L`adhésion thérapeutique I

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UE2 - Bioéthique
M. Savriama
Date : 24/11/2015
Plage horaire : 10h45 - 12h45
Ronéistes : Etheve Alixia
Boureau Laura
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L’adhésion thérapeutique
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I - Adhésion thérapeutique
A - Définition
B - Mécanisme de l'adhésion thérapeutique
C- Conditions de l'adhésion thérapeutique
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II - Conclusion
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I - L'adhésion thérapeutique
Tout ce qui a été dit jusqu'ici (éthique, morale...) a pour objectif de trouver un consensus entre ce que
veut le patient (par rapport à son vécu, sa culture et ses représentations) et ce que doit faire le soignant.
Comment parvenir à l'adhésion thérapeutique ? Comment faire pour que le patient adhère aux
prescriptions, au traitement et au projet thérapeutique ?
Déjà, il faut concevoir ce projet avec le patient et ne pas le tenir à l’écart en disant : " je suis médecin
je sais, vous faites ci, ça .. ». Ca ne peut pas fonctionner avec tous les patients : certains se
demanderont « Pourquoi les antibiotiques (c’est pas automatique) ? Je n’ai pas envie d'en prendre ».
Mais si le médecin discute avec son patient et lui explique pourquoi ce traitement, ça marchera mieux.
A La Réunion, en installant ce genre de dialogue, on entendra : « Docteur, je prends déjà des tisanes...
Pour tout ce qui est viral ou grippe en tout cas, je ne veux pas de sirop... Mais je veux bien un truc
pour la toux ». Finalement, il faudra négocier le projet thérapeutique avec le patient.
A - Définition
Il faudra tenir compte de 2 paramètres : compliance et observance.
Il faut tout d’abord distinguer la compliance de l’observance et de l’adhésion thérapeutique.
La compliance, c’est quand le patient accepte son ordonnance. Il s’agit d’une sorte d’accord passif
(tacite). Le patient vient vous voir, a a priori confiance en vous; vous lui donnez une ordonnance, il va
la respecter.
L’observance thérapeutique correspond à un degré supplémentaire dans la collaboration médecin/
patient : le patient accepte non seulement l’ordonnance mais s’y conforme. Il y a donc un
comportement observable de la part du patient. On est sûr qu'il fera ce qu'on lui a demandé, avec ce
patient qui a vraiment besoin de vous et qui n’a pas d'autre solution. Aussi peut-être parce qu’on a
réussi à négocier avec lui.
L’adhésion thérapeutique se traduit par l’adhésion du malade au traitement proposé par le médecin.
Elle entre dans le cadre d’un projet thérapeutique élaboré à partir du cas particulier du malade. Elle ne
peut être obtenue que :
• Si la communication est réellement instaurée entre médecin et malade,
• Si le malade a compris de quel mal il est atteint,
• S’il comprend pourquoi le traitement lui est prescrit.
Si il a un doute sur le médicament… Pourquoi ? Est-ce dangereux ? S’il n'est pas convaincu de sa
maladie, forcément, il prendra pas son traitement.
Exemple : étude qui montre que 20 % des Réunionnais ne croient pas que le chik est du au moustique.
(référence qui TUE : Thierry Jardinot).Vous avez un malade qui ne voit pas toute l'importance de la
pathologie dont il souffre, avec un traitement dont il est beaucoup moins convaincu. Et vous ajoutez à
cela des ordonnances déjà toutes faites (voltarène, antidouleur..) : pas vraiment de discussion avec le
patient, donc aucune adaptation au cas particulier d'un patient.
On peut être sûr que le patient va douter : comment peut-il être sûr que c’est le Chik ? Le patient n'est
pas mis en confiance. Il ne va pas adhérer au traitement.
Compliance, observance (attitude réelle) et adhésion thérapeutique sont différents degrés d'une suite
logique.
Quelle différence entre l'observance et l'adhésion thérapeutique ?
Dans l’observance, le patient agit car il a confiance, on lui a prescrit ça, il va le faire. C'est un
comportement (il n'adhère pas forcément). Avec tout ce qui a été dit avant, on voit qu'il est parfois
difficile d'arriver à l'adhésion thérapeutique. C'est une sorte d'idéal.
