La Fêlure du Papillon Cie les alentours rêveurs Serge Ambert Tomá Bo il COPRODUCTION : les alentours rêveurs, Institut Français de Prague, Théâtre Ponec et Tanec Praha, ville de Prague 3, Ballet National de Marseille (accueil studio 2004), Ballet de l'opéra national du Rhin - Centre Chorégraphique National - Accueil Studio 2004, Conseil Général de la Nièvre, Maison de Bourgogne de Prague/Conseil régional de Bourgogne. Avec le soutien de l'Association la Folia /Christine Bastin, la Chapelle à Montpellier, la Mairie de Corbigny, le Centre National de la Danse à Pantin pour le prêt de studio. La Fêlure du Papillon … à G. Noël Pièce chorégraphique pour deux danseurs et un moniteur vidéo Chorégraphie : Serge Ambert Interprètes : B tka Májová et Serge Ambert Images vidéo : Sláva Sobotovi ová Création lumière : Patrick Debarbat Costumes : Magdalena Prousková Univers sonore : AltiM Cie les alentours rêveurs Serge Ambert Abbaye de Corbigny 58800 Corbigny Téléphone : 03 86 20 17 42 Courriel : [email protected] Administration : Géraldine Pouthier La Compagnie les alentours rêveurs est accueillie en résidence-implantation par la ville de Corbigny. Elle est subventionnée par le Ministère de la culture/DRAC Bourgogne au titre de l’aide à la compagnie chorégraphique, par le Conseil régional de Bourgogne dans le cadre d’une convention de projet de territoire et par le Conseil Général de la Nièvre. A propos de... L'envie de parler de l'enfermement, de la perception déformée de la réalité, de la dualité et des duels intérieurs que chacun se livre. La schizophrénie comme point de départ afin de chercher le mouvement intérieur, celui qui fissure l'en dedans amène le mouvement désordonné, la recherche du risque. La confrontation à l'Être intérieur, la bascule, l'épuisement, la montée dans la joie ... du gris vers la couleur Tomá Bo il « Mais quel est donc ce mal qui m'étreint ? Ce Mal enfoui ! Où mène ce couloir au long duquel s'alignent des portes ouvrant toutes sur des voies labyrinthiques ? Qui est donc cet autre moi plein de couleur et de vie et qui me regarde droit dans les yeux à travers ma propre grisaille ? » ü Itinéraire Serge AMBERT (chorégraphe interprète) Le parcours de Serge Ambert se caractérise par une grande pluridisciplinarité. Après une formation en danse et en musique il débute sa carrière d interprète en qualité de comédien auprès de Brigitte Mercier et Hans Peter Cloos, puis il est engagé en 1983 dans le ballet de Opéra de Lyon. Il travaille ensuite avec différents chorégraphes, se confrontant alors à des répertoires variés; néo-classique avec Christian Taulelle, contemporain avec Andy Degroat, Jean Guizerix et Wilfride Piollet, et baroque au sein de la Cie Ris et Danceries dans des chorégraphies de François Raffinot, Francine Lancelot, Beatrice Massin et Ana Yepes. Il interprètera le solo du Sommeil dans l opéra « Athis ». En 1993, il intègre la Cie Christine Bastin pour plusieurs pièces (« Gueule de Loup », « la Polka du Roi », « Première Neige », « Be », « Out of Brad ») et travaille auprès d elle en tant qu assistant à la création de la pièce « Elle et Lui » dont il a par ailleurs réalisé l univers sonore. Il poursuit aussi sa carrière d interprète aux cotés de Jacques Fargearel et auprès de Frédéric Lescure pour la pièce« Vents Vivants ». Il retrouve le monde du théâtre en 1999 avec la création au Festival d Avignon en tant que comédien du texte de Gilles Ribadeau-Dumas : « T as tort Totor ». Débutant son travail de chorégraphe dès 2001 avec un solo « la Sentinelle », puis « Cestou s ni » (« Voyage avec Elle » ), pièce pour huit interprètes féminines créée a Prague, il fonde sa propre compagnie les alentours rêveurs en 