (sous-cultures) ou des alternatives (contre-culture). C’est ainsi que, pour
certains auteurs, la doctrine chrétienne avaient incité les européens à n’accorder qu’une place réduite
au corps humain qui devait rester sous la maîtrise de l’esprit et auquel nulle importance particulière
ne devait être accordé. Cette attitude dominante est aujourd’hui largement battue en brèche par des
approches culturelles différentes qu’il s’agisse d’une vision inspirée par les valeurs de la performance
(développement du modèle de l’individu jeune, mince, musclé, bronzé…) ou de valeurs tribales (tatouage,
piercing…). Des cultures multiples s’affrontent pour devenir à leur tour norme dominante dans la société.
On trouverait sans peine de multiples exemples de ces mouvements dans les différents champs de la
culture au sens sociologique du terme (musiques, littérature, vêtements…).
Dans le prolongement de l’analyse des comportements individuels, Karl Merton propose une vision
particulière des phénomènes de délinquance. Selon lui, les origines de la délinquance sont les mêmes
que celles de la déviance. La délinquance résulterait d’un mécanisme de sur-intégration : le délinquant
est celui qui a assimilé les normes de la société de consommation (réussite matérielle, achat de biens
porteurs de distinction sociale…) mais sans avoir les moyens d’y prendre part. Il souhaite lui aussi
acquérir des biens matériels porteurs d’une image sociale valorisante. Mais il ne peut y parvenir en
n’utilisant que les moyens licites. Le mode de vie qui s’est développé dans les concentrations urbaines
favorise également l’éclosion de la délinquance : plus de magasins, richesse plus visible, relâchement
du contrôle social avec l’anonymat.…
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Séquence 10-SE11
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Cette explication est loin d’être la seule. L’histoire a vu se succéder les théories criminologiques. Après
avoir en vain recherché les causes de la criminalité dans une caractéristique physique particulière (la
« bosse du crime » que des criminologues célèbres ont tenté en vain de découvrir), on a en général
avancé des causes que l’on pourrait qualifier de bio-psycho-sociologiques : la pauvreté, le chômage,
la toxicomanie, l’alcoolisme, les carences affectives et éducatives… Aucune corrélation simple n’a
pu être établie entre l’un de ces facteurs et les chiffres de la délinquance. On n’est pas plus criminel
quand on est pauvre ou toxicomane. Les grands programmes lancés, notamment aux États-Unis, pour
combattre ces causes supposées n’ont pas donné de résultats très probants. L’une des pistes possibles
pour comprendre la délinquance pourrait être de reconnaître qu’il existe plusieurs types de délinquance
qui répondent à des motivations différentes et qui s’expliquent par des raisons diverses :
Une criminalité motivée par le rapport coût / bénéfice (vols d’automobiles, trafic de drogue, prostitu-
tion…) et qui est sensible à une action visant à augmenter le coût des pratiques illicites (renforcement
des dispositifs antivols pour les voitures, aggravation des peines encourues en cas d’arrestation) et
à réduire le bénéfice qui peut en être attendu (lutte contre les marchés clandestins).
Une criminalité aléatoire et irrationnelle (folies homicides, violences familiales…) qui échappent en
grande partie à l’action des pouvoirs publics.
Une criminalité diffuse (vols à l’étalage,
à l’arraché…) qui se caractérise par le fait qu’un petit nombre
des personnes qui s’y livre concentre une part importante des méfaits. La répression peut ici s’avérer
efficace à condition de se concentrer sur ce petit nombre de malfaiteurs à qui l’on peut imputer une
part très importante de l’activité de ce type.
Séquence 10-SE11
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Régulation sociale
et conflits sociaux
A
Les différentes conceptions de la régulation
sociale dans la vie de l’entreprise
L’entreprise forme un groupe humain qui dispose de ses propres valeurs et de ses propres normes. Elle
développe une forme particulière de régulation sociale et les comportements de ses salariés doivent
répondre aux attentes dont ils sont l’objet.
De nombreuses études ont montré que le processus de régulation à l’œuvre dans les entreprises pouvait
différer sensiblement d’une époque à l’autre ou d’une culture à une autre. Nous en prendrons deux
exemples qui ont en commun d’accorder une place importante à l’individu dans l’organisation. Elles se
distinguent en cela du modèle taylorien où la question de la régulation se limitait à la détermination
de règles mécaniques de comportement et à l’application stricte d’un règlement intérieur assorti de
sanctions financières (retenues de salaires). Dans ces deux modèles, la régulation présente une complexité qui en fait la richesse.