Imaginez-vous à l'hôpital dans le service d’oncologie.
Une famille vient avec des tisanes cachées dans son sac. Le patient est convaincu de l'utilité de la
tisane et en prend, mais de façon cachée. Soit il y a le respect de la loi (interdiction d'emmener des
tisanes), soit il y a une ouverture d'esprit de l'équipe soignante : « il va le faire de toute façon, autant
être au courant et vérifier les possibles interactions avec le traitement médical; vu son état, ça ne va
pas lui faire plus de mal que ce qu'on lui donne déjà ».
Est-ce que dans le projet thérapeutique, il ne doit pas y avoir une discussion à ce niveau ? Au lieu de
faire comme si on n’avait pas vu la tisane, de travailler avec ça. Il faut avoir une négociation entre les
deux. Quand on interroge les gens sur comment ils se soignent, quel choix entre médecine
traditionnelle et médecine classique, ils répondent : « on prend d'abord la tisane et si ça ne marche pas
on va chez le médecin; et on fait les 2 en même temps (faire une tisane et mettre l'efferalgan dedans
pour que se soit plus efficace) ».
C'est important de savoir ce genre de chose en tant que soignant.
B - Mécanisme de l'adhésion thérapeutique
L’adhésion thérapeutique est la base d’une bonne prise en charge du patient. Elle s’appuie sur
l’acceptation par le patient de sa maladie, ainsi que sur une bonne relation soignant/ soigné.
Le problème est que parfois, pendant la phase d'acceptation de la maladie, il y a une ambivalence.
Dans certains cas, l’acceptation de sa maladie par le patient est ambivalente : « oui, je sais... » « mais
quand même... ». Une partie du patient accepte la réalité de la maladie alors que dans le même temps,
une autre partie la nie, ce qui peut perturber le comportement de la personne malade ainsi que sa
relation avec les soignants. L’histoire personnelle du patient entre également en ligne de compte
(notamment les conflits éventuels qu’il a pu avoir avec des soignants, erreurs médicales passées…).
Il a compris ce que vous lui avez dit, sa maladie, mais une part de lui nie et cherche une autre solution.
Notamment si c'est une maladie grave (cancer, SIDA). On est un peu dans un esprit de marchandage :
" oui mais bon, est-ce que vous êtes sur, pas d'autres possibilités, vous vous êtes pas trompé ? ». Mais
le patient a bien compris.
Ici à La Réunion, certaines représentations font que les patients pensent que le cancer est une punition
divine (et pas des cellules se multipliant de façon anarchique). Le patient va chercher un autre type de
traitement, thérapie correspondant à sa représentation de la maladie (guérisseur, prêtre, plante...).
Ici, la négociation : « oui d'accord vous avez peut-être raison, faites votre rituel mais quand même il
faut de la chimiothérapie pour le cancer (la chirurgie…) ». Ca ne peut qu’aider.
L'histoire personnelle du patient est aussi à prendre en compte : ancien conflit avec un soignant.
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Exemple du prof
Une famille ayant un mauvais souvenir du service cardio B de Belle Pierre : le malade était ressorti
avec un escarre, ça s'était très mal passé. Quelques temps plus tard, un autre membre de la famille se
retrouve dans le même service et la même chambre : à ce moment-là, aucune confiance de la part de
la famille (vu ce qu'il y a eu la dernière fois). L'adhésion thérapeutique ne sera pas obtenue.
La qualité de la relation établie avec les soignants est fondamentale pour l’adhésion thérapeutique. Si
les interactions ne sont pas suffisantes, si les informations transmises ne sont pas claires, le patient
peut ne pas de sentir capable ou ne pas désirer assumer le traitement et le refuse.
Quand on a confiance en notre médecin, on discute moins les soins. Si l’on ne dit pas clairement ce
qu'il se passe, le malade se posera forcément des questions (sur les médicaments...). Il ne se sent pas
impliqué, il ne fera peut-être pas le traitement mais autre chose.
Dans certains cas, et on le retrouve dans certains travaux en sociologie ou en anthropologie de la santé
(Anne Véga), la relation créée avec les soignants peut être ambivalente : parfois vue comme amicale
tandis qu’à d’autres moments les soignants vont être perçus comme des personnes exerçant un
pouvoir, parfois coercitifs sur le patient.
