Les Cahiers de L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR N° 7 URBANISME ET BONHEUR 2 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR N°07 JUIN 2015 [BONHEUR] n.m. (de bon et eur). Eur vient du latin populaire agurium qui signifie chance, présage, augure. 1. État de complète satisfaction, de plénitude. 2. Chance, circonstance favorable ; joie, plaisir. Nous avons eu le bonheur de la rencontrer. Au petit bonheur (la chance) : au hasard. Par bonheur : heureusement. P04_QUELLE VILLE IDÉALE POUR NOTRE BIEN-ÊTRE ET NOTRE BONHEUR ? P10_BIEN-ÊTRE PAR L’ARCHITECTURE ET L’AMÉNAGEMENT URBAIN P16_LA NATURE EN VILLE, FACTEUR D’UN BIEN-ÊTRE AU QUOTIDIEN P22_LA BIODIVERSITÉ URBAINE Les Cahiers de l’Observatoire du bonheur édités par Coca-Cola France, 9, chemin de Bretagne, 92130 Issy-les-Moulineaux. Direction de la publication : Imad Benmoussa. Rédaction en chef : Jean-Pierre Ternaux et Gilles Boëtsch. Rédaction : Jean-Pierre Ternaux, Joanne Clavel, Agathe Euzen, Luc Abbadie, Gilles Boëtsch. Conception/réalisation : Burson-Marsteller i&e © T. Bartel / P. Bauduin LE BONHEUR DANS LA VILLE JEAN-PIERRE TERNAUX, DIRECTEUR DE RECHERCHE HONORAIRE AU CNRS, COORDONNATEUR DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR ET GILLES BOËTSCH, DIRECTEUR DE RECHERCHE AU CNRS, DIRECTEUR DE L’UMIESS 3189 ET DE L’OHMi TESSÉKÉRÉ « UNE URBANISATION RAISONNÉE CONSTITUE UN DES OUTILS SUSCEPTIBLES D’APPORTER DES SOLUTIONS POUR ACCOMPAGNER LA CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE ET AMÉLIORER LA QUALITÉ DE VIE. » ÉDITO 3 Chaque jour, 180 000 personnes supplémentaires accroissent la population des villes dans le monde. Les prévisions démographiques pressentent une population de 5 milliards d’urbains en 2025, soit 62 % de la population mondiale et 80 % en 2100 ! En 2015 les pays développés comptent 370 villes de plus d’un million d’habitants et les pays en développement en recensent 1 270. Dans ce contexte, l’urbanisation de 2 milliards de personnes dans les pays émergents est l’enjeu majeur du développement durable des décennies à venir. Si les villes du monde ne recouvrent que 2,8 % de la surface de la planète, elles sont responsables de 78 % des émissions de carbone, de 76 % de l’usage du bois et de 60 % de la consommation d’eau. Le scénario prospectif pour 2040 est alarmant et les populations urbaines asiatiques, Chine et Inde, seront quatre fois supérieures à celles de l’Amérique du Nord et de l’Europe. Dans ce contexte, une urbanisation raisonnée constitue un des outils susceptibles d’apporter des solutions pour accompagner cette croissance démographique et tenter, d’améliorer la qualité de vie dans les cités en expansion et les futures mégapoles. Si les économistes considèrent l’urbanisation comme un moteur essentiel de la croissance, il ne s’agit pas simplement d’augmenter le nombre de citadins et d’agrandir indéfiniment les villes mais de mettre en œuvre des programmes de construction, respectueux de la biosphère, susceptibles d’assurer une transition complète du statut rural à celui d’urbain et d’améliorer la qualité de vie des citadins. Dans trop d’endroits, les zones périurbaines sont délaissées et offrent des conditions de vie déplorables pour leurs habitants. Il s’agit d’harmoniser les activités de production, l’emploi, les modes de vie, la sécurité sociale, de développer les liens sociaux par le biais de l’éducation et de la culture dans une perspective cohérente de l’espace. La tâche est colossale, mais la nécessité de mettre en place les conditions d’un développement durable est désormais acquise par un grand nombre d’acteurs. Il faut aller vite. Mais prudence : un développement et une urbanisation à marche forcée est un challenge à haut risque qui peut parfois améliorer de façon spectaculaire la qualité de vie de millions d’urbains mais souvent augmenter de manière significative les rangs des citadins aux statuts les plus précaires. QUELLE VIL IDÉALE POUR NOTRE BIENÊTRE ET NOTRE BONHEUR ? PAR JEAN-PIERRE TERNAUX DIRECTEUR DE RECHERCHE HONORAIRE AU CNRS COORDONNATEUR DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR BIOGRAPHIE 1947 > Angers, douce cité berceau. 1967-1970 > Lille et 2003-2011 > Paris, Berlin, Munich au service de la communication du CNRS. Marseille, villes universitaires pour l’éducation et la connaissance. 2011 > Marseille pour une retraite active et optimiste. 1971-2003 > Marseille, © Thomas Bartel 4 N°07 JUIN 2015 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR Paris, Glasgow, Genève, Kiev, Saint-Pétersbourg, cités innovantes pour une carrière passionnante de recherche. LE BONHEUR DANS LA VILLE LE QUELLE VILLE IDÉALE POUR NOTRE BIEN-ÊTRE ET NOTRE BONHEUR ? 5 « SI ON CONSTRUISAIT ACTUELLEMENT DES VILLES, ON LES BÂTIRAIT À LA CAMPAGNE, L’AIR Y SERAIT PLUS SAIN »5 _JEAN-LOUIS-AUGUSTE COMMERSON (1802-1879) A L'ESSENTIEL L’homme inscrit sa vie dans un perpétuel mouvement, sans stabilité ni pérennité dans les sentiments, les sensations et les demandes. Après avoir migré de la campagne à la ville, il réclame aujourd’hui une ville à la campagne, propre, saine, verte, sociale, culturelle, participative et connectée où la qualité de vie, garant de plaisir et de bonheur, soit optimale. Depuis des décennies, cette quête de bonheur a mobilisé, architectes, urbanismes, aménageurs et paysagistes. Leurs choix pour procurer un environnement urbain désirable sont encore à préciser. Malgré des améliorations parcellaires du bien-être urbain, la bonne qualité de vie en ville reste encore à inventer. ujourd’hui, 55 % des habitants de la planète vivent dans les villes. Ce chiffre ne cesse de croître et les hommes de la campagne s’afficheront bientôt comme de curieuses minorités ! Quels que soient les territoires, les civilisations, les architectures et les organisations urbaines, les villes rassemblent une population nombreuse sur un espace restreint. Elles concentrent les activités humaines dans un schéma où commerce, industrie, éducation, politique et culture construisent un véritable espace social. Dans le monde entier, les villes portent les spécificités de leurs régions. Les matériaux de leurs bâtiments et les styles architecturaux témoignent des ressources locales, du climat, de l’histoire et des cultures qui les ont fondés. Généralement érigées