quand la lumière rencontre la matière : intérêt - Wiki

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Thermogram’ 2007 177
QUAND LA LUMIÈRE RENCONTRE LA MATIÈRE :
INTÉRÊT DE L’OPTIQUE ET DE LA PHOTONIQUE POUR
L’INSTRUMENTATION ET LE CONTRÔLE
(*)
Gérald BRUN
Professeur des Universités
Délégué Régional à la Recherche et à la Technologie en Région Champagne-Ardenne
Vice-Président du Comité d’organisation de "Contrôles et Mesures Optiques pour l’Industrie"
Ex-Administrateur de la Société Française d’Optique
Vice-Président de l’Asso. pour la Recherche et l’Utilisation des Fibres Optiques et de l’Optiques Guidée
2, rue Grenet-Tellier
F-51038 Châlons en Champagne
33 (0) 326 693 303
[email protected]
Paul SMIGIELSKI
Professeur conventionné ENSPS/ULP Strasbourg
Président de Rhenaphotonics Alsace
Président du Club SFO CMOI (Contrôles et Mesures Optiques pour l’Industrie)
4, Bd Président Roosevelt
F 68200 MULHOUSE
33 (0) 960 129 565
[email protected]
(*) Ce texte est paru en novembre 2007 dans la revue Contrôles Essais Mesures
Cette conférence est une communication du Club CMOI "Contrôles et Mesures Optiques pour
l'Industrie"
Résumé. Les techniques optiques présentent de nombreux avantages pour le contrôle et la mesure en
milieu industriel, y compris dans des environnements difficiles et extrêmes. La possibilité de mesure
sans contact, sans usure et sans échauffement, l’absence d’électricité au niveau du site de mesure, la
haute résolution accessible par certains procédés, la faible invasivité des composants à fibres
optiques et optoélectroniques ainsi que les nombreuses alternatives de multiplexage des signaux
lumineux constituent quelques exemples des potentialités de l’optique dans le contexte de la
production industrielle mais aussi de la sécurité des systèmes et des individus.
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Congrès National de Thermographie THERMOGRAM' 2007
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1• INTRODUCTION
L’instrumentation s’impose aujourd’hui comme une composante majeure dans les processus industriels
comme dans le domaine de la sécurité. Les moyens de contrôles et de mesures prennent en effet une
place d’importance croissante sur l’outil de production qui doit satisfaire des exigences de technicité
toujours plus grande (imposée par la compétitivité internationale largement suscitée par les effets
de mondialisation de l’économie) et répondre à des cadences de production de plus en plus élevées.
Par ailleurs, la conformité des produits manufacturés à un ensemble de normes garantissant leur
qualité rend aujourd’hui indispensable leur contrôle en temps réel sur la chaîne de fabrication.
Cette préoccupation s’élargit actuellement à la sécurité des systèmes (systèmes écologiques, grandes
structures de génie civil, sites sensibles, moyens de transport …) et des individus qui revêt une
dimension sociétale importante nécessitant la mise en place de moyens permettant d’assurer au mieux
la sûreté et la sécurité de ces systèmes et par conséquent des individus qui en sont les usagers ou qui
résident dans leur voisinage.
Ces problématiques de mesure et de contrôle se situent au confluent de nombreux champs
disciplinaires : mécanique, matériaux, mesure, métrologie, traitement de l’information, informatique,
intelligence artificielle… Dans ce contexte, et en raison de leurs propriétés et performances
intrinsèques, l’optique, la photonique et les disciplines qui leur sont connexes (image, vision, micro ou
nanotechnologie) sont appelées à occuper une place d’importance croissante.
Ce document a pour objectif de fournir d’une part quelques éléments clés qui justifient l’emploi des
techniques optiques dans le secteur du contrôle et de la mesure et de dégager d’autre part quelques
perspectives d’évolution pour les années à venir.
2• LES APPORTS DE LA PHOTONIQUE
Les techniques de mesures reposent sur des principes physiques variés mettant communément en
œuvre des solutions relevant de la mécanique, de l’électronique, de la thermique… couplées à des
dispositifs électroniques de stockage et de traitement des informations. Dans certaines situations,
ces outils "conventionnels" sont parfaitement adaptés aux besoins et offrent souvent l’avantage d’un
faible coût associé à la facilité de mise en œuvre.
Certains secteurs d’activités ou certaines situations particulières requièrent néanmoins des moyens
de contrôle spécifiques capables de fonctionner dans des environnements difficiles (températures
extrêmes, environnements fortement électromagnétiques ou irradiés…), de fournir des mesures
haute cadence à haute résolution et d’assurer ces fonctions de manière non destructive ou
faiblement invasive.
Evidemment toute solution concrète ne peut que répondre partiellement au cahier des charges
technique qui devra en outre intégrer des objectifs de coût et de mise en œuvre compétitifs ou pour
le moins cohérents entre les besoins exprimés et les solutions retenues.