2003. Rapidement les projets de la compagnie trouvent des soutiens dans la région Bourgogne et en République tchèque où son travail est reconnu depuis plusieurs années. Suivent quatre créations : « La Fêlure du Papillon » (2004), duo sur la schizophrénie et le duel intérieur intégrant un travail avec une vidéaste slovaque ; « Les âmes perdues » (2005), solo témoignant de l exil et du déracinement ; « Signature(s) » (2006), déambulatoire chorégraphique mêlant comédien, musiciens et danseurs, et s adaptant aux différents lieux (créée en République tchèque) ; « Desirata » (2007) traitant de la relation de désir et de séduction au travers des danses de bal et intégrant un quatuor de musique contemporaine. Depuis septembre 2006 la compagnie les alentours rêveurs est accueillie en résidence-implantation à Corbigny dans la Nièvre. Serge Ambert poursuit sa collaboration avec la République tchèque avec un projet sur le thème des insectes qui se déclinera sur plusieurs années (premier volet « Ephémère » présenté au printemps 2007 à Prague). Sa dernière création « Fleurs sanglantes » (2009), duo pour deux hommes, évoque le Japon et la relation des hommes à leur féminité et à leur propre violence au travers des thèmes des Onnagata (rôles de femmes joués par des hommes dans le théâtre japonais) et du Seppuku (suicide ritualisé). Par ailleurs il développe un travail d ateliers en hôpital psychiatrique auprès de patients et notamment au CHS de Dijon. Un film témoignage de cette expérience fut réalisé par Florent Jullien : « Sur le fil du fil des Saisons ». Afin d achever son travail sur la schizophrénie commencé avec « la Fêlure du Papillon » il prépare un solo inspiré de la maladie de Nijinski et qui sera présenté en à Prague au printemps 2010. Répondant à une commande, Serge Ambert a chorégraphié « Carnaval des animaux » pour le Ballet du duo/dijon en 2005. autre part il collabore régulièrement avec d autres artistes : la compagnie de théâtre de rue Métalovoice, le duo de musiciens Mécanique acoustique, le musicien Patrice Bailly (Collectif Zazen), Jean Bojko et le TéATr'éPROUVèTe. Itinéraires bis Sláva SOBOTOVICOVA (Plasticienne vidéaste) Artiste plasticienne slovaque, Sláva Sobotovi ová a suivi sa formation à l'Ecole des Beaux Arts de Bratislava puis à l'Ecole des Beaux Arts de Prague. Entre 1998 et 2004 elle participe aux expositions suivantes : 1998 "Zelená"-Prague, "Sport Gallery"-Prague, "Centrum/Okraj "-Trnava (Slovaquie) 1999 "Trezory"-Prague, "99CZ"-Prague, "Citlivá vrstva"-Brno (Rep.Tch.) 2000 ivot jí slu í"-Praha (avec M. P chou ek), "Human touch"-Cheb, "Z krabic ven!"- eské Bud jovice (Rep. Tch.) 2002 "Stalo se jedné noci"- Plze (Rep. Tch.) 2003 eskoslovensko" -Bratislava (Sq) "IN-OUT" (festival de l'image digital) - Prague "Kompression"- Berlin (Allemagne) "Mesiac fotografie" -Bratislava (Sq) "Obsese sb ru" - Jihlava (Rep. Tch.) 2004 "Zelený Veltlín" - Preproduction, Berlin (Allemagne) "Parealita" - Prague tka MÁJOVÁ (danseuse interprète) Jeune danseuse tchèque tka Májová se forme au conservatoire de danse contemporaine le Duncan Center à Prague. Elle suit également divers ateliers lui permettant de compléter sa formation. En fin d'étude elle se chorégraphie un solo : « Nezti itelná íz n nekone na ». A l'automne 2002 elle participe à la création de Claude Brumachon : « Le Témoin » avec le Centre Chorégraphique de Nantes, la pièce sera reprise en novembre 2003 à Nantes puis à Prague. Au printemps 2003 elle fait partie de l'aventure « Cestou s ní » (Voyage avec Elle) pièce que Serge Ambert chorégraphie à Prague pour huit interprètes tchèques. Elle suit la formation ex.er.ce 2004 au Centre Chorégraphique de Montpellier et travaille