dans des lieux stratégiques de défense, des nœuds de communication mêlant routes, chemins, voies fluviales et ferrées et parfois façade maritime, les villes n’ont fait que s’étendre, passant successivement du statut de simple localité urbaine, à celui de capitale, de métropole et, au sommet de cette hiérarchisation, à celui de mégapole. Si cette nomenclature, basée sur le nombre d’habitants, semble logiquement refléter les variations de taille des agglomérations urbaines, aucune norme internationale n’existe pour qualifier de ville un groupement humain. Si au Danemark 200 habitants suffisent pour acquérir le statut de ville, 2 000 seront nécessaires en France et plus de 45 000 au Japon. Dans ce contexte et même si l’ONU a fi xé le seuil à 25 000 habitants, compter et comparer les villes du monde n’a pas de sens. Seul le critère de densité humaine demeure un élément quantitatif susceptible d’être comparé et force est de constater que les citadins sont bien serrés ! LES PARADOXES DE LA VIE CITADINE La ville a toujours attiré. Au XIXe siècle, avec la révolution industrielle, de nouvelles cités, attractives pour une main-d’œuvre bon marché, se sont installées à proximité des sites d’extraction et de transformation de matières premières : charbon, minerai de fer… mais offrant aussi des distractions inconnues, comme les parcs zoologiques, pour les populations migrantes arrivant du monde rural. Parallèlement, les villes existantes n’ont fait que croître, avec une population aux revenus importants contribuant à l’essor de l’industrie automobile et du luxe. Cette mutation économique a fortement participé à l’exode rural et a généré la construction de nouveaux quartiers pour loger et nourrir ces populations migrantes. Voilà nos cités désormais couronnées de banlieues dont la croissance n’a pas cessé tout au long du XXe siècle. Si cette situation 5 Cette citation généralement attribuée à Alphonse Allais est de Jean-Louis-Auguste Commerson, écrivain humoriste du XIXe siècle. 6 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR perdure dans les pays en voie de développement, les villes occidentales perdent petit à petit leur fonction première de production industrielle, devenant de véritables centres de services pour leurs habitants et ceux qui vivent dans la région. Les cités conservent les services centraux, les sièges des entreprises, les administrations locales, les services bancaires et juridiques et les structures éducatives. De nos jours, les villes occidentales sont aussi dotées de structures de santé, de lieux de culte et d’innombrables possibilités pour la culture et les loisirs : musées, bibliot hèques, théâtres, cinémas, salles de concert, installations sportives… En d’autres termes, voilà énumérée une série d’éléments qui contribuent à la satisfaction et au bien-être ressenti du citadin. Mais le comportement individuel et collectif de l’homo urbanus1 est aussi, à juste titre, critique et revendicatif. Avec leurs expansions parfois démesurées, les grandes métropoles accumulent bien des nuisances : pollution de l’air, transports collectifs bondés et insuffisants, sclérose du trafic automobile, bruit incessant, insécurité, stress engendré par une vie urbaine. La devise du « toujours plus vite » s’inscrit comme une règle incontournable. Le manque d’espace vert et l’insalubrité de 1 « Homo urbanus » : expression utilisée par Jeremy Rifkin, essayiste américain, spécialiste de prospective économique et scientifique. certains quartiers complètent le tableau urbain… Cette situation est encore plus désastreuse dans les villes des pays pauvres. L’espérance d’un travail et d’une certaine liberté au sein de la cité constitue les fondements utopiques de l’exode rural. Les villes explosent et les jeunes migrants qui pensent trouver en ville ce qui leur manque dans leurs villages s’entassent dans les banlieues dans des conditions matérielles et sanitaires déplorables. Aujourd’hui, 300 villes de plus d’un million d’habitants sont recensées sur la planète dont une dizaine dépassant les 18 millions ! N°07 JUIN 2015 élan novateur sera marqué par quelques grands noms et expériences clés dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme. VICTOIRES ET ÉCHECS DE L’URBANISME DU BONHEUR Dans l’histoire des villes occidentales au XIXe siècle, quatre expériences majeures témoignent de la volonté des autorités urbaines d’accéder au désir de leurs habitants. Londres s’enorgueillit de ses six parcs royaux dont Hyde Park, créé en 1820 par l’architecte Decimus Burton. Le Paris haussmannien et ses faubourgs voient naître squares, jardins, parcs et zones sauvages de bois. À New York, l’architecte Frederik Law Olmsted crée Central Park. À Barcelone, Ildefons Cerdà, architecte et ingénieur des ponts, rase toute la ville à l’exception du centre médiéval pour reconstruire une cité sur un plan reproductible. Ces événements marquent l’avènement de l’urbanisme social qui consiste à apporter le même bien-être pour l’ensemble des catégories de popu lat ion. Ebenez er Howard (1850-1928), urbaniste et journaliste anglais devient leader de ce concept et fonde le mouvement des « Citésck jardins » qu’il considère comme sto ink Th une vision radicale du bonheur pour © l’homme urbain. Howard introduit la notion de satellisation, suggérant la réalisation de cités-jardins autonomes, entourées Le citadin demeure attaché à sa ville mais de nature pour contribuer à l’urbanisation il souhaite améliorer son confort et son des villes existantes. Les idées d’Howard bien-être : il est désormais citoyen revendi- sont complétées par les propositions du cateur. Cette velléité de transformer la ville darwiniste Patrick Geddes (1854-1932), prend corps à la fin du XIXe siècle avec les botaniste et urbaniste écossais. Il affi rme constats cinglants des conséquences post- que la totalité du monde vivant doit être industrielles et s’amplifie au XXe siècle avec intégré dans les réflexions concernant les la naissance des mouvements écologiques rapports de l’homme de la ville avec la et le début des réf lexions et des actions nature. La ville est un véritable organisme concernant le développement durable. Cet vivant. Ces concepts énoncés au XIXe siècle LE BONHEUR DANS LA VILLE 7 © Thinkstock QUELLE VILLE IDÉALE POUR NOTRE BIEN-ÊTRE ET NOTRE