La photonique peut naturellement répondre à certaines exigences particulières en raison de ses
caractéristiques intrinsèques, et nous essayons de fournir ci-après quelques exemples significatifs où
elle est en mesure d’apporter une solution alternative pertinente.
2.1 Mesures sans contact
Une première caractéristique fondamentale de la mesure par voie optique est l’absence de contact
mécanique entre le pinceau lumineux et le site d’investigation. Cette spécificité engage plusieurs
avantages : l’absence d’usure, l’absence d’échauffement, la capacité à effectuer de la mesure haute
cadence, la possibilité de travailler dans des régions non accessibles physiquement (enceinte
protégée par exemple) dans la mesure où un hublot transparent permet d’apporter le pinceau de
lumière au niveau de l’échantillon de mesure. Cette immatérialité de la lumière peut être mise à profit
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dans de nombreux processus de mesures du secteur de la mécanique : profilométrie de surface,
analyses de défauts de surface, mesures de distance, mesures de position sur chaîne de production…
2.2 Mesures de champs
De nombreuses mesures (mesures mécaniques par exemple) nécessitent de sonder une surface soit
pour en relever les irrégularités topographiques soit pour effectuer une mesure non destructive de
défauts structuraux internes. Les techniques conventionnelles fonctionnent souvent de manière
locale et l’investigation d’une surface complète nécessite alors un balayage point à point qui peut être
extrêmement coûteux en temps. L’optique présente l’avantage de pouvoir travailler directement sur
des surfaces en une seule mesure de champs et donc en temps réel (Cf Figure 1). Ces mesures
permettent ainsi d’associer un gain de temps précieux à une excellente résolution de mesure.
2.3 Mesures haute résolution
La résolution intrinsèque des instruments optiques est bien connue et le microscope en est un
exemple tangible. Cette capacité à résoudre des événements spatialement très proches (typiquement
quelques centaines de nanomètres) est liée aux courtes longueurs d’onde de la lumière qui
correspondent aux périodicités spatiales des vibrations lumineuses (quelques centaines de
nanomètres à quelques dizaines de micromètres suivant les sources de lumière). Les dispositifs
interférométriques permettent en outre de comparer deux à deux les signaux lumineux issus pour l’un
d’une voie de référence parfaitement connue et pour le second d’une voie qui l’a fait transiter par
l’échantillon à sonder. Ces mesures interférométriques permettent donc d’effectuer de la mesure à
très haute résolution (sub-micrométrique) de profil de surface, de déformations, de distance,
d’amplitudes de vibrations…. Elles permettent aussi d’accéder par des procédés d’analyse non
destructifs, à des défauts structurels. Cette procédure consiste à faire vibrer la structure à
analyser à l’aide d’ondes acoustiques et à mesurer les modes de vibrations (très faible amplitude de
déformation de surface) de cette dernière par interférométrie. Une anomalie dans la structure des
modes de vibration est la signature d’un défaut structurel (Cf. Figure 2).
Figure 1 - Dispositif interférométrique - Le système permet de comparer une onde de
référence ayant transité sur une voie parfaitement connue avec le signal issu de l’échantillon
sous test. La comparaison de ces signaux optiques par interférométrie permet d’accéder à une
résolution, sur le profil de la surface à caractériser, inférieure au micromètre.
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Figure 2 - Analyse de défauts structurels - L’interférométrie permet de mesurer les très
faibles déformations de surface induites par la vibration de la structure soumise à des ondes
acoustiques. Un défaut structurel est identifié par une modification de la signature du mode
vibratoire.
2.4 Mesures en atmosphère explosive
Un autre intérêt manifeste de l’optique est l’absence de signal électrique au niveau du site de mesure
qui limite considérablement les risques d’étincelles et d’explosion lorsque les produits mis en jeu sont
inflammables. L’instrumentation électrique, indispensable à l’alimentation des sources, détecteurs,
systèmes de traitement et de stockage de l’information, peut être déportée en dehors de la région
de mesure et amenée par fibre optique ou par propagation de la lumière en espace libre.
2.5 Mesures insensibles aux perturbations électromagnétiques
Le signal lumineux est insensible aux phénomènes électromagnétiques rendant l’optique
particulièrement robuste pour des mesures en atmosphères naturellement perturbées
électromagnétiquement (lignes à haute tension, grandes installations électriques…) ou
accidentellement soumise à de tels phénomènes (coup de foudre). Cette insensibilité
électromagnétique est un atout majeur dans de très nombreux secteurs sensibles où l’intégrité du
dispositif de mesure doit être respecté y compris par temps d’orage.