notamment avec Lluis Ayet, Dominique Brun, Frédérique Wolf-Michaud, Lisa Nelson, Mathilde Monnier, Odile Duboc et Mark Tompkins. Elle travaille avec la Cie les alentours rêveurs depuis 2004 et elle ainsi créé « la Fêlure du Papillon », « Signature(s) », « Ephémère » et « Desirata ». En outre elle assiste Serge Ambert sur certains projets. Elle a participé à la création de Paco Decina : « Salto nel vuoto » qui fut présentée à Prague en septembre 2005. Elle goûte également à la danse baroque en participant à deux opéras « Ercole amante » chorégraphie d’Ana Yepes, puis « Cadmus et Hermione » chorégraphie de Gudrun Skalmetz. Depuis 2008 elle travaille avec la compagnie Etant donné sur une reprise du solo « Zig Zag » et elle a participé à leur dernière création : « La structure poétique de la victime ». Images (c) Ji i Jira ek A travers la presse « THE PRAGUE POST » novembre 2004 Delicate balance A new dance piece pairs a pro with young local talent By Lizzy Le Quesne For The Prague Post November 11th, 2004 La Felure du Papillon (The Splitting of a Butterfly) is French choreographer Serge Ambert's second production in Prague. After creating a beguiling piece with eight local women dancers last year, he now has made a duet for himself and talented young Czech dancer Betka Majova, with video projection by Slovak artist Slava Sobotovicova. Ambert has an impressive performance history, including several years as a dancer with the Lyons Opera Ballet and a number of French contemporary choreographers, notably Christine Bastin, but this will be the first time Prague audiences have the opportunity to see him perform. Ambert, on the floor, explores schizophrenia with his dance 'alter ego' Majova. According to production partner Bara Latalova, Ambert was struck by Majova's dancing while working with her here last year, which is what inspired the new piece. "He sees her as some kind of alter ego to himself as a dancer," says Latalova. "With female energy, her movement is different from his, yet somehow also essentially connected to it." Perhaps because of this (dis)connection, the new work has developed around the concept of schizophrenia, which Ambert researched in depth through reading and consulting psychoanalysts. He also drew inspiration from Patrick McGrath's novel The Spider, which describes a man's painful experience with a compartmentalized psyche. Fascinated by the ability of the human mind to fragment to the point of splitting into two parallel worlds, Ambert has created a dance piece in which such a condition is portrayed by the two dancers. His role is that of "gray reality," says Latalova, whereas Majova represents "color, warmth and joy." Majova's dancing does indeed have a pronounced softness and a jaunty, weighted fluidity of great appeal. Considerably older than his partner, more wired and gaunt, Ambert should make a dramatic and interesting contrast with her on stage. He is clearly fascinated by a certain sense of femininity (the last work explored eight different female characters), in particular aspects of fragility, innocence and brittleness. It will be intriguing to see his use of Majova's energetic, rounded and earthy movement quality. The Splitting of a Butterfly When: Nov. 15 and 16 at 8 p.m. Where: Divadlo Ponec Tickets: 90-170 Kc through Ticketpro and Ticketstream and at the venue The new work's title refers to the cracking of something frail and beautiful, echoing Ambert's concept of schizophrenia as a tragic split in the delicate human mind. However, "it also refers to the image of the crack which must inevitably occur in a cocoon in order for a butterfly to be fully developed," explains Latalova. "So it can be