Le laser en endodontie (Partie I)

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I roots _ laser et endodontie
Le laser en
endodontie (Partie I)
Auteurs_ Pr Giovanni Olivi, Pr Rolando Crippa, Pr Giuseppe Laria, Pr Vasilios Kaitsas, Dr Enrico DiVito
et Pr Stefano Benedicenti, Italie et États-Unis
L’endodontie s’est intéressée à l’utilisation des
lasers dès le début des années 1970, et leur usage
s’est intensifié depuis les années 1990.2–7 Dans
ce contexte, la première partie de cet article va
décrire l’évolution des techniques et technologies
laser. La seconde partie, qui sera publiée dans
Le magazine 3/13, décrira l’extrême efficacité de ces instruments pour le nettoyage et la décontamination du système endodontique. Elle envisagera également l’avenir en
décrivant les études préliminaires récemment menées sur les nouvelles méthodes d’utilisation de
l’énergie laser.
Fig. 1
_Les lasers en endodontie
Fig. 1_Les lasers et le spectre
électromagnétique de la lumière.
_Les objectifs principaux d’un traitement endodontique sont le nettoyage efficace du système canalaire.
Les techniques conventionnelles endodontiques utilisent des instruments mécaniques, ainsi que l’irrigation
ultrasonique et chimique pour la mise en forme, le nettoyage et la décontamination complète du système
endodontique.
La complexité du système canalaire est bien connue.
De nombreux canaux latéraux, dont les dimensions et
la morphologie varient considérablement, se ramifient à
partir des canaux principaux. Une étude récente a révélé
des structures anatomiques très compliquées dans 75 %
des dents analysées. L’étude a également mis en évidence
une infection de la pulpe résiduelle après une préparation
chimio-mécanique, tant dans les canaux latéraux que
dans les structures apicales de dents vivantes et nécrosées, associée à une inflammation périradiculaire.1
L’efficacité d’un débridement, d’un nettoyage et d’une
décontamination de l’espace intraradiculaire, est limitée
par la complexité anatomique et l’incapacité des solutions d’irrigation ordinaires, de pénétrer dans les canaux
latéraux et les ramifications apicales. Par conséquent,
il semble souhaitable de rechercher de nouveaux matériaux, techniques et technologies susceptibles d’améliorer le nettoyage et la décontamination de ces surfaces
anatomiques.
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Le magazine
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La technologie laser a été introduite dans le domaine
endodontique dans le but d’utiliser l’énergie lumineuse
pour améliorer les résultats obtenus avec les procédures
traditionnelles, en renforçant la capacité de nettoyage
et d’élimination des débris et de la boue pariétale des
canaux radiculaires, et en assurant une meilleure décontamination du système endodontique.
Différentes longueurs d’onde se sont révélées efficaces pour réduire significativement les populations
bactériennes des canaux infectés, et les résultats ont été
confirmés par des études in vitro.8 D’autres études ont
démontré l’efficacité des lasers associés aux solutions
d’irrigation habituellement utilisées, telles que l’EDTA
à 17 %, l’acide citrique à 10 % et l’hypochlorite de
sodium à 5,25 % .9 Les agents chélatants ont un effet
favorable sur la pénétration de la lumière laser, qui peut
atteindre une profondeur allant jusqu’à 1 mm dans les
parois dentinaires et présente un effet décontaminant
plus important que les agents chimiques.8,9
D’autres études encore ont porté sur l’activation des
solutions d’irrigation à l’intérieur des canaux par certaines longueurs d’onde. Cette technique, connue sous
le nom d’irrigation activée par laser, s’est révélée statistiquement plus efficace pour éliminer les débris et la
boue pariétale des canaux radiculaires, comparative-
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ment aux techniques conventionnelles et aux ultrasons.10–12 Une étude récente menée par Divito et al. a démontré qu’un laser Erbium équipé d’un embout nu à
émission radiale, utilisé à un niveau de densité d’énergie
inférieur au seuil d’ablation et associé à une solution
d’irrigation à base d’EDTA, conduit à l’élimination efficace des débris et de la boue pariétale, sans dégradation
thermique de la structure dentinaire organique.13
_Spectre électromagnétique de
la lumière et classification des lasers
Les lasers sont classés selon le domaine du spectre
électromagnétique de la lumière qu’ils émettent, visible
