Commission des sages-femmes Commission Allaitement maternel Inhibition de la montée laiteuse Version du 20 juin 2013 - Additif en juillet 2013 avec l’avis de l’ANSM (voir en fin de document) Rédaction : A. de la BOURDONNAYE, H. THIERY, B. BRANGER, RSN - Contexte 45 % des femmes en moyenne n’allaitent pas leur nouveau-né en sortant de maternité dans les Pays de la Loire. Des moyens pour favoriser l’inhibition de la montée laiteuse sont donc à mettre en place, en limitant les douleurs et l’inconfort. La sécrétion lactée en l’absence de mise au sein du nouveau-né est inhibée spontanément dans 70 % des cas (Berrebi 2007 au CNGOF [17]). Classiquement, des médicaments anti-prolactine sont administrés pendant 15 jours à 3 semaines. A. Mirkou [14], dans une enquête auprès des maternités françaises en 2012, a montré une utilisation dans 89 % des cas de la bromocriptine, dans 3 % la cabergoline et dans 7 % la dihydroergocriptine. B. Galouzeau de Villepin [15] a montré que leur efficacité est autour de 80 %, que des signes d’inconfort ont été observés dans 1/3 des cas environ, et des dangers potentiels ont été signalés. Un rebond à l’arrêt du traitement est observé dans 4 % des cas (au bout de 3 semaines). Pour mémoire, la bromocriptine, en France, a été commercialisée en 1978, elle a eu l’AMM pour l’inhibition de la montée laiteuse en 2002 (voir notice de l’ANSM). Aux USA, elle a été retirée du marché en tant que « inhibiteur de la lactation » en 1994. Voir également les recommandations du CNGOF de 2007 [17]. La COFAM va éditer en 2013 un communiqué déconseillant l’utilisation des agonistes dopaminergiques (à paraître). Voir également le communiqué de l’ANSM de juillet 2013 - en lien avec le CNGOF et le CNSF - l’relatif à l’utilisation des différents produits et les prévisions de commercialisation de nouveaux produits (dont la Cabergoline Sandoz® 0,5 mg). Une actualisation sera faite par le Réseau fin 2013. - Méthodes existantes 1. Bandage et compression des seins : pas recommandé 2. Médicaments agonistes dopaminergiques dérivés de l’ergot de seigle : bromocriptine avec une AMM (PARLODEL®, BROMOKIN®, Bromocriptine ZTV et Bromocriptine Zentiva), dihydroergocriptine sans AMM (VASOBRAL® ; non remboursé actuellement), cabergoline sans AMM (DOSTINEX®), lisuride, métergoline….), ou quinagolide (NORPROLAC®, sans AMM). Ils sont efficaces, mais peuvent être pourvoyeurs d’effets indésirables : HTA, infarctus du myocarde, AVC, hallucinations, convulsions… La fréquence n’est pas connue [17] : 77 cas dont 2 décès en 2008-2009 dans la région Rhône-Alpes. 123 cas non graves et 105 cas ____________________________________ 1 ____________________________________ ______________________________________ Commission Sages-femmes - Inhibition lactation - Juin 2013 graves avec 2 décès dans les centres de pharmacovigilance en France de 1994 à 2010, ou encore 24 accidents signalés en 2012 à l’ANSM sur 1 160 360 accouchements. Le risque global estimé (B. Branger) serait de 1 à 2 pour 100 000 prescriptions le plus souvent sans respect des contre-indications formelles : HTA, tabagisme, antécédents de troubles psychiatriques, antécédents de thrombose… 3. Autres produits : œstrogènes avec risque de thromboses veineuses, diurétiques sans essais thérapeutiques et avec risques de troubles hydro-électrolytiques. 4. Antalgiques ou anti-inflammatoires : un seul essai avec naproxène (APRANAX®) 5. Homéopathie : pas probant selon la revue de littérature de la revue Prescrire [7]. Proposition de RICINUS® 30 CH (1 dose 3 jours de suites), ou APIS MELLIFICA® (œdème) ou BRYONIA® (douleurs). Voir document du CNGOF (Berrebi 2007) 6. Autres traitements proposés par le CNGOF (Berrebi 2007) Anti-inflammatoires locaux : Antiphlogistine® pâte, Osmogel®… Acupuncture - Méthodes proposées dans le RSN par le groupe de travail 1. Ne pas faire téter, mais il peut être pratiqué une expression manuelle en cas de douleur pour le confort, ou appliquer une contre-pression aréolaire. 2. Proposer des moyens mécaniques (destinés à limiter la douleur) La restriction hydrique n’a pas d’indication, Port de soutien-gorge, Application de froid en première intention, sinon voir si la femme est soulagée par le chaud ; voir pour les patientes asiatiques qui réclament seulement le chaud, Pas de bandage ni de compression. 