understood as an image of hope." Lizzy Le Quesne can be reached at [email protected] « Radio Prague » novembre 2004 Culture sans frontières - La fêlure du papillon : et qui n'est pas schizophrène, dans le monde d'aujourd'hui ? [ 2004-11-14 ] Par Magdalena Segertova Serge Ambert, danseur et chorégraphe français, anime, depuis trois ans, des ateliers et monte des projets chorégraphiques à Prague... Betka Majova, est une jeune diplômée du Duncan Center de Prague qui a travaillé avec Claude Brumachon ou les frères Forman. Elle a dansé dans "Voyage avec elle", un spectacle créé par Serge Ambert pour huit danseuses tchèques. Slava Sobotovicova est une plasticienne slovaque... Ces trois artistes se sont réunis autour du spectacle La fêlure du papillon. C'est une création itinérante, montée au fil de l'année 2004, en France, et présentée, dans sa forme crue, à Montpellier, Marseille, Mulhouse, ou encore à l'Abbaye de Corbigny. Sa première aura lieu, les 15 et 16 novembre au théâtre Ponec, à Prague. La fêlure du papillon met en scène un homme, une femme, un moniteur vidéo et un thème complexe, traité avec poésie et sensibilité : celui de la schizophrénie, de la dualité de l'âme humaine. notre société. C'est un des symptômes de la schizophrénie, cette sensation d'avoir les pensées contrôlées, d'être surveillé... La fêlure du papillon, photo: Tomas Boril Serge Ambert : "Au départ, il y avait une envie de parler de la perception à l'extérieur, qui est passablement déformée dans les phénomènes schizoïdes. La deuxième chose, c'était l'envie de parler des duels intérieurs, de la dualité. Ensuite, il y a eu trois rencontres artistiques qui m'ont marqué : d'abord celle avec le photographe Raymond Depardon qui a effectué plusieurs reportages photographiques et même un film dans l'asile psychiatrique de San Clemente, en Italie, qui est 'ouvert', où les patients ont aussi une vie en dehors de leur pathologie, participent au Carnaval de Venise, par exemple... La lecture du Journal de Nijinski m'a aussi influencé, c'est la schizophrénie vue de l'intérieur... Enfin, j'ai été marqué par le roman 'Spider' de l'écrivain anglais Patrick McGrath : il raconte l'histoire d'un homme schizophrène qui essaie de retisser les fils de son passée pour se retrouver." La Pourquoi avez-vous choisi comme partenaires une femme et l'image vidéo ? "La femme était importante par rapport à mon personnage masculin, puisque j'avais envie de parler de l'opposition, de la dualité. L'image vidéo évoque l'omniprésence de l'image dans L'idée de caméra de surveillance est aussi omniprésente dans notre société un peu schizophrène. La vidéo est un outil qu'on utilise de plus en plus souvent dans les spectacles vivants, mais dans ce cas-là, l'image m'a paru incontournable. Cette image sera retranscrite sur un objet qui est le moniteur vidéo et qui a sa place dans la scénographie de la pièce." “HOUSER” novembre 2004 A propos du Papillon à l intérieur de nous mim (25.11.2004) Le titre Rozpolcení motýla est si beau que j ai eu hâte de voir cette nouvelle pièce chorégraphique de Serge Ambert. Dans cette formule magique il y avait pour moi des allusions provocatrices et perverses à l abus de l innocence, d une beauté inaccessible. J ai ensuite lu le programme du spectacle où apparaît le mot schizophrénie, et j ai compris combien chacun portait en soi sa propre dualité. « La Fêlure du Papillon » est le titre original de la pièce du chorégraphe français Serge Ambert. Le sous-titre en est, « chorégraphie pour deux interprètes et un moniteur vidéo». Il faut mentionner d abord que le moniteur ne fait pas vraiment partie du jeu et son rôle dans la pièce est marginal, voire inutile. C est dommage, car