Les résumés des interventions

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RÉSUMÉS DES COMMUNICATIONS
L’ÉCONOMIE DANS LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE :
UN APERÇU HISTORIQUE
3-4 décembre 2015
Table ronde 1
Réécrire l’histoire européenne. De nouvelles questions pour un ancien continent
Patrick Fridenson modérateur
New Perspective in European Economic History
par Stephen Broadberry
Résumé :
Avec l’édition de la Cambridge Economic History of Modern Europe, Kevin O’Rourke et
Stephen Broadberry ont cherché à produire une histoire économique qui n’était pas seulement
une collection d’histoires nationales. Ce projet découlait d’un réseau de recherche financé par
la Commission européenne : « Unifying the European Experience : Historical Aspects of PanEuropean Development ». Depuis, il s’est intéressé à des projets connexes : unifier l’histoire
économique européenne en liant les périodes ancienne, médiévale et moderne, et situer cette
histoire économique sur le long terme dans une perspective d’histoire globale.
L’économie du Haut-Empire romain : une économie monde ?
par Catherine Virlouvet
Résumé :
La question sera abordée surtout sous l’angle des échanges, du commerce et des
infrastructures liées à ces activités économiques. L’unification par Rome d’un empire
territorial à l’échelle de la Méditerranée et de la majeure partie de l’Europe nord occidentale
(c’est-à-dire à l’échelle du monde civilisé dans la conception des Romains eux-mêmes), la
présence d’une administration impériale dont le personnel ne fut pas pléthorique, mais qui se
préoccupa soigneusement des besoins de la capitale de l’Empire, cœur du pouvoir politique,
et des armées stationnées à sa périphérie, le développement de la vie urbaine, créèrent les
conditions d’un développement des échanges à une échelle inédite jusqu’alors. Bien sûr
certaines régions intérieures, rurales et moins peuplées, restèrent à l’écart de cette intégration
économique, mais celle-ci n’est pas niable. Les ruines des cités aux quatre coins de l’Empire,
de l’Égypte à l’Angleterre, du Maroc à la Syrie ou à la Turquie, témoignent encore
aujourd’hui de cette relative unification de la vie matérielle des habitants de l’Empire. Faut-il
penser que la fragmentation qui suivit la période antique fut telle que ce passé commun n’a
aucun impact sur nos conceptions actuelles de l’Europe et de ses rapports avec la
Méditerranée dans son ensemble ? Ainsi il y a peut-être une leçon à tirer, alors que l’idée
d’Europe traverse la crise que l’on sait, de l’intégration économique et institutionnelle de
l’Empire romain : les progrès à venir des connaissances sur l’économie romaine ont aussi
cette utilité.
La place de l’histoire économique dans le « Grand Récit » de l’histoire médiévale
par Laurent Feller
Résumé :
Entre la dislocation de l’Empire romain au Ve siècle et l’ouverture aux mondes extraeuropéens de la seconde moitié du XVe siècle, les mille ans que couvre l’histoire du Moyen
Âge constituent un enjeu épistémologique important et complexe dans la constitution d’un
« Grand Récit » à l’échelle de l’Europe. On ne peut tout d’abord raisonner qu’à l’échelle de
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l’Europe tout entière. Les nations n’émergent que tardivement et les puissants courants qui
irriguent la vie européenne ne peuvent se comprendre qu’à cette échelle, quand bien même
l’historiographie, et spécialement l’historiographie française, a choisi la monographie
régionale comme cadre analytique et descriptif. Les problèmes posés sont d’abord d’ordre
chronologique. Comment caractériser de façon précise les trois grandes phases que la
tradition académique et la logique documentaire imposent ? Ils sont surtout d’ordre
méthodologique à travers des questions aussi lourdes que le devenir de l’institution de
l’esclavage, le rôle de la ville, celui de la monnaie, la place de la commercialisation,
l’importance et les limites du développement artisanal. On se propose de présenter à travers la
position actuelle de ces problèmes les grandes tendances de l’histoire économique du Moyen
Âge.
Commerce et navigation européens à l’époque moderne : où en sommes-nous ?
par Silvia Marzagalli
Résumé :
À partir de la thèse de la relative marginalisation de la Méditerranée à l’époque moderne face
à l’ampleur des navigations et du commerce transatlantique et asiatique, les études
quantitatives des années 1960 et 1970 puis les recherches sur les ports français et leurs trafics
transocéaniques au XVIIIe siècle se sont efforcées d’illustrer la projection du commerce
européen dans les mondes extra-européens, en postulant qu’elles aient été un facteur décisif
de la prééminence de l’économie européenne à l’époque contemporaine. La mesure des
échanges a été ensuite délaissée, et l’on a davantage insisté sur la production des marchés en
tant que résultante des connexions librement consenties entre différents acteurs. En se
focalisant sur la trame des relations qui soutiennent les échanges et sur les mécanismes de
fonctionnement réticulaires du négoce, on risque toutefois de perdre de vue la question des
rapports de force dans les jeux de l’échange. Peut-on aujourd’hui, à l’heure où d’ambitieux
programmes mettent à la disposition des chercheurs d’imposantes masses de données,
envisager de conjuguer approches quantitatives et approches relationnelles, pour parvenir à
une compréhension plus fine du rôle du commerce pour l’économie européenne et de son
poids dans les échanges mondiaux ?