BONHEUR ? sont toujours d’actualité et irriguent encore les débats et la mise en œuvre des projets de création de villes nouvelles, d’amélioration de l’espace urbain et, très récemment, les programmes de construction de villes intelligentes, connectées et durables. Dans ce contexte, les paysagistes jouent un rôle primordial dans la structuration de villes paysagées. Au-delà des bienfaits incontestables de la mise en paysage de la cité sur le bien-être et la santé du citoyen urbain, l’urbanisme paysager s’inscrit dans la vision d’une nature rédemptrice face à l’inhumanité des villes. Ce concept consolidé par l’avènement de l’écologie politique est désormais évoqué comme un instrument politique. La création de parcs, la structuration paysagère de l’espace public, constituent aussi le symbole d’une collectivité à nouveau soudée dans le cadre de l’utilisation du temps libre. Mais les professionnels de l’urbanisme s’interrogent : faut-il développer des projets de paysages inspirés de l’art bourgeois, avantager la création de jardins ouvriers ou familiaux ou encore favoriser l’utilisation des terrains vagues pour générer la croissance d’espaces naturels sauvages, lieux de liberté absolue ? Aujourd’hui, la « symbolique du gazon » s’inscrit irrémédiablement dans tous les projets d’urbanisme moderne dans un cadre scientifique où diverses disciplines apportent leurs connaissances : botanique, zoologie, génétique des populations, géographie, hydrologie, écologie… Mais si plus de nature en ville semble bénéfique pour la satisfaction et le bonheur des citadins, quelques timides voix s’élèvent pour s’interroger sur l’efficacité des choix opérés dans ce domaine. Suffit-il de vouloir introduire de beaux paysages dans la réalité matérielle pour éradiquer ou tenter de régler les incohérences de la ville, réduire la pollution, lutter contre les émissions de CO2 et s’attaquer résolument aux questions de développement durable ? Apporter aux citadins arbres, pelouses et eau est-il suffisant pour améliorer les conditions de la vie urbaine ? Une ville sans arbre est-elle définitivement une ville sans âme ? LE CORBUSIER, PIONNIER D’UNE ARCHITECTURE ET D’UN URBANISME DU BONHEUR Charles-Édouard Jeanneret-Gris (1887-1965) citoyen suisse naturalisé français en 1930, plus connu sous le pseudonyme de Le Corbusier est un des pionniers de l’architecture du XXe siècle. L’œuvre de Le Corbusier s’inscrit à la fois dans un contexte de réf lexion théorique et d’exécution pratique. Pour lui, les œuvres architecturales sont rendues lisibles par des formes simples, dépouillées, ordonnées, génératrices d’harmonie. Sa vision met en exergue le bonheur comme une des clés de l’urbanisme. En 1926, il définit les critères d’une architecture moderne : les pilotis, le toit terrasse, le plan libre, la fenêtre bandeau… En 1933, il précise avec force : « Les matériaux de l’urbanisme sont : le soleil, l’espace, les arbres, l’acier, le ciment 8 N°07 JUIN 2015 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR dans cet ordre et dans cette hiérarchie ». En 1943, dans sa charte d’Athènes, Le Corbusier énonce les moyens d’améliorer les conditions d’existence dans la ville moderne qui doivent permettre l’épanouissement harmonieux de quatre grandes fonctions humaines : habiter, travailler, se divertir, circuler. Le Corbusier se fait l’adepte d’une architecture brute en béton armée, sans ornement, où les divisions de l’espace ne sont pas soumises aux impératifs du bâtiment. Il met en œuvre la réalisation d’éléments modulables pouvant être préfabriqués et industrialisés. Ses réflexions sur la modularité dans ce qu’il nomme « les machines à habiter » sont scellées dans son concept de « Modulor »2 . Il s’agit d’une silhouette humaine standardisée qui sert à concevoir la structure et la taille des unités d’habitation, générant un confort maximal entre l’homme et son espace vital. LE SAVIEZVOUS ? 87 % des citadins sont heureux de vivre dans leurs agglomérations. 77 % sont attachés à leurs cités et 85 % s’y sentent libres. Ipsos 2013 Précurseur d’une « architecture du bonheur », Le Corbusier a eu plusieurs décennies d’avance sur son temps. Ses constructions comme la Cité Radieuse à Marseille n’ont pas été comprises à l’époque. La Cité Radieuse est vite devenue « La Maison du Fada ». Les critiques ont été sévères. Malgré son caractère novateur dans le domaine de la « LÀ OU NAÎT L’ORDRE, NAÎT LE BIEN-ÊTRE » _LE CORBUSIER Ces principes architecturaux seront appliqués dans la réalisation des unités de logement collectif qu’il sera chargé de construire après la Seconde Guerre mondiale, à Marseille, Briey-en-Forêt, Rezé près de Nantes, Firminy et Berlin. Ces bâtiments doivent pouvoir loger un grand nombre d’habitants, être conçus comme des lieux de vie où le caractère social du village n’a pas été abandonné. Construit à la verticale par manque d’espace, l’unité d’habitation doit comporter tous les équipements collectifs nécessaires à la vie : rues, commerces, école maternelle, garderie, ascenseurs, chambres d’amis, laverie, piscine, gymnase, piste de promenade ou de course, bibliothèque, auditorium, atelier de peinture, espace dédié à la vie sociale… conception architecturale, les gains tangibles apportés en terme de confort, de bien-être furent loin d’être immédiatement appréciés. Quel intérêt de construire des cités quasiautonomes dans une ville d’ores et déjà structurée et organisée ? Quoi qu’il en soit, Le Corbusier a laissé derrière lui des concepts novateurs qui demeurent encore aujourd’hui tout à fait pertinents. VILLES D’AUJOURD’HUI ET DE DEMAIN La prise de conscience de la nécessité de mettre en place des mesures adéquates pour assurer un développement durable, respectueux des ressources énergétiques fossiles et permettant d’endiguer le réchauffement climatique, a généré la mise en place d’une politique et de pratiques nouvelles dans le domaine de la construction. La construction écologique3 est une construction saine qui doit avant tout être adaptée au bien-être de ces habitants. Le « Green building »3 est conçu avec des matériaux naturels issus d’une nature renouvelable et permettant de réduire l’impact global de l’environnement bâti sur la santé humaine et l’environnement. Il implique l’utilisation efficace de l’énergie, de l’eau et des autres