à partir du moment où les créateurs ont engagé la vidéaste Sláva Sobotovi ová ( présente à Prague notamment dans le festival de l image digitale IN-OUT) , ils auraient pu lui donner plus d espace. Il aurait été plus juste de noter dans le programme : « chorégraphie pour deux interprètes et une valise », la valise, contrairement à la télé, porte elle, plusieurs significations importantes. Serge Ambert en vêtements quotidiens véhicule les motifs de voyage et d étranger, deux caractéristiques essentielles pour lui. C est un personnage à la recherche de sa place et de soi-même dans l angoisse. Sa façon de danser est parfois crue et gauche, probablement grâce aux chaussures à semelles épaisses. Le contraste entre son visage subtil et sa gestuelle crue et saccadée est la première chose qui révèle le désaccord entre l âme et le corps. Du coup il suffit de très peu pour atteindre la fêlure de l âme propre- schizophrénie. Après un court prologue, ce sont les couleurs, les frissons de rire, les moments éphémères de joie qui se précipitent sur scène avec B tka Májová. Sans cesse renouvelés, ils sont étouffés par le refus de l autre à jouer le jeu. Tous ces essais pour entrer en communication sont catégoriquement refusés, physiquement empêchés, par l autre. Toute cette lutte se reflète dans les expressions des danseurs. Face à l expression de confusion et de désarroi d Ambert, B tka Májová installe un regard d enfant sincère, incapable de tromper. En général, on peut parler, dans beaucoup de moments de la pièce, de langage plutôt théâtral. Serge Ambert n hésite pas, dans des instants de tension extrême, à étouffer des cris, le personnage malheureux de B tka Májová chante doucement. Dans un des passages émotionnellement très fort, il n y a que le silence avec un rayon de lumière sur une scène vide et seulement les deux personnages, durant un long temps, que ces présences fortes sur scène. Combien le silence peut être éloquent et dramatique ! Peut-être y a-t-il quelques moments de faiblesses dans cette pièce, mais ils s effacent devant la vérité et la sincérité du message. Ainsi le spectateur doit saluer le courage du créateur qui s est décidé à répondre à une question aussi intime et fragile qu une aile de papillon. « le bien public » mars 2006 « l’Yonne républicaine » octobre 2008 http://www.ecrireiciaussi.canalblog.com 17 décembre 2009 La fêlure du papillon, par la Cie Les alentours rêveurs Le spectacle n’est qu’un moment de la vie. Quand on entre dans la salle, c’est comme si ce qui allait se dérouler sur ce tapis de danse blanc nous attendait pour reprendre un mouvement arrêté. Ce n’est pas un début. Et il n’y aura pas de fin. Le danseur sans tête se défait peu à peu de ses vêtements, pardessus, chemise blanche, chemise blanc cassé, et apparaît de plus en plus nu ayant retiré peau après peau, comme sortant d’une chrysalide. Certes pas nu, mais dépouillé ou, comme on dit, à vif. Et quand il se met en mouvement, il répète, hésite, séparé du pardessus, de la valise, vers où aller ? Pourtant ce n’est pas l’hésitation qui m’apparaît d’abord, plutôt la répétition. Quand donc un geste répété (et le danseur répète pour produire un spectacle) devient-il un geste obsessionnel ? Le danseur est rejoint par une danseuse, dont les vêtements orange apportent vivacité, ouverture, altérité. Mais il ne peut rejoindre cette autre sans s’y prendre les pieds, et sans la perdre en même temps. Pourtant tous ses sens seront employés, le goût, le toucher, l’odorat, la vue, l’ouïe. Mais tous les sens, l’un après l’autre, c’est encore se diviser, ça ne permet pas de trouver l’unité de son être. La valise ouverte, son contenu vidé, éparpillé, ramassé de