3. Prescrire des antalgiques ou des anti-inflammatoires Paracétamol : 1 000 mg x 3 / jour Naproxène : 550 mg x 2 pendant 5 jours Ibuprofène : 400 mg x 3 / jour ou Ketoprofène : 150 mg / jour Le groupe de travail propose : EXTRANASE® : 3 comprimés x 3 / jour 4. Homéopathie possible : Dès le premier jour : RICINUS® 30 CH (1 dose de globules 3 jours de suite) ou LAC CANINUM® 5 CH (à la demande). Selon œdème ou douleurs : APIS MELLIFICA® 5 CH (1 dose de globules 3 fois à toutes les deux heures), ou BRYONIA® 5 CH (1 dose de globules 3 fois à toutes les deux heures) ___________________________________ 2 ____________________________________ ______________________________________ Commission Sages-femmes - Inhibition lactation - Juin 2013 Autres propositions du groupe de travail : proposer des tisanes (sauge), ou appliquer des feuilles de choux - Conseils à donner aux femmes Les moments de délivrance de l’information peuvent être multiples : en prénatal, ou au moment de l’accouchement, ou en suites de couches ou avant la sortie. Les conseils sont de plusieurs ordres : Vous avez choisi de ne pas donner le sein… (ou vous avez choisi de donner le biberon) Les moyens médicamenteux existent avec des inconvénients et des contre-indications, Sont à disposition des moyens proposés dans le RSN (ordonnance si besoin transmise à la famille), Les petits inconvénients à redouter : risque de montée de lait malgré la prise en charge, gêne passagère pour une durée n’excédant en général pas 48 heures, Rarement, des risques d’engorgement (douleur qui persiste, rougeur, fièvre) peuvent être observés : prévoir une consultation après la sortie auprès de médecins ou de sages-femmes en maternité, en ville ou en PMI. Références (tirées en partie de Revue Prescrire 2012, 32 ; 350 : 918-920) 1- Prescrire Rédaction - Promouvoir un allaitement maternel. Revue Prescrire 2008; 28 (297). 510520. 2- Prescrire Rédaction. Inhibition de la lactation après l'accouchement. Revue Prescrire 1995;15 (152):440-445. 3- Schandlerl RJ et coll. Physiology of lactation- (mise â jour septembre 2012). In : Basow DS "UpToDate" UpToDate, Waltham 2012: version 20.10: 11pages. 4- Oladapo OT et Pawole B. Treatments for suppression of lactation (Cochrane review) (dernière révision 2012). ln : The Cochrane Library John Wiley and Sons, Chichester. 20l2; issue 9 : 118 pages. 5- Comité de la pédiatrie communautaire. Le sevrage de l'allaitement. Paediatr Child Heatlh 2004, 9 (4) :259-263. 6- Bromocriptine Mesilate. In: "Martindale The complete drug reference". The Pharmaceutical Press, London. Site www.medicinescomplete.com consulté le 11 juin 2013 : 16 pages, 7- Prescrire Rédaction. Inhibition de la lactation gare aux agonistes dopaminergiques. Rev Prescrire 2010; 30 (325) : 828. 8- Prescrire Rédaction. Patients sous diurétiques/ Patientes sous contraceptif hormonal/ Patients sous agoniste dopaminergique" Rev Prescrire 2011 ; 31 (338 suppl. interactions médicamenteuses). 9- Afssaps. Commission nationale de pharmacovigilance, compte rendu de la réunion du mardi 27 mars 2012. 22 mai 2012: 16 pages. 10- Piye-Avant M et coll. The combined oral contraceptive pill versus bromocriptine to suppress lactation in puerpertum : a randomized double blind study. J Med Assee Thai 2004; 87 (6) : 670-673. 11- Kaunitz AM et coll. Postpartum and postabortion contraception (mise à jour septembre 2012). In : Basow DS UpToDate, Waltham 21712 ; version 20.10. 19 pages. 12- Berrebi A et coll. Traitement de la douleur de la montée laiteuse non souhaitée par homéopathie dans le post-partum immédiat. J Gynécol Obstet Biol Reprod 2001 ; 30 (4) : 353-357. 13- Agence nationale de sécurité du médicament. RCP-Parlodel 19 novembre 2009 : 4 pages + RCPAralac 30 juin 2011 : 5 pages. 14- Mirkou A, Suchovsky D, Gouraud A, Gillet A, Bernard N, Descotes J, Vial T. Prescription des dérivés de l’ergot de seigle pour l’inhibition de la lactation en France . J Gynecol Obstet Biol Reprod (Paris). 2012 Apr;41(2):167-73 15- Galouzeau de Villepin B. Inhibition de la lactation dans le post-partum : bromocriptine vs cabergoline. Mémoire de sage-femme (Université Descartes). 