Le commerce internationale en situation de concurrence imparfaite: Trois problèmes essentiels des modèles théoriques Ricardo, HOS, Standard: - fondés sur la CPP: le commerce n ’augmente pas la concurrence - pas d ’économies d ’échelle donc la taille des marchés est sans importance - prédisent surtout que le commerce se fera entre pays très différents, sur des biens très différents - donc n’explique pas très bien le commerce entre pays industrialisés en particulier le commerce intraeuropéen La France et l ’Allemagne sont les 1ers partenaires commerciaux l ’un de l ’autre alors que très similaires: - en technologie - en dotations relatives de facteur de production (K/L) - en revenu de même entre UE et EU Part des courants d'échanges dans le commerce mondial de marchandises, 2001 destination Am. Du Nord Am. Latine Europe Occ. Afrique Asie origine Am. Du Nord 6,5 2,7 2,1 0,2 3,5 Am Latine 3,5 1,0 0,7 0,1 0,4 Europe Occ. 4,3 1,0 28,0 1,1 3,3 Afrique 0,4 0,1 1,2 0,2 0,4 Asie 6,3 0,7 4,2 0,4 12,1 1 N ’explique pas non plus pourquoi une part croissante du commerce est un commerce de biens similaires: - commerce intra-branche ou intra- industriel échange à double sens au sein du même secteur industriel - exemple: la France exporte et importe des voitures en Allemagne - diminution du commerce inter-branche ou interindustriel Commerce intra-européen 2000 Part du commerce Part du commerce intra-industriel inter-industriel France 68,1 Allemagne 65,6 31,9 34,4 GB 63,9 36,3 Espagne 54,1 45,9 Italie 52,0 48,0 Grèce 13,3 86,6 UE-15 59,1 40,9 Source: Eurostat-CEPII. Commerce extra-européen 2000 Part du commerce Part du commerce intra-industriel inter-industriel France 31,1 Allemagne 33,4 68,9 66,6 GB 32,5 67,5 Espagne 9,5 90,5 UE-15 26,6 73,4 Source: Eurostat-CEPII. 2 commerce intra-industriel 45 Two-way trade in vertical differentiation (vertical) 40 commerce inter-industriel One-way trade 35 Grub el & Lloyd 30 25 commerce intra-industriel 20 Two-way trade in horizontal differentiation (horizontal) 15 80 82 84 86 88 90 92 94 96 Source: Fontagné and Freudenberg (2000) Commerce intra-industriel (parts moyennes) 13 Sur le plan théorique: - « nouvelles » théories du commerce international fin des années 1970 (Krugman, Helpman) Application à l ’économie internationale des modèles de concurrence imparfaite issus de l ’économie industrielle - Concurrence imparfaite corollaire logique de l ’existence d ’économies d ’échelle 3 Nouveau types de gains de l ’échange: - effet pro-compétitif - effet d ’échelle - effet de rationalisation (fusion-acquisition) - effet de variété permet aussi (économie géographique) d ’analyser l ’impact de l ’intégration sur la localisation des activités économiques (« nouvelle » géographie économique) Économies d ’échelle et structure de marché L ’existence d ’un coût fixe (R&D, formation, publicité, marketing….) peut être la source d ’économies d ’échelle: C= F+cQ C: coût total F: coût fixe c: coût marginal (salaire par exemple) Q: production Coût moyen diminue avec Q: AC = F/Q + c Profit d ’une entreprise Π = p Q- C = (p - c) Q - F = (p - AC) Q Revenu = p Q Revenu marginal = RM = ∂Q p = −ε ∂p Q de la demande RM = p - 1/ ε où ∂R ∂p =Q +p ∂Q ∂Q −ε est l ’élasticité prix <p 4 P, coûts D =p (Q) p AC c= pC RM Q QC Q Si libre entrée dans le long terme des entreprises (élément de concurrence) - les firmes entrent sur le marché si profits > 0 - les firmes sortent du marché si profits < 0 équilibre de long terme tel que p = CM détermine le nombre de firmes sur le marché et leur taille modèle de concurrence monopolistique Concurrence monopolistique et commerce international - deux pays strictement identiques (France , Allemagne): dans un modèle « classique » aucun commerce - élasticité prix n ’est pas infinie (pas de concurrence pure et parfaite) car chaque entreprise peut différencier sa variété de celles de ses concurrents (goût pour la variété des consommateurs, publicité) - pas de comportement stratégique des firmes (les prix des concurrents sont pris comme donnés) - libre entrée des entreprises : profits nuls (ou profits