manière un peu compulsive, puis vidé, éparpillé de nouveau, presque méthodiquement, voilà l’image dernière, chacun séparé de l’autre dans sa solitude. Et la lumière s’éteint alors que le mouvement continue. C’est que nous, spectateurs, allons retourner à nos activités, nos occupations, tandis que dans ces êtres, avec qui nous avons partagé une heure, continue le dépouillement, dans l’obscurité où nous les laissons, à vif, fragiles. Et si les applaudissements ne jaillissent pas immédiatement, c’est parce que cette danse nous a bouleversés, touchés au plus profond de cette fêlure qui est aussi en nous. Marc Verhaverbeke Photos J.M. Gourreau Serge Ambert : Voyage dans un autre monde Il est là, planté au milieu de la scène, le regard hagard, l’air absent. Un geste presque instinctif semble le sortir de sa torpeur : il relève la tête, fixe un point vers l’infini et se fige à nouveau. Un peu plus loin, une femme, tout de rouge vêtue, le regarde avec tendresse ou compassion, impuissante. Qui estelle ? Son amante, son âme, son double ? Elle le rejoint bientôt, l’enlace, se love contre lui, se coule en lui. Mais il se dérobe, comme s’il ne la voyait pas, comme si elle n’existait pas. Il chute, se tord, déchire ses vêtements, les éparpille, tente de se redresser mais roule sur lui-même et se recroqueville au sol, tétanisé. Elle tente de l’appeler, de faire ressurgir en lui quelques souvenirs. Mais rien n’y fait. Il se réveille tout à coup, l’observe dans un rai de lumière, s’empare d’elle. Brutalement, comme si c’était sa chose, un trésor perdu. Sa joie illumine son visage. Il la serre fort, très fort, essaie de se l’approprier, de la faire entrer en lui. Sa gestuelle est nerveuse, saccadée, dissociée. Un emmêlement de corps qui roulent au sol, l’un sur l’autre, l’un dans l’autre. Des postures acrobatiques d’une force inouïe, invraisemblablement tordues. Alors que rien ne le laissait prévoir, tout se fige. Son regard se perd à nouveau au loin, ses actes deviennent instinctifs, expectatifs, irréfléchis, et ses gestes, mécaniques. Des tremblements l’agitent. Son regard est fixe, tourné vers le ciel. Redescendra t’il un jour avec nous? Cela fait longtemps que serge Ambert travaille avec des schizophrènes, tente de les comprendre, de leur faire retrouver, par l’intermédiaire de la danse, un semblant de vie normale. Ce qu’il exprime dans La fêlure du papillon, ce sont ces duels intérieurs qui habitent le malade, qui le hantent mais qui finissent par le laisser en paix. Cette confrontation infernale à l’Autre, aussi ; et, encore, ces multiples facettes qui sont en nous et qui nous animent, qui s’expriment parfois indépendamment de notre volonté, aux moments où nous nous y attendons le moins. L’ uvre est puissante, très émouvante, nous rappelant que, quelque part, il y a aussi des êtres qui souffrent, à l’insu de tous. J.M. Gourreau La fêlure du papillon / Serge Ambert, Théâtre du Lierre, Paris, Décembre 2009 Quelques notes sur la chorégraphie de Serge Ambert La Fêlure du Papillon par Catherine Kintzler Mettre l'habileté en déroute et faire surgir, dans ce désemparement, la question de l'âme du corps. Présentation du 20 janvier 2004 à Pantin Premier extrait (solo) C’est un corps en détresse, « en perdition » comme le dit Serge Ambert lui-même : encombré d’accessoires dont il se débarrasse pathétiquement (notamment un imperméable qui finit, à force de torsions et de secousses, par se retourner comme la peau d’un lapin qu’on dépouille) il a beau faire et se démener, il ne parvient néanmoins pas à se trouver ; il est toujours ailleurs et travaille sans succès mais sans relâche à se rattraper, comme un Sisyphe désarticulé. Ce pauvre corps aliéné (devenu