Surtout lorsqu'on voit souvent la famille du patient (HAD), il y a un lien plus fort patient/ soignant, il
appelle la famille, s'inquiète du fait que le patient guérisse... Au-delà de ce comportement amical, un
médecin doit prendre des décisions (difficile parfois : comme l'arrêt d'une alimentation parentérale/
des soins), là la famille ne comprend plus (pourquoi le médecin ne veut plus tout faire pour soigner). A
ce moment, l'explication est essentielle : sinon la famille peut avoir l'impression d'être trahie. C'est ce
pouvoir que la famille peut ressentir comme coercitif.
Parfois c'est l'inverse, il y a une famille très présente dans les soins (surveillance quotidienne), elles
ont alors des exigences envers les soignants. Exemple : l’infirmier doit changer de gants à tel ou tel
moment. La famille a un niveau d'exigence qu'elle peut aussi parfois répercuter sur l'équipe soignante.
Du coup, catégorisée par les soignants comme une famille "chiante". Mais parfois quand la famille
n'est pas derrière, la prise en charge du patient n'est pas optimale.
Exemple : les services d'HAD, étant débordés et recevant beaucoup de patients, il y a parfois des
problèmes de prise en charge correcte des patients.
Histoire d'un patient diabétique venu avec son petit-fils. L'infirmière ne retrouvait plus dans le dossier
la dose d'insuline à administrer. C'est le petit-fils qui lui a dit que d'habitude son grand père prenait 30
unités.
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→ Parfois si la famille n'est pas exigeante, on a l'impression que le corps médical fait un
peu n'importe quoi.
Exemple : les urgences (on a tous attendu des heures aux urgences avant d'être pris en charge) par
manque de place et de personnels renvoient les patients "non malades" chez eux, patients qui
reviennent finalement quelques heures plus tard parce qu'ils avaient réellement quelque chose.
Il est donc nécessaire que la famille du patient soit exigeante, mais il faut que cette exigence/ présence
soit raisonnable. On a les extrêmes : lorsqu'elle n'est pas du tout présente ou lorsqu'elle est très très
présente au point de devenir gênante. Il faut aussi que le personnel médical puisse avoir une certaine
intimité avec le patient, qu'elle puisse faire les soins et discuter sans qu'il y ait toute la famille dans la
chambre.
→ Il faut donc les 2.
!Il faut toutefois garder une certaine distance entre le soignant/le patient/la famille, savoir doser cette
relation amicale. Il en faut pour que le patient ait confiance en vous mais il faut aussi qu'il vous voit
comme le soignant pour qu'il y ait une adhésion thérapeutique.
C - Conditions de l'adhésion thérapeutique
Le première des conditions est la communication. Aussi, il est généralement admis que les
mécanismes de l’adhésion thérapeutique passent par l’éducation thérapeutique du patient.
S’il n'y a pas d'adhésion thérapeutique du patient, s'il n'a pas conscience du traitement ou s’il ne sait
pas juger son état (exemple : diabétique qui ne sait pas s’il a pris trop de sucre), le patient n'a pas une
bonne observance. Il râle parce qu'il ne peut pas faire tel ou tel truc... Donc il y a une moins bonne
adhésion à la prescription thérapeutique.
Dans ce cas, ce sont les soignants qui vont transmettre une partie de leur savoir au malade. La prise en
charge est fréquemment pluridisciplinaire et doit aussi tenir compte de la culture du patient, s’appuyer
sur elle « pour changer les choses, il faut d’abord les reconnaitre » (Françoise Loux, 1979).
Françoise Loux a beaucoup travaillé sur le monde hospitalier et disait « pour changer les choses il
faut d'abord les reconnaître ». Si l’on n'essaye pas de comprendre comment pense le patient, quelle est
sa représentation de la pathologie, comment voulez-vous essayer de l'éduquer thérapeutiquement
parlant ? L’amener à faire évoluer sa vision de sa pathologie ? L'éducation thérapeutique ne nécessite
pas une instruction très élevée.