ressources et doit protéger la santé de ses occupants. Son développement doit réduire la production de déchets, la pollution et la dégradation de l’environnement. En France, ces nouvelles pratiques sont désormais encouragées et encadrées par des certifications. La démarche « Haute Qualité Environnementale » ou HQE proposée aux maîtres d’ouvrage définit l’ensemble des critères conformes à la gestion durable de toutes les étapes de la vie d’une construction : conception, réalisation, utilisation, maintenance, adaptation et déconstruction. L’ensemble de ces règles, difficiles à mettre en œuvre dans les quartiers anciens, sont tout à fait applicables aux projets d’extension de nos cités. Aujourd’hui même si quelques projets « vitrines » ont vu le jour en Europe, le chemin sera long pour habiter des villes à énergie positives et pollution zéro. Avec l ’importance grandissante des technologies de l’information et de la communication, le citadin contemporain est devenu un citoyen connecté, à la fois sédentaire et mobile. Ses exigences en terme de connectivité, sont croissantes. Cette situation a été déterminante pour proposer, au sein de la ville, des solutions nouvelles permettant de répondre à ces nouveaux besoins. Dans la ligne novatrice de la construction écologique le concept de ville intelligente 4 , s’inscrit désormais comme une piste novatrice pour les cités de demain. Avec des milliers de capteurs, elles seraient capables d’assurer, au profit de la qualité de LE BONHEUR DANS LA VILLE QUELLE VILLE IDÉALE POUR NOTRE BIEN-ÊTRE ET NOTRE BONHEUR ? vie du citoyen, la gestion des infrastructures : eau, énergie, information, télécommunications, transports, services d’urgence et de sécurité, régulation domotique des équipements et des bâtiments publics, gestion et tri des déchets, entretien automatisé des espaces verts. La réflexion où l’humain semble le principal absent, progresse à grand pas, mais les expériences concrètes, demeurent encore peu nombreuses. Si comme certains l’affirment la ville intelligente doit contribuer au développement de la démocratie participative, ne va-t-elle pas laisser au bord de la route quelques générations de citadins dépourvus de tous moyens numériques ? La ville est une structure vivante complexe en évolution permanente où les strates de l’histoire laissent des traces dans la pierre, le marbre, la brique, le béton, le verre… Elle est aussi une communauté de femmes et d’hommes pour qui les valeurs esthétiques, la vision du paysage urbain, le confort, la qualité de vie, le bien-être sont perçus de mille façons différentes. La ville est parfois monstrueuse, mais elle demeure aussi fascinante et source de multiples plaisirs et satisfactions. • 2 « Modulor » : mot créé par Le Corbusier qui résulte de l’assemblage de « module » et « nombre d’or ». « Green building » : construction écologique conçue pour diminuer l’impact du bâti sur la santé humaine et l’environnement naturel. 4 « Ville intelligente » : traduction de l’expression smart city. Ce concept émergent désigne un développement urbain apte à répondre à l’évolution des besoins des institutions, des entreprises et des citoyens, sur le plan socio-économique et environnemental. BIBLIOGRAPHIE Le Corbusier, 1955, « Architecture du Bonheur », Les Presses d’Île-de-France, Collection « Cahiers Forces vives ». Alain de Botton, 2007, « L’architecture du Bonheur ». Mercure de France. Françoise Choay, 2014, « L’urbanisme, utopies et réalités : une anthologie ». Éditions Points. Jean-Claude Mengoni, 2011, « La construction écologique : Matériaux et Techniques ». Éditions Terre Vivante. Collectif, 2014, « Ville intelligente, Ville démocratique ». Éditions Berger Levrault. © Getty Images - IGphotography 3 9 10 N°07 JUIN 2015 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR BIENÊTRE PAR L’ARCHITEC ET L’AMÉNAGEM M arcus Vitruvius Pollio, connu sous le nom de Vitruve, est un architecte romain (Ier siècle av. J.-C.), auteur du seul traité d’architecture antique qui nous soit parvenu « De Architectura »1. Il a décrit les principes fondamentaux de son art, qui doivent régir la conception de tout bâtiment : « utilitas, firmitas, venustas » (utilité, solidité, beauté). L’humaniste et architecte Leone Battista Alberti, au cours de la renaissance italienne, a médité ces principes et les a reformulés dans un livre « De re ædificatoria »2 : « commoditas, necessitas, voluptas ». « Commoditas » peut se traduire par le souci du confort en ce qui concerne un bâtiment mais aussi par le caractère accommodant, par la bonté3. Le livre d’Alberti est peut-être le premier traité humaniste d’architecture et le choix des termes n’est pas fortuit. Il est un des premiers, à placer le bonheur des hommes au cœur de son travail. Ainsi, de l’Antiquité à la Renaissance et jusqu’à nos jours, le bien-être est une préoccupation constante des architectes et même les tristes barres HLM de nos banlieues ont constitué en leur temps une amélioration nette du cadre de vie pour des populations qui vivaient dans des bidonvilles. Le bien-être est en réalité une question transversale, influencé par de nombreux facteurs : politiques, environnementaux, économiques, sociaux, etc. L’architecture et l’urbanisme ne peuvent tout résoudre mais il est possible d’intervenir concrètement sur l’environnement physique et social, d’améliorer la qualité de vie, la santé et le bien-être des gens. Cela peut prendre des formes très diverses et on peut relever de façon non exhaustive au moins quatre principes, illustrés par des cas concrets. FAVORISER L’ACTIVITÉ PHYSIQUE C’est une évidence, mais on peut tout de même le rappeler, l’activité physique est un élément essentiel de la santé et du bien-être des gens. Un usage excessif de la voiture, de l’ascenseur réduit l’activité physique ce qui favorise surcharge pondérale (voire l’obésité) et maladies cardio-vasculaires. La sédentarité multiplie par 2 le risque de présenter des pathologies cardio-vasculaires. De plus l’activité physique a un rôle préventif dans des pathologies très diverses : diabète, L'ESSENTIEL On peut relever quatre principes permettant une intervention concrète de l’architecture et de l’urbanisme sur la qualité de vie et le bien-être : • Valoriser l’activité physique par un design actif des villes et des