Où est l’individuel dans l’étude des différences individuelles de personnalité? Jacques Juhel Université Rennes 2 CRPCC (E.A. 1285) Université de Rouen 20 novembre 2014 Plan 1. Bref retour sur le passé et quelques enseignements… 2. La structure des traits de personnalité : des taxinomies aux théories 3. L’hypothèse de travail d’une complémentarité des approches inter- et intra-individuelles : quelques illustrations 4. Vers une orientation plus idiographique? Bref retour sur le passé et quelques enseignements… Le projet initial de la psychologie des différences individuelles William Stern (1900 ; voir Lamiell, 2003) Fin du 19ème siècle : l’expression « psychologie individuelle » est synonyme de psychologie expérimentale générale. → Recherche de régularités scientifiques, de lois générales au sens de communes à tous, par expérimentation sur des sujets uniques. La psychologie différentielle naît du souci de ne pas négliger « les particularités différentielles de l’esprit ». → Elle a pour domaines d’étude les domaines théoriques identifiés par la psychologie expérimentale générale. → Elle doit « éviter les efforts prématurés en direction des applications pratiques ». Les doutes de Stern, très tôt exprimés… « Le problème de l’individualité* » (1900 ; voir Lamiell, 2003) L’individu est un unitas multiplex, « une entité qui, bien que composée de multiples parties, forme une unité singulière et constitue en tant que telle, en plus de ses unités en fonctionnement, un être unitaire, auto-actif et dirigé par un but » (Stern, 1906, p.16 ; Lamiell, 2003, p. 42). L’unicité du système est due à des lois générales qui la rendent possible. → La psychologie différentielle peut aider à identifier certaines de ces lois générales mais ne peut en elle-même permettre d’élaborer une conception de l’individualité humaine. * « de la personnalité de l’individu humain » (Lamiell, 2003, p. 46) Une distinction irréductible entre individu et attribut Individu : Unitas multiplex Attribut : « Tout ce qui peut être identifié dans l’individu » : phénomènes directement perçus par la personne, actes personnels, dispositions. Concept Focus Schème 1 attribut nombreux individus Recherche descriptive plusieurs attributs nombreux individus Recherche corrélationnelle 1 individu nombreux attributs Recherche psychographique plusieurs individus nombreux attributs Recherche comparative Attributs Individus Les schèmes de recherche de la psychologie différentielle Le passage de l’individu au sujet moyen de la science « Le triomphe de l’agrégation » (Danziger, 1990, chapitre 5) Les régularités observées en moyenne au niveau des populations, des groupes naturels ou expérimentaux témoignent de l’existence et correspondent à une organisation au niveau des individus. Francis Galton - Twelve Boston Physicians and their composite portraiture, McClure's Magazine, September 1894) L’étude du sujet moyen en psychologie de la personnalité LE paradigme dominant face aux questions d’une «science des personnes» (Lamiell, 2006, p. 354). Des prescriptions méthodologiques unificatrices → que peut-on espérer de l’agrégation d’observations entre individus, entre conditions expérimentales ou entre moments ? Une stratégie de recherche fonctionnaliste → risques d’émiettement des variables, de réductionnisme, de mécanisme. L’unification de la science et de la pratique → risque de confusion entre les niveaux épistémologique et institutionnel. La structure des traits de personnalité : des taxinomies aux théories Le fondateur de la psychologie de la personnalité Gordon Allport (1937). Personality : a psychological interpretation La partie importante de la personnalité est l'essence de l’unicité de l’individu humain. La personnalité est « l’organisation dynamique, interne à l’individu, des systèmes psychophysiques qui déterminent son adaptation particulière à l’environnement » (1937, p. 48). Le trait est « un système neuropsychique focalisé et généralisé (propre à la personne) ayant la capacité de rendre de nombreux stimuli fonctionnellement équivalents, et d’initier ou guider des formes cohérentes (équivalentes) de comportement adaptatif et expressif » (1937, p. 295). Les « vrais » traits sont individuels : ce sont des dispositions psychophysiques réelles, des attributs internes à l’individu. L’hypothèse lexicale L’hypothèse lexicale Les attributs de personnalité peuvent être identifiés en classant les termes employés dans le langage courant pour distinguer le comportement d’une personne de celui d’une autre. Première tentative : traits de personnalité, états temporaires, jugements évaluatifs, caractéristiques physiques (Allport & Odbert, 1931). De multiples taxinomies dans les années 50 et 60…une même méthode d’analyse*. - Unités de base: traits stables, facteurs, dispositions comportementales. - Objectif fondamental : caractériser les individus à l’aide d'un ensemble fini de dispositions propres, invariantes quelles que soient les situations et déterminant un large éventail de comportements. * « Aucune procédure statistique ne devrait être traitée comme un générateur de vérité mécanique » (Meehl, 1992, p. 152). Les critiques Pêle-mêle, au cours des années 60 et 70… - Psychologie clinique : doutes sur l’intérêt pratique d’évaluations trop globales (Peterson, 1968). - Psychologie différentielle : construits théoriques non opérationnels, comportement trop variable au travers des situations pour être couvert par un nombre limité de traits, circularité du raisonnement si les traits sont compris comme des entités causales (Vernon, 1964). - Psychologie sociale : les traits et la structure de la personnalité décrivent la structure des perceptions sociales, sont des fictions cognitives, le résultat de biais de perception, d’une erreur fondamentale d’attribution, d’erreurs systématiques de jugement, etc. Les critiques Walter Mischel : Personality and assessment (1968) Les hypothèses de la théorie des traits de personnalité sont « intenables » . Le trait comme niveau d’analyse ne permet pas : - d’appréhender la variabilité du comportement social ; - d’expliquer la faible cohérence trans-situationnelle. Le fonctionnement de la personnalité apparaît plus cohérent au travers des situations quand le comportement est analysé en considérant la perception qu’a le sujet de la situation. Les critiques Walter Mischel : Personality and assessment (1968) Fréquence de certains mots-clés dans la première et la seconde partie du livre de Mischel (Orom & Cervone, 2009, fig. 1, p. 229). Quand « ce qu’on a dit du livre commence à remplacer ce que dit le livre » (Mischel, 2009, p. 283). Les critiques Toward a cognitive social learning reconceptualization of personality (Mischel, 1973) L’être humain attache une signification aux situations qu’il rencontre et se comporte en cohérence avec cette signification. Les variables socio-cognitives (attentes, croyances, évaluations, buts, etc.) activées dans des situations particulières varient en fonction de la signification que les situations prennent pour la personne. Comprendre les échanges dynamiques et les transactions réciproques entre les individus et les situations. Inclure la situation telle qu’elle est perçue par la personne, analyser le comportement dans ce contexte situationnel. Un schéma de causalité complexe Les systèmes de personnalité et les contextes sociaux ont des effets interactifs et mutuellement dépendants sur le comportement. Situation Comportement Des interactions cohérentes produisent des patterns distinctifs de cohérence et de variabilité comportementale (Le modèle CAPS de la personnalité ; Mischel & Shoda, 1995) L’émergence d’une nouvelle génération de taxinomies Les Big Five - Le Big Five lexical, à partir d’adjectifs représentant des attributs : représentation strictement phénotypique (Goldberg, 1981, 1990). - Le NEO Personality Inventory (Costa & McCrae, 1985). (extrait de Plaisant et al., 2010, p. 484) L’émergence d’une nouvelle génération de taxinomies Les Big Five Arguments de validité mis en avant par les « essentialistes » - Prédiction du comportement lorsque celui-ci est agrégé entre situations, - Stabilité temporelle de la structure des traits, - Influence des facteurs génétiques, - Relations entre traits et fonctionnement cérébral, - Utilité prédictive, - Universalité démontrée par les études trans-, intra- et inter-culturelles. La Théorie des Cinq Facteurs (McCrae & Costa, 1996, 2006) « Les traits n’ont aucun effet direct sur le comportement et ne sont pas le produit de l’environnement » (2006, pp. 234-235) (McCrae & Costa, 2006, p. 234). La Théorie des Cinq Facteurs (FFT : McCrae & Costa, 1996, 2006) « Les traits n’ont aucun effet direct sur le comportement et ne sont pas le produit de