autre à lui-même) cherche à se reconstituer en rassemblant des morceaux de lui-même mais qui ne sont même plus lui, qui lui restent extérieurs, ce corps n’a qu’un extérieur il n’a pas d’intériorité de corps. Le plus bouleversant dans cette danse du rattrapage qui échoue, c’est qu’elle ne manque ni d’habileté, ni d’élégance, ni d’adresse, ni de virtuosité, elle ne manque pas de ce qui fait ordinairement la cohésion du corps (de ce qu’on croit essentiel pour elle) – et par là elle dénonce ces propriétés comme des leurres comme des qualités qui n’en sont pas ou plutôt qui ne sont tenues par aucune substance : non justement, ce n’est pas cela qui constitue le corps comme un « soi-même ». Marcher, courir, faire même des acrobaties : ce corps en est capable certes, il sait faire tout cela et son désordre fondamental ne se manifeste pas par la banalité d’un ratage. C’est précisément cela qui est inquiétant et qui invite à la pensée : les gestes ne sont pas des gestes manqués, ratés, ce ne sont pas des gestes de clown. Le désordre est plus profond, il est dans l’extériorité radicale des gestes et des mouvements. Ce corps perdu est, non pas un corps organisé, mais un corps tout juste formé de « partes extra partes » qui se heurtent et auxquelles il est livré. C’est dans la mesure où il a conservé les schèmes de l’habileté et de l’adresse mais à titre de corps étranger que ce corps a perdu son âme. Je veux parler de l’âme qu’a le corps, car le corps a une âme, c’est certain : on le découvre en restant étonné devant ce corps qui a perdu la sienne. L’autre âme, celle dont on parle d’habitude en disant « l’âme », est devant ce corps qu’elle habite pourtant (le danseur) ou qu’elle contemple (le spectateur) comme devant un désastre, mais cette âme-là, n’ayant pas de corps, est impuissante. Deuxième extrait (solo) Un corps retrouvé, un corps nouveau-né : à l’inverse du précédent, celui-ci est constitué. Mais cette redécouverte, cette renaissance à soi, symétriquement, n’exclut pas la maladresse, la lenteur, le raté, l’hésitation ; bien au contraire : la maladresse en est constituante. Ce corps qui a une âme, c’est un corps qui tâtonne, qui hésite, qui commet des « faux-pas » tout comme on commet des erreurs, qui s’en émeut, qui les réfléchit sans les rejeter, qui s’en instruit. Mais c’est justement parce qu’il est frappé de fragilité qu’il a une âme. C’est un corps humain, avec son âme – le contraire d’une machine où les mouvements quelque parfaits qu’ils soient par ailleurs ne le sont, justement, que par ailleurs, en vertu d’une juxtaposition – mais aussi le contraire d’un animal, toujours si sûr de lui, toujours rivé à l’immédiateté de son geste, à son indécrottable innocence élégante : c’est (comme on dit de certains sportifs) « une bête » ! Ce n’est qu’une bête. Mais celuici n’est pas une bête : il doute, c’est un corps qui se réfléchit lui-même, un corps critique, un corps vrai qui connaît l’erreur et l’à-côté : fragile, mais non dispersé ; errant mais non égaré ; esseulé, angoissé, maladroit mais non apeuré ni affolé. Voilà pourquoi cette pièce dérange, elle fait bouger, elle produit une réforme en moi : elle parle bien de mon corps et elle me dit : toi qui sais si bien marcher, danser le rock, jouer au flipper, utiliser un dé à coudre, battre une omelette, jouer avec tes clés sur une table de bistrot, pianoter sur le mini-clavier de ton téléphone, enjamber les marches de l’escalier, lancer la boule de papier dans la corbeille du premier coup, as-tu jamais osé te désemparer du corps virtuose qui te masque ton corps propre ? Et si ton corps n’avait pas d’âme ? Provenance : Mezetulle, blog de Catherine Kintzler http://www.mezetulle.net