bâtiments • Construire des bâtiments sains par une localisation, un choix de matériaux et un agencement raisonnés • Favoriser une alimentation saine 1 2 3 « Au sujet de l’Architecture » « L’Art d’édifier » Dictionnaire latin-français Gaffiot 1934 • Renforcer les liens sociaux et associer les habitants à la conception de leur quartier LE BONHEUR DANS LA VILLE BIEN-ÊTRE PAR L’ARCHITECTURE ET L’AMÉNAGEMENT URBAIN TURE ENT URBAIN PAR TEODORA DORA NIKOLOVA, R ARCHITECTEINGÉNIEUR E À IAU D’ÎDF URBANISTE BIOGRAPHIE en Bulgarie EXPÉRIENCE E PROFESSIONNELLE ÉDUCATION 2003 – 2012 > 2001 > Diplôme d’ingénieur civil, UACG, Sofia, Bulgarie 2003 > Master 2 en Urbanisme et Aménagement, boursière du gouvernement français, IFU, Paris 2007 > Diplôme d’Architecte DPLG, ENSA Paris-Belleville 2010 > Thèse de science en Bâtiments d’haute qualité environnementale, Oxford, Brookes University, GB Architecte – Ingénieur ur chez Christian de Portzamparc Architecte, e, Paul Chemetov Architecte, ecte, Michel Desvigne Paysagiste, agiste, Hamiltons Architects, Reichen et Robert & Associés, Atelier Parisien d’Urbanisme Depuis 2013 > Architecte – Ingénieur, ur, chargée d’études à l’Institut d’Aménagement ment et d’Urbanisme d’Île-de-France © Thomas Bartel 1975 > Naissance 11 12 N°07 JUIN 2015 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR incite les gens à utiliser leurs jambes. C’est le cas dans le bâtiment universitaire Cooper Union, conçu par Morphosis Architects où l’escalier central est transformé en vrai espace public, un lieu de rencontre et de communication entre les étudiants. Les ascenseurs deviennent alors accessoires avec une utilisation ponctuelle (personnes à mobilité réduite, personnes âgées, etc.). Th in ks to ck CONSTRUIRE DES BÂTIMENTS SAINS L’importance de la qualité d’un bâtiment dans le bien-être de ses utilisateurs est une notion bien connue. Les citadins occidentaux passent 90 % de leur temps à l’intérieur d’un bâtiment. Il est donc facile de com- © hypertension, obésité, ostéoporose, dépression et même certaines formes de cancer. L’organisation territoriale contemporaine de nos villes est le résultat de politiques publiques qui favorisaient il y a 50 ans la création de zones spatiales thématiques et séparées : logements, bureaux, commerces, loisirs, etc. avec des lieux de résidence, de travail et de consommation parfois très éloignés. La voiture s’est donc imposée pour rendre possible cet usage de la ville, ce mode de vie. Pour favoriser les mobilités actives, limiter voire bannir un mode de vie sédentaire, il est essentiel de développer un urbanisme de courtes distances. Cela revient à diversifier les fonctions dans la ville et à rechercher une mixité d’usage au sein de chaque quartier, afin que l’utilisation de la voiture devienne superflue. Favoriser concrètement l’activité physique de la population c’est aussi aménager des espaces attractifs, des parcs et jardins de proximité, construire des terrains et des équipements sportifs, des aménagements piétonniers et cyclables… Ce concept de design actif peut s’appliquer à la ville mais aussi à la conception de bâtiments. De nouvelles idées apparaissent. Ainsi l’escalier étroit, sombre et inconfortable, conçu comme sortie de secours est désormais désuet. Il peut reprendre sa fonction initiale, noble, de colonne vertébrale du bâtiment : large, confortable, éclairé et mis en valeur, il l’amiante en sont la plus triste illustration. À l’échelle d’un quartier, une conception urbaine médiocre peut se traduire par une mauvaise implantation et orientation du bâti, une « hyper-densité », la construction de bâtiments inesthétiques avec des volumétries inappropriées. Des exemples de ce type d’urbanisme existent en périphérie de grandes villes. Associé à d’autres problèmes sociaux, un urbanisme défaillant fait le lit de comportements antisociaux comme le vandalisme et peut amplifier un sentiment d’insécurité. Vitruve consacre un chapitre entier de son traité antique d’architecture au choix d’un lieu sain pour construire un bâtiment et un autre chapitre au choix des lieux destinés aux usages de tous les citoyens. 21 siècles après, urbanistes et architectes gardent les mêmes préoccupations. Ce qui est nouveau, c’est qu’il est possible aujourd’hui de construire des bâtiments qui interagissent de façon positive avec leur environnement. Un exemple très radical, non-réalisé, est celui du projet du Musée B-mu à Bangkok de François Roche appelé « Dusty Relief ». L’enveloppe du bâtiment représente une peau métallique qui attire et stocke la poussière de l’air par électrostatisme. Les particules collées à l’extérieur, augmentent progressivement l’épaisseur du bâtiment, l’intérieur reste propre et intact. prendre que les bâtiments insalubres, sombres, mal ventilés, construits avec des matériaux toxiques nuisent à la santé et au bien-être des gens, favorisant les pathologies physiques et mentales, ainsi que les accidents. Les nombreux scandales liés à FAVORISER UNE ALIMENTATION SAINE « Que ta Nourriture soit ta Médecine et ta Médecine, ta Nourriture » Hippocrate 4e siècle av. J.-C. En tournant le dos au monde agricole les citadins ont perdu une partie de leur culture culinaire. Combien d’enfants pensent aujourd’hui que le poisson pané est la seule forme de consommation du poisson ? Noyé dans une offre alimentaire surabondante, l’homme moderne ne sait plus comment se nourrir. LE BONHEUR DANS LA VILLE © David Sundberg - Esto Les architectes peuvent favoriser l’apprentissage de ce savoir, le renouveau d’une culture culinaire, par une réflexion appropriée dans la conception des bâtiments. Par exemple, les architectes du studio VMDO (Charlottesville, Virginie, États-Unis) ont associé des médecins et des chercheurs dans la conception du nouveau bâtiment des écoles maternelle et primaire à Buckingham (USA). Le concept est celui d’une école où la préoccupation essentielle est la santé et le bien-être des enfants. Une attention particulière a été portée à l’alimentation au point qu’elle est devenue une matière à étudier. Les architectes ont imaginé une cuisine à but éducatif et des laboratoires culinaires où les enfants apprennent aussi bien les bases de la théorie d’une alimentation saine, que la pratique de l’art culinaire. Les distributeurs automatiques de boissons ont