� Le modèle de régulation de l’École
des relations humaines
Dans ce modèle que nous avons déjà rencontré (cf théorie X et Y de Mac Grégor), le point de départ de
l’analyse est qu’il faut tenir compte des effets sociaux qui se produisent dans l’entreprise et qui tiennent au jeu des statuts, des relations personnelles, des groupes informels… A défaut, la performance
de l’entreprise s’en trouve amoindrie même si elle est parfaitement organisée « sur le papier ». Ces
effets sociaux sont particulièrement importants car ils influencent la production de deux points de vue.
En premier, les groupes de travail ont tendance à établir des normes de comportement qui protègent
leurs membres contre des augmentations de cadence. L’individu qui ne veut pas subir les sanctions
sociales (mise à l’écart du groupe, mépris de ses camarades de travail….) doit adopter cette norme et
la direction peut avoir le sentiment que les cadences sont convenables puisque personne ne semble
pouvoir aller plus vite. D’autre part, les groupes de travail suscitent l’émergence d’une hiérarchie parallèle, des leaders informels accumulant une autorité bien qu’ils ne soient que des employés comme les
autres. Ces leaders sont à l’origine de normes et de comportements qui sont suivis par les autres et
qui peuvent entrer en conflit avec les ordres donnés par les chefs hiérarchiques. Les spécialistes des
relations humaines peuvent s’efforcer d’identifier ces effets sociaux pour leur apporter des réponses
favorables à l’augmentation de la performance globale de l’entreprise. Le schéma suivant résume ce
premier mode de régulation dans l’entreprise.
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Séquence 10-SE11
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� L’approche managériale des relations social
dans l’entreprise
Dans les années 1970, les nombreux succès remportés sur les marchés occidentaux par les entreprises
japonaises ont suscité un engouement particulier pour le modèle d’organisation très spécifique qu’elles
avaient mis en place et qui reposait sur une approche qualitative des processus de travail (0 défaut)
et une forme de régulation privilégiant la cohérence de l’entreprise et l’usage de normes communes
d’évaluation de la performance.
L’exemple japonais et de nombreuses mesures législatives ont incité les entreprises à revoir leurs
mécanismes de régulation sociale en intégrant davantage les partenaires sociaux dans un dialogue
tripartite : direction, syndicat, salariés. Ce dialogue peut être schématisé comme suit :
Séquence 10-SE11
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La relation hiérarchique, seule reconnue dans l’organisation taylorienne, ne disparaît pas. L’organisation
de l’entreprise repose sur la division du travail et le pouvoir de décision directorial relayé vers les salariés par des personnels d’encadrement. Cette relation hiérarchique s’enrichit d’un dialogue direct qui
permet en particulier d’informer les salariés des projets de l’entreprise, de ses succès et de ses échecs…
Mais, la structure hiérarchique se complète d’une structure de dialogue intermédié entre le personnel
et la direction. Les représentants des salariés sont considérés comme des interlocuteurs capables de
formaliser et de porter collectivement des motivations et frustrations des salariés qu’ils expriment
sous forme de revendications. Celles-ci donnent lieu à un dialogue institutionnalisé dans différentes
instances que la loi a encouragé dans les années 1980 : comité d’entreprise, conseil d’administration
(où les représentants des salariés sont présents)…
Cette approche est qualifiée de managériale au sens où elle intègre dans le système de gestion de
l’entreprise des mécanismes de régulation sociale qui en étaient autrefois écartés. Ceci ne signifie
pas que cette intégration résout à elle seule les conflits sociaux. Mais, elle leur donne un cadre où ils
peuvent s’exprimer avant de se transformer en véritables crises, ce qui n’est pas exclu en cas d’échec
du dialogue entre les trois partenaires.
B
Le rôle des syndicats dans la régulation sociale
� Des organisations nées des conflits sociaux
du XIXe siècle
Le monde de la production a connu depuis très longtemps des formes d’organisation collective qui
avaient un rôle de régulation sociale en imposant des normes et des comportements destinés à garantir
une certaine qualité de la production en même temps que les intérêts bien compris des producteurs.
Mais, si des guildes ou des corporations existaient dès le Moyen-Âge, ces formes d’organisation ont
été supprimées par la Révolution française (la loi Le Chapelier) qui peut s’interpréter en termes de
coordination marchande comme la volonté d’instaurer l’atomicité de l’offre et de la demande de travail
afin de laisser jouer la concurrence et de parvenir à une situation d’équilibre et à un salaire conforme
à l’état des forces sur le marché.
Il a donc fallu attendre la Révolution industrielle en Angleterre pour qu’apparaissent des organisations
syndicales au sens moderne du terme. Les ouvriers britanniques ont obtenu le droit de se regrouper
en syndicats dès 1852. En France, cette liberté syndicale sera pleinement reconnue en 1884 par la loi
Waldeck-Rousseau. A la fin de ce siècle, un syndicalisme de masse, tirant sa force de mouvements
de grève très importants, se développe et aboutit à la création de confédérations nationales : Trade
Union Congress (TUC) en Grande Bretagne, Confédération Générale du Travail (CGT) en France… Des
différences idéologiques apparaissent en liaison avec le développement du courant socialiste et la
Révolution russe. Un syndicalisme socialiste (Allemagne, Suède, France) coexiste avec un syndicalisme
influencé par la doctrine chrétienne (Allemagne, Belgique) et un syndicalisme proche de l’anarchisme
à visée révolutionnaire.
Aujourd’hui, certains pays connaissent un morcellement syndical, fruit du développement de ces diverses
tendances (Italie, France). A l’inverse, certains pays se caractérisent par la domination de fait, sinon de
droit, de grandes centrales qui réunissent un nombre très important d’adhérents autour d’une volonté
de réforme sociale et non pas d’un projet de transformation radicale de la société. Le syndicalisme
réformiste a une fonction centrale dans les processus de régulation sociale. Il est en effet co-respondable avec les syndicats patronaux de la définition de nombre de normes professionnelles (négociation
d’accords collectifs sur le temps de travail, l’organisation des entreprises…) et il lui revient de veiller à
la bonne application de ces normes dans les entreprises. Cette seconde forme de syndicalisme unitaire
et réformateur semble remporter l’adhésion des employés si l’on s’en rapporte aux taux de syndicalisation très élevés qui caractérisent des pays comme la Suède ou la Belgique alors qu’en France ou en
Italie, ce taux de syndicalisation est très faible.
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Séquence 10-SE11
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� Différentes conceptions du rôle
des syndicats dans la société
L’intervention dans la régulation sociale de ces organismes d’intermédiation que sont les syndicats est
diversement appréciée par les économistes.
Les syndicats, entrave au fonctionnement de la coordination par le
marché
Comme on peut s’en douter, les économistes qui ont une préférence forte pour la coordination par le
marché analysent les syndicats comme des formes d’atteinte à l’atomicité du marché et un facteur de
perturbation du fonctionnement de la loi de l’offre et de la demande. La concurrence devient imparfaite
et engendre des dysfonctionnements dont les offreurs de travail sont les victimes tout autant que les
entreprises.
Les principaux arguments de ces économistes à l’encontre des syndicats peuvent se résumer comme
suit :
Les syndicats, outil de lutte du prolétariat
Pour les syndicats qui se sont rangés à la vision marxiste de la vie économique et sociale, les syndicats
sont le produit des efforts du prolétariat pour lutter contre leur ennemi de classe (la bourgeoisie) et
limiter les effets destructeurs de la compétition que se livrent les demandeurs de travail lorsqu’ils se
présentent sur le marché. Instruments de la lutte quotidienne de ceux qui sont exploités, les syndicats
ont en même temps un rôle essentiel de formation et d’organisation de la classe ouvrière. En conduisant
de grands mouvements sociaux, les syndicats sont à l’origine de progrès dans les conditions de vie des
ouvriers (augmentation de salaires, réduction du temps de travail, amélioration des conditions d’hygiène
et de sécurité…). Mais, ils ne doivent pas se contenter de réformer le système capitaliste à la marge ;
ils doivent travailler à la destruction du système de la propriété privée des moyens de production et à
l’avènement de la société sans classe. En ce sens, les syndicats sont des outils de transformation vers
le socialisme et le communisme.
Séquence 10-SE11
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Les syndicats, éléments du processus de régulation économique et social
Certains économistes analysent le rôle des syndicats en prenant pour point de départ le phénomène de
concentration industrielle qui donne naissance à des entreprises de grande taille et à la nécessité d’une
régulation adaptée à des acteurs puissants qui ont besoin d’interlocuteurs à leur mesure pour mettre
en place et faire vivre une régulation sociale minimisant les conflits incontrôlés. Dans cette perspective,
l’existence de syndicats puissants, capables de représenter collectivement les salariés, d’exprimer leurs
revendications et de négocier pour eux des compromis constitue un avantage en limitant les risques
de mouvements spontanés, peu représentatifs et incapables de porter une négociation pour l’ensemble
des personnels. Les syndicats ont alors un rôle positif de gestion des tensions, voire des conflits, et de
cohésion sociale.
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Séquence 10-SE11
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ravaux dirigés
A – Dossier Metaleurop
La vie économique et sociale connaît en permanence des situations de tension, de négociation, de conflit.
La notion de mouvement social désigne une action collective revendicatrice ayant pour objectif de modifier les mentalités (représentations collectives existantes) ou les règles institutionnelles en vigueur dans
un sens plus favorables aux catégories qui sont à l’origine du mouvement. Ces mouvements peuvent
prendre différentes formes. La plus classique est celle du recours à la manifestation sur la voie publique.
Mais, les acteurs sociaux imaginent sans cesse de nouvelles formes d’action dont l’impact médiatique
est plus fort en raison de leur originalité ou de leur visibilité. Les mouvements sociaux importants
dépassent les frontières que l’on peut établir entre les acteurs, les formes des mouvements, la nature
des demandes. Un exemple typique de ces mouvements est celui de Metaleurop. Le texte ci-dessous
présente un éclairage sur ce conflit qui a éclaté dans la région du Nord en 2003.
Metaleurop, deux ans après la fermeture
En janvier 2003, le groupe Metaleurop déposait le bilan de son usine de Noyelles-Godault (Pas de Calais)
employant 830 personnes afin d’éviter la mise en oeuvre d’un plan social et la dépollution d’un des sites
les plus pollués d’Europe. Bilan d’un cas extrême d’irresponsabilité sociale et environnementale.
Devenue le symbole des « patrons voyous » et de l’opacité des montages financiers internationaux, la
fermeture brutale de l’usine Metaleurop (les salariés l’ont appris le soir même par le journal télévisé)
a fait l’objet d’un vif conflit social, qui a duré pendant plus d’un an. Un an pour tenter d’obtenir, dans
un premier temps, la réouverture du site, puis pour obtenir réparation après un dépôt de bilan qui
exonérait le groupe de mettre en place un plan social. Manifestation après manifestation, les employés
ont obtenu un plan social financé par les pouvoirs publics, prévoyant le versement d’indemnités de
licenciement et le reclassement des salariés. Presque deux ans plus tard, sur les 671 ex-salariés en âge
de travailler, seulement la moitié a retrouvé un emploi stable. « La moyenne d’âge lors de la fermeture
de l’usine était de 47 ans », indique l’association « Cœurs de fondeurs », qui regroupe les anciens
salariés. Un handicap supplémentaire dans une région sinistrée… Parmi les anciens salariés, une trentaine a réussi à travailler sur le projet de dépollution du site, et beaucoup fondent leurs espoirs sur le
nouveau chantier « Agora », mis en œuvre par l’entreprise SITA. Cette filiale de Suez, qui a repris le
site en janvier 2003, va en effet créer un site dédié au recyclage industriel ainsi qu’une plateforme de
compostage. SITA, qui recevra des pouvoirs publics 30 000 euros par emploi, compte en créer près de
200 à l’horizon 2009. Mais l’entreprise doit au préalable procéder à la dépollution du site. Un chantier
considérable : 100 000 tonnes de déchets toxiques et de gravats, 82 000 m² d’amiante, mais aussi
du zinc, du plomb, de l’arsenic et des hydrocarbures… Les coûts liés à la dépollution du site et de ses
environs sont évalués à quelque 300 millions d’euros – auxquels s’ajoutent 43 millions d’euros pour le
plan social –, laissés à la charge de la collectivité.
