Femelle et larve de Cordylobia anthropophaga, d’après Séguy CARTE D'IDENTITÉ DU VER DU CAYOR : Cordylobia anthropophaga Blanchard & Béranger-Féraud • Ordre des Diptères • Sous-ordre des Brachycères Cyclorrhaphes • Famille des Calliphoridés • Sous-famille des Calliphorinés • Genre Cordylobia Grünberg , 1903 • Espèce : anthropophaga Blanchard & Béranger-Féraud (in Larrey, 1872) Entomologie vétérinaire Par Philippe Devienne, Patrick Bobard et Carine Pinhas. Le Ver de Cayor, agent d’une myiase furonculeuse L es myiases sont des affections liées au développement parasitaire de larves de diptères dans les tissus vivants ou, pour certaines, sur les plaies d'un animal vivant. D'autres sont des parasites obligatoires soit des orifices naturels comme les cavités nasales pour la larve d'Œstre du mouton chez l'ovin, soit du tube digestif comme pour la larve du Gastérophile du cheval, soit de la peau en formant des furoncles comme le font les varons Hypoderma et les Cordylobia. Ces deux genres provoquent alors les bien nommées “myiases furonculeuses”. Cordylobia anthropophaga, Diptère appartenant à la famille des Calliphoridés est un parasite obligatoire provoquant un furoncle, essentiellement chez le chien et l'homme, mais aussi le chat, le rat, et le singe. Larve de Cordylobia anthropophaga extraite de son hôte - Cliché : ENVA / Service de parasitologie C. anthropophaga sévit dans la région sub-saharienne de l’Afrique, mais peut se trouver jusqu'au sud du continent. Les cas rapportés en France et dans plusieurs autres pays d'Europe sur l’homme sont consécutifs à des voyages effectués Insectes 23 n°135 - 2004 (4) dans ces régions ou à l’importation d’animaux. Cayor est le nom d'un district du Sénégal particulièrement infesté. La larve fut décrite pour la première fois en 1862. Il est difficile d'identifier l’adulte. C'est une mouche de 6 à 12 mm de long, d'une couleur brun-jaunâtre, avec des bandes noirâtres sur l’abdomen. Les yeux sont rapprochés chez le mâle, séparés chez la femelle. Les adultes volent rarement durant la pleine journée. Les mouches sont actives le matin, de 7 à 9 heures, et, le soir, de 16 à 18 heures. Elles passent le reste de la journée et de la nuit dans des endroits sombres sous le toit des huttes ou des maisons. Elles se nourrissent du jus sucré des fruits, d'excréments et de liquides de décomposition de cadavres d'animaux. La femelle vit 15 jours à trois semaines. Elle dépose, en une à Photo 1 - Furoncle contenant une larve de Cordylobia - Cliché P. Devienne Photo 2 - Extraction sur un chien d'une larve morte de Cordylobia - Cliché P. Devienne deux fois, environ 150 à 300 œufs de 0,8 mm de long, sur une surface sèche et ombragée ayant été souillée préalablement par de l'urine ou des fèces. Ce peut être sur du sable mais aussi sur des couches de bébé ou du linge apparemment propre. À noter qu’elle ne pond jamais ses œufs directement sur la peau, ni sur les poils ou dans les cheveux. L'éclosion s'effectue au bout de trois jours. La larve de stade I, longue de 0,7 à 1 mm, est munie de “doigts” sur ses deux segments postérieurs qui l'aident à se déplacer à la recherche d’un hôte. Cette quête peut durer jusqu’à une dizaine de jours. Une fois la larve parvenue sur la peau, elle s'y enfouit et une fine couche d'épiderme la recouvre. Elle s'installe dans le derme, laissant cependant une petite ouverture à l'extérieur pour respirer. Les sites de pénétration sont essentiellement les pieds, les doigts, les organes génitaux. Chez des animaux dormant directement sur le sol, toutes les parties en contact avec celui-ci peuvent être des points d’entrée. Le temps de pénétration de la larve dans le tissu est fonction de l'épaisseur cutanée de l'hôte : de 25 secondes à une demi-heure chez un cobaye ou un rat. L'humain infesté ressent généralement une légère démangeaison pendant les 48 heures qui suivent l'infestation. La papule résultante devient rouge et le prurit disparaît généralement. La mue s'effectue deux ou trois jours après la pénétration. La larve de stade II, de 2,5 à 4 mm de long, possède des épines dirigées vers l'arrière, qui empêchent toute sortie prématurée par l'orifice resté béant. La larve passe au stade III, 5 à 6 jours après l'invasion. L’hôte présente un furoncle ferme, avec une petite croûte sèche à l'apex (composée des sérosités jaunâtres produites par l'organisme et des déjections de l'asticot) recouvrant un pertuis de 2 à 3 mm de diamètre au fond duquel les stigmates postérieurs de la larve sont visibles. À ce stade, la victime souffre d’un prurit important, mais son état général n'est pas altéré, en général (on a décrit cependant des cas d'abattement, avec hyperthermie, douleurs et malaises). La larve peut mourir à ce stade ; sa cuticule provoque un abcès qu'il faut ensuite cureter (photo 1). Lorsque les furoncles sont très rapprochés sur les membres, un œdème peut survenir, suivi parfois de gangrène. Sinon, une pression modérée homogène à la base du furoncle suffit généralement à faire sortir la larve, qui atteint 15 mm de long (photo 2). Très active, de forme plutôt cylindrique, elle rampe rapidement sur le sol vers les endroits les plus sombres. Elle se nymphose au bout de 24 à 48 heures, la mue imaginale survenant au bout de 8 à 15 jours. Insectes 24 n°135 - 2004 (4) Le traitement curatif consiste à retirer les larves par simple pression sur les furoncles. Un peu de vaseline facilite la sortie du “ver”. Il faut prendre garde à ne pas écraser les larves dans le furoncle, ce qui risque de produire un choc anaphylactique. Si on tue l’asticot in situ (avec un insecticide), une petite intervention chirurgicale est indispensable pour retirer la cuticule larvaire. La prophylaxie consiste à laver le linge de manière rigoureuse, à le mettre à sécher en plein soleil, et à le repasser avec un fer très chaud pour détruire les œufs. Une surveillance sanitaire aux frontières des pays où l’on n’observe pas les myiases devrait être effectuée. r Imago de Cordylobia anthropophaga Cliché P. Devienne Les auteurs Philippe Devienne, Patrick Bobard et Carine Pinhas Docteurs vétérinaires 31, boulevard Émile-Zola 78800 Houilles Pour en savoir plus • Séguy E., 1950 – La biologie des diptères – Éd. Paul Lechevalier, Paris. • Zumpt F., 1965 – Myiasis in man and animals in the old world – Éd. Butterworths, London. Nous adressons nos remerciements à Michel Baylac et Cédrik Sibold, du laboratoire d'entomologie du MNHN de Paris (service Diptères) pour leur accueil et leur compétence.