Associations spécifiques chez les macroinvertébrés benthiques et

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Annls Limnoi. 36 (3) 2000 : 189-202
Associations spécifiques chez les macroinvertébrés benthiques
et leur utilisation pour la typologie des cours d'eau.
Cas du réseau hydrographique Adour-Garonne (France)
1
J. Cayrou
A. Compin
N. Giani
R. Céréghino 1
1
1
2
Mots-clés : macroinvertébrés, Ephéméroptères, Plécoptères, Trichoptères, Coléopères, biotypologie, zonation, eaux courantes,
bassin Adour-Garonne.
Nous avons analysé la distribution régionale de 147 espèces appartenant aux 4 ordres d'insectes aquatiques les mieux connus
dans le Sud-Ouest de la France - Ephéméroptères, Plécoptères, Trichoptères, Coléoptères Elmidae et Hydraeniidae -, afin d'établir une classification des cours d'eau basée-sur des associations spécifiques au sein du réseau hydrographique Adour-Garonne
(116 000 km ). La distribution spatiale des espèces a été précisée par des Analyses Factorielles des Correspondances (AFC), et
les noyaux d'affinité entre espèces et/ou stations ont été recherchés par la Méthode des Nuées Dynamiques. Six zones ont été
définies, ainsi que leurs peuplements théoriques. Un intérêt majeur de telles classifications est que la stabilité spatio-temporelle
des associations spécifiques peut être utilisée pour définir des sites ou des stations de référence, pour une surveillance biologique
des rivières au sein d'une région ou d'une section longitudinale identifiée par un peuplement référentiel.
2
Species associations in lotie macroinvertebrates and their use for river typology. Example of the Adour-Garonne drainage basin (France)
Keywords : macroinvertebrates, Ephemeroptera, Plecoptera, Trichoptera, Coleóptera, biotypology, zonation, running waters,
Adour-Garonne drainage basin.
We analysed the regional distribution of 147 lotie invertebrate species from four insect orders - Ephemeroptera, Plecoptera,
Trichoptera, Coleóptera - Elmidae and Hydraenidae - EPTC - in the whide Adour-Garonne drainage basin (South -Western
France, Surface = 116 000 km ). The aim of this work was to provide a stream classification based on characteristic species
assemblages. The faunal data (species occurrence) were recorded at 252 sampling sites, and studied using factorial analysis.
Using dynamic cluster analysis, it was possible to classify the data without prior knowledge. Six zones were characterised within
the drainage basin, along with their theoretical species assemblages. The main interest of our results is that the stability of such
theoretical assemblages may be used to define representative and/or reference sites for biological surveillance, as changes in
reference assemblages can be considered as a biological indicator of environmental changes in streams from a given region or
longitudinal section.
2
1. Centre d'Ecologie des Systèmes Aquatiques Continentaux, UMR C5576, 118 route de Narbonne, 31062 Toulouse Cedex 4, France. Tel : 05
61 55 86 87, Fax : 05 61 55 60 96
2. Auteur correspondant : E-mail : [email protected] Université Paul Sabatier.
Article available at http://www.limnology-journal.org or http://dx.doi.org/10.1051/limn/2000017
J. CAYROU, A. COMPIN, N. GIANI, R. CÉRÉGHTNO
190
1. Introduction
Au cours des dernières décennies, de nombreuses
classifications des cours d'eau basées sur des associations d'espèces aquatiques ont été proposées (Huet
1949, lilies & B o t o s a n e a n u 1963, O m e r n i k 1987,
Whittier et al. 1988, Tate & Heiny 1995). Un intérêt
majeur de telles classifications est que la stabilité spatio-temporelle des ces associations peut être utilisée
pour définir des sites ou des stations de référence pour
une surveillance biologique des rivières (Hughes et al.
1986) : tout c h a n g e m e n t dans la composition et la
structure des assemblages spécifiques pourra être la
c o n s é q u e n c e de modifications e n v i r o n n e m e n t a l e s
dans un cours d'eau (Ward & Stanford 1983 a), appartenant à une section longitudinale ou à une région caractérisée par un peuplement type. La diversité spécifique des communautés d'invertébrés aquatiques dépend notamment de la diversité et de la stabilité des habitats (Cummins 1979, Ward & Stanford 1979), qui
définissent l'hétérogénéité des niches écologiques et
donc les possibilités de développement (Malmqvist &
Otto 1987). Par conséquent, les invertébrés sont largement utilisés en tant qu'indicateurs des changements
environnementaux à moyen et long terme (Hellawell
1978).
Une autre approche illustrée par le "River Contin u u m Concept" (Vannote et al. 1980) implique une
classification basée sur la taille et la localisation du
cours d'eau au sein d'un réseau hydrographique. Cependant, plusieurs auteurs ont souligné la nécessité de
considérer les différences géographiques qui existent
au niveau des caractéristiques biotiques et abiotiques
des cours d'eau (Culp & Davies 1982). Cette hypothèse peut être vérifiée pour une région donnée en proposant un modèle géographique, c'est-à-dire une carte
(Whittier et al. 1988).
