Re c h e r c h e Re c he r c he Le secret bien gardé d’une protéine Mieux comprendre le rôle d’une protéine dans le développement du cancer du poumon et découvrir pourquoi un médicament ne fonctionne que chez certains patients: c’est l’objectif du Dr Erik Vassella à l’Université de Berne. Les cellules de notre corps meurent et se reproduisent sans arrêt. Pour ce faire, elles obéissent à différents signaux qui leur indiquent quand se diviser ou quel travail elles doivent effectuer. Lorsque ce processus s’enraie, les cellules se développent anarchiquement et peuvent former une tumeur: c’est le début du cancer. La protéine EGFR (pour Epidermal Growth Factor Receptor) est l’un de ces signaux responsables de la division cellulaire. De plus, dans le cas du cancer du poumon non à petites cellules*, l’EGFR joue un autre rôle particulièrement important. En effet, la présence d’une forme normale ou non – appelée forme mutée – de la protéine dans l’organisme détermine la réponse de ce dernier à un nouveau médicament, le Gefitinib. En d’autres mots, le traitement ne fonctionne que sur les patients porteurs de la forme mutée de la protéine EGFR. 8 D’où l’intérêt, pour les chercheurs, de comprendre comment intervient cette mutation, de même que les processus moléculaires qui en découlent: c’est l’un des objectifs d’Erik Vassella et de son équipe. Dans cette optique, ils travaillent sur un type de molécules, les microARNs, qui pourraient jouer un rôle crucial dans la réponse des cellules cancéreuses au Gefitinib. Comment les microARNs influencent-ils la division cellulaire? Est-ce qu’ils jouent un rôle dans la façon dont les cellules répondent – correctement ou non – aux signaux de l’EGFR? Répondre à ces questions permet- tra peut-être des avancées majeures en termes de thérapie et de diagnostic. Car lorsqu’on aura parfaitement compris comment fonctionnent les microARNs, on pourra imaginer une nouvelle classe de médicaments inter-agissant avec ces molécules en particulier. Enfin, les microARNs pourraient être utilisés comme outil prédictif: en savoir plus permettrait donc aux médecins de prédire, moyennant le développement d’un test adéquat, si le Gefitinib va être efficace ou non pour un patient donné. Texte: Magali Corpataux; Photo: Peter Schneider Portrait Erik Vassella étudie la pharmacie puis la biologie moléculaire à l’Université de Berne, avant d’obtenir un post-doctorat au Max-Planck-Institut für Biochemie à Martinsried, en Allemagne. Il revient en Suisse pour prendre la tête du laboratoire de pathologie moléculaire de l’alma mater bernoise. Actuellement, ses domaines de recherche de prédilection sont les microARNs et leur rôle dans différents types de cancer. Âgé de 47 ans, ce père de deux garçons vit dans la capitale helvétique et s’en va régulièrement naviguer sur le lac de Neuchâtel à bord de son voilier. * Le cancer du poumon non à petites cellules, un type de carcinome bronchopulmonaire, reste très difficile à soigner. Il se développe rapidement et a parfois déjà formé des métastases lorsqu’il est diagnostiqué. Les traitements actuels ne visent donc qu’à ralentir sa progression et à offrir au patient une qualité de vie acceptable; d’où l’intérêt de trouver rapidement des alternatives thérapeutiques. 9