opérationnels = F) 5 Les variétés sont différenciées chaque entreprise a le monopole de sa variété - Ford, Peugeot, VW … - Gap, H&M, Benetton … Demande pour chaque variété i: ( ) 1 Qi = S − b pi − p n où Qi : production de firme (variété) i S taille du marché total (donnée), n nombre de firmes pi prix de la variété i, pprix moyen sur le marché b mesure le degré de substitution entre les variétés Intuition: - si - si pi = p ⇒ Qi = S / n pi > p ⇒Qi < S / n perd des parts de marché mais pas tout le marché (b n ’est pas infini, concurrence imparfaite) 4 variables nous intéressent: - n: le nombre de firmes sur le marché - Qi la production et taille de chaque firme - p le prix - AC: le coût moyen Toutes les entreprises sont symétriques, même coûts, même demande, même objectif (max. les profits): donc auront la même stratégie à l ’équilibre: Qi = Q = S / n et pi = p donc coût moyen: AC = F/Q + c = (F n) / S + c Courbe CC: 1ère relation d ’équilibre entre AC et n Relation positive entre le nombre d ’entreprises sur le marché et le coût moyen de chaque : effet des économies d ’échelle 6 Seconde relation d ’équilibre: entre p et n Comment sont déterminés les prix? Maximisation des profits de la firme i: ∂Π ∂pi Qi − c = 0 = pi + ∂Qi ∂Qi et pi donné par la fonction de demande inverse: pi = donc 1 Q − i + p bn bS pi − p est considéré fixe Qi −c = 0 bS Toutes les firmes ont cette même stratégie, choisissent le même prix et la même production: Q = S/n p− S −c = 0 bSn p =c+ ou 1 bn courbe PP: relation négative entre n et p Effet de concurrence: si n grand la firme i perd plus quand elle augmente ses prix chacune choisira un prix plus faible si n est élevé si AC < p: profits positifs n augmente si AC > p: profits négatifs n diminue P, AC PP CC p=AC n n 7 Que se passe-t-il si deux pays identiques (France et Allemagne) forment une zone commercialement intégrée (UE: le Grand Marché de 1992) La taille du marché double: S → S ’= 2 S Le nombre d ’entreprises double: n → 2 n Donc deux effets sur le graphe: CC est déplacée à droite le nombre d ’entreprises sur le (grand) marché passe (temporairement) à 2n Les effets de l ’intégration des deux marchés à long terme P, AC PP CC CC ’ 1 p=AC p ’=AC ’ 4 c n n’ 2n n - les prix baissent: le coût moyen de production a baissé et le nombre d ’entreprises concurrentes a augmenté: 1) effet d ’économies d ’échelle (la taille du marché augmente) , la taille de chaque entreprise augmente (rationalisation de la production): Q = S/n passe à Q ‘ = 2 S / n’ > S / n 2) effet pro-concurrenciel; plus d ’entreprises sur le marché (mais moins dans chaque pays): n → n ’’ > n - marge: (p-c) diminue puisque c est constant et p diminue 8 -effet variété : -le nombre de variétés disponible pour les consommateurs a augmenté (positif si valorisent la variété des produits; i.e. accès à des produits différenciés): les français peuvent consommer les variétés allemandes (les allemands peuvent consommer les variétés françaises) - mais le nombre de variétés produites dans le monde diminue (critique des altermondialistes): certaines variétés ont disparu (faillite, fusionacquisition …) -Digression : Productivité et l’intégration commerciale: - la taille des entreprises augmente (coût moyen de production diminue; productivité augmente): - de Q=S/n à Q’ = 2S/n’ et n’<2n - seconde raison du lien entre productivité et intégration commerciale: effet de composition - quelles entreprises disparaissent? Ici, toutes identiques. Mais si entreprises avec productivités différentes (c ou F différents): les moins productives disparaissent: augmentation de la productivité agrégée -Entre temps que s ’est il passé? guerre des prix et fusions-acquisitions, le cas de l ’UE le cas des compagnies aériennes en Europe: au début de la libéralisation: - très forte augmentation de la concurrence (2) - guerre des prix (3) - pression pour fusionner (vague de mergers and aquisitions) - remontée des prix (mais pas jusqu ’au niveau avant libéralisation) et augmentation du nombre de compagnies aériennes desservant chaque pays (4) 9 Que se passe-t-il entre