(2)
poissons. En France, l'Agence de l'Eau utilise les macroinvertébrés benthiques pour évaluer la qualité biologique des eaux courantes. Dans le seul bassin AdourGaronne, 275 stations sont échantillonnées chaque année. Les informations recueillies permettent d'évaluer
les variations spatio-temporelles de la qualité de l'eau,
et de définir des objectifs de qualité. L'indice de qualité biologique en vigueur (IBGN, norme AFNOR NF90-950) est basé sur la présence de groupes faunistiques indicateurs classés selon un degré de polluosensibilité décroissant. Cependant, ce type de méthode ne
tient pas compte de différences géographiques éventuelles (par exemple, les groupes les plus polluosensibles sont des formes montagnardes) entre les cours
d'eau (Lenat 1988). Il est donc pertinent d'établir, dans
un premier temps, une classification des cours d'eau,
afin de mettre au point des outils d'évaluation de la
qualité des eaux prenant en compte la notion de variabilité longitudinale et/ou géographique des assemblages d'espèces.
Le but de cette étude était d'analyser la distribution
régionale de 147 espèces d'insectes aquatiques appartenant aux 4 ordres les mieux connus dans le SudOuest de la France — Ephéméroptères, Plécoptères,
Trichoptères, Coléoptères Elmidae et Hydraeniidae —
afin de définir des sections longitudinales et/ou des regions basées sur des associations spécifiques au sein
du réseau hydrographique Adour-Garonne. Ce travail
est une base indispensable pour de futurs travaux, visant à la mise au point d'indices taxonomiques et fonctionnels de qualité biologique, et prenant en compte les
variations spatiales de la biodiversité des macroinvertébrés benthiques.
2. Site d'étude, données et méthodes
Le bassin Adour-Garonne (Fig. 1) est l'un des 4
grands bassins fluviaux français (116 000 k m , l / 5
du territoire français), avec une importante variation
altitudinale (haute et moyenne montagne, piémont,
plaine), une grande diversité de terrains traversés, ainsi qu'une grande variété de régions é c o n o m i q u e s
(zones forestières, agricoles, industrielles, urbaines).
2
La diversité spécifique des invertébrés aquatiques
est très élevée — 70 % des espèces animales inventoriées dans les eaux continentales européennes (lilies
1978) — et il est souvent difficile d'obtenir des identifications au niveau de l'espèce. Par conséquent, les
classifications proposées furent généralement restreintes à l'échelle de vallées ou d'une chaîne montagneuse (Décamps 1968, Vinçon & Thomas 1987, Vinçon & C l e r g u e 1988, Giudicelli et al. 2000) et ne
considéraient qu'un seul groupe taxonomique (généralement un ordre d'insecte). Seul Verneaux (1973) avait
proposé une biotypologie à l'échelle du réseau hydrographique d'un cours d'eau français (le Doubs, surface
du bassin : 7700 k m ) , basée sur 3 ordres d'insectes
(Ephéméroptères, Plécoptères, Trichoptères) et sur les
2
è m e
La banque de données faunistiques dont nous disposons a été établie à partir des travaux de spécialistes de
notre laboratoire au cours des 30 dernières années. Elle a permis de retenir 252 stations où des listes d'invertébrés ont été dressées au niveau d'identification
de l'espèce. Leur distribution altitudinale (de 10 à
2150 m) et géographique (Fig. 1) fait ressortir la diversité des grands axes fluviaux (Lot, Aveyron, Tarn, Garonne, Ariège) et des vallées prospectés dans les dé-
(3)
ASSOCIATIONS SPÉCIFIQUES CHEZ LES MACROINVERTÉBRÉS BENTHIQUES
191
Fig. 1. Carte du bassin Adour-Garonne. Répartition géographique et altitudinale des 252 stations utilisées dans les analyses.
Fig. 1. Map of the Adour-Garonne Drainage Basin. Geographical and altitudinal distribution of the 252 sampling sites used for data analysis.
partements pyrénéens (Ariège, Hautes-Pyrénées, Pyrénées Atlantiques).
Au niveau de la faune, nous avons considéré les espèces appartenant aux quatre ordres d'insectes les
m i e u x connus ( B e r t h é l é m y 1966, D é c a m p s 1967,
1968, Thomas 1996) dans les eaux courantes du SudOuest de la France : Ephéméroptères, Plécoptères, Tric h o p t è r e s , C o l é o p t è r e s E l m i d a e et H y d r a e n i i d a e
(EPTC), après avoir vérifié que la richesse spécifique
des EPTC était significativement corrélée à la richesse
spécifique totale (Fig. 2). Les espèces ont été invento-
riées par le critère de présence-absence (0 ou 1) sur les
252 stations retenues. Dans la perspective de futures
études appliquées (indices de qualité, listes d'espèces
indicatrices), seules les espèces dont l'occurrence
(nombre de stations où l'espèce est présente / nombre
total de stations) est supérieure à 5 % ont été conservées pour les analyses.
La distribution spatiale des espèces est précisée grâce à des Analyses Factorielles des Correspondances
(AFC) (Benzécri 1973, Diday et al. 1982) réalisées sur
les matrices Stations X Espèces. Dans la représenta-
J. CAYROU, A. COMRIN, N. GIANI, R. CÉRÉGHINO
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0
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Richesse totale
Fig. 2. Relation richesse spécifique totale-richesse spécifique EPTC
dans les cours d'eau du réseau hydrographique Adour-Garonne.
Fig. 2. Relationship between overall species richness and EPTC species richness in rivers from the Adour-Garonne stream system.
tion graphique de l'AFC, les points figurant 2 éléments
( v a r i a b l e s et/ou o b s e r v a t i o n s ) sont d'autant plus
proches que leurs profils sont proches. L'utilisation de
représentations dans l'espace des facteurs retenus permet de mettre en évidence des noyaux d'affinité entre
v a r i a b l e s ou e n t r e o b s e r v a t i o n s . La r e c h e r c h e de
noyaux d'affinité est rendue possible grâce à la Méthode des Nuées Dynamiques (Diday 1972), utilisée à
partir des coordonnées des variables et des observat i o n s s u i v a n t les a x e s de l ' A F C . Cette m é t h o d e a
l'avantage d'être plus objective et moins rigide que les
méthodes classiques de Classification Hiérarchique
(Cugny 1988, Tomassonne et al. 1993). En effet, au
cours des tirages successifs, certains éléments apparaissent alternativement associés à deux noyaux
proches : on les qualifie d'éléments "charnière". A l'opposé, les éléments définitivement associés à un noyau
sont appelés "formes fortes". Nous avons réalisé une
analyse globale stations X EPTC, puis nous avons traité séparément chaque groupe, afin de comparer la précision de l'information typologique fournie par les différentes association d'espèces.
(4)
s'expliquent par la taille importante des matrices, et par
la diversité des facteurs interdépendants régissant la
distribution des espèces. Cependant, compté tenu des
objectifs de cette étude il n'était pas essentiel de déterminer la signification exacte de chaque axe, mais plutôt de différencier des groupes d'espèces cohérents au
plan de leur écologie. La forme du nuage dans le plan
F1-F2 est parabolique ("effet Guttman"), indiquant
que les deux facteurs sont, liés par une relation du second degré. Le plan F1-F3 présente un nuage de points
de forme triangulaire ("effet trompette"), ce qui signale que la variabilité de F3 est liée au premier axe. Ces
formes de nuage ont été retrouvées selon les mêmes
axes dans les analyses effectuées séparément par ordre
d'insectes. La méthode des nuées dynamiques permet
d'individualiser 6 noyaux d'affinité entre les stations
d'une part et les espèces EPTC d'autre part (Fig. 3). Du
noyau 1 vers le noyau 6, les espèces s'agencent selon
leur répartition préférentielle dans le c o n t i n u u m
amont-aval. Baetis fuscatus (Ephéméroptère) est isolée au niveau du centre de gravité de la parabole. Il
s'agit d'une "espèce à profil plat" en termes statistiques, ce qui souligne sa faible spécialisation et son
fort degré d'euryécie. Les associations spécifiques individualisées par les noyaux d'affinités sont décrites ciaprès. La distribution des espèces dans les différents
noyaux (Fig. 3) est reportée dans le Tableau 1.
3.1. Associations spécifiques
- N o y a u 1 E P T C : les espèces fondamentales
(formes fortes) isolant ce groupe de stations sont exclusivement des Plécoptères sténothermes d'eau froide
et/ou inféodés aux sources froides de haute altitude,
par ailleurs connus pour leur forte polluosensibilité
(ex. Arcynopteryx compacta). Ces espèces semblent
posséder un habitat morcelé dans les Pyrénées, leur répartition s'effectuant essentiellement selon les conditions thermiques et climatiques locales (Berthélémy
1966). Parmi les espèces accessoires, Leuctra inermis
et Isoperla moselyi sont typiques des petits ruisseaux à
faible courant dé haute altitude (Berthélémy op. cit.),
Beraea pullata est typique des sources froides de
moyenne montagne (Décamps 1968). Le groupe de
stations associées est morcelé en trois secteurs appartenant tous aux Pyrénées, n est bien illustré par la vallée d'Ossau (bassin de l'Adour), la partie supérieure de
la vallée d'Aure, la partie haute de la Garonne. Ce
groupe représente bien la zone des sources et ruisseaux
froids qui en sont issus, de faible numéro d'ordre et de
faible amplitude thermique, ce qui le rend cohérent sur
le plan écologique.
Les trois premiers axes de l'AFC globale possèdent
des contributions relatives de 19.1 %, 10.2 % et 8.7 %
respectivement. Ces pourcentages relativement faibles
- Noyau 2 EPTC : Trente et une espèces fondamentales contribuent à sa formation. La majorité des Plécoptères est largement répartie de la moyenne mon-
3. Résultats
Fig. 3. Distribution and clustering of EPTC and sampling sites on the Fl x F2 factorial plane.
Fig. 3. Distribution et noyaux d'affinité des EPTC et des stations dans le plan factoriel Fl x F2.
J. CAYROU, A. COMPIN, N. GIANI, R. CÉRÉGHINO
Tableau 1. Espèces EPTC fondamentales (+) et accessoires (-) associées aux zones 1-6 (voir texte).
Table 1. Fundamental (+) and subordinate (-) EPTC species associated with zones 1-6.
Espèces
EPHEMEROPTERES
Baetis alpinus Pictet, 1843
Baetis buceratus Eaton, 1870
Baetis catharus Thomas, 1986
Baetis gemellusEaton, 1885
Baetis lutheri Miiller-Liebenau, 1967
Baetis melanonyx Pictet, 1843
Baetis mutions (Linné, 1758)
Baetis rhodani Pictet, 1843
Caenis beskidensis Sowa, 1973
Caenis macrura Stephens, 1835
Centroptilum luteum Müller, 1776
Cloeon dipterum (Linné, 1761 )
Ecdyonurus angelieri Thomas, 1968
Ecdyonurus dispar (Curtis, 1834)
Ecdyonurus forcipula (Pictet, 1843)
Ecdyonurus insignis (Eaton, 1870)
Ecdyonurus venosus (Fabricius, 1775)
Epeorus torrentium Eaton, 1885
Ephemera dánica Müller, 1765
Ephemerella ígnita (Poda, 1861)
Ephemerella major Klapálek, 1905
Habroleptoides berthelemyi Thomas, 1968
Habroleptoides modesta (Hagen, 1864)
Habrophlebia lauta Mac Lachlan, 1884
Heptagenia sulphurea (Müller, 1776)
Oligoneuriella rhenana (Imhoff, 1852)
Paraleptophlebia submarginata (Stephens, 1835)
Polamanthus luteus (Linné, 1789)
Rhithrogena hercynia Landa, 1970
Rhithrogena kimminsi Thomas, 1970
Rhtthrogena loyolaea Navas 1922
Rhithrogena semicolorata (Curtis, 1834)
PLECOPTERES
Amphinemura sulcicollis (Stephens, 1835)
Amphïnemura triangularis Ris, 1902
Arcynopteryx compacta (Mac Lachlan, 1872)
Brachyptera risi (Morton, 1896)
Brachyptera seticornis (Klapálek, 1902)
Capnia bifrons (Newman, 1938)
Capnia vidua (Pictet, 1833)
Capnioneitra brachyptera Despax, 1932
Capnioneura mitis Despax, 1932
Chloroperla breviata Navas, 1918
Dinocras cephalotes (Curtis, 1827)
Isoperla acicularis (Despax, 1936)
Codes
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ASSOCIATIONS SPÉCIFIQUES CHEZ LES MACROINVERTÉBRÉS BENTHIQUES
Tableau 1. Suite
Table Í. Continued.
Espèces
Isoperla grammatica (Poda, 1791)
Isoperla moselyi (Despax, 1936)
Isoperla viridinervis (Pictet, 1865)
Leuctra Û T / O Î / N a v a s , 1919
Leuctra aurita Navas, 1919
Leuctra castillana Aubert, 1956
Leuctra despaxi Mosely, 1930
Leuctra fusca (Linné, 1758)
Leuctra geniculata Stephens, 1835
Leuctra hippopus Kempny, 1899
Leuctra inermis Kempny, 1899
Leuctra kempnyi Mosely, 1930
Leuctra lamellosa Despax, 1929
Leuctra leptogaster Aubert, 1949
Leuctra mortoni Kempny, 1899
Leuctra pseudocylindrica Despax, 1929
Leuctra rauscheri Aubert, 1957
Nemoura cinérea Retzins, 1783
Nemoura errática Claassen, 1936
Nemoura fulviceps Klapálek, 1922
Nemoura linguata Navas, 1918
Nemoura moselyiDespax, 1934
Nemurella picteti Klapálek, 1909
Pachyleuctra benllochi (Navas, 1917)
Perla grandis Rambur, 1842
Perla marginata (Panzer, 1799)
Périodes intricata (Pictet, 1842)
Périodes microcephala (Pictet, 1842)
Protonemura angelieri (Berthélémy, 1963)
Protonemura beatensis Despax, 1929
Protonemura meyeri(Pictet, 1842)
Protonemura praecox (Morton, 1894)
Protonemura pyrenaica Mosely, 1930
Protonemura risi (Navas, 1921)
Protonemura tuberculata Despax, 1929
Protonemura vandeli Berthélémy, 1963
Siphonoperla torrentium (Pictet, 1842)
Taeniopteryx hubaulti (Aubert, 1946)
Taeniopteryx schoenemundi (Mertens, 1923)
TRICHOPTERES
Agapetus fuscipes Curtis, 1834
Allogamus auricollis (Pictet, 1834)
Anabolia nervosa (Curtis, 1834)
Annitella pyrenaea (Navas, 1930)
Anomalopterygella chauviniana (Stein, 1874)
Beraea pullata (Curtis, 1834)
Chaetopteryx villosa (Fabricius, 1798)
Codes
AFC
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J. CAYROU, A. COMPIN, N. GIANI, R. CÉRÉGHINO
196
(8)
Tableau 1. Suite
Table 1. Continued.
Espèces
Cheumatopsyche lepida (Pictet, 1834)
Chimara marginata (Linné, 1758)
Crunoecia irrorata (Curtis, 1834)
Diplectrona felix Mac Lachlan, 1878
Drusus rectus Mac Lachlan, 1868
Goera pilosa (Fabricius, 1775)
Halesus radiatus (Curtis, 1834)
Hydropsyche contubernalis Mac Lachlan, 1965
Hydropsyche exoce Ilata Dufour, 1841
Hydropsyche pellucidula (Curtis, 1834)
Hydroptila sparsa Curtis, 1834
Mïcrasema gabusi Schmid, 1952
Micrasema longulum Mac Lachlan, 1876
Micrasenta minimum Mac Lachlan, 1876
Micrasema morosum (Mac Lachlan, 1868)
Micrasema servatum Navas, 1918
Mystacides azurea (Linné, 1761 )
Notidobia ciliaris (Linné, 1761)
Odontocerum albicorne (Scopoli, 1763)
Oligoplectrum maculatum (Fourcroy, 1785)
Philopotamus montanus (Donovan, 1813)
Philopotamus variegatus (Scopoli, 1763)
Plectrocnemia conspersa (Curtis, 1834)
Polycentropus flax'omaculatus (Pictet, 1834)
Psychomia pusilla (Fabricius, 1781)
Ptilocolepus granulatus (Pictet, 183 4)
Rhyacophila denticulata (Mac Lachlan, 1879)
Rhyacophila dorsalis (Curtis, 1834)
Rhyacophila eatoni Mac Lachlan, 1879
Rhyacophila evoluta Mac Lachlan, 1879
Rhyacophila intermedia Mac Lachlan, 1868
Rhyacophila martynovi Mosely, 1930
Rhyacophila meridionalisPictet,
1865
Rhyacophila tristis Pictet, 1834
Thremma gallicum Mac Lachlan, 1880
Wormaldia triangulifera Mac Lachlan, 1878
COLEOPTERES
Dupophilus brevis Mulsant & Rey, 1872
Elmis aenea (Müller, 1806)
Elmis maugetii Latreille, 1798
Elmis rioloides (Kuweit, 1890)
Esolus angustatus (Müller, 1821)
Esolus paral le lepipedus (Müller, 1806)
Esolus pygmaeus (Müller, 1806)
Helichus substriatus (Müller, 1805)
Hydraena cordata Rey, 1885
Hydraena nigrita Germar, 1824
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Codes
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ASSOCIATIONS SPÉCIFIQUES CHEZ LES MACROINVERTÉBRÉS BENTHIQUES
197
Tableau 1. Suite
Table 1. Continued.
Espèces
•
Hydraena truncata Rey, 1885
Hydraena riparia Kuggelann, 1894
Limnius intermedius Fairmaire, 1881
Limnius opacus Müller, 1806
Limnius perrisi Dufour, 1843
Limnius volckmari (Panzer, 1793)
Oulimnius troglodytes (Gyllenhâl, 1827)
Oulimnius tuberculatus (Müller, 1806)
Riolus cupreus (Müller, 1806)
Riolus subviolaceus (Müller, 1817)
Stenelmis canaliculata (Gyllenhâl, 1808)
tagne au piémont (ex. Isoperla acicularis). Réputés
thermophiles (Berthélémy 1966), ils peuvent se maintenir dans les torrents de haute altitude à forte température estivale. Les Ephéméroptères fondamentaux
(ex. Habroleptoides berthelemyi, Baetis alpinus) présentent à des degrés divers la même valence écologique ainsi que les mêmes préférences thermophiles.
Baetis catharus et B. gemellus sont des sténothermes
d'eaux froides vivant près des sources de moyenne
montagne ou bien dans des ruisseaux de plus haute altitude. Les Coléoptères sont typiques de la haute montagne (ex. Esolus angustatus) bien que nettement thermophiles (Berthélémy 1966). Les Trichoptères de ce
noyau sont majoritairement sténothermes d'eau froide
(ex. Annitella pyrenaea, Drusus rectus).
Les espèces accessoires à ce groupement (et communes aux noyaux 2, 3 et 4) restent pour la plupart typiques de la moyenne montagne. Les stations associées sont celles de cours d eau montagnards, qui semblent se différencier des précédents par une plus grande amplitude thermique annuelle, et de plus fortes températures maximales (estivales). Ces cours d'eau sont
bien représentés par la majeure partie de la vallée d'Ossau au dessus de 750 m, ainsi que par la vallée d'Aure
à partir de la m ê m e altitude et l'Oriège (bassin de
l'Ariège) vers 900 m.
!
- Noyau 3 EPTC : il comprend principalement des
espèces de piémont avec une certaine affinité pour les
altitudes plus élevées, dans le cas de températures estivales importantes. Treize espèces fondamentales se
dégagent de l'analyse. Les Ephéméroptères sont des
formes thermophiles à large répartition (ex. Baetis rhodani), certaines montrant en plus une nette préférence
pour les vitesses de courant élevées (ex. Rhithrogena
Codes
AFC
Htr
Hri
Lis
Lop
Lpe
Lvo
Otr
Otu
Rcu
Rsu
Sca
Z O N E
1 2 3 4 5 6
+
+
+
+
+
+ +
+
+
+
+
+.
semicolorata). Il en va de même pour les formes associées à ce noyau, qui sont connues comme des sténothermes d'eau froide. La présence de Odontocerum albicorne, Trichoptère limnophile réparti de 500 m à
2000 m (lacs de haute altitude), ainsi que la capacité de
Micrasema morosum à subsiter jusqu'en haute montagne (Décamps op. di.)soulignent "l'aspect montagnard" de ce groupementpourvu que les températures
maximales soient suffisamment élevées. Cette caractéristique est confirmée par les espèces accessoires, plus
représentatives de la moyenne montagne. Àmphinemura sulcicollis, Leuctra leptogaster (Plécoptères) et Elmis aenea (Coléoptère) sont plutôt caractéristiques des
peuplements de ruisseaux plus collinéaires. Les stations les plus typiques sont celles de la vallée de la Garonne de 370 m à 500 m. Des stations aux caractéristiques faunistiques proches existent toutefois dans le
Massif Central, à des altitudes plus élevées, de 900 à
1200 m sur le bassin du Lot. Ce groupement comprend
donc deux zones géographiquement distinctes. Les stations charnières entre ce groupe et le suivant (groupement 4) sont situées dans la haute vallée du Lot mais
aussi aux alentours de 160 m dans le bassin de l'Adour.
- Noyau 4 EPTC : parmi les espèces fondamentales,
les Plécoptères sont plus eurythermes que ceux rencontrés p r é c é d e m m e n t , et plus fréquents en basse
montagne (jusqu'à 300 m). Brachyptera risi et Leuctra
hippopus sont encore plus inféodées aux faibles altitudes puisque totalement absentés au dessus de 900 m
(Berthélémy 1966). Ces Plécoptères ont la particularité d'être présents à la fois dans les Pyrénées et le Massif Central. Les Coléoptères sont typiques de rivières
prenant leur source en moyenne et basse montagne.
198
J. CAYROU, A. COMPIN, N. GIANI, R. CÉRÉGHINO
Les espèces accessoires du noyau 4 peuvent être divisées en deux ensembles :
i) 2 espèces communes avec le noyau 1 : Beraea pullata, Trichoptère des sources froides de moyenne mont a g n e , et Leuctra inermis, Plécoptère sténotherme
d'eau froide vivant normalement en haute montagne
mais pouvant persister jusqu'à 500 m à proximité des
sources,
ii) 7 espèces communes avec les noyaux 2 et 3. Amphinemura sulcicollis, A. triangularis, Leuctra lepîogaster (Plécoptères) et Elmis aenea (Coléoptère) ont
u n e préférence marquée pour une zone s'étalant de
300 à 900 m environ. Allogamus auricollis (Trichoptère), Brachyptera seticornis, Dinocras cephalotes (Plécoptères) sont représentatifs de la moyenne montagne
(abondants vers 1000 m). D est intéressant de noter la
disparition de Périodes microcephala (Plécoptère) ainsi que de Rhithrogena hercynia (Ephéméroptère).
Ce noyau associe, pour une large part, le Salât, le
Lez de 300 m à 800 m et le Tarn vers 680 m.
- Noyau 5 E P T C : Dix-sept espèces — toutes des
formes fortes — contribuent à former ce noyau. L'ensemble des Coléoptères forme un complexe signalé
dans les plaines de la Gironde à la Montagne noire, et
jusqu'au pied des Pyrénées (Berthélémy 1966). Les
Trichoptères et les Plécoptères sont fréquents dans les
rivières et les fleuves en dessous de 500 m d'altitude.
Les Ephéméroptères Ecdyonurus vènosus et ephemera
dánica sont fréquents en dessous de 700 m (Vinçon
1987). Les stations de ce noyau appartiennent à la vallée de la Garonne en dessous de 300 m, l'Aveyron en
dessous de 750 m, la vallée du Lot entre 200 et 530 m,
et l'Engranne près de Bordeaux. Ce noyau englobe ainsi la majeure partie des régions de basse vallée du bassin Adour-Garonne.
- N o y a u 6 E P T C : Neuf espèces fondamentales
constituent ce noyau. Les Trichoptères (ex. Rhyacophila dorsalis, Hydropsyche
contubernalis)
et les
Ephéméroptères (ex. Oligoneuriella rhenana, Potamanthus luteus) sont des espèces fréquentes, typiques
de grandes rivières de plaine pouvant avoir de forts débits, ou bien des fleuves. Les stations sont celles du Lot
en dessous de 200 m et de la Garonne à partir de la région Toulousaine jusqu'à leur confluence, le tout englobant la partie basse du bassin de l'Aveyron.
Les analyses effectuées sur chaque ordre ont permis
de préciser l'importance de l'information typologique
portée par chaque groupe. Cinq noyaux d'affinité sont
mis en évidence dans chaque analyse (Fig. 4a,b,c),
sauf pour les Coléoptères où 4 noyaux se dégagent
(Fig. 4 d ) . L e s associations spécifiques prenant en
(10)
compte les seuls Ephéméroptères ne séparent pas les
stations des noyaux 5-6 mis en évidence par l'AFC réalisée sur l'ensemble EPTC. L'analyse réalisée avec les
seuls Trichoptères ne sépare pas les noyaux 4-5. Les
Plécoptères regroupent les noyaux 1 et 2 EPTC, les
Coléoptères regroupent les noyaux EPTC 1 et 2 d'une
part, et 4-6 d'autre part.
3.2. Proposition d'une classification
Les associations spécifiques d'EPTC et les stations
qui les hébergent permettent de morceler le bassin
Adour-Garonne en 6 zones. Pour chaque zone ainsi définie, une liste d'espèces fondamentales (formes fortes
des différentes analyses) et accessoires (formes charnières) est proposée (Tableau 1). Une lecture verticale
du Tableau 1 montre les associations spécifiques définissant chaque zone ; une lecture horizontale précise la
distribution au sein des groupes définis préalablement
et donc la répartition spatiale de chaque espèce dans le
bassin Adour-Garonne.
Une liste de stations représentatives (formes fortes
des analyses) est donnée ci-après. Un essai de cartographie est présenté dans la Figure 5.
- Zone 1 : Pyrénées-sources et ruisseaux froids à
faible amplitude thermique (850 à 2000 m) : Vallée
d'Ossau - ruisseau d'Arrious 2150 à 1775 m, déversoir
du lac d'Arrious 2090 m, Valentin 1370 à 1330 m,
source d'Iscoo, Vallée d'Aure - ruisseau d'Espiaube
1360 m, l'Estibère 2150 m, l'Estaragne 2200 à 1900 m.
Vallée de la Garonne - la Pique 1400 à 1000 m, ruisseau de la Glère, Ruisseau d'Artigues, ruisseau de
Mourus, le Balamet 1000 m, le Lez 1080 m, l'Orle 860 m.
- Z o n e 2 : Autres torrents p y r é n é e n s (700 à
2000 m) : Vallée d'Ossau - l'Arriou Mage 700 m, Déversoir du lac d'Ayous 1870 m, Gave de Bious et ses
affluents de 1600 à 1417 m, Gave de Brousset 1490 à
1170 m, ruisseau de Pombie 1340 m, affluents de la
Glère de 1980 à 1900 m, affluents rive droite du Gave
d'Ossau vers 450 m, Soussouéou 1030 m, Valentin
870 m, Vallée d'Aure - Neste d'Aure 1100 à 1080 m,
Neste de Badet 1400 m, Neste de Couplan 1200 m,
Neste de la Gela 1440 m, Bassin de l'Ariège : l'Oriège
920 à 820 m.
- Zone 3 : Massif Central et Hautes-Pyrénées, de 600
à 1200 m : Hautes-Pyrénées - ruisseau de Serre 830 à
820 m, Neste d'Aure 600 à 463 m. Massif Central - le
Lot 1085 à 720 m, la Truyère 1218 m.
- Zone 4 : Piémont de la Garonne, de l'Ariège et du
Tarn : la Garonne vers 500 m, ruisseau d'Abeus, 1'Arize 300 m, ruisseau de la Forêt 340 m, l'Isard 810 m, le
Lez 430 m, le Ribérot 800 m, ruisseau d'Albine 680 m.
(11)
ASSOCIATIONS SPÉCIFIQUES CHEZ LES MACROINVERTÉBRÉS BENTHIQUES
199
Fig. 4. Distribution et noyaux d'affinité (A - E) des Ephéméroptères (a), Plécoptères (b), Trichoptères (c), Coléoptères (d) et des stations dans les plans factoriels Fl x F2.
Fig. 4. Distribution and clustering (A - E) of Ephemeroptera (a), Plecoptera (b), Trichoptera (c), Coleóptera (d) and sampling sites on
the Fl x F2 factorial planés.
- Zone 5 : basses vallées du bassin Adour-Garonne : la
G a r o n n e 365 à 315 m, le Volp, l'Aveyron 6 1 0 à
530 m, rOlip 630 m. Vallée du Lot - le Dourdou 320 m,
le Lot 534 à 223m, la Truyère 930 à 875 m. Basse plaine Bordelaise : l'Engranne près de Frontenac.
- Zone 6 : Garonne et grandes rivières de plaine en
dessous de 200 m : le Lot en dessous de 200 m, la Garonne de 150 à 83 m (de Roquette à St Cassian), le
Gers, la Gimone, la Save.
4. Discussion
Nous avons exploité un grand nombre de données
décrivant la biodiversité à une échelle locale (station),
afin d'analyser la biodiversité à une échelle régionale.
A l'échelle de la station (quelques dizaines de mètres
de cours d'eau), les principaux facteurs de la microrépartition des invertébrés benthiques sont souvent peu
nombreux (Ward & Stanford 1979), bien connus (La-
200
J. CAYROU, A. COMPIN, N. GIANI, R. CÉRÉGHINO
(12)
Fig. 5. Carte des zones EPTC du réseau hydrographique Adour-Garonne.
Fig. 5. Map of EPTC zones in the Adour-Garonne stream system.
vandier & D é c a m p s 1984, Barber & Kevern 1973,
Newbury 1984, Moog & Janecek 1991), et facilement
quantifiables en termes d'habitats (ex. nature du substrat, granulométrie, vitesse du courant, ressources nutritives). En revanche, l'échelle régionale rend compte
de facteurs de macrorépartition difficilement quantifiables, dépendant d'un historique géologique (ex.
mouvements hercyniens, orogenèse Pyrénéenne, glaciations) qui a modelé une certaine diversité des niches
écologiques. Les facteurs responsables de la biodiversité régionale sont donc nombreux et liés entre eux.
Ceci s'exprime dans nos analyses par les formes caractéristiques des nuages de points obtenus, et par les
faibles pourcentages d'inertie expliqués par les premiers axes. Cependant, les groupes d'espèces obtenus
sont cohérents au plan de leur écologie. Sur la base
d'associations spécifiques, nous avons mis en évidence
6 zones qui semblent également cohérentes au plan des
conditions environnementales. La mise en évidence de
zones de transition (notamment dans les Pyrénées)
montre que les frontières entre chaque zone ne peuvent
être fixées avec exactitude. Dans le bassin Adour-Garonne, trois zones charnière apparaissent distinctement, entre les zones 2, 3 et 4 : la vallée d'Ossau aux
environ de 500 m d'altitude, la Neste d'Aure vers
750 m, et le Lez vers 650 m. Ces portions de cours
d'eaux permettent la colonisation et/ou la survie d'espèces aux exigences moins strictes, et donc la cohabitation d'une faune de moyenne et de basse montagne.
Le nombre d'espèces d'EPTC caractérisant les 6 ré-
(13)
ASSOCIATIONS SPÉCIFIQUES CHEZ LES MACROINVERTÉBRÉS BENTHIQUES
gions est variable : les zones 1, 2, 3, 4, 5, et 6 sont caractérisées respectivement par 27, 60, 38, 27, 26, et
20 espèces, soulignant les différences longitudinales
(ex. montagne, piémont, plaine) et géographiques (ex.