été remplacés par des fontaines d’eau fraîche. BIEN-ÊTRE PAR L’ARCHITECTURE ET L’AMÉNAGEMENT URBAIN De la même façon le développement et le renouveau de jardins potagers à l’intérieur, en proche périphérie et même sur le toit des villes peut être mis à l’honneur par une politique urbaine volontariste. À Amsterdam, Damian O’Sullivan a transformé des bateaux pour touristes abandonnés le long des canaux en jardins flottants. Dans le port d’Helsinki, Dodo (une ONG) a installé une ferme urbaine sur un vaste espace promis à un complexe résidentiel dans une quinzaine d’années. À Munich on compte plus de 800 jardins qui occupent 35 000 jardiniers amateurs et servent de lieux de rencontre à 15 000 autres. À New York, on a recensé plus de 600 community gardens, de Manhattan à Brooklyn. Le mouvement a été encouragé par le Maire, Michael Bloomberg, qui accorde une déduction fiscale à ceux qui installent des « toits verts » sur leurs maisons. 13 Ce type d’initiative modifie l’environnement urbain, mais aussi le lien des habitants avec leur alimentation et donc avec leur corps. FAVORISER LES LIENS SOCIAUX, ASSOCIER LES HABITANTS À LA CONCEPTION DE LEUR QUARTIER Nous connaissons tous dans nos villes des bâtiments ou des endroits calmes et rassurants, d’autres vivants et stimulants et d’autres 14 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR © Thinkstock encore sombres ou déprimants. Ces lieux par leur conception, leur agencement peuvent générer des émotions, voire favoriser un état mental. Une place d’armes n’est pas un monastère dominicain et chacun de ces lieux nous affectent par la manière dont l’espace y est occupé et découpé. La notion de la qualité de vie a évolué avec le temps et ne dépend plus uniquement du confort et du bien-être physique des individus, mais aussi de leurs perceptions sensorielles. Ainsi, la sensation de sécurité est indissociable du bien-être dans un quartier mais dépend beaucoup de la qualité de l’aménagement urbain. Par ailleurs, l’isolement, la solitude, peuvent entraîner dépression, addiction, voire des comportements asociaux. La santé mentale est une partie intégrante du bien-être et de la santé publique. Contribuer à établir des réseaux sociaux et de communication, créer une atmosphère urbaine conviviale est un choix en terme d’urbanisme et d’architecture, qui peut avoir un fort impact sur le bien-être de la population. Améliorer la convivialité des lieux publics permet de lutter contre l’isolement, favorise les liens entre les différentes générations et groupes culturels, renforce le tissu associatif, et finalement la sensation de sécurité et de bien-être. Plusieurs communautés urbaines essaient aujourd’hui de mettre en pratique ces concepts afin de rendre leur ville attractive ou tout simplement agréable à vivre. La Ville de Los Angeles a lancé le programme Streets for People dédié aux initiatives novatrices pour la transformation des espaces urbains sous-utilisés. Le but de ce programme est de répondre au besoin croissant d’espaces publics plus agréables et sécurisés, de rues piétonnes, de lieux de N°07 JUIN 2015 promenades. Des partenaires privés éligibles répondent deux fois par an à un appel de candidatures, avec des projets d’aménagement et de design. Les critères : les projets doivent être développés sur une partie de la voirie en utilisant un design simple et des matériaux bon marché. La première réalisation, Sunset Triangle Plaza sur le Griffith Park Boulevard, date de mars 2012. Un secteur de la rue avait été fermé à la circulation et peint en vert fluo. Des tables, des chaises de café, des pots de fleurs, une aire de vélos ainsi qu’un panier de basket-ball y ont été intégrés. Depuis, la communauté s’est appropriée l’espace avec enthousiasme et a varié les activités en intégrant un cinéma d’été en plein air et un marché de produits fermiers. La clé de la réussite tient au fait que le coût des travaux est modeste et que « ces projets peuvent être réalisés suffisamment vite, c’est-à-dire avant que les gens ne se découragent et s’en désintéressent »4. Ce type de collaboration public-privé obtient un soutien fort de la communauté et génère des investissements pour des aménagements permanents et à plus grande échelle. Le parc urbain linéaire à Copenhague, Superkilen est un autre exemple. Autrefois peu sûr, lieu de rencontre des drogués et dealers, il accueille aujourd’hui un nouvel espace public situé au cœur du quartier multi-ethnique de NØrrebro. Aménagé en trois couleurs différentes, le parc s’étale sur une longueur de 750 m. « La place rouge » est directement connectée à la rue principale de NØrrebro qui mène vers le centre de Copenhague. Elle est dédiée aux rassemblements et aux activités sportives. La musique jamaïcaine et la couleur vive dans lesquelles elle baigne, lui donnent un souffle de jeunesse et de fraîcheur. « La place verte » représente un jardin vallonné planté qui accueille des lieux de repos et de promenade et des terrains du sport. « La place noire » héberge un marché aux puces pendant le week-end. Calme et récréative, LE BONHEUR DANS LA VILLE Léonard de Vinci connaissait l’œuvre de Vitruve et a repris son étude sur les proportions de corps humain. elle est investie par les personnes âgées et les enfants. La population des quartiers voisins a été intégrée autant que possible au projet, de la conception architecturale à la réalisation. Les artistes du groupe Superflux ont travaillé avec les habitants pour choisir le mobilier urbain. Des voyages ont été organisés dans leur pays d’origine, afin qu’ils puissent ramener les 120 pièces de ce mobilier. On trouve ainsi, un toboggan japonais en forme de pieuvre qui voisine avec des balançoires de Bagdad, des bancs belges, une fontaine marocaine, un panier de basket somalien, une station de bus Kazakh, un ring de boxe thaïlandaise, des poubelles écossaises et même de la terre palestinienne… La collecte a été réalisée dans 57 pays et illustre la richesse ethnique de ce quartier. Cet endroit est devenu un lieu de rencontre de populations très variées. Dès son inauguration en 2012, ce parc aux couleurs et design originaux est devenu l’endroit préféré des habitants des quartiers voisins. ARCHITECTURE, BIEN-ÊTRE ET HUMANISME La qualité de vie et le bien-être dans les villes peuvent être