Chapitre 2 : Offre et demande Lorsque les paysans terminent leur récolte, le prix du mil est au plus bas dans les marchés hebdomadaires ou « loumas ». En période de soudure, ce prix grimpe. Quand un conflit survient au moyen orient, le prix du pétrole augmente. Ces phénomènes sont un reflet du jeu de l’offre et de la demande. Quels sont les facteurs qui influencent ce jeu et comment est ce qu’on peut représenter l’offre et la demande ? L’objet de ce chapitre est d’analyser la théorie de l’offre et de la demande. La demande est examinée dans la première section. Dans la seconde section, nous analysons l’offre. La confrontation de l’offre et de la demande est abordée dans la troisième section. I/ Demande Nous nous intéresserons ici à ce qui détermine la demande d’un bien c’est à dire la quantité que les acheteurs sont prêts à acheter et sont capables de payer. Prenons l’exemple de la demande de café d’un étudiant boursier consommateur de café. Comment est ce qu’il décide de quelle quantité de café il va acheter et quels sont les facteurs qui influencent cette décision. A/ Déterminants de la demande Le prix : si le prix du café passait brusquement de 50 à 75 FCFA, il en achèterait moins et ferait peut-être le choix du thé. La quantité demandée d’un bien est une fonction inverse du prix. En effet, la loi de la demande établit que, toutes choses étant égales par ailleurs, quand le prix d’un bien augmente, la demande de ce bien diminue. Le revenu : qu’advient-il de la demande de notre étudiant consommateur de café s’il perd sa bourse ? Elle baissera certainement. Si vos revenus diminuent, vous aurez tendance à moins dépenser globalement et vice-versa. En général, la demande d’un bien baisse lorsque le revenu diminue. Le prix des biens comparables : supposons que le prix du thé baisse. D’après la loi de la demande, notre étudiant achètera plus de thé et probablement moins de café. Café et thé satisfont des désirs quasi-similaires. Lorsque la baisse du prix d’un bien réduit la demande d’un autre bien, ces deux produits sont dits substituables. En revanche, quand la baisse du prix d’un bien entraîne la hausse de la demande d’un autre bien, ces deux produits sont dits complémentaires. Lorsque le prix du café diminue, notre étudiant va acheter plus de café. Mais il va aussi acheter plus de sucre puisque le plus souvent le café est consommé avec du sucre. Les goûts : c’est le déterminant le plus évident de votre demande. Si vous adorez le thé ou le café, vous en consommerez beaucoup. Les goûts dépendent de facteurs psychologiques que l’économie ne saurait appréhender. Les anticipations : vos attentes concernant le futur affectent votre demande présente de biens et services. Par exemple, si vous vous attendez à une augmentation de votre revenu, vous serez plus enclin à plus dépenser aujourd’hui. Si vous pensez que le prix du thé va baisser dans les jours qui suivent, vous en achèterez moins au prix du jour. B/ Courbe de demande Supposons que la demande d’un bien ne dépende, dans un schéma simplifié, que du prix de ce bien : qi = f (pi). Prix D Quantité La courbe de demande est une représentation graphique de la relation entre le prix d’un bien et la quantité demandée. Elle indique comment la quantité demandée d’un bien change lorsque son prix varie. Comme un prix inférieur induit une demande supérieure, la courbe a une pente négative. La courbe de demande individuelle lie la quantité demandée d’un agent économique au prix. La demande du marché est égale à la somme des demandes individuelles. Elle dépend donc des facteurs qui déterminent les quantités demandées individuellement. 