Pyrénées, Massif Central) qui existent au niveau des
peuplements (Culp & Davies 1982). La richesse spécifique maximale apparaît dans les torrents montagnards
(zones 2 et 3). Ces observations supportent l'hypothèse
selon laquelle la biodiversité est accrue par l'hétérogénéité spatio-temporelle des conditions du milieu (Ward
& Stanford 1983 b), qui procure aux communautés un
large éventail de possibilités de développement (Feminella & Resh 1990). Inversement, la biodiversité est
réduite dans les milieux à conditions constantes (ex.
sources, zone 1) ou très instables (ex. régime d'éclusées). La stabilité ou l'instabilité des associations
EPTC peut donc constituer un marqueur biologique
des écosystèmes considérés : toute altération du milieu
aura des conséquences sur la biodiversité, qui se traduira par une modification de la composition spécifique des peuplements. En termes de surveillance biologique, on pourra évaluer la distance qui existe entre
des peuplements observés et les peuplements de référence proposés pour la zone correspondante (Wright et
al. 1984). La diversité spécifique, bien que d'appréciation difficile et laborieuse* reste donc l'outil le plus pertinent pour l'analyse de la qualité biologique des eaux.
Outre l'échelle spatiale considérée, une particularité
de ce travail est l'étude de la répartition et de l'association d'espèces appartenant à quatre ordres majeurs
d'insectes lotiques, ce qui d'après la littérature demeure exceptionnel. Il est toutefois possible de confronter
nos résultats à ceux obtenus dans le cadre de classifications établies dans des cours d'eau du réseau hydrographique Adour-Garonne (études effectuées sur un
seul ordre à l'échelle d'un cours d'eau, d'une vallée, ou
d'une chaîne de montagnes), ou dans des bassins versants français de taille plus réduite. Les E p h é m é roptères semblent porteurs de peu d'informations typologiques dans les parties supérieures (850 à 600 m) des
cours d'eaux du bassin du Doubs (Verneaux 1973),
mais très intéressants pour les zones d'aval. Dans la
vallée d'Ossau, Vinçon & Thomas (1987) distinguent
5 groupements d'Ephéméroptères sans pouvoir caractériser c o r r e c t e m e n t les p e u p l e m e n t s de m o y e n n e
montagne et de piémont en raison de la présence de
nombreuses espèces euryèces. Notre analyse basée sur
les EPTC, et de façon plus nette celle basée sur les
seuls Ephéméroptères, tendent à confirmer ces résultats. Cependant, la distribution longitudinale régulière
des Ephéméroptères les rend indispensables à la caractérisation des différentes zones.
201
Les Plécoptères seuls ne suffisent pas à établir une
classification, car ils sont peu diversifiés en basse vallée. Cependant, leur peuplement pyrénéen est assez
homogène malgré de nombreux endémiques (Berthélémy 1966), et il existe suffisamment de similarités
avec les altitudes les plus élevées du Massif Central
pour exploiter la connaissance de leur écologie. Ils différencient le mieux les Pyrénées occidentales (HautesPyrénées) des Pyrénées centrales. De plus, l'apport de
ce groupe est fondamental pour la distinction des cours
d'eaux prenant leur source en moyenne montagne de
ceux émergeant en haute altitude, ce qui permet la mise en évidence de zones de transition dans la chaîne.
Les Trichoptères - qui ont une vaste distribution longitudinale (Décamps 1967, 1968) - constituent un
groupe intéressant pour la mise en place d'une classification au sein du réseau hydrographique Adour-Garonne. Comme les Plécoptères, ils mettent en évidence
une opposition Ouest-Centre dans la chaîne pyrénéenne, selon la localisation des sources (nombreuses
sources de moyenne montagne dans la partie Ouest des
Pyrénées). Leurs exigences écologiques sont généralement plus tranchées que celles des Ephéméroptères, ce
qui en fait de bons descripteurs des zones de montagne
et de plaine. Ils sont moins pertinents pour la mise en
évidence de zones de transition. Les Coléoptères aquatiques constituent un groupe peu étudié (presque exclusivement des Elmidae et Hydraeniidae), à la taxonomie difficile. Le nombre plus réduit d'espèces présentes dans les cours d'eaux, associé à leur euryécie et
à la difficulté de c o m p a r e r l'écologie des e s p è c e s
congénériques (Berthélémy 1966), rend l'analyse des
résultats délicate lorsqu'ils sont considérés seuls. Malgré ces difficultés, ils contribuent à la délimitation précise de régions écologiques lorsqu'ils sont associés à
d'autres groupes, ce qui démontre l'intérêt de baser de
telles classifications sur des associations d'espèces appartenant à différents groupes taxonomiques.
D'une façon générale, cette étude et de nombreux
travaux qui consistent à grouper et à classer des écosystèmes ayant des caractéristiques biotiques similaires (ex. Frissel et al. 1986, H u g h e s et al. 1987,
O m e r n i k 1987), offrent u n s c h é m a t y p o l o g i q u e
explicite à l'usage des gestionnaires et des scientifiques. Cette approche est donc essentielle pour l'évaluation de fluctuations spatio-temporelles à l'échelle
régionale.
Remerciements
Nous remercions l'Agence de l'Eau Adour-Garonne qui a financé
cette étude.
202
J. CAYROU, A. COMPIN, N. GIANI, R. CÉRÉGHINO
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