temps? P, AC PP 2 4 n CC ’ ouverture 1 P=AC P’=AC’ CC fusions-acquisitions n’’ 3 guerre des prix 2n n -L’intégration européenne a coïncidé avec une augmentation forte des fusions-acquisitions (M&A): en 87, part des firmes de l’UE dans les M&A internationales < 20%. En 92: 65%. Depuis >50% -cas des banques en Europe un peu différent -- ont eu le temps d ’anticiper les effets d’échelle et de concurrence - vague de fusions très tôt (avant complète libéralisation) , pas de véritable « guerre » des prix Digression, si pas de politique de concurrence: profits augmentent avec intégration commerciale P, AC PP CC p CC ’ AC AC ’ n fixe n 10 - politique de concurrence et intégration en Europe - Que se passe-t-il si politique de concurrence faible au moment de l ’intégration? - par exemple, les entreprises peuvent facilement fusionner mais pas d ’entrée libre (n est fixé) - les gains de l ’intégration sont entièrement une augmentation des profits des entreprises et pas reversés aux consommateurs sous forme de baisse de prix et d ’augmentation de la variété - qui exporte quoi dans le marché intégré? - les deux pays se spécialisent dans des variétés différentes du même bien: commerce intra-industriel - mais rien ne nous dit où les entreprises seront localisées - deux voies possibles: - réintroduire des avantages comparatifs - introduire des coûts de transport entre les pays qui rendent la question de la localisation des activités pertinente Économies d ’échelle et avantages comparatifs Deux pays: Nation-Étranger Deux facteurs de production: capital et travail Nation est relativement abondant en capital deux industries: automobile et textile automobile intensif en capital textile intensif en travail industrie automobile n ’est pas parfaitement compétitive: concurrence monopolistique Sans économies d ’échelle on aurait le résultat HOS: 11 Voiture textile Nation (abondant en K) Etranger (abondant en L) Nation exporte des voitures et importe du textile: commerce inter-industriel Si industrie automobile produit des biens différenciés en concurrence monopolistique - Nation a un avantage comparatif dans le secteur automobile et sera exportateur net dans ce secteur importera des variétés produites par Étranger - Étranger a un avantage comparatif dans le secteur textile et exporte dans ce secteur Deux types d ’échange: - intra-industriel (voitures contre voitures): d ’autant + important que pays similaires inter-industriel (voitures contre textile): reflète des avantages comparatifs Voiture textile Nation (abondant en K) Commerce inter-industriel Commerce Etranger intra-industriel (abondant en L) Nation exporte des voitures et importe du textile: commerce inter-industriel 12 - Estimation du commerce intra-industriel: indice Grubel-Lloyd:pour chaque industrie exportatio ns − importatio ns I (intra) = 1 − exportatio ns + importatio ns -3 exemples: - industrie pétrolière; vin de Bx: = 0 -Industrie automobile: export (50 Mds euro) et import (38): I = 1-(50-38)/(50+38)=86% important pour les secteurs à produits haute technologies (coûts fixes élevés; économies d’échelle et marges élevées: concurrence imparfaite) - d ’autant plus important que pays similaires et à revenu élevé - de fait bien vérifié empiriquement à la fois pour les pays européens et plus généralement pour les pays OCDE 13 Commerce intra-industriel (parts moyennes) One- wa y trade Gree ce Finland Por tugal Ireland Denm ar k Sw eden Italy Aus tria Spai n Net herl ands UK Germany Franc e Belg.-Lux. Two-wa y trade in simila r good s Two-wa y trade in ve rtically diffe re ntiated go ods The closer a country is to a summit, the more the corresponding trade type is important. Source: Fontagné and Freudenberg (2000) One-way trade Agriculture Min., quarr. & petr. Food, bev. & tob. Non met. minerals Textiles Basic metals Chemicals Wood & paper Other Elec. machinery Prof. goods Non elec. machinery Other transport Two-way trade in similar products Motor vehicles Two-way trade in vertically differentiated products Source: Fontagné and Freudenberg (1998) 14 Finland Por tugal Ireland Denm ar k Sweden Italy Aus tria Spai n Net herl ands UK Germany Franc e Belg.