2 Une modification du prix du bien conduit à une augmentation ou une diminution de la quantité demandée de ce bien. Cela se traduit par un mouvement le long de la courbe de demande. Prix po p1 D qo q1 Quantité Une modification d’un facteur autre que le prix affectant la demande entraîne un déplacement de la courbe de demande. Pour un prix donné, il y a alors un accroissement ou une réduction de la quantité demandée du produit. Prix po D2 D0 D1 Quantité Ce déplacement de la courbe peut être la conséquence de plusieurs facteurs : - l’accroissement ou la baisse des revenus réels ; - la hausse ou la baisse du prix d’un bien substitut (la hausse du prix du café peut augmenter la demande de thé) ; - la baisse ou la hausse du prix d’un bien complémentaire (la chute du prix des voitures peut augmenter la demande pour l’essence) ; - la plus ou grande efficacité de la publicité pour le bien ; 3 - la croissance ou le ralentissement de la population qui entraine l’augmentation ou la baisse du nombre de consommateurs ; - l’évolution du goût des consommateurs par rapport au bien en question ; - des crédits à la consommation plus ou moins accessibles ; - etc. La courbe de demande est normalement décroissante du fait de la loi de la décroissance de l’utilité marginale. L’utilité marginale est le supplément de satisfaction obtenu en consommant une unité supplémentaire de bien. L’utilité totale est la satisfaction totale obtenue en consommant une quantité donnée de bien ou service. La loi de la décroissance de l’utilité marginale signifie que l’accumulation d’unités d’un bien engendre une baisse de l’utilité marginale de la consommation de ce bien. Chaque unité supplémentaire de bien ou de service apportera alors un surcroît de satisfaction (utilité) plus faible; aussi le consommateur n’acceptera d’acheter des unités supplémentaires de biens qu’à un prix inférieur. La courbe de demande peut également être exceptionnellement croissante; ce qui signifie que la quantité demandée augmente avec le prix. Cela peur arriver pour : - les « biens ostentatoires » ou biens Veblen : le consommateur veut être vu en possession de biens luxueux ou onéreux. - les biens Giffen qui sont des biens très médiocres ou de nécessité absolue. Bien que leur prix augmente, les consommateurs les achètent n’ayant pas les moyens d’acheter d’autres produits. En règle générale, la réaction de la demande de chaque bien ou service à une modification de son prix peut être différente selon les catégories de biens et services. C/ L’Élasticité de la demande L’élasticité de la demande mesure la sensibilité de la demande à la variation d’une autre variable. Cette variable peut-être le prix du bien lui-même, le prix d’un autre bien ou le revenu. L’élasticité-prix directe Elle mesure la variation relative de la demande d’un bien par rapport à la variation relative du prix de ce même bien : 4 eqi / pi qi / qi pi / pi Dans le cas général où la fonction de demande est exprimée sous la forme Q = f(P) eQ / P Q / Q Q P * P / P P Q Si eQ / P > 1 : la demande est élastique au prix c’est-à-dire que la variation de la demande est plus que proportionnelle à celle du prix. Prix po p1 D qo q1 Quantité Si eQ / P = 1 : l’élasticité de la demande par rapport au prix est unitaire c’est-à-dire qu’une variation du prix induit une variation proportionnelle de la demande. Prix p1 p0 D q1 q0 Quantité 5 Si eQ / P <1 : la demande est relativement inélastique au prix c’est-à-dire qu’une variation du prix induit une variation moins que proportionnelle de la demande. Prix D po p1 qo q1 Quantité Si eQ / P = ∞ : la demande est parfaitement (infiniment) élastique au prix. Si la demande est parfaitement élastique au prix alors le pourcentage de variation de la quantité demandée est infini. Prix Quantité Si eQ / P = 0 : la demande est parfaitement inélastique au prix c’est-à-dire qu’une variation du prix n’engendre aucune variation de la demande. Prix Quantité 6 L’élasticité-prix croisée Elle mesure la variation relative de la demande d’un bien i par rapport à la variation relative du prix d’un autre bien j : e qi / p j q i / qi p j / p j Si eqi / p j >0 : les biens i et j sont dits substituables. Une hausse du prix du bien j entraîne une augmentation de la demande du bien i. Si eqi / p j <0 : les biens i et j sont dits complémentaires. Une hausse du prix du bien j entraîne une baisse de la demande du bien i. L’élasticité de la demande par rapport au revenu Elle renseigne sur la sensibilité de la demande à la variation du revenu : eQ / R Q / Q Q R * R / R R Q Si eQ / R <1 : la variation du revenu induit celle de la demande mais cette dernière croît de façon moins que proportionnelle (ex. bien alimentaire). Si eQ / R >1 : la variation du revenu induit une variation plus que proportionnelle de la demande (ex. voyages, loisirs). Si eQ / R =0 : la variation du revenu n’induit aucune variation de la demande (ex. bien neutre). Si eQ / R <0 : une variation du revenu induit une variation en sens inverse de la quantité demandée du bien. C’est le cas de biens dits inférieurs (ex. déplacements en autobus qui augmente parce qu’on ne peut plus prendre de taxi en raison d’une baisse de son revenu). Revenu eQ / eR <0 =0 Q/R eQ / R <1 eQ / R >1 Quantité 7 Déterminants de l’élasticité de la demande Le niveau de l’élasticité de la demande dépend de plusieurs paramètres : - le nombre et la disponibilité des biens substituts : s’il existe beaucoup de substituts, le consommateur peut facilement basculer vers leur consommation lorsque la firme accroît son prix. La demande sera donc plus élastique au prix ; - l’horizon temporelle : si, à court terme, la demande est vraisemblablement inélastique puisqu’il peut s’avérer difficile de trouver une consommation alternative, à long terme, la demande deviendra plus élastique au prix puisque les consommateurs finiront par trouver un substitut ; - le pourcentage du revenu dépensé pour l’acquisition du bien considéré : si le consommateur ne dépense qu’un pourcentage marginal de son revenu pour acquérir du sel, sa demande sera peu sensible aux variations du prix de ce produit et est donc inélastique. En revanche, puisque l’achat d’un ordinateur représente un pourcentage plus important, sa demande sera plus élastique au prix; - le type de biens : certains produits sont consommés quotidiennement et conduisent à un phénomène d’accoutumance voire de dépendance ou d’addiction. Leur demande est dès lors très inélastique au prix. L’exemple extrême est celui des drogues mais cela peut aussi être valable pour les journaux, les aliments (chocolat, café…) ou les alcools; - la définition retenue : si l’on définit les catégories de biens et services dont on étudie l’élasticité prix de façon très large (par exemple, le produit « beurre »), la demande sera relativement inélastique au prix. Si on les définit de façon plus étroite (une marque spécifique de beurre), la demande sera plus élastique au prix car les consommateurs pourront changer plus facilement de type de produit. Effet substitution et effet revenu Si le prix d’un bien baisse, la quantité demandée de ce bien augmentera. Cela est dû à la conjonction de deux effets : - un effet de substitution : avec la chute du prix du bien X, ce bien devient relativement moins cher que les autres biens et inévitablement, le consommateur désirera en acheter plus. 8 - un effet revenu : si le prix du bien X baisse, le consommateur a un revenu réel plus élevé. Son pouvoir d’achat augmente lorsque le prix du bien X diminue. Si le consommateur n’achète pas une plus grande quantité de bien X qu’auparavant, il va disposer d’un pouvoir d’achat qui lui permettra d’acquérir un peu plus des autres biens. Si le bien est un bien normal (effet de substitution négatif i.e de revenu positif i.e dX <0) et supérieur (effet dPx dX dX >0 et donc X * <0), l’effet revenu poussera le dR dR consommateur à acheter plus du bien dont le prix a baissé. Les deux effets se cumulent dans le sens d’un accroissement de la quantité consommée du bien X. Si le bien est un bien normal (effet de substitution négatif i.e de revenu négatif dX <0) et inférieur (effet dPx dX dX <0 et donc X * >0), le consommateur souhaitera, au titre de dR dR l’effet revenu, acheter moins de ce bien. L’augmentation de pouvoir d’achat orientera ses achats vers des biens de plus haute qualité (ex. beurre vs margarine). L’effet revenu agira en sens inverse de l’effet substitution. Toutefois, l’effet de substitution demeure prédominant et donc globalement le consommateur achètera plus de bien X. Si le bien est un bien Giffen, l’effet revenu négatif ( dX dX <0 et donc X * <0) domine dR dR l’effet substitution. Ainsi le consommateur achètera plus du bien X car n’ayant pas les moyens d’acheter d’autres produits (courbe de demande croissante). Classement du bien X à partir des effets induits par le changement du prix P x. Effet total Effet revenu dX dX dX dX 0 X * 0 0 X * 0 dR dR dR dR dX < 0 dP x dX < 0 dP x X est à la fois un bien « supérieur » et « normal ». X es t à la fois un bie n «inférieur » et « normal ». Cas impossible à partir du moment où «l’effet de X est un bien « Giffen ». substitution » est supposé être négatif. 9 II/ Offre Analysons à présent les déterminants de l’offre d’un bien i.e la quantité que les offreurs sont prêts à vendre et sont capables de vendre. A/ Déterminants de l’offre Le prix : c’est l’un des déterminants les plus importants. Supposons que le prix d’un bien augmente, leur vente devient profitable et la quantité offerte est plus grande. En revanche, lorsque le prix baisse, l’activité ou l’entreprise devient moins rentable d’où une moindre production. Si le prix est trop bas, l’activité peut même cesser et la quantité offerte être réduite à zéro. La quantité offerte d’un bien est une fonction croissante du prix. Selon la loi de l’offre, toutes choses étant égales par ailleurs, la quantité offerte d’un bien augmente lorsque son prix augmente. Prix des intrants et facteurs de production : pour produire un bien, l’entreprise utilise de nombreux intrants (énergie, etc.) et facteurs de production (travail, capital). La quantité offerte est une fonction inverse du prix des intrants et facteurs : si le prix de l’un de ces intrants ou facteurs augmente, la production devient moins profitable. Technologie : elle est aussi un facteur de production très déterminant. Plus la technologie est élaborée, moins le temps consacré à la production est élevée. En réduisant les coûts de production, le progrès technologique augmente la quantité offerte. Les anticipations : l’offre de notre producteur dépend certainement de ses attentes par rapport au futur. Par ex, s’il anticipe une hausse de prix de son produit, il va stocker une partie de sa production actuelle et donc réduire son offre. B/ La courbe d’offre La courbe d’offre est une représentation graphique de la relation entre le prix d’un bien et la quantité offerte. Elle indique comment la quantité offerte est modifiée lorsque le prix varie. L’offre est une fonction croissante du prix du bien. Donc en général, un prix plus élevé se traduira par une hausse de la quantité offerte. De même que la demande de marché est égale à la somme des demandes individuelles, l’offre de marché est égale à la somme des offres individuelles. 10 Prix O Quantité Un changement dans le prix du bien conduira à une modification de la quantité offerte; ceci correspond à un mouvement le long de la courbe de l’offre. Prix O p1 p0 qo q1 Quantité Si des paramètres autres que le prix de l’output varient, la quantité offerte à un niveau de prix donné va se modifier. Ceci se traduit par un déplacement de la courbe d’offre. Prix po O2 O0 O1 Quantité Le déplacement de la courbe d’offre peut être lié à plusieurs facteurs : - une amélioration ou une obsolescence de la technologie; 11 - une baisse ou une hausse du prix des facteurs de production; - une baisse ou une hausse des taxes à la production ou une augmentation des subventions aux producteurs; - une modification du prix d’autres biens qui induit une réallocation des facteurs de productions; - d’autres facteurs tels les variations climatiques qui affectent l’offre agricole ou le management qui a un effet sur la productivité des travailleurs; - etc. La courbe d’offre est théoriquement croissante en raison de la conjonction de deux facteurs fondamentaux : le phénomène des coûts croissants (rendements décroissants) et le comportement de maximisation du profit par les producteurs. Selon le principe des coûts croissants ou des rendements décroissants, l’effet d’une unité additionnelle de facteur diminue lorsque la quantité de facteur augmente. Ainsi le coût de production d’un kg d’arachide augmentera au fur et à mesure que le producteur consacrera une part plus importante de ses ressources productives (facteurs) à cette