influencés par des choix d’urbanisme et des concepts architecturaux. Quatre 15 principes ont été retenus de façon non exhaustive pour cet article. Il n’y a pas de recette miracle, ni de solution unique, mais un ensemble de pratiques et de concepts qui permettent de créer un milieu urbain sain et favorisent la santé physique, mentale, et le bien-être de la population. Dans son livre, Alberti traite de l’architecture (et de l’urbanisme) comme d’une science humaine globale qui s’occupant de l’homme comme individu singulier et membre d’une communauté, prend soin de l’insérer dans un territoire, afin de contribuer au bonheur de son existence. L’architecture naît en même temps que l’homme et se développe parallèlement à la société, qu’elle contribue à protéger et à structurer. Il souligne, en outre, l’importance du dialogue en architecture : « Il n’y pas d’architecte sans dialogue ». L’architecture, comme le langage, doit pour lui consolider les relations entre les hommes. L’architecture peut favoriser le bien-être, si elle garde ces préoccupations humanistes au cœur de sa pratique et laisse toute sa place au dialogue avec les citoyens. • 4 Bill Roschen, Président de la Commission de Planification Urbaine de la Ville de Los Angeles : www.peoplest.lacity.org BIBLIOGRAPHIE Boutté F., D’une approche bâtimentaire à une approche globale et territoriale, archidrée n°363, oct/nov 2013, p. 43-55. Caye P. et Choay F., L’art d’édifier [De re ædificatoria], Paris : le Seuil, 2004. Coeudevez C. et Déoux S., Bâtiments, santé, le tour des labels, Médieco Éditions, 2011, 174p. Eleb M. et Simon Ph., Entre confort, désir et normes : le logement contemporain (1995-2010), PUCA, Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer, 2012. Thibault G. et Pouliot P., Quantité d’activité physique requise pour en retirer des bénéfices pour la santé, Synthèse de l’avis du Comité scientifique de Kino-Québec et applications, Ministère de l’Éducation, direction des communications, Gouvernement du Québec, 1999. Vitruve, De architectura, traité d’architecture en 10 livres, rédigé en latin, dédié à l’empereur Auguste, -25. : http://remacle.org/ bloodwolf/erudits/Vitruve/ © Iwan Baan LE SAVIEZVOUS ? BIEN-ÊTRE PAR L’ARCHITECTURE ET L’AMÉNAGEMENT URBAIN Le parc urbain Superkilen à Copenhague. LA NATU EN VILLE, FACTEUR D’UN BIEN AU QUOTIDIEN PAR LAURÈNE WIESZTORT, GÉOGRAPHE, SPÉCIALISTE DE LA NATURE EN VILLE BIOGRAPHIE © Thomas Bartel 16 N°07 JUIN 2015 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR 1983 > Naissance 2006 > Diplôme d’Ingénieur en Maîtrise des opérations de réhabilitation urbaine 2011 > Doctoresse en Géographie. « La réinsertion de la nature en ville et le développement durable. Étude de cas dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Méthode comparative avec des villes françaises et étrangères » 2007-2013 > Enseignante et chercheuse à l’Université d’Artois, l’IUFM, l’ENTE 2013-2015 > ATER à l’Université d’Artois LE BONHEUR DANS LA VILLE RE ÊTRE L'ESSENTIEL La nature est un facteur de bien-être. Celle-ci est peu présente en ville créant un manque important chez les citadins, notamment des grandes villes denses. Depuis quelques années, il y a une prise de conscience des bienfaits de la nature en ville pour notre planète (lutter contre le réchauffement climatique et la baisse de la biodiversité) et pour les citadins (un cadre de vie plus agréable, une offre de loisirs, une ville aérée et purifiée). Ainsi, les projets de renaturation se multiplient et prennent des formes très diversifiées : coulées douces sur les berges, parcs urbains, toitures et murs végétalisés… très appréciés et pratiqués par les urbains. LA NATURE EN VILLE, FACTEUR D’UN BIEN-ÊTRE AU QUOTIDIEN 17 SELON E. O. WILSON L’HOMME A TOUJOURS EU UNE ATTIRANCE POUR LA NATURE, IL A UN BESOIN INNÉ ET VITAL D’ÉTABLIR UNE RELATION AVEC LE MONDE VIVANT QUI SERAIT INSCRIT DANS SON PATRIMOINE GÉNÉTIQUE. D ans la recherche, on utilise le terme d’« aménité environnementale » pour évoquer les apports de la nature à l’homme en termes de bien-être, d’inspiration artistique ou même spirituelle. Le biologiste Edward Osborne Wilson parle de biophilie qu’il définit comme l’attirance de l’homme pour la nature, expression d’un besoin inné d’établir une relation avec le monde vivant. Un besoin vital qui serait inscrit dans notre patrimoine génétique. Les relations ville-santé font l’objet de travaux de recherche qui font suite à des pratiques opérationnelles en urbanisme qui sont restées dominées depuis le XIXe siècle par les notions d’hygiène ou de salubrité. Ce n’est que depuis une dizaine d’années que la notion de « bien-être » a émergé dans le champ scientifique français. Cette notion a contribué à ouvrir le domaine des questionnements sur les relations entre la santé et les environnements habités, vers de nouvelles dimensions perceptives, sensorielles, vécues. Parallèlement, le bienêtre ou le bonheur devenait aussi une notion-clé des organisations internationales. En 2012, l’ONU exprime son souhait d’évaluer le développement d’un pays non plus seulement à partir des richesses mais également en mesurant le niveau de bienêtre et de bonheur de sa population. Un indicateur qui semblerait informer davantage sur les conditions de vie que les indicateurs habituels (PIB, IDH…). L’OCDE publie également en 2014 un certain nombre d’indicateurs de bien-être régional et local, résultats d’un projet d’étude intitulé « Comment va la vie dans nos régions ? ». L’intérêt des scientifiques vers de nouveaux champs de recherche portant sur les relations entre les sociétés et leur environnement – relations saisies sous le prisme de la santé – s’est trouvé également décuplé par la montée du développement durable, la mise en évidence des changements climatiques, de l’impact des villes sur l’environnement. Aujourd ’hui peu d ’études encore se penchent sur la question des impacts de la nature sur l’Homme et son bien-être, mais récemment certains programmes de recherche étrangers attestent d’une fonction positive. L’interaction Homme-Nature est favorable sur de nombreux plans : santé, relation sociale, productivité au travail. Notons que dans ces études la notion de nature est synonyme de végétal uniquement. La faune n’est pas prise en compte. Les bienfaits – environnementaux, économiques, sanitaires – de la nature en ville sont désormais reconnus et valorisés par les habitants, les élus mais également les promoteurs ou encore les architectes. Les projets d’aménagement en milieu urbain intègrent de plus 18 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR (forêt, réserve naturelle, parc paysager) ou la simple vue de la nature par sa fenêtre (au bureau, à l’école, à la maison, à l’hôpital) peut exercer des bienfaits considérables (Guéguen N., 2012). La nature est bénéfique pour la santé de manière directe et indirecte. Par exemple, les parcs contribuent à améliorer la santé de en plus la dimension nature, au travers de nouveaux parcs, d’aménagements des rives de fleuves, de murs végétaux… Abordons ces aménités environnementales en milieu urbain à travers 4 axes, dans lesquels nous nous référerons à des études internationales menées sur la question. LA NATURE CONTRIBUE À L’AMÉLIORATION DE NOTRE SANTÉ Quels sont les impacts qu’exercent la nature et les éléments dits naturels en ville sur notre comportement et notre bien-être physique et mental ? Il s’avère que l’immersion dans un lieu ayant une forte diversité végétale © Thinkstock Le parc Güell à Barcelone. N°07 JUIN 2015 ristique en milieu urbain n’a aucun effet bénéfique sur notre métabolisme. De même, la vue sur un espace de nature ou des éléments de nature est très importante pour un citadin, c’est même considéré comme une plus-value (valeur du foncier) et d’ailleurs la proximité avec un espace vert est le facteur le plus déterminant dans son LES ARBRES, LES FLEURS, LES PARCS STIMULENT NOS RELATIONS SOCIALES, NOS APTITUDES MENTALES. LA NATURE NOUS FAIT DU BIEN, ELLE AMÉLIORE NOTRE CADRE DE VIE, NOS CONDITIONS DE VIE ET EMBELLIT NOTRE QUOTIDIEN. la population par le fait qu’ils sont des lieux qui facilitent la pratique d’activités physiques telle que la marche à pied. Une étude de Bunn-Jin Park et al en 2009 montre que l’endroit où nous pratiquons une activité a des effets différenciés sur le sportif. Ainsi, pour améliorer les effets cardio-protecteurs, il est préférable de marcher dans un espace naturel plutôt que dans la rue. Les travaux en 2010 du chercheur japonais Quin Li de la Faculté de médecine attestent aussi des bienfaits immunitaires d’une balade au cœur d’un espace boisé (augmentation des cellules tueuses naturelles) alors qu’une balade tou- choix résidentiel. Plusieurs études, réalisées dans des cadres et contextes différents (hôpital, prison, école, entreprise) ont montré que la vue que l’on a de sa fenêtre peut influencer nos humeurs (diminution du stress, de la violence, sérénité) et notre santé. En effet, les travaux d’Ulrich en 1984 montrent une récupération plus rapide après une intervention pour des patients ayant de leur chambre une vue sur des arbres par rapport à des patients ayant une vue sur un mur de briques. Raanaas, Patil et Hartig (2010) montrent également que la présence de plantes à l’intérieur d’une structure de 19 LA NATURE EN VILLE, FACTEUR D’UN BIEN-ÊTRE AU QUOTIDIEN convalescence a une influence positive sur multiples formes (parcs, jardins, espaces l’état de santé des patients (meilleure gestion libres) constitue pour les citadins un moyen de la douleur, diminution du rythme car- de renouer avec les cycles de vie, les saisons. diaque et de la pression systolique, meilleur Ce sont des repères de la vie, du temps qui rétablissement) et cela vaut sur le long terme, passe dans ce paysage artificiel qu’est la ville. même après la sortie du patient. Une étude Cela explique l’attachement que peuvent avoir autre a été menée en 2009 en Hollande sur les citadins aux arbres centenaires… en raison un échantillon de 400 000 individus, ayant de cette symbolique : l’arbre sein qui traverse dans un rayon équivalent autour de leur lieu les siècles… de vie, peu ou un nombre important d’espaces verts. A été mise en évidence l’existence ou LA NATURE-DÉCOR. non de diverses pathologies selon le pour- LA NATURE PERMET DE CRÉER centage d’espaces verts dans ce rayon (10 % DES VILLES ESTHÉTIQUES, et 90 %). Après s’être assuré qu’il n’y ait pas AGRÉABLES À VIVRE de grandes différences de statuts socio- La vue sur la nature est importante pour notre économiques entre les individus de l’échan- bien-être et notre santé, mais nous savons tillon, la prévalence de certaines maladies aussi que l’Homme aime le beau, l’esthétique. selon le degré de verdure environnante a été Ainsi en ville, le végétal est devenu un élément observée. Pour toutes les données, celles-ci étaient plus élevées lorsque les individus avaient peu d’espaces verts dans leur environnement quotidien que ce soit pour les troubles cardiovasculaires (hypertension, AVC), musculaires (douleurs diverses), mentaux (dépression, troubles de l’anxiété), respiratoires (infection, asthme), neurologiques (migraines, vertiges), digestifs et autres (eczéma, infection urinaire, diabète, cancer) etc. Ces résultats nous prouvent une fois de plus que la présence de nature dans notre cadre de vie a une influence sur notre santé au quotidien. Le végétal a un réel Les jardins de Versailles impact positif pour les individus qui en profitent, soit par la pratique ou par d’embellissement, il participe à l’amélioration la simple vue. N’oublions pas également que du cadre de vie, je parle alors d’une naturenos ancêtres se soignaient à partir de plantes décor. La nature en ville c’est surtout du médicinales, nos fameux « remèdes de fleurissement qui va participer à la mise en grand-mère » souvent élaborés à partir d’in- valeur d’une place, d’un patrimoine bâti, grédients naturels. Dans les cultures arabo- c’est des arbres d’alignement qui off rent une persane, chinoise, africaine et amérindienne, perspective sur un grand boulevard. Le cette médecine traditionnelle à base de concours « ville et village fleuris » créé en 1959 plantes prime. C’est ce que l’on appelle la permet de promouvoir le développement des phytothérapie. De plus, la nature, sous ses espaces verts dans les communes françaises et participe à l’image de marque de la commune. Parmi les critères de notation : la démarche de valorisation par le végétal et le fleurissement de la commune. Chaque ville prend soin de fleurir ses rues, ses places principales et les particuliers en font de même en fