L`économie au JT

Éduquer aux médias avec TV5MONDE © CRDP de l’académie de Versailles, 2011
L’économie au JT
FMI, fonds de stabilité, CAC 40, dette souveraine... Parler d'économie au JT, c'est d'abord
employer un sabir et aborder des concepts dont le journaliste spécialisé, l'expert, l'invité issu
de la classe politique ou du monde économique va s'efforcer de traduire la complexité en
termes simples. Or l'économie, comme la météo, ce sont aussi des réponses aux préoccupations très concrètes des téléspectateurs. Dans un cas comme dans l'autre, la mise en images
est indispensable et un bon dessin vaut ­souvent mieux qu'un long discours.
Tout a commencé dans les années 1970 avec les conséquences en cascade des chocs pétroliers qui ont
créé des réalités économiques et sociales plus complexes qu'auparavant. Le temps est alors révolu où
la vie de l'entreprise, les difficultés de certains secteurs économiques (l'agriculture et son exode rural,
les fermetures de mines...) ou l'information financière pouvaient se résumer en un reportage et
quelques réalités humaines saisies sur le terrain, que chaque téléspectateur pouvait comprendre
et partager. La complexité des processus économiques, depuis lors, n'a cessé de s'accentuer,
comme l'importance de l'économie dans les JT et les magazines d'information (le premier grand
magazine télévisé entièrement consacré à l'économie, L'enjeu, de François de ­Closets et Emmanuel
de la Taille, date de 1978).
Face à des réalités conceptuelles, le journaliste s'est donc peu à peu spécialisé et, l'enquête sur le terrain
se révélant peu « parlante », l'analyse a alors occupé une place centrale dans ce qu'on dénomme
désormais des « sujets ». Le reporter n'est plus qu'un personnage secondaire et le discours de l'expertise l'emporte sur le témoignage.
L'image, elle aussi, change de nature. La vraie difficulté est en effet de montrer le réel à travers des
modalités de représentation qui facilitent sa compréhension : schémas, animations, graphiques... La
réalité concrète disparaît derrière des techniques très sophistiquées de mises en images qui doivent
accomplir une mission impossible : rendre visible l'infilmable (une baisse du pouvoir d'achat, une chute
des exportations, l'endettement d'un État...). Selon le principe qu'un dessin vaut mieux qu'un long discours, le graphique va rendre l'information compréhensible, mais aussi mémorisable et comparable à
d'autres éléments de même nature.
Mais l'autre enjeu qui vient parasiter ces JT, c'est la sollicitation permanente de l'esprit critique pour
s'interroger sur les finalités réelles des informateurs (présentateur, journalistes spécialisés, invités intervenants, quidams sollicités sur tel ou tel sujet...). Pour éviter toute manipulation idéologique, il
y a lieu de savoir distinguer ce qui relève de l'information et ce qui appartient au commentaire. Il y a
aussi lieu de se demander « d'où parlent » tous ces spécialistes, experts, universitaires, professionnels
de l'économie et de la finance qui viennent (parfois avec des statuts différents d'un JT à l'autre, d'une
émission à l'autre) expliquer une situation et offrir la solution infaillible au problème. Comme dans
d'autres domaines (par exemple, la question de l'emploi des médicaments dans le monde médical),
les conflits d'intérêt peuvent conduire à un discours que tout le monde n'est pas en mesure de
décrypter. Il est arrivé qu'un intervenant venu sur une chaîne publique donner son point de vue sur la
crise actuelle soit présenté comme « économiste libéral » !
S'intéresser à la manière dont les JT parlent d'économie, c'est, aujourd'hui plus que jamais, s'interroger
sur les sources, mais c'est surtout se demander quelle conception du monde est en jeu dans des propos
que chacun avance comme étant la vérité universelle.