Table ronde 2
Quels enjeux et quelles perspectives pour l’histoire économique dans les pays
européens ?
Jean-Claude Daumas modérateur
L’AFHÉ ou le retard français ?
par Jean Heffer
Résumé :
L’AFHÉ a 50 ans, mais elle est née vingt-cinq ans après l’Association américaine (Economic
History Association). Pourquoi ce retard, alors que l’histoire économique était relativement à
son zénith à cette époque ? D’autre part, les historiens économistes français semblent être
passés pour la plupart à côté de la « nouvelle histoire économique » qui a triomphé outreAtlantique. J’évoquerai à ce propos la « bataille d’Hernani » qu’a été la séance organisée par
l’AFHÉ en janvier 1976. Avec le déclin relatif de l’histoire économique, l’AFHÉ est-elle
désormais plus en phase avec les institutions étrangères qui traitent du même thème ?
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Toujours entre deux cultures : l’identité de l’histoire économique italienne reste en
question
par Carlo Marco Belfanti
Résumé :
L’histoire économique, en tant que domaine spécialisé de l’histoire c’est-à-dire une discipline
basée sur des méthodologies propres à l’histoire, s’est développée, en Italie comme à
l’étranger, jusqu’à il y a 15-20 ans. Par la suite, les partisans d’une histoire économique
appartenant au domaine des sciences économiques ont pris plus de poids. En conséquence, la
méthodologie d’analyse des sciences économiques a été de plus en plus utilisée dans l’analyse
historique des événements économiques. Selon ce courant, pour l’étude, la compréhension et
l’explication de l’histoire économique, il est indispensable de partir des lois réglant
l’évolution de l’économie (à ce propos, l’existence de lois gouvernant l’économie est-elle
confirmée ?). L’histoire économique est donc à la « moitié du gué », entre sa genèse
historique et les ambitions de l’économie, avec une physionomie scientifique hybride, elle est
à la recherche de sa nouvelle identité. Un effort s’avère donc nécessaire afin que la force
institutionnelle et académique de l’histoire économique puisse rejoindre un « statut »
scientifique et méthodologique capable d’en dessiner une identité bien définie. Dans le cas
contraire, on risque de « reculer » tant aux niveaux académique qu’institutionnel.
The Economic and Social History Portuguese Association (APHES) : 35 years
par Alvaro Ferreira da Silva
Résumé :
Fondée en 1980 par Vitorino Magalhães Godinho (1918-2011) et par un groupe de
collaborateurs et disciples, l’Association portugaise d’histoire économique et sociale compte
aujourd’hui plus de 400 membres, pour la plupart chercheurs et professeurs dans les
universités, au Portugal et à l’étranger. L’Association adhère depuis 1986 à l’Association
internationale d’histoire économique. L’APHES a organisé jusqu’à présent 35 rencontres
scientifiques, dans différentes universités du Portugal, en promouvant les contacts entre
l’histoire économique et sociale et le débat sur des thèmes essentiels de l’historiographie
nationale et internationale. Chaque événement est consacré à une problématique cruciale
comme « Consommation et culture matérielle du Moyen Âge à nos jours » (2008),
« Économie et institutions : une perspective historique » (2011), « État, sociétés et marchés
dans un monde globalisé » (2013) ou encore « Les inégalités » (2015). Ces manifestations
rencontrent un succès de plus en plus large auprès d’un public international.
Quatre générations d’historiens économiques et un avenir incertain : l’Association
espagnole d’histoire économique, c. 1970-2015
Par Joseba De la Torre
Résumé :
Selon certains indicateurs internationaux (Baten & Muschallik, 2012), l’AEHE est en bonne
santé. Les historiens économiques espagnols jouissent d’un statut remarquable et occupent
même la première position (avec les Portugais) pour la participation à des colloques
internationaux. Ce succès est le résultat de quatre générations successives d’historiens de
l’économie de notre pays. Cependant, cette path dependence est à risque en raison des
changements institutionnels qui menacent le système universitaire et scientifique de l’Espagne
après la politique d’austérité budgétaire et de la réduction du personnel académique que la
Grande Récession a entraînées. Notre intervention à cette table ronde abordera : a) l’évolution
des différentes tendances historiographiques pendant quatre générations d’historiens
économistes ; b) les grandes lignes de la recherche et de l’expertise développées (histoire
économique et financière, histoire du développement économique espagnol, histoire agraire,
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histoire industrielle, histoire de l’entreprise, démographie historique, histoire de
l’environnement) et, enfin, c) la trajectoire de l’internationalisation dès ses débuts jusqu’à
aujourd’hui.
Du national au global. L’histoire économique et sociale en Allemagne depuis la fondation
de l’Association d’histoire économique et sociale (Gesellschaft für Sozial- und
Wirtschaftsgeschichte) en 1961
Par Günther Schulz
Résumé :
Gûnther Schultz, président du comité exécutif de la Société allemande pour l’histoire
économique et sociale présentera l’évolution de l'historiographie économique et sociale
depuis la création en 1961 de cette association.
Table ronde 3
Quels enjeux et quelles perspectives pour l’histoire économique et sociale dans les pays
européens ?
Natacha Coquery modératrice
L’entrée échouée dans le social et le culturel ? La construction européenne dans les
années 1970 et 1980
par Hartmut Kaelble
Résumé :
Les projets d’Europe sociale et culturelle étaient des points de repère dans la construction
européenne des années 1970 et 1980, avant le retour à l’économique avec le projet d’une
monnaie commune et le retour au politique avec le projet d’une union politique européenne à
partir des années 1990. Mais l’entrée dans le social et culturel n’était pas qu’un épisode mais
un processus historique en développement continu. Donc l’interprétation des années 1970
et 1980 est controversée parmi les historiens, dont certains considèrent les projets sociaux et
culturels de cette période comme un échec alors que d’autres y voient les débuts
d’orientations politiques qui continuent à se prospérer de nos jours. L’intervention se penche
sur ces controverses et propose une tentative de conclusion.
Enjeux et perspectives d’une histoire comparée des campagnes européennes
par Gérard Béaur
Résumé :
Alors que l’Europe sortait de la guerre et qu’elle venait de connaître d’énormes problèmes de
ravitaillement et de rationnement, pendant et même après le conflit mondial, alors qu’elle ne
couvrait que 80 % de ses besoins et que son système productif se trouvait en convalescence,
et alors que le pourcentage de ruraux et le nombre d’exploitations restaient élevés, il n’est pas
si étonnant que se soit mise en place une Politique agricole commune (Pac) qui fut et qui reste
l’un des piliers de la construction européenne. Dans ce contexte, il n’est peut-être pas non
plus si surprenant que les historiens aient porté un peu partout en Europe une attention accrue
au monde des campagnes. Cette préoccupation surgit pendant cette phase de construction de
la Pac et la concomitance est suffisamment troublante pour qu’on y voie autre chose qu’une
coïncidence. C’est alors, en tout cas, que l’histoire rurale connut son apogée. Pourtant,
curieusement, les historiens examinèrent l’histoire des campagnes essentiellement sur des
bases nationales sans trop se préoccuper de ce qui se passait hors de leurs frontières. Cet
enfermement fut parfois brisé par quelques initiatives spectaculaires et par la participation à
certains forums internationaux, mais il resta quasiment la règle jusque dans les années 1990.
Depuis lors, l’idée que la recherche comparée est nécessaire a fait son chemin et plusieurs
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initiatives ont permis de tisser un vaste réseau à travers l’Europe. Une telle confrontation a
permis de regarder autrement certains problèmes, de reconsidérer certaines hypothèses ou
certaines certitudes et de détruire de nombreux mythes qui encombraient jusqu’alors l’histoire
des campagnes. Ce faisant, les historiens ont rencontré des questions auxquelles se trouvent
encore aujourd’hui confrontés agriculteurs et politiques. Sans prétendre apporter de solution
miracle pour l’avenir, ils ont ainsi fourni des clés de compréhension en mobilisant les
expériences du passé et en relativisant à la fois le caractère inédit de certains faits
contemporains et l’exceptionnalité de certains faits historiques.
Concurrence et planification dans la construction européenne depuis 1919
par Laurent Warlouzet
Résumé :
La construction européenne a souvent été associée à la manifestation d’un idéal de libremarché fondé sur une conception de la concurrence comme d’un aiguillon indispensable à la
croissance. Pourtant, les idées planificatrices ont souvent été, soit associées à cette dynamique
libérale, soit opposées à cette dernière. La contribution envisagera cette relation entre
concurrence et planification sur le long terme, en s’intéressant tant aux projets de
rapprochement économique entre États européens, qu’aux diverses réalisations concrètes. Elle
remontera à 1919, date des premières discussions au sommet sur des rapprochements
économiques institutionnalisés entre les États européens. Elle étudiera l’évolution des
conceptions de la planification, macro- ou méso-économique, publique ou privée (cartel) et en
particulier sa relation avec l’idée de marché libre et concurrentielle. Avant même que la
thématique de la planification ne se popularise dans les années 1930, les projets européens
associaient souvent logique de concurrence et logique d’organisation des marchés. De 1948 à
1978, les projets de planification européenne volontaristes sont nombreux, tant dans le cadre
de la CEE que dans celui d’autres organisations (OECE, CECA, etc.). Dans un dernier temps,
la planification comme principe d’organisation de la construction européenne décline ou
change de sens.
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