production. Confrontés à des coûts croissants, les offreurs n’auront intérêt à augmenter leur production que s’ils peuvent obtenir un prix plus élevé pour couvrir l’accroissement de leurs coûts. De même, s’ils espèrent des profits plus élevés avec la production d’un bien Q1 plutôt que Q2, les entrepreneurs consacreront davantage de facteurs de production à la fabrication du Q1 et moins à celle de Q2. Soient RT : recettes totales, P : prix du bien, Q : quantité vendue, CT : coût total, : profit, nous avons : RT CT avec RT P * Q Le profit est maximum si la condition de premier ordre est remplie : d 0 i.e dQ dRT dCT dPQ dCT 0 soit soit P Cm dQ dQ dQ dQ i.e le profit est maximum si le prix est égal au coût marginal. Si la condition de second ordre est remplie : 12 d 2 < 0 i.e ( P Cm)' < 0 dQ 2 i.e si le Cm est croissant. La croissance du coût marginal explique que l’offre soit une fonction croissante du prix. En conséquence, face à des coûts croissants et en quête d’un profit maximum, les producteurs n’accroissent volontairement leur production et donc leur offre que s’ils sont persuadés de pouvoir percevoir des prix plus élevés. C/ L’Élasticité de l’offre Elle mesure la sensibilité de l’offre d’un bien à une modification de son prix : eq j / p j q j / q j p j / p j Dans le cas général où la fonction d’offre est exprimée sous la forme Q = f(P) : eQ / P Q / Q Q P * P / P P Q Si eQ / P > 1 alors l’offre est élastique au prix c’est-à-dire qu’une variation du prix induit une variation plus que proportionnelle de la quantité offerte. Toute courbe d’offre linéaire est élastique au prix si elle a une intersection avec l’axe des prix. Prix O Élasticité de l’offre>1 Quantité Si eQ / P = 1 alors l’élasticité de l’offre au prix est unitaire c’est-à-dire qu’une variation du prix induit une variation proportionnelle de l’offre. Toute courbe d’offre linéaire a une élasticité unitaire si elle passe par l’origine. 13 Prix O Élasticité de l’offre=1 Quantité Si eQ / P <1 alors l’offre est inélastique au prix c’est-à-dire qu’une variation du prix induit une variation moins que proportionnelle de l’offre. Toute courbe d’offre linéaire est inélastique au prix si elle a une intersection avec l’axe des quantités. Prix O Élasticité de l’offre<1 Quantité Si eQ / P = ∞ : offre parfaitement élastique au prix c’est-à-dire qu’une variation infinitésimale du prix engendre une variation infiniment grande de l’offre. Prix Parfaitement élastique i.e offre à élasticité infinie O Quantité Si eQ / P = 0 : offre parfaitement inélastique au prix c’est-à-dire qu’une variation du prix n’engendre aucune variation de l’offre. 14 Prix Parfaitement inélastique i.e offre à élasticité nulle O Quantité Déterminants de l’élasticité prix de l’offre Le niveau de l’élasticité de l’offre peut dépendre de plusieurs facteurs : - le nombre de producteurs : plus il y a de producteurs, plus il sera facile d’augmenter l’offre en réponse à une hausse du prix. L’offre sera plus élastique. - L’existence de capacités de production non encore utilisées : plus la capacité non utilisée est importante, plus il sera facile aux acteurs du secteur d’augmenter la production pour tirer bénéfice d’une hausse du prix. L’offre sera d’autant plus élastique. - La facilité de stockage : s’il est facile de stocker les biens, les entreprises pourront vendre leur stock quand le prix augmentera; ce qui rendra l’offre plus élastique (ex. dans le cas des fleurs, le stockage est difficile donc l’offre n’est pas élastique au prix). - La mobilité des facteurs : plus il est facile de drainer des ressources vers un secteur, plus l’offre sera élastique. - Les délais structurels : au fil du temps, les entreprises en place investissent dans la formation et les équipements et d’autres entreprises rejoignent le secteur. Cela rend l’offre plus flexible c’est-à-dire plus élastique. - La longueur de la chaîne de production : plus elle est courte, plus il est facile d’apporter une réponse aux modifications de prix. L’offre est généralement plus élastique au prix dans l’industrie que dans l’agriculture. 15 III/ Équilibre de l’offre et de la demande sur le marché d’un bien Nous avons étudié séparément l’offre et la demande mais c’est la combinaison des deux qui permet de fixer la quantité vendue d’un bien ainsi que son prix de marché. Dans cette section, nous analysons, dans un premier temps, l’équilibre du marché et établissons, dans un second temps, une typologie des marchés. A/ Détermination de l’équilibre sur le marché d’un bien Dans une économie de marché, l’allocation des ressources se fait par le mécanisme du prix. Le prix s’ajuste pour égaliser l’offre et la demande. L’équilibre est atteint quand la quantité demandée est égale à la quantité offerte dans l’économie. Il se produit en poqo. Cet équilibre est stable et rend compatible l’offre et la demande totales. Si le prix (p1) est au-dessus du prix d’équilibre (p0), il y aura une offre excédentaire (q1q2); la quantité offerte sera supérieure à la quantité demandée et le prix chutera. De cette façon, la quantité demandée augmentera et la quantité produite baissera. Cela se produira jusqu’à ce que la quantité demandée soit égale à celle offerte et qu’ainsi l’équilibre soit atteint (poqo). Si le prix (p3) est en dessous du prix d’équilibre (p0), il y aura un excès de demande (q3q4); la quantité demandée sera supérieure à la quantité offerte. Dans cette situation, le prix augmentera. Ceci augmentera la quantité offerte et réduira la quantité demandée jusqu’à obtention de l’équilibre (poqo). Prix p1 Surplus O O O p0 p0 p3 Excès D q1 q0 D q2 Quantité Excès de D q3 q0 D q4 Quantité 16 Le mécanisme de prix : effet d’un accroissement de la demande Dans une économie de marché, le prix agit à la fois comme un processus de rationnement, un signal et un mécanisme incitatif. Si la demande d’un bien augmente, cela se traduira par un excès de demande au niveau de prix initial. Le prix va donc augmenter et réduire la quantité demandée (rationnement), encourageant les firmes existantes à produire plus (incitation) et d’autres entreprises à rejoindre le secteur (signal). Ceci draine les ressources vers ce secteur au détriment d’un autre. Prix p1 O p0 D q0 D1 q1 Le mécanisme de prix : effet d’un accroissement de l’offre Avec un accroissement de l’offre, la courbe d’offre se déplace vers la droite. À l’ancien prix d’équilibre po, il y a excès d’offre. Le prix baissera alors, augmentant la quantité demandée et réduisant la quantité offerte, et cela jusqu’à ce que l’on atteigne le nouvel équilibre p1q1. Prix O p0 O1 p1 D1 D q0 q1 Le mécanisme de prix : effet d’un prix minimum Un contrôle de prix qui s’exerce sous la forme d’un prix minimum signifie qu’il est interdit de pratiquer un prix se situant en dessous d’un certain plancher. Si le prix de marché est en-dessous de ce niveau, cela entraînera un excès d’offre. Prenons l’exemple du salaire minimum introduit par l’Etat. Si celui-ci se trouve au-dessus du salaire d’équilibre, ceux qui sont employés gagneront plus qu’avant mais il y aura un excès 17 d’offre (c’est-à-dire du chômage); plus le salaire minimum est élevé, plus il y a de gens désireux de travailler mais moins il y a de demande de main-d’œuvre de la part des entreprises. Toutefois, si le prix minimum est en dessous du prix de marché, cela n’aura aucun effet. Prix O Pmin Surplus d’offre Prix minimum p0 D q2 q0 q1 Quantité Le mécanisme de prix : effet d’un prix maximum Lorsqu’un contrôle de prix s’exerce sous la forme d’un prix maximum, cela signifie que les prix sont plafonnés. Le contrôle des loyers est un cas type de politique de prix plafond. Dans de nombreuses villes, l’Etat fixe un loyer maximum. L’objectif est d’aider les ménages les plus défavorisés. Les économistes ont souvent critiqués ces mesures. Les effets indésirables du contrôle des loyers sont difficilement discernables puisqu’ils s’étalent sur de nombreuses années. A court terme, les propriétaires ont un certain nombre de logements à louer et ils ne peuvent ajuster cette quantité aux nouvelles conditions du marché. Par ailleurs, les demandeurs de logements ne répondent pas toujours très vite aux modifications du prix du loyer puisqu’ils prennent du temps pour organiser leur logement. En conséquence, l’offre et la demande de logements à court terme sont relativement rigides. Comme à chaque fois qu’il y a un prix plafond, le contrôle des loyers suscite une pénurie. Mais comme l’offre et la demande sont rigides à court terme, la pénurie demeure de faible importance à court terme. La conséquence la plus directe est donc une baisse des loyers. A long terme, du côté de l’offre, les propriétaires réagiront à la baisse des loyers en ne construisant pas de nouveaux logements ou en cessant d’entretenir les anciens. Du côté de la demande, la baisse des loyers induit une hausse de la demande de logements. Si 18 le contrôle des loyers pousse ceux-ci à un niveau inférieur au point d’équilibre, la quantité offerte de logements diminue substantiellement alors que la quantité demandée augmente sensiblement. Il en résulte un excès de demande et donc une sérieuse pénurie de logements. Contrôle des loyers à court terme Prix O p0 Pmax Prix maximum Excès de demande (pénurie) q2 q0 D q1 Quantité Contrôle des loyers à long terme Prix O p0 Pmax Prix maximum Excès de demande (pénurie) q2 q0 D q1 Quantité L’existence d’un prix maximum est souvent à l’origine de l’émergence d’un marché noir sur lequel les échanges se font au véritable prix de marché et non au prix légal. Les prix de billets de concerts sont parfois fixés à un prix inférieur au prix du marché, ce qui explique que des revendeurs achètent de nombreux billets au prix légal et les écoulent sur le marché noir à un prix supérieur. Toutefois, si le prix maximum est au-dessus du prix de marché, cela n’aura aucun effet. 19 Le mécanisme de prix : cas particuliers Lorsque le prix le plus élevé que le consommateur est prêt à payer (po) est inférieur au prix minimum auquel le producteur est susceptible de l’offrir (p1), il n’existe pas de prix d’équilibre. Le bien ne sera pas offert. Prix O p1 p0 D q2 q0 q1 Quantité Les taxes indirectes pèsent également sur l’offreur et ont pour effet de renchérir les coûts. On en distingue deux types : les taxes ad valorem qui augmentent le prix d’un certain pourcentage et les taxes spécifiques (ou par unité) qui accroissent le coût d’un montant fixe. Les producteurs essaient de transférer ces coûts aux consommateurs. Leur aptitude à le faire dépend des élasticités relatives de l’offre et de la demande. Si la demande est plus inélastique au prix que l’offre, les consommateurs payeront la plus grande part des taxes. Ils payeront un supplément de prix p0p1. La charge du producteur est la plus modeste car la demande est plus inélastique que l’offre. Prix O p1 consommateur O1 p0 producteur D q1 q0 Si l’offre est plus inélastique au prix que la demande, ce sont les producteurs qui payeront une plus grande proportion des taxes. L’offre étant plus inélastique que la demande, les producteurs supporteront la plus grande part du poids de la taxe. 20 Prix O O1 p1 consommateur p0 producteur D q1 q0 Quand une taxe indirecte est introduite pour la première fois, les recettes de l’Etat augmentent nécessairement car aucun agent n’a anticipé cette taxe. En revanche, la hausse d’une telle taxe indirecte n’augmentera pas nécessairement les recettes fiscales pour les raisons suivantes : - quand les taxes indirectes augmentent, les recettes n’enregistrent une hausse que si l’offre et la demande sont relativement inélastique; - si une taxe indirecte augmente et que l’offre et la demande sont relativement élastiques, les recettes de l’Etat chutent. Bien que la taxe par unité soit supérieure, la diminution du nombre d’unités vendues entraînera la baisse globale des recettes fiscales. Cette observation avait déjà été mise en exergue par Laffer. Selon la Laffer, pour un taux de taxation suffisamment élevé, une hausse supplémentaire de ce taux finit par réduire les recettes. La courbe de Laffer du nom de l’auteur traduira la relation inverse qui existe entre le taux de taxation et les recettes fiscales. Pour maximiser ses recettes, l’Etat peut élargir l’assiette des taxes c’est-à-dire taxer plus de biens et services; les consommateurs auront plus de difficultés à trouver des consommations alternatives et la demande deviendra, de fait, plus inélastique. B/Typologie des marchés Le marché consiste en une confrontation entre les offres et les demandes émanant d’un groupe d’acheteurs et de vendeurs d’un bien et/ou d’un service. L’ensemble des acheteurs détermine la demande du marché tandis que l’ensemble des vendeurs détermine l’offre. 