2.6 Mesures faiblement invasives
L’optique peut enfin avantageusement tirer partie des technologies de l’optoélectronique et
notamment des fibres optiques. Ces dernières permettent de transmettre la lumière dans des
structures guidantes de grande longueur (plusieurs mètres à plusieurs kilomètres) et de très petites
dimensions transversales (typiquement quelques centaines de micromètres). Il est donc possible
d’acheminer le flux lumineux dans des régions difficiles d’accès au travers de canaux d’informations
de dimensions très réduites. Les fibres optiques peuvent aussi être des transducteurs sensibles à de
très nombreux paramètres environnementaux (température, pression, espèces chimiques, courant
électrique…).
2.7 Mise en réseau, multiplexage des informations
Un dernier point mérite d’être souligné en rapport avec la possibilité d’interroger un très grand
nombre de capteurs optiques à partir d’une même centrale de contrôle et d’une ligne de transmission
à fibre optique. L’intérêt de cette configuration est de mutualiser les sources, détecteurs et
systèmes de stockage et traitement de l’information à un très grand nombre de capteurs
(potentiellement plusieurs centaines). Sachant que très souvent, le coût du dispositif de mesure est
essentiellement supporté par les composants d’extrémité, il est particulièrement intéressant de
mutualiser ces composants au plus grand nombre possible de capteurs permettant ainsi de répartir le
coût de l’instrumentation sur l’ensemble des points de mesure. L’identification des différents
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capteurs sur la ligne de mesure est effectuée par des techniques de multiplexage conventionnel
(temps, fréquence) auxquelles peut se rajouter le multiplexage chromatique qui permet d’intégrer la
signature d’un capteur dans la longueur d’onde de la lumière qu’il émet ou restitue.
3• PERSPECTIVES
Les quelques éléments que nous avons mentionnés dans le paragraphe précédent ne sont pas
exhaustifs et pointent simplement quelques aspects stratégiques de la mesure optique qui sont
aujourd’hui consolidés par les rapides évolutions technologiques que connaît le domaine.
La photonique a connu en effet une profonde mutation depuis quelques décennies avec l’avènement :
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des lasers conventionnels ;
des sources lasers à semi-conducteurs ;
des détecteurs électroniques ponctuels, linéaires ou matriciels ;
des fibres optiques ;
des systèmes d’amplification tout optiques…
Cette révolution technologique se poursuit aujourd’hui et conduit à l’émergence de nombreux
composants ou fonctions nouvelles :
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sources de compacité et de puissance croissante ;
détecteurs aux performances accrues ;
intégration des fonctions optiques sur des micro-composants obtenus par technologies
planaires dérivées de la microélectronique (Cf. Figure 3) ou par d’autres techniques
novatrices (sol-gel, dépôts de couches minces, micro-gravure par exemple) ;
mise en œuvre de nano-composants et plus largement des nano-sciences pour parvenir à des
fonctionnalités optiques nouvelles …
Figure 3 - Micro-composant optique - Interféromètre réalisé sur un micro-composant optique
obtenu par des techniques issues de la micro-électronique.
Le couplage de ces avancées technologiques du domaine de la photonique avec celles d’autres
disciplines scientifiques :
• procédés innovants ;
• matériaux à fonctionnalité renforcée ;
• électronique rapide ;
• traitement du signal et de l’information ;
• informatique ;
• systèmes experts ;
• intelligence artificielle…
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… ouvrent la voie à une vision de la mesure optique dépassant le stade du simple "composant" pour
s’ouvrir à une dimension "système" intégrant les composants, les traitements associés, les stockages
d’information, l’analyse des données, le diagnostic automatique des structures, voire l’autoadaptabilité de ces dernières aux sollicitations extérieures (Cf. Figure 4).
Dans ce contexte scientifique dense et en rapide évolution, la photonique apparaît comme une
technologie clé pour les développements futurs de nombreux champs d’activité scientifiques ou
industriels. Son implication déjà importante dans le secteur de la mesure et du contrôle par ses
apports intrinsèques au domaine, ne peut qu’être conforté et consolidé par les évolutions
scientifiques majeures qui en modifient profondément la physionomie aujourd’hui.
Figure 4 - Vers les structures intelligentes - Ce graphique illustre l’évolution technologique qui
existe entre les matériaux homogènes à propriétés établies a priori et les matériaux autoadaptables (composites intégrant des fonctionnalités capteurs reliés à un système expert).
REFERENCES
1 – P. SMIGIELSKI, « Holographie Industrielle », TEKNEA, 1996
2 – G. BRUN, P. SMIGIELSKI, « Quand la lumière rencontre la matière : Intérêt de l’optique et la photonique
pour l’instrumentation et le contrôle », Revue « Contrôle, Essai, Mesure », novembre 2007
3 – G. BRUN, I. VERRIER, Interférométrie et applications, Volume « Optique Physique », Traité EGEM
(Electronique, Génie Electrique et Microsystèmes), HERMES, 2003
4 - G. BRUN, « How can Photonics enable yours compagny to progress ?... », Congrès SPIE Photonics Europe 2006
5 – D. BALAGEAS, « Systèmes et Micro-systèmes pour la caractérisation », Vol. 2, HERMES, 2001
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