-Lux. Two-wa y trade in simila r good s Two-wa y trade in ve rtically diffe re ntiated go ods The closer a country is to a summit, the more the corresponding trade type is important. Source: Fontagné and Freudenberg (2000) One-way trade agriculture Agriculture Min., quarr. & petr. Food, bev. & tob. Non met. minerals Textiles Basic metals Chemicals Wood & paper Other Elec. machinery Prof. goods Non elec. machinery Other transport Two-way trade in similar products Motor vehicles Two-way trade Véhicules in vertically differentiated products motorisés Source: Fontagné and Freudenberg (1998) Etude empirique sur les déterminants empiriques de la part du commerce intra-industriel entre deux pays: Augmente avec -Taille du marché (PIB) des deux pays: nombre de variétés augmente avec taille du marché - similarité des niveaux de PIB/hab: si pays très différents (productivité…): commerce plutôt « ricardien » et inter-industriel - niveau de PIB/hab: plus grand nombre de variétés; produits de plus haute technologie plus faciles à différencier Déterminants type de commerce Effets potentiels sur spécialidistribution sation avantage comp. - différences de productivité - différences de facteurs de production interindustriel selon avantage comparatif économies d ’échelle intraindustriel spécialisation sur variétés ou qualités prix des facteurs (salaires qualifiés/ non qualifiés) - divergence possible entre pays - pas ou peu d ’effets distributifs internes 15 - Autre question sur le rapport commerce/concurrence imparfaite en Europe la segmentation des marchés: les mêmes biens ne sont pas vendus au même prix sur tous les marchés VW a été condamné pour avoir segmenté les marchés: Une pratique illégale: - VW interdisait à ses revendeurs italiens de vendre à des allemands (pour restreindre l ’arbitrage) En général, les prix sont supérieurs sur le marché domestique par rapport au marché national (alors que coûts de transport) Même en Europe, les marchés restent segmentés: différences de prix existent qui donnent un pouvoir de marché aux entreprises - Autre manière de segmenter les marchés: tirer avantage des réglementations différentes: avant 1992 différentes règles en All. Et en Fr. sur les paquets de pattes alimentaires (en All: règle sur l ’espace entre haut du paquet et pattes; en Fr.: règle sur le ratio volume du produit/volume du paquet) a permis aux fabricants d ’empêcher l ’arbitrage et de segmenter les marchés (depuis 1992, reconnaissance mutuelle des réglementations et harmonisation) Pourquoi les biens ont un prix plus élevé sur le marché domestique que à l ’étranger si segmentation possible? 16 - Le phénomène du dumping: Exemple extrême: firme nationale a un monopole domestique et est en concurrence pure et parfaite sur les marchés étrangers ; segmentation parfaite entre les marchés (pas d ’arbitrage possible) plus généralement les producteurs ont un avantage sur leurs concurrents sur le marché domestique (biais de préférences, réseaux de distribution, influencent les réglementations nationales via le lobbying etc…) C, P Coût marginal P (dom) Pdom RM*=P* RM (dom) Q (dom) Q (total) Q Stratégie optimale de la firme: - égaliser le coût marginal et le revenu marginal sur chaque marché: RM* = P* = CM détermine la production total RM*= RM (dom) sinon augmente la production sur le marché domestique (si RM*< RM (dom)) ou étranger (si RM*> RM (dom)) - Phénomène du dumping - diminuer les barrières à l ’arbitrage permet de diminuer le pouvoir de monopole domestique 17 Dumping réciproque: 2 pays avec chacun un monopole domestique; coûts de transport entre les marchés - chaque monopole a intérêt de vendre un peu sur le marché de son concurrent (à un prix plus faible que sur son marché avec monopole) - dumping réciproque: commerce à double sens de produits identiques avec coûts de transport Effet ambigu net du commerce sur le bien-être: - négatif: inefficace d ’échanger des biens identiques et de payer des coûts de transport - positif: diminue le pouvoir de monopole sur chaque marché 18