Dommages sanitaires et environnementaux
Implantée en 1894, l’usine est considérée comme l’un des sites les plus pollués d’Europe. Depuis plus
d’un siècle, la fonderie de Noyelles-Godault rejettait du plomb dans l’atmosphère (50 kg par jour sous
forme de poussières), provoquant un taux de plombémie élevé dans la population, notamment chez
les jeunes enfants. Les riverains de la commune d’Evin-Malmaison, regroupés en association, avaient
d’ailleurs déposé plainte en octobre 2002 auprès du tribunal de Béthune, pour « empoisonnement
et non-assistance à personnes en danger ». Seul un « programme d’intérêt général » prévoyant des
restrictions d’urbanisme et un suivi sanitaire de la population, avait été mis en place à partir de juillet
2002, à la demande des habitants et des associations de défense de l’environnement…
Séquence 10-SE11
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Depuis septembre dernier, un suivi médical est assuré pour les anciens salariés de Métaleurop afin
d’évaluer les conséquences de leur exposition au plomb et à l’amiante. Si certains ont été très touchés
par la pollution, le sujet demeure néanmoins tabou. Les ouvriers ont en effet tendance à penser que
la fermeture de l’usine est due aux impacts environnementaux et au coût de la dépollution. Comme
ailleurs, un accord tacite entre employés, élus et chefs d’entreprises, a longtemps permis de « cacher »
les risques sanitaires et environnementaux liés à l’activité de l’usine. Aujourd’hui, les risques pèsent sur
les ex-salariés, mais aussi sur les riverains du site de Metaleurop, et notamment les enfants. Certains
d’entre eux sont victimes du saturnisme. Le Pr Jean-Marie Hagenauer, qui enseigne à la faculté de
médecine de Lille, a été chargé par le ministère de la Santé d’étudier les effets de la présence dans le
sang de poussière de plomb. Il estime que « dans le secteur de Metaleurop, environ 13 % des enfants
ont plus de 100 microgrammes de plomb par litre de sang. A ce stade, il y a toujours une possibilité que
cela entraîne des conséquences sur la santé, la parole, et des problèmes neuro-comportementaux (…)
Ici, nous avons de la poussière de plomb sur toutes les surfaces, dans les jardins, les cours, à l’école,
partout. » Plus de 10 communes sont concernées, soit environ 60 000 personnes.
Véronique Smée
Mis en ligne le : 06/12/2004
http://www.novethic.fr/novethic/site/article/index.jsp?id=86704
Rechercher
la signification du terme « dépôt de bilan ».
Pour
quelles raisons la fermeture de l’entreprise Metaleurop a-t-elle débouché sur un mouvement
social aussi important ?
Quelles
étaient les revendications à l’origine du mouvement social ? Ont-elles été satisfaites ?
Pourquoi la fermeture de Metaleurop ne concerne-t-elle pas que les salariés mais tout le tissu social
autour de l’entreprise ?
B
Sanctions sociales
Le respect des normes sociales est garanti par le fait que leur violation est sanctionnée. On distingue
plusieurs types de sanctions : physiques, économiques, religieuses, sociales. Voici un exercice pour vous
entraîner à classer un certain nombre de sanctions dans les quatre catégories évoquées.
Sanctions physiques
Sanctions économiques
Sanctions religieuses
Sanctions sociales
Moquerie du groupe / Commérage / Résurrection / Diplôme / Peine de mort /
Retrait de la bourse étudiant / Fessée / Damnation éternelle / Note dans le cahier de
liaison / Retrait de l’amitié / Mot d’encouragement des parents / Retenue au lycée /
Colère des dieux / Emprisonnement / Contravention / Boycottage des produits /
Dommages et intérêts / Prime d’ancienneté
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Séquence 10-SE11
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C
Déviance d’hier, conformité d’aujourd’hui
L’appréciation de la déviance est fonction de l’époque et du lieu. Tel comportement déviant dans une
société donnée est tout à fait conforme aux valeurs et aux normes d’une autre société. Ce qui était
déviant hier dans la société française peut devenir conforme aujourd’hui et vice-versa. Voici un tableau
dans lequel vous pourrez reclasser les différents comportements évoqués à titre d’exemple.
Conforme hier, conforme aujourd’hui
Conforme hier, déviant aujourd’hui
Déviant hier, conforme aujourd’hui
Déviant hier, déviant aujourd’hui
• Attaquer une banque
• Choix du mari par les parents de la mariée
• Mariage d’une femme et d’un homme
• Châtiment corporel appliqué aux enfants (coups de canne)
• Port de la mini-jupe par un garçon
• Conduite en état d’ivresse légère
• Cohabitation juvénile (avant mariage)
• Port du pantalon par les filles
• Consommation de tabac à la maison
• Courtoisie envers les autres
• Consommation de tabac dans les locaux accessibles au public
• Rouler très vite en ville ■
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