et invisible, proche, moyen ou lointain infrarouge. En
raison des lois de la physique optique, les divers types
de lasers sont réservés à des usages cliniques différents (Fig. 1). Dans le spectre visible de la lumière, le laser KTP (un laser au néodyme doublé en fréquence qui
émet une lumière verte – 532 nm) a été introduit en
médecine dentaire au cours des dernières années. Peu
d’études ont examiné cette longueur d’onde. L’émission
au travers d’une fibre optique flexible de 200 µm permet
son utilisation en endodontie pour la décontamination du canal radiculaire et a produit des résultats
positifs.14,15
Les lasers émettant dans le proche infrarouge (de
803 nm à 1 340 nm) ont été les premiers à être utilisés
pour la décontamination de la racine. En particulier,
le laser Nd:YAG (grenat d’yttrium-aluminium dopé au
néodyme) (1 064 nm), introduit au début des années
1990, permet de délivrer l’énergie laser par l’intermédiaire d’une fibre optique.5 Les lasers émettant
dans le moyen infrarouge, la famille des lasers Erbium
(2 780 nm et 2 940 nm), ont également été produits
au début des années 1990. Ils n’ont été équipés d’embouts minces et flexibles qu’au début de ce siècle, et ont
été utilisés et testés dans des applications endodontiques. Le laser au CO2, émettant dans le lointain infrarouge (10 600 nm) a, quant à lui, été le premier à être
utilisé en endodontie pour la décontamination et la
fusion de la dentine apicale en chirurgie par voie rétrograde. Il n’est plus utilisé dans ce domaine sauf pour
le traitement de la pulpe vivante (pulpotomie et coagulation de la pulpe).
I
_Base scientifique de l’utilisation
des lasers en endodontie
Interaction laser-tissu
L’interaction de la lumière avec une cible suit les lois
de la physique optique. La lumière peut être reflétée,
absorbée, diffusée ou transmise.
_La réflexion est le phénomène dans lequel un faisceau
de lumière laser touche une cible puis est reflété par
manque d’affinité. Il est donc obligatoire de porter des
lunettes de protection pour éviter des lésions oculaires
accidentelles.
_L’absorption est le phénomène dans lequel il existe une
affinité entre l’énergie incidente et le tissu qu’elle
touche. Elle y est absorbée et peut ainsi exercer ses
effets biologiques.
_La diffusion est le phénomène dans lequel la lumière
incidente pénètre jusqu’à une certaine profondeur en
étant dispersée dans de multiples directions par rapport
au point d’interaction. Elle peut ainsi produire ses effets
biologiques à une certaine distance de la surface.
_La transmission est le phénomène dans lequel le faisceau laser traverse le tissu sans affinité et n’y produit
aucun effet.
La lumière laser et le tissu ne peuvent interagir que
s’il existe une « affinité optique » entre eux. La spécificité
et la sélectivité de cette interaction est fonction de
l’absorption et de la diffusion. Moins il y a d’affinité, plus
la lumière sera reflétée ou transmise (Fig. 2).
Effets de la lumière laser sur le tissu
Grâce aux phénomènes d’absorption ou de diffusion,
l’interaction du faisceau laser avec le tissu cible produit
des effets biologiques qui se répercutent sur le plan
thérapeutique. Ces effets sont d’ordre :
_photothermique ;
_photomécanique (y compris des effets photoacoustiques) ; et
_photochimiques.
Fig. 2_Interaction entre
le laser et le tissu.
Dans cet article, les lasers utilisés pour les applications endodontiques sont des dispositifs émettant
dans le proche infrarouge – diodes lasers (810, 940,
980 et 1 064 nm) et laser Nd:YAG (1 064 nm) –, et dans
le moyen infrarouge – laser au grenat d’yttrium-scandium-gallium dopé à l’Erbium et au chrome (Er,Cr:YSGG,
2 780 nm) et laser au grenat d’yttrium-aluminium dopé
à l’Erbium (Er:YAG, 2 940 nm). Une courte introduction
des concepts physiques fondamentaux régissant l’interaction entre les lasers et les tissus est indispensable à
la compréhension de l’usage des lasers en endodontie.
Fig. 2
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est essentiellement absorbé par la surface du tissu mou,
de 100 à 300 µm, et jusqu’à 400 µm dans les parois
dentinaires.8,17
P
puissance (en watt – W)
E
énergie (en joules – J)
R
fréquence de récurrence des impulsions (en hertz – Hz)
Pd
densité de puissance (en W/cm )
F
fluence ou densité d’énergie (en J/cm2)
P(W)
puissance moyenne = E x R
PP(W)
puissance de crête = E / durée d’une impulsion (en secondes)
2
Tableau I
Tableau I_Paramètres d’émission
de la lumière laser.