21 Les marchés apparaissent sous des formes très variées. Ils peuvent être classés en fonction du nombre d’acteurs et du degré de différenciation des produits. Classement des marchés selon le nombre d’acteurs Les marchés sont parfois hautement organisés, comme la bourse. Sur ce marché, acheteurs et vendeurs se rencontrent en un lieu donné et à une heure précise et un mécanisme d’enchères assuré par un commissaire-priseur permet de fixer le prix et d’organiser les ventes. En règle générale, les marchés sont bien moins organisés que cela. Prenez le marché des mangues à Pout. Les vendeurs se trouvent à divers points de la ville. Aucun commissaire-priseur n’organise les enchères pour fixer le prix des mangues. Chaque vendeur fixe le prix du kg de mangue et chaque acheteur décide de combien il en achètera. Bien qu’inorganisés, les groupes d’acheteurs et de vendeurs forment un marché. Chaque acheteur sait qu’il peut choisir entre plusieurs vendeurs et chaque vendeur sait que son produit n’est guère différent de celui proposé par les autres. Le prix n’est donc pas déterminé par un seul acheteur ou un vendeur unique. Le marché des mangues à Pout comme la plupart des marchés est un marché concurrentiel. Une des caractéristiques d’un marché dit concurrentiel est que les acheteurs et vendeurs sont trop nombreux pour que l’un d’eux puisse influencer le prix de marché. Lorsque le nombre d’offreurs est très faible par rapport celui des acheteurs, nous sommes en présence d’un marché d’oligopole (ex. pièces détachés, automobiles). Lorsqu’il n’existe qu’un faible nombre d’acheteurs par rapport aux vendeurs, on parlera d’oligopsone (ex. le marché de l’arachide au Sénégal). Lorsqu’il n’existe qu’un seul vendeur face à de nombreux acheteurs, nous sommes en présence d’un monopole (ex eau, électricité). Lorsqu’un seul acheteur fait face à de nombreux vendeurs, on parlera de monopsone (ex. Sodefitex qui achète aux petits paysans leur production de coton). Tableau 1 : Typologie de marchés Demande / Offre Nombreux vendeurs Quelques vendeurs Un seul vendeur Nombreux acheteurs Concurrence Oligopole Monopole Quelques acheteurs Oligopsone Oligopole bilatéral Monopole partiel Un seul acheteur Monopsone Monopsone partiel Monopole bilatéral 22 Classement des marchés selon le degré d’homogénéité du produit La plupart du temps, les produits ne présentent pas réellement des conditions de parfaite similitude dans l’esprit des acheteurs. Il subsiste souvent un élément de différenciation et la condition d’homogénéité fait défaut. L’existence de cet élément rend du coup plus nuancée la classification des marchés. Sur un marché où il existe de très nombreux acheteurs et vendeurs mais où la différenciation du produit est très poussée, la tendance sera à une concurrence monopolistique. Toutefois, un monopole ou un marché peut être contestable. Un marché est dit contestable lorsque les entreprises peuvent entrer et sortir rapidement lorsque les prix sont supérieurs aux coûts. En effet, les marchés composés de quelques entreprises ou d’une seule entreprise peuvent être concurrentiels pourvu que la menace de l’entrée d’autres entreprises pèse sur ces marchés (Demsetz, Baumo, Panzar et Willig, 1982). De même, il n’est pas toujours aisé d’évaluer la création ou le renforcement d’un pouvoir de marché. Du coup, une des difficultés auxquelles se heurtent les autorités en charge de la régulation de la concurrence est la délimitation d’un marché pertinent pour un groupe de produits et services. Un marché pertinent en termes de produits comprend tous les produits et/ou services considérés comme interchangeables ou substituables par le consommateur, en raison des caractéristiques des produits, de leurs prix ou de leur usage habituel (Combe, 2002). 23