L'OMS a dit "il faut un minimum d'alphabétisation thérapeutique". Le prof nous dit : "j'ai démontré le
contraire". Il a travaillé avec des patients illettrés et certains arrivaient très bien à faire leur dextro et
à prendre leur injection tout seul.
Conclusion : cette éducation thérapeutique peut se faire à tous les niveaux.
Le premier concerné est le médecin puisque c'est lui qui va aller expliquer au patient en premier ce
qu'il a. S’il y a une bonne communication patient/ médecin, le patient aura plus confiance en ce que dit
le médecin que ce que va ensuite dire l'infirmier.
L’éducation thérapeutique du patient a pour objectif d’aider le patient et sa famille à comprendre la
maladie et les traitements, à participer aux soins, à prendre en charge son état de santé et à favoriser un
retour aux activités normales (réintégrer le rôle de malade – au sens de Talcott Parsons).
Il faut qu'il y ait une bonne compréhension de la pathologie par le patient lui-même pour son adhésion
thérapeutique mais il est également important qu'il y ait une bonne compréhension par la famille pour
aider le malade, lui rappeler de prendre ses traitements...
L'entretien motivationnel est une méthode de communication directive, centrée sur le patient et
directement inspirée de la technique de Carl Rogers. Cette méthode vise à obtenir un changement de
comportement en associant la personne au processus. Elle est particulièrement utilisée dans les
situations où les patients sont en difficultés pour évaluer la gravité de leur problème.
Utilisable en amont du processus de soin, touche tous les professionnels concernés par la
problématique du changement de comportement (soin, travail, social, etc...).
II - Conclusion
Dans ce mécanisme, le rôle du médecin (celui qui prescrit, celui qui soigne le patient) a plusieurs
dimensions :
- Dimension morale,
- Dimension éthique.
Ce n'est pas parce qu'on sait faire qu'on doit faire, ce n'est pas non plus parce qu’on ne peut pas
répondre aux besoins du patient qu'on doit le laisser (cf éthique et morale). Donc tout acte de soin est
un acte qui mérite réflexion éthique et morale.
Cette réflexion éthique et morale doit mettre une réflexion supplémentaire pour vous amener vers
l'adhésion thérapeutique.
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Utiliser l’éthique, la morale (et autres outils de SHS en santé) pour obtenir l’adhésion thérapeutique (et
donc éviter le refus de soin) en particulier dans le cas difficile de la fin de vie. Donc utiliser l'éthique et
la morale, en plus de la compréhension de la culture du patient à travers tous les concepts que vous
connaissez déjà, c'est vous amener à négocier le soin.
Le cas le plus sensible, c'est forcément le cas du deuil. C'est le cas où l'étique a le plus sa place, là ou
l'adhésion de la famille est la plus compliquée. Qui peut être sûr ? L'équipe soignant fait ce qu'elle a à
faire mais n'y a t-il pas une autre façon de faire ? N'y a t-il pas d'autres choses à tenter ?
Comment arriver à l'adhésion thérapeutique lorsque vous allez inévitablement plonger la famille dans
la douleur ? J'ai essayé de vous introduire quelques éléments de réponses, de vous faire réfléchir sur
ce sujet. Je pense que si vous êtes là c'est que vous êtes convaincus de l'utilité des sciences sociales
dans votre profession, malheureusement dans le cursus scolaire on n'insiste pas sur les sciences
sociales.
Histoire de la crise Ebola avec Alain Elpelboin (PACES). L'OMS a fait appelle à Alain Epelboin pour
comprendre ce qui se passait, pourquoi la maladie se répandait aussi vite et trouver des solutions. La
solution était de ne plus avoir de contact direct avec les défunts par l'utilisation de gants.
De même, les anthropologues ont constaté que les Réunionnais n'étaient pas du tout convaincus de la
transmission du chik par les moustiques. Grâce à leur étude, on a compris que comme ils n'y croyaient
pas, ils ne se protégeaient pas : le moustique continuait à vectoriser la maladie.
Le dilemme est loin d'être simple, parfois vous êtes à la limite, vous ne pouvez plus négocier car la vie
de votre patient est en jeu; là il faut faire appel à l'éthique et à la morale pour prendre la bonne
décision. C'est la déontologie professionnelle.
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