Fig. 3_Coefficients
d’absorption tissulaire.
La diode laser (810 nm à 1 064 nm) et le laser Nd:YAG
(1 064 nm) émettent dans le domaine du proche infrarouge du spectre électromagnétique de la lumière. Ils
interagissent essentiellement avec le tissu mou par le
phénomène de diffusion (dispersion). Le laser Nd:YAG
pénètre plus profondément dans les tissus mous (jusqu’à
5 mm) alors que la diode laser a un effet plus superficiel
(jusqu’à 3 mm). Leur faisceau est sélectivement absorbé
par l’hémoglobine, l’oxyhémoglobine et la mélanine, et
il produit des effets photothermiques sur le tissu. Par
conséquent, leur utilisation en médecine dentaire est limitée à la vaporisation et à l’incision du tissu mou. Ils sont
également utilisés pour le blanchiment des dents où le
faisceau laser sert à l’activation thermique du réactif. En
endodontie, ils représentent actuellement la meilleure
méthode de décontamination en raison de leur capacité
de pénétrer à l’intérieur des parois dentinaires (jusqu’à
750 µm pour la diode laser 810 nm ; jusqu’à 1 mm pour le
laser Nd:YAG),8 et de l’affinité des bactéries pour ces longueurs d’onde qui permettent de détruire les organismes
par des effets photothermiques.16
Les lasers Erbium (2780 nm et 2940 nm) émettent
dans le domaine du moyen infrarouge et leur faisceau
Paramètres influençant l’émission de l’énergie laser
L’énergie laser est émise de différentes façons par
différents instruments. Les diodes lasers émettent
l’énergie sous forme d’onde entretenue (fonctionnement en mode continu). Il est possible d’interrompre
mécaniquement cette émission énergétique. Le laser
fonctionne alors en mode « déclenchement périodique »
ou « haché », dit aussi « impulsionnel » (il serait inexact
dans ce cas de parler de mode « pulsé ») et cette interruption permet un meilleur contrôle de l’émission
thermique. La durée de l’impulsion et les intervalles
entre les impulsions sont exprimés en millisecondes ou
microsecondes (temps de fonctionnement/non fonctionnement).
Le laser Nd:YAG et la famille des lasers Erbium émettent une énergie laser en mode pulsé, dont les impulsions peuvent être relaxées, de sorte que chaque impulsion débute de manière naturelle à certains moments,
s’intensifie et se termine en suivant une progression
gaussienne. L’intervalle entre chacune des
impulsions permet au tissu de se refroidir
(temps de relaxation thermique), ce qui améliore le contrôle des effets thermiques (Fig. 4).
Les lasers Erbium fonctionnent également
avec un pulvérisateur d’eau intégré doté
d’une double fonction de nettoyage et de
refroidissement. En mode pulsé, un train
d’impulsions est émis à différentes cadences
de répétition, appelées « fréquence de récurrence » qui s’exprime en Hertz, variant généralement de 2 à 50 impulsions par seconde.
Une fréquence de récurrence maximale de
l’émission est similaire à un mode continu,
alors qu’une fréquence de récurrence inférieure allonge le temps de relaxation
thermique. La fréquence de l’émission (fréquence de récurrence des impulsions) influence la puissance moyenne émise, selon
la formule indiquée dans le tableau I.
Fig. 3
50 I
La cible est l’eau, qui sert de « chromophore » (un
groupement d’atomes qui en absorbant la lumière est
responsable de l’aspect coloré d’une substance), et c’est
pourquoi ces lasers sont utilisés en médecine dentaire
pour les tissus mous et les tissus durs. La teneur aqueuse
de la muqueuse, de la gencive, de la dentine et du tissu
carieux, permet aux lasers Erbium de vaporiser ces tissus et d’y produire des effets thermiques. L’éclatement
des molécules d’eau génère une réaction photomécanique qui contribue au processus d’ablation et de
nettoyage (Fig. 3).18–20
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Un autre paramètre important dont il faut tenir
compte est la « forme » de l’impulsion, qui décrit l’efficacité et la dispersion de l’énergie ablative sous forme
d’énergie thermique. La durée de l’impulsion, qui est
de l’ordre de la microseconde à la milliseconde, produit
les principaux effets thermiques. Des impulsions plus
courtes, de quelques microsecondes (<100) à quelques
nanosecondes, produisent des effets photomécaniques.