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Éduquer aux médias avec TV5MONDE © CRDP de l’académie de Versailles, 2011
Pistes pour la classe
École
• À partir d'articles de presse (notamment ceux des journaux destinés aux jeunes lecteurs), de manuels
scolaires, de JT différents, de sites internet, on relèvera les images utilisées pour illustrer ou expliquer
un sujet économique (dont la connaissance, sinon la compréhension, est à la portée des enfants : la
hausse de certains prix, la fermeture d'une usine, d'un site industriel...). On en établira une typologie.
Par exemple, les images statiques (photos, dessins, graphiques) seront distinguées des images animées (en 2D, en 3D) et des images interactives. Les images aident-ils les élèves à mieux comprendre le
phénomène évoqué ?
• On relèvera dans le JT de TV5 Économie les éléments de « mise en page » qui se veulent très pédagogiques. Après avoir noté les différents exemples (flèches, chiffres en gras, encadré, couleurs, graphique,
diagramme, histogramme), on définira certains termes.
• Après avoir regardé collectivement et expliqué le sujet sur la refonte des rentes, dans le journal ­télévisé
de la TSR (15e-16e min), on interrogera les élèves sur le mode de fonctionnement des différents graphiques et des animations utilisés.
Collège, lycée
Dans un sujet économique, on relèvera et discutera des exemples d'expressions métaphoriques prises
notamment dans le domaine médical (accès de fièvre, remède, traitement...) ou militaire (offensive, résistance, guerre...). On pourra ainsi travailler sur l'exemple du sujet sur l'affaire Google-Facebook (10e-12e min)
dans le JT de TV5MONDE, où abondent ces métaphores : « bagarre », « tous les coups sont bons », « mettre
l'adversaire à terre », « opération de dézinguage » ; ou à partir du sujet sur la croissance en France dans le JT
de TV5 Économie qui est, lui, plutôt, dans le registre de la métaphore sportive : « bond », « dopé », ­­« rebond ».
En quoi l'usage de ces lexiques donne-t-il une autre image du monde économique et financier ?
• On analysera la manière dont, dans le JT de TV5MONDE, l'information nous est dévoilée dans le sujet sur
l'affaire Google-Facebook et comment le téléspectateur devient le témoin d'une conversation, d'un
jeu de questions/réponses entre la présentatrice et le journaliste spécialisé. On ne s'adresse à lui qu'indirectement, par le jeu des regards.
On comparera ce traitement de l'affaire Google-Facebook dans les JT de TV5MONDE et TV5 Économie :
durée, nombre de journalistes, images, bande-son, angle* de l'information.
• Un JT sur l'économie : celui de TV5 Économie. Dans son générique et son décor, quels éléments
­manifestent le contenu économique du journal ? On pourra faire remarquer que ces graphiques,
chiffres en défilement permanent fonctionnent plutôt comme des clichés.
On relèvera les différents sujets abordés dans ce JT : En quoi concernent-ils l'économie ? Le sujet sur la
musique en ligne relève-t-il de l'information ou de la publicité ?
On listera dans chaque sujet les différentes données chiffrées énoncées (oralement ou sous forme
écrite), les valeurs absolues, les pourcentages, les éléments de chronologie (aussi bien le temps que la
durée). Que peut-on en dire ?
On relèvera, concernant le lexique, les exemples de dépersonnalisation des responsabilités. Des propositions telles que « les deux tiers des ordres de bourse aux États-Unis sont passés par des machines »,
« les marchés sont fébriles » ou « inquiets » renvoient à cette idée d'une autonomie incontrôlable et
d'une maladie des marchés (on notera qu'ici, comme ailleurs de manière générale, on préfère « marchés »
à « spéculateurs » !).
• Avec les plus grands élèves en lycée, on relèvera des exemples d'informations qui montrent que l'économie dont on nous parle est implicitement l'économie libérale.
• On analysera le sujet économique du JT 7 jours sur la planète : Que voit-on ? Que retient-on ? Quel est le
rôle de l'intervenant ? son statut ?
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