Conversations ordinaires, Editions Gallimard, 1998, pour la traduction française Les Conversations Ordinaires de Donald Winnicott, psychanalyste de l’enfance, sont un recueil de textes publiés post-mortem (1971). Les thèmes sont variés mais convergent à soutenir la conviction profonde de l’auteur, que la société reflète l’individu et la famille. La santé sociale dépendant de la santé individuelle (hypothèse et thèse), Winnicott définit ce qu’est un individu sain. C’est-à-dire un individu qui a conscience de lui-même, des contradictions et paradoxes qui peuvent coexister à l’intérieur et à l’extérieur du moi. Sans les résoudre il est capable de les accepter, preuve d’une certaine maturité. Au début le nourrisson est l’environnement et l’environnement le nourrisson. Passant par l’état intermédiaire où l’enfant entre en relation avec un objet subjectif, le nourrisson trie les objets jusqu’à séparer l’environnement du soi. Il devient ensuite une unité, dotée d’un intérieur. S’établit un va-et-vient entre intérieur et extérieur qui constitue la principale relation au monde de l’individu tout au long de sa vie. Le processus de maturation inné permet cela, lorsque l’environnement est suffisamment bon. Lorsque l’enfant est capable de contenir les tensions et pressions qui surgissent dans sa propre réalité psychique, l’enfant est devenu capable de dépression. Cette dernière a donc de la valeur, en tant qu’elle dénote l’affirmation du soi et la découverte d’une identité personnelle. La dépression est due aux paradoxes internes du moi. La haine, la destructivité et idées destructrices intimement liées à l’amour impliquent un état dépressif (passager chez l’individu sain) car une réévaluation interne doit se faire, le sentiment de culpabilité doit être dépassé pour aboutir à l’acceptation de cette haine intérieure. (je précise que ces processus sont a priori inconscients) Puis partant de l’idée initiale que la valeur de la vie dépend du fait que l’expérience vécue de l’individu inclue ou non une part de créativité, Winnicott en établi une définition. L’individu pour être créatif doit exister et sentir qu’il existe (sans que ce soit forcément un sentiment conscient). Ainsi la créativité est le « faire » qui dérive de l’ « être ».C’est conserver notre capacité d’enfant à créer le monde. Mener une vie créatrice c’est ainsi porter continuellement un regard neuf sur les choses; c’est « ne pas être tué ou annihilé continuellement pour soumission ou par réaction au monde qui empiète sur nous. »Vivre créativement est ce qui est essentiel à l’être humain; distinguons ceci de la création active de l’artiste. On peut vivre créativement au sein d’un couple par exemple sans exercer le moindre talent artistique. Autre point intéressant développé par Winnicott: la place de l’enfant au sein de la famille. Le rôle de la bonne mère ordinaire, dotée d’une capacité d’adaptation aux besoin du bébé exceptionnelle, est déterminant, au sens qu’il laisse le temps à l’enfant, et le dispose à exploiter pleinement la du « phénomène transitionnel »; l’enfant acquiert la capacité d’utiliser le fantasme, de recourir à la réalité interne et au rêve, et de manipuler des jouets. Lorsqu’il joue, l’enfant entre dans cette zone intermédiaire où il y a une saine tromperie. De plus au sein du jeu familial, soulève des sentiments aux propriétés positive et libidinales; l’excitation du jeu est certainement lié à la question de la loyauté/déloyauté, faisant ainsi de ce jeu une parfaite préparation à la vie. Ces prémices de l’enfance auront des répercussions importantes sur l’éducation des enfants et leur capacité d’apprentissage, ainsi que sur le développement mature de l’adolescent. Enfin, au sein de la société, Winnicott distinguera les antisociaux, les antisociaux déguisés, les indéterminés et les individu sains. Ces catégories s’établissent selon la maturité du développement affectif de chacun. Ce développement s’effectuant dès l’enfance, au sein du foyer comme nous l’avons vu. La démocratie ne pourra être que si la proportion d’individus matures est suffisamment importante; d’où le rôle primordial de la bonne mère ordinaire. Les dictatures masculines et la prépondérance d’hommes au pouvoir seraient le résultat de la peur de la femme, femme dont chaque homme est enfanté et à laquelle il doit tout. La monarchie se justifie aussi car elle ouvre aux individus sains un espace transitionnel entre le sommeil et la veille, l’espace du jeu et de l’expérience culturelle. C’est dans cet espace où nous jouons, où nous sommes créatifs, où le paradoxe qui rattache la réalité extérieure à l’expérience intérieure doit être accepté sans être résolu, que se déroule l’essentiel de la vie humaine. Le rêve réel que propose la monarchie (à transposer à d’autres situations à mon avis) propose des « conditions donn[ant] aux individus affectivement sains de sentir qu’ils existent, de se réaliser, au moins en partie, et de jouer. Ouvrage intéressant car il apporte un regard sur la société se focalisant en premier lieu sur l’individu. Son développement personnel sain permettra par la suite la constitution d’une société saine. Cela me rappelle des choses quand à l’approche du designer...