l’environnement » (2006, pp. 234-235) - Traits organisés hiérarchiquement : tendances fondamentales générales qui influent sur les pensées, les sentiments et les comportements ; endogènes ; stables chez l’adulte. - Adaptations caractéristiques contextualisées et influencées par la culture : compétences, croyances, valeurs, façons préférentielles de penser, de ressentir, se comporter. - Concept de soi : schéma de soi, perception sélective des informations représentées (compatibilité avec les traits, sentiment de cohérence). - Bases biologiques, influences extérieures. - Données de sortie : biographie objective (comportement, vécu de la personne). La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014) Une théorie mécaniste de la personnalité basée sur l’étude de systèmes autorégulés dirigé vers des buts → Mise en relation des approches centrées sur les différences interindividuelles et les processus intra-individuels. L’usage descriptif des traits de personnalité Les traits sont des descriptions probabilistes de patterns relativement stables d’émotions, de motivations, de cognitions ou de comportements, en réponse à des familles de situations rencontrées par l’être humain au cours de son évolution. - Tendance à se trouver dans certains états émotionnel, motivationnel, cognitif, comportemental. - Spécificité liée aux situations. - Universalité culturelle. - Organisation hiérarchique. La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014) L’organisation hiérarchique des traits Deux méta-traits en tension dynamique qui renvoient aux adaptations caractéristiques (buts, interprétations, stratégies, etc.) : le maintien d’un fonctionnement stable et l’adaptation au changement, la tendance à l’exploration. Croissance personnelle Dynamisme Accommodation Dix facteurs de niveau intermédiaire ou « aspects » de la personnalité. Socialisation Autorégulation sociale Assimilation (DeYoung, 2014, p. 3) La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014) La possibilité d’un usage explicatif des traits de personnalité Le trait décrit le niveau fonctionnel typique des processus psychologiques qui soustendent la génération des états émotionnel, motivationnel, cognitif ou comportemental associés au trait. Facteurs génétiques Facteurs environnementaux Paramètres relativement stables de mécanismes psychobiologiques* Traits de personnalité Résultats, adaptations caractéristiques (D’après DeYoung, 2014, p. 4) * Relation de supervénience entre mécanismes biologiques et psychologiques. La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014) Les adaptations caractéristiques Les contenus relativement stables de la « mémoire » du système, mis à jour en fonction des circonstances particulières de vie de l’individu : - des buts : représentation des états futurs; - des interprétations : composantes évaluatives et affectives des représentations de l’état actuel du monde externe et interne; - des stratégies cognitives ou comportementales. → Caractéristique centrale : spécificité culturelle ou phénomène idiosyncrasique. La théorie du Big Five cybernétique (CB5T : DeYoung, 2014) Fonctions « cybernétiques » des traits de personnalité (Extrait de DeYoung, 2014, p. 10) L’explication des traits dans le CB5T Différences entre individus Des variations entre individus dans les paramètres des nombreux mécanismes du système peuvent être les causes multiples d’un trait ayant lui-même de multiples indicateurs. p1 p2 I1 Extraversion I2 p3 I3 Variations au niveau du système de récompense (aire septale, mésencéphale) Les indicateurs covarient parce qu’ils réfléchissent à des degrés divers la sensibilité à la récompense Différences de sensibilité à la récompense (Voir Kievit et al., 2012) L’explication des mécanismes dans la structure causale intraindividuelle du CB5T Processus intra-individuels Les variations au cours du temps dans le fonctionnement du système produisent une structure de covariance intra-individuelle. Cette structure de covariance intra-individuelle est différente chez chaque individu et dépend des mécanismes psychobiologiques qui sous-tendent les traits. Les traits ne peuvent expliquer cette structure que s’ils possèdent une structure causale intra-individuelle (cf. fonctions cybernétiques des traits). ⇒ Explorer les adaptations caractéristiques qui sont des construits à la fois interet intra-individuels. L’hypothèse de travail d’une complémentarité des approches inter- et intra-individuelles : quelques illustrations empiriques L’approche des distributions de probabilité d’états Un trait est une distribution de probabilités d’états Le comportement peut être caractérisé par un niveau sur le trait qui représente le degré avec lequel le comportement exprime le trait. La variabilité intra-individuelle du comportement au travers des situations peut être représentée par une distribution de probabilité d’états. Méthode d’échantillonnage des expériences (Fleeson, 2001) - 46 participants, interrogés 5 fois/jour pendant 13 jours ; - auto-description du comportement et des émotions 1 heure plus tôt ; - adjectifs du Big-Five (4 adjectifs par trait). L’approche des distributions de probabilité d’états L’importante variabilité intra-individuelle des états. Distributions des états chez le sujet moyen (Fleeson, 2001, p. 1016). L’approche des distributions de probabilité d’états Stabilité des différences individuelles dans les paramètres des distributions de probabilité des états, notamment dans la moyenne intra-individuelle des états (méthode d’estimation par bissection et randomisation). (Fleeson, 2001, p. 1017) L’approche des distributions de probabilité d’états Résultats complémentaires d’une méta-analyse récente (Fleeson & Gallagher, 2009) La corrélation entre le trait et la tendance centrale de la distribution des états varie entre .42 et .56. L’évaluation d’un trait par questionnaire n’est donc pas identique à ce que révèle l’observation de la variabilité intra-individuelle des états associés au trait. L’approche des distributions de probabilité d’états La situation dans la signification de la variabilité intra-individuelle comportementale Effets, différents selon les traits, des caractéristiques de la situation (le moment de la journée, la présence d’autres personnes). L’effet des caractéristiques de la situation varie selon les individus (cf. la notion de sensibilité différentielle ; Pluess et al., 2013; Whitsett & Shoda, 2014). → Deux types de cohérence : comportements individuels et comportements agrégés. → Compatibilité entre variabilité intra-individuelle des états et stabilité des paramètres de la distribution des états. L’approche des distributions de probabilité d’états Exploration de la facette « explicative » (motivationnelle et sociocognitive) des traits → Les états (manifestations comportementales des traits de personnalité) pourraient être les moyens permettant d’atteindre les buts. Etude de la relation entre buts poursuivis et variabilité des états d’extraversion (McCabe & Fleeson, 2012) - Méthode d’échantillonnage des expériences - 47 participants, interrogés 5 fois/jour pendant 10 jours ; auto-description de l’état d’extraversion, des buts momentanés et de l’état affectif 1/2h heure plus tôt ; - Mesure à chaque occasion : a) des buts momentanés (plan en facettes sur le modèle « Je me comporte intentionnellement (moyen) afin de (but) à un moment donné »; 3 moyens x 6 buts) ; b) de l’état d’extraversion (2 adjectifs x 6 facettes du domaine extraversion du Big Five); c) de l’état affectif (10 items de la PANAS). L’approche des distributions de probabilité d’états Résultats des analyses multi-niveaux → Variabilité intra-individuelle des états d’extraversion beaucoup plus importante que la variabilité interindividuelle (.81 vs .20). → Le but sélectionné est un prédicteur de la variabilité intra-individuelle du score d’état d’extraversion (agrégé individuellement à chaque occasion) : coefficient médian de .40. → L’introduction des buts, pris ensemble, réduit la variabilité interindividuelle de .20 à .04 et la variabilité intra-individuelle de .81 à .22. Buts momentanés Etats d’extraversion Etats d’extraversion Affects positifs Buts momentanés Affects positifs (McCabe & Fleeson, 2012) L’approche des distributions de probabilité d’états Exemple de modèle ascendant du façonnage des traits de personnalité L’intégration de construits et processus : - intra-individuels (rôle, buts à court terme, état de personnalité, changement de rôle, etc.) - interindividuels (construits et processus intra- agrégés, traits) (Heller et al., 2009, p. 172) Différences individuelles dans les signatures comportementales Une signature comportementale si…alors… représente la probabilité conditionnelle d’occurrence d’un comportement donné chez un individu donné dans différentes situations. Dimensions et signatures dans le domaine interpersonnel (Fournier et al., 2008, 2009) - 113 participants, chaque jour pendant 20 jours ; auto-description du comportement personnel et de celui du partenaire après chaque situation d’interaction sociale (6/7 par jour en moyenne). Le modèle de référence est celui du circomplexe interpersonnel. - 4 échelles comportementales (dominant, aimable, soumis, hostile), grille interpersonnelle permettant de construire une taxonomie de 4 situations interpersonnelles (hostile-dominant, hostile-soumis, amical-dominant et amicalsoumis). - Construction de profils individuels de variabilité comportementale à travers les 4 situations réfléchissant les patterns idiographiques de contingences situationcomportement. Différences individuelles dans les signatures comportementales 1) Organisation idiographique des contingences situation-comportement Autant de variabilité intra-individuelle qu’interindividuelle (après contrôle des influences normatives des situations sur le comportement). 2) Structure dimensionnelle des dispositions et des signatures Convergence relative de la structure intra-individuelle avec la structure du cercle interpersonnel (idiosyncrasies). 3) Stabilité (bissection) des dispositions et des signatures Comportements Dispositions Signatures Patterns de variabilité intra-individuelle au travers des 4 situations Dominant 0,76 0,24 Aimable 0,77 0,39 Soumis 0,82 0,32 Hostile 0,83 0,52 (D’après Fournier et al., 2008, pp. 539-540) Différences individuelles dans les signatures comportementales Les individus diffèrent qualitativement dans la prise en compte des ingrédients actifs de la situation (Vansteelandt & Van Mechelen, 2006). Procédure : 16 situations formelles sur la base d’un plan en facettes : Vous êtes dans une situation dans laquelle vous vivez un événement négatif qui vous affecte [peu, beaucoup] et dans laquelle [aucune autre personne n’, une personne proche] est impliquée : la cause de l’événement négatif est [une personne proche, vous-même, personne d’autre] et la personne qui est la cause de l’événement négatif [a, n’a pas] de contrôle sur l’événement négatif. « Individualisation » du contenu des 16 situations formelles (décrire pour chaque situation formelle une situation vécue). Evaluation des 16 situations concrètes (6 items : sentiment de colère et tristesse, dépression), N=249. Analyse typologique : classification hiérarchique simultanée des personnes et des situations. Différences individuelles dans les signatures comportementales Les individus diffèrent qualitativement dans la prise en compte des ingrédients actifs de la situation (Vansteelandt & Van Mechelen, 2006). Types de personnes caractérisées par des règles si (caractéristiques de la situation) – alors (classe de réponse). (Tableau 1, p. 881) Différences individuelles dans les signatures comportementales Les individus diffèrent qualitativement dans la prise en compte des ingrédients actifs de la situation (Vansteelandt & Van Mechelen, 2006). Les différences individuelles témoignent d’une sensibilité différentielle aux caractéristiques saillantes de la situation. - Une même situation (formellement) peut provoquer des réponses agressives ou dépressives. La méthode appliquée permet d’obtenir, sous forme d’arbres, une hiérarchie des classes de situations et une hiérarchie des classes de réponses. - Les situations négatives sont fonctionnellement équivalentes quand elles sont semblables par rapport à l’agent et la cause. Elles se distinguent quand l’agent est soi ou autrui. - Les sentiments de colère et de tristesse coexistent souvent. Se sentir abandonné (réponse anaclitique) va avec réprimer sa colère. Etre déçu par soi-même (réponse introjective) et ressentir de la colère ne sont pas à la même classe. Vers une orientation plus idiographique ? Idiographique, dans quel sens du terme ? 1. Qui n’est pas vrai pour chaque être humain ou collectif (Windelband (1894, 1998). 2. Qui poursuit une connaissance nomothétique au travers de la singularité des phénomènes psychologiques et sociaux (Salvatore & Valsiner, 2010). 3. Qui inclut des aspects sensibles aux idiosyncrasies (Orom & Cervone, 2009). 4. Qui se situe à un niveau individuel d’analyse intra-individuelle (Molenaar, 2004). 5. Qui étudie des cas singuliers, chacun conçu comme un système unique à modéliser (Gennaro et al., 2010). Peut-on espérer pouvoir intégrer les niveaux inter- et intra-individuels? La relation entre les différences interindividuelles et les processus intra-individuels est une relation de supervénience - La signification des attributs interindividuels fait référence à des contingences si…alors… - Un même niveau sur le trait peut être réalisé de différentes façons par des individus différents. - Les différences interindividuelles sont dues à l’influence d’un très grand nombre de facteurs disparates. → Et si Cronbach avait tort (Borsboom et al.,2010). Peut-on espérer pouvoir comprendre au niveau interindividuel… - … les processus sociocognitifs qui interviennent, chez un individu fabricant de sens, dans le déroulement de ses conduites, - … les structures de la personnalité, indépendamment de certaines caractéristiques psychologiques, plus ou moins saillantes selon les individus, des contextes sociaux. → Appel à l’étude de la dynamique et la structure de la personnalité intraindividuelle (Cervone, 2005, 2006). Si l’ambition est de rendre compte de… … ce par quoi un individu est une unité dont chaque conduite n’a de signification que par rapport à ses autres conduites, la nécessité est double : - prendre en compte certaines idiosyncrasies (par ex., mesures individualisées), - analyser les patterns de variabilité intra-individuelle qui réfèrent au phénomène étudié. Plusieurs approches méthodologiques envisageables : - analyser simultanément les patterns de variabilité inter- et intraindividuelle (par ex., Caldwell, Cervone & Rubin, 2008), - modéliser, sujet après sujet, le(s) pattern(s) de variabilité intraindividuelle, la généralisation de niveau interindividuel n’intervenant qu’ensuite (par ex., Molenaar & Valsiner, 2005). L’individualité humaine, toujours un problème au 21ème siècle mais des perspectives ! Références Allport, G.W. (1937). Personality: a psychological interpretation. New York: Henry Holt. Allport, G.W., & Odbert, H.S. (1936). Trait-names: A psycho-lexical study. Psychological Monographs, 47(1), 1-171. Borsboom, D., Kievit, R.A., Cervone, D., & Hood, S.B. (2010). The Two Disciplines of Scientific Psychology, or: The Disunity of Psychology as a Working Hypothesis. In J. Valsiner et al. (eds.), Dynamic Process Methodology in the Social and Developmental Sciences (pp. ???-???). Pub???. Caldwell, T.L., Cervone, D., & Rubin, L.H. (2008). Explaining intra-individual variability in social behavior through idiographic assessment: the case of humor. Journal of Research in Personality, 42, 1229-1242. Cervone, D. (2005). Personality architecture: within-person structures and processes. Annual Review of Psychology, 56, 423-452. Cervone, D. (2006). Systèmes de personnalité au niveau de l’individu : vers une évaluation de l’architecture sociocognitive de la personnalité. Psychologie Française, 51, 357-376. Costa, P.T.Jr, & McCrae, R.R. (1985). The NEO Personality Inventory manual. Odessa, FL: Psychological Assessment Resources. Danziger, K. (1990). Constructing the subject: Historical origins of psychological research. New York: Cambridge University Press. DeYoung, C.G. (2014). Cybernetic Big Five Theory. Journal of Research in Personality, ???,???-??? Fleeson, W. (2001). Toward a structure- and process-integrated view of personality : traits as density distributions of states. Journal of Personality and Social Psychology, 80(6), 1011-1027. Fleeson, W., & Gallagher, P. (2009). The Implications of Big Five Standing for the Distribution of Trait Manifestation in Behavior: Fifteen Experience-Sampling Studies and a Meta-Analysis. Journal of Personality and Social Psychology, 97(6), 1097–1114 Fournier, M.A., Moskowitz, D.S., & Zuroff, D.C. (2008). Integrating dispositions, signatures, and the interpersonal domain. Journal of Personality and Social Psychology, 94(3), 531-545. Fournier, M.A., Moskowitz, D.S., & Zuroff, D.C. (2009). The interpersonal signature. Journal of Research in Personality, 43, 155-162. Galton, F. (1894). Twelve Boston Physicians and their composite portraiture. McClure's Magazine, September. Gennaro, A., Al-Radaideh, A., Gelo, O., Manzo, S., Nitti, M., Auletta, A.., & Salvatore, S. (2010). Modelling the psychotherapy process as a meaning-making dynamics. The Two Stage Semiotic Model (TSSM) and the Discourse Flow Analyzer (DFA). In S. Salvatore, J.Valsiner, J. Travers Simon & A. Gennaro (Eds.), YIS: Yearbook of Idiographic Science 2009 -Volume 2 (pp. 131-170) Roma: Firera Publishing Group. Goldberg, L.R. (1981). Language and individual differences : The search for universals in personality lexicons. In L. Wheeler (Ed.), Review of personality and social psychology: Vol. 2 (pp. 144-165). Beverly Hills, CA: Sage. Goldberg, L.R. (1990). An alternative 'description of personality': The Big-Five factor structure. Journal of Personality and Social Psychology, 59(6), 1216-1229. Heller, D., Perunovic, W.Q.E., & Reichman, D. (2009). The future of person–situation integration in the interface between traits and goals: A bottom-up framework. Journal of Research in Personality, 43, 171– 178. Kievit, R.A., van Rooijen, H., Wicherts, J.M., Waldorp, L.J., Kan, K-J., Scholte, H.S., & Borsboom, D. (2012). Intelligence and the brain: A model-based approach. Cognitive Neuroscience, iFirst, 1–9. Lamiell, J. T. (2003). Beyond individual and group differences: Human individuality, scientific psychology, and William Stern’s critical personalism. Thousand Oaks, CA: Sage Publications. Lamiell, J.T. (2006). La psychologie contemporaine des « traits » dans le cadre de la recherche néogaltonienne : comment elle est censée fonctionner et pourquoi en réalité elle ne fonctionne pas. Psychologie Française, 51, 337-355. McCabe, K.O., & Fleeson, W. (2012). What is Extraversion For? Integrating Trait and Motivational Perspectives and Identifying the Purpose of Extraversion. Psychological Science, 23(12), 1498–1505. McCrae, R.R., & Costa, P.T. (2006). Perspectives de la théorie des cinq facteurs (TCF) : traits et culture. Psychologie Française, 51(3), 227–244. Meehl, P. E. (1992). Factors and taxa, traits and types, differences of degree and differences in kind. Journal of Personality, 60,117-174. Mischel, W. (1968). Personality and assessment. New York: Wiley. Mischel, W. (1973). Toward a cognitive social learning reconceptualization of personality. Psychological Review, 80(4), 252-283. Mischel, W., & Shoda, Y. (1995). A cognitive-affective system theory of personality: Reconceptualizing situations, dispositions, dynamics, and invariance in personality structure. Psychological Review, 102(2), 246-268. Molenaar, P.C.M. (2004). A manifesto on psychology as idiographic science: bringing the person back into scientific psychology, this time forever. Measurement: Interdisciplinary Research and Perspectives, 2(4), 201-218. Molenaar, P.C.M., & Valsiner (2005). How generalization works through the single case : a simple idiographic process analysis of an individual psychotherapy. International Journal of Idiographic Science, article 1. Retrieved from http:/www.valsiner.comm/articles/molenvals.htm Orom, H., & Cervone, D. (2009). Personality dynamics, meaning, and idiosyncrasy : identifying cross-situational coherence by assessing personality architecture. Journal of Research in Personality, 43, 228-240. Peterson, D.R. (1968). The clinical study of social behavior. New York: Appleton-Century-Crofts. Pluess, M.,&Belsky, J. (2012).Vantage sensitivity: Individual differences in response to positive experiences. Psychological Bulletin. Advance online publication. Salvatore, S., & Valsiner, J. (2010). Between the general and the unique: Overcoming the nomothetic versus idiographic opposition. Theory & Psychology, 20(6), 1–18. Vansteelandt, K., & Van Mechelen, I. (1998). Individual differences in situation behavior profiles: A triple typology model. Journal of Personality and Social Psychology, 75, 751–765. Vansteelandt, K., & Van Mechelen, I. (2004). The personality triad in balance: Multidimensional individual differences in situation–behavior profiles. Journal of Research in Personality, 38, 367–393. Individual Differences in Anger and Sadness: In Pursuit of Active Situational Features and Psychological Processes. Journal of Personality, 74(3), 871-909. Vernon, P. (1964). Personality assessment – A critical survey. London, Methuen. Whitsett, D.D., & Shoda, Y. (2014). An approach to test for individual differences in the effects of situations without using moderator variables. Journal of Experimental Social Psychology, 50:94-104. Windelband, W. (1894, réed. 1998). History and natural science. Theory & Psychology, 8(1), 5-22.