2011 ; 126 pages. http://dumas.ccsd.cnrs.fr/docs/00/62/30/68/PDF/memoire_esfbaudelocque_galouzeau_de_Villepin.pdf 16Notice de l’ANSM sur la bromocriptine http://agenceprd.ansm.sante.fr/php/ecodex/notice/N0213293.htm 17- Berrebi A, Gassita L, Cohen M et al. Inhibiteurs de la lactation. CNGOF 2007. Tome XX1, publié le 3/12/1997. http://www.cngof.asso.fr/d_livres/1997_GO_295_berrebi.pdf ___________________________________ 3 ____________________________________ ______________________________________ Commission Sages-femmes - Inhibition lactation - Juin 2013 Mémoire de sages-femmes du CHU de Nantes en 2010 Inhibition de la lactation N. LIGONNIERE, ESF, Nantes (2010) L’allaitement maternel est aujourd’hui encouragé et recommandé jusqu’aux six mois de l’enfant. Cependant, de nombreuses femmes ne désirent pas allaiter, pour des raisons personnelles ou médicales, et peuvent alors être confrontées à une montée de lait non souhaitée. Des traitements inhibiteurs sont fréquemment prescrits mais l’utilisation de « petits moyens » est également possible. Notre étude compare deux maternités des Pays de la Loire aux pratiques différentes, en évaluant efficacité, effets secondaires, satisfaction des patientes en suites de couches et après leur sortie. Nous montrons l’efficacité des traitements classiques, à nuancer cependant par la proportion de femmes présentant des symptômes de montée laiteuse pendant le séjour ou après la sortie, et par la proportion de femmes présentant un rebond à l’arrêt du traitement. Quelques effets indésirables sont également mentionnés après la sortie. Les femmes sans traitement, qui recourent aux « petits moyens » et alternatives thérapeutiques, présentent des désagréments à type de tension mammaire, douleur et écoulement, mais régressant en quelques jours. Ces désagréments sont jugés minimes par les femmes, si l’on en juge par le taux de satisfaction observé. Ainsi, notre étude montre tout l’intérêt d’informer les femmes, afin de les associer au choix de leur prise en charge. Ces informations concerneront l’évolution naturelle en l’absence d’allaitement, les moyens de prévention (non présentation de l’enfant au sein, absence de stimulation des mamelons, port d’un soutiengorge adapté) ainsi que la gestion d’éventuels symptômes (utilisation du froid, vidange manuelle, antalgiques, anti-inflammatoires). Dans le cas de l’utilisation d’un traitement inhibiteur la patiente sera informée des contre-indications, de la surveillance des effets indésirables et sera également avertie du possible effet rebond à l’arrêt du traitement. ========= ___________________________________ 4 ____________________________________ ______________________________________ Commission Sages-femmes - Inhibition lactation - Juin 2013 ANSM publié le 25/07/2013 Bromocriptine (Parlodel® et Bromocriptine Zentiva®) Le rapport bénéfice/risque n’est plus favorable dans l’inhibition de la lactation Point d'information http://www.ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Bromocriptine-Parlodel-R-et-Bromocriptine-Zentiva-R-lerapport-benefice-risque-n-est-plus-favorable-dans-l-inhibition-de-la-lactation-Point-d-information Les médicaments à base de bromocriptine (Parlodel® et Bromocriptine Zentiva®), utilisés à la dose de 2,5 mg afin d’inhiber ou de prévenir la lactation après un accouchement ou une interruption de grossesse, ont fait l’objet d’une réévaluation de leur rapport bénéfice-risque par l’ANSM. Cette réévaluation a été initiée à la suite de signalements d’effets indésirables graves cardiovasculaires et neuropsychiatriques. Compte tenu de l’ensemble des données disponibles, l’ANSM souhaite porter ce dossier au niveau européen car elle estime que le rapport bénéfice/risque de ces médicaments n’est plus favorable dans la prévention ou l’inhibition de la lactation physiologique. Dans cette indication des alternatives thérapeutiques sont disponibles. Cette évaluation ne remet pas en cause les autres indications thérapeutiques de la bromocriptine. Cette communication est faite en coopération avec le Collège National des Gynécologues Obstétriciens (CNGOF) et le Collège National des Sages-Femmes de France (CNSF). La bromocriptine est un agoniste dopaminergique utilisé dans différentes indications en neurologie et en endocrinologie, notamment pour prévenir et inhiber la lactation physiologique 1 . Elle freine la libération par l’hypophyse d’une hormone qui intervient dans la montée de lait après l’accouchement ; la prolactine. L’utilisation de la bromocriptine a été associée à la survenue d’effets indésirables rares mais parfois graves, cardiovasculaires (notamment accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde et hypertension artérielle), neurologiques (principalement convulsions) et psychiatriques (hallucinations, confusion mentale), chez des femmes prenant ces médicaments pour prévenir ou interrompre la montée laiteuse après un accouchement ou une interruption de grossesse. Ces effets indésirables sont connus et mentionnés dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) depuis 1994 en France, avec notamment la présence de contre-indications et de précautions d’emploi ayant pour but de sécuriser l’utilisation de la bromocriptine dans cette indication. Malgré ces mises en garde, en 2012, une nouvelle enquête de pharmacovigilance a confirmé la persistance de ces effets indésirables graves, souvent associés à une utilisation non conforme au RCP des médicaments à base de bromocriptine (notamment non-respect de la posologie ou des contreindications). Par conséquent, à l’initiative de l’ANSM, ce dossier sera également évalué au niveau européen. L’ANSM rappelle que l’utilisation d’un médicament inhibant la lactation doit être réservée aux situations où l’inhibition de la lactation est souhaitée pour raison médicale. La prise systématique d’un médicament inhibant la lactation pour prévenir ou traiter l’inconfort ou l’engorgement pouvant survenir lors de la montée laiteuse n’est pas recommandée. ___________________________________ 5 ____________________________________ ______________________________________ Commission Sages-femmes - Inhibition lactation - Juin 2013 De plus, il n’y a pas de justification à utiliser des médicaments dans le sevrage de l’allaitement au-delà d’un mois après l’accouchement. En effet, la glande mammaire devient progressivement autonome et le taux de prolactine retourne à son niveau de base. Les médicaments qui freinent la libération de prolactine n’ont donc plus d’utilité. Le sevrage du nouveau-né se fait pour sa part progressivement en diminuant et en espaçant les tétées. Lorsque l’inhibition médicamenteuse de la lactation est souhaitée, d’autres spécialités sont autorisées dans cette indication : le lisuride (Arolac® 0,2 mg, comprimé sécable) et la cabergoline (Cabergoline Sandoz® 0,5 mg, comprimé sécable, non encore commercialisée 2 ). Bien que ces deux médicaments soient également des agonistes dopaminergiques, les données de pharmacovigilance et de la littérature ne montrent pas d’effets indésirables graves cardiovasculaires ou neuropsychiatriques lors de leur utilisation après un accouchement ou une interruption de grossesse, contrairement à la bromocriptine. Par ailleurs, la dihydroergocryptine (Vasobral®), utilisée hors AMM, n’est pas indiquée dans l’inhibition de la lactation et ne doit donc pas être utilisée. De même, l’utilisation des diurétiques est à proscrire. Le bandage des seins n’est pas recommandé car l’inconfort engendré peut être plus important que celui lié à la montée laiteuse. Si la montée laiteuse occasionne un inconfort trop important, il est possible d’utiliser un antalgique comme le paracétamol. Lorsqu’un engorgement survient, il peut être traité par un anti-inflammatoire. La montée laiteuse : Il s’agit d’un processus physiologique. Si la femme n’allaite pas, la lactation s’interrompt d’elle-même en une à deux semaines. La montée laiteuse peut s’accompagner d’un inconfort ou de douleurs transitoires (quelques jours) chez 30 à 40 % des femmes. Par ailleurs, l’ANSM rappelle que le rapport bénéfice/risque n’a été jugé défavorable que dans l’indication de l’inhibition ou de la prévention de la lactation. Les bénéfices attendus dans ses autres indications, notamment dans le traitement de la maladie de Parkinson, restent toujours supérieurs aux risques. Aussi, les patients souffrant de cette pathologie et bénéficiant de ce médicament doivent continuer à le prendre. Il n’est pas nécessaire non plus pour eux de consulter spécialement leur médecin traitant ou un neurologue. L’ANSM rappelle que les professionnels de santé doivent déclarer immédiatement tout effet indésirable dont ils ont connaissance au centre régional de pharmacovigilance dont ils dépendent géographiquement et dont les coordonnées sont disponibles sur le site Internet de l’ANSM (www.ansm.sante.fr ) Les patients et les associations agréées de patients peuvent également signaler tout effet indésirable à leur centre régional de pharmacovigilance. ____________________________________ [1] Deux spécialités contenant de la bromocriptine sont autorisées en France dans la prévention ou l’inhibition de la lactation physiologique pour raison médicale : Parlodel® 2,5 mg, inhibition de la lactation, comprimé sécable et Bromocriptine Zentiva® 2,5 mg inhibition de la lactation, comprimé sécable. [2] Cabergoline Sandoz® 0,5 mg, comprimé sécable est un médicament déjà indiqué dans l’inhibition de la lactation dans plusieurs pays européens et vient d’être autorisée en France suite à une procédure d’autorisation européenne. Sa commercialisation n’a pas encore débutée. ___________________________________ 6 ____________________________________