La durée de l’impulsion modifie la puissance de crête de
chacune des impulsions, selon la formule indiquée dans
le tableau I. Les lasers dentaires actuellement disponibles
sur le marché, le Nd:YAG dont les impulsions varient
de 100 à 200 µm et les lasers Erbium dont les impulsions
varient de 50 à 1000 µm, sont des lasers pulsés en mode
relaxé. Par ailleurs, les diodes lasers, qui émettent l’énergie en mode continu, peuvent être interrompues par un
moyen mécanique afin d’obtenir une émission énergétique dont la durée des impulsions varie de quelques
millisecondes à quelques microsecondes selon le modèle
de laser.
Effets de la lumière laser sur les bactéries
et les parois dentinaires
En endodontie, les lasers sont utilisés pour produire
des effets photothermiques et photomécaniques, qui
résultent de l’interaction de différentes longueurs d’onde
et de différents paramètres, sur les tissus cibles. Ces tissus
sont la dentine, la boue pariétale, les débris, la pulpe
résiduelle et les bactéries dans toutes leurs formes de
regroupement.
Selon les diverses sorties utilisées, toutes les longueurs d’onde détruisent la membrane cellulaire par leurs
effets photothermiques. En raison des caractéristiques
structurelles des différentes membranes cellulaires, il est
possible de détruire plus facilement les bactéries à Gram
négatif avec une énergie et un rayonnement moindre que
les bactéries à Gram positif.16 Les rayons laser émis dans
le proche infrarouge ne sont pas absorbés par les tissus
durs dentinaires et n’ont aucun effet ablatif sur les
surfaces dentinaires. L’effet thermique du rayonnement
se manifeste jusqu’à 1 mm de profondeur dans les parois
dentinaires et permet d’obtenir un effet décontaminant
dans les couches plus profondes de la dentine.8 Les rayons
laser émis dans le moyen infrarouge sont bien absorbés
par le milieu aqueux des parois dentinaires et ils produisent donc un effet décontaminant et ablatif sur la
surface du canal radiculaire.8,16
L’effet thermique des lasers, utilisé pour son action
bactéricide, doit être contrôlé afin d’éviter des dommages
aux parois dentinaires. Lorsque les paramètres sont bien
réglés, les caractéristiques de la vaporisation de la boue
pariétale et de la structure dentinaire organique (fibres de
collagène) par l’irradiation laser sont celles d’une fusion
superficielle. Seuls les lasers Erbium ont un effet ablatif
superficiel sur la dentine, lequel semble supérieur dans
I
continuous wave mode
gated mode
pulsed mode
les zones intercanaliculaires, plus riches en eau, que dans
les zones péricanaliculaires plus calcifiées. Lorsque des
paramètres ou des modes opératoires incorrectes sont
employés, les dommages thermiques sont manifestes
et se traduisent par de vastes zones de fusion, de recristallisation de la matrice minérale (bulle), et la présence
de microfractures superficielles accompagnant la carbonisation de la surface radiculaire interne et externe.
Fig. 4
Fig. 4_Modes d’émission
de la lumière laser.
_Mode continu (onde entretenue)
_Mode à déclenchement périodique,
ou haché
_Mode pulsé
Lorsque la durée d’impulsion est très courte (moins
de 150 µs), le laser Erbium atteint sa puissance de crête
avec une très faible énergie (moins de 50 mJ). L’utilisation
d’une énergie ablative minimale réduit au maximum les
effets thermiques et ablatifs indésirables sur les parois
dentinaires, alors que l’atteinte de la puissance de crête
déclenche avantageusement le phénomène d’excitation
des molécules d’eau (chromophore cible) et produit
consécutivement les effets photomécaniques et photoacoustiques (sous forme d’ondes de choc) sur les parois
dentinaires, grâce aux solutions d’irrigation introduites
dans le canal radiculaire. Ces effets sont extrêmement
efficaces pour éliminer la boue pariétale des parois dentinaires, ainsi que le biofilm bactérien, et pour décontaminer le canal radiculaire. Cet aspect sera examiné dans
la seconde partie de l’article.10–13_
Note de la rédaction : une liste complète des références
est disponible auprès de l’éditeur. Cet article est paru dans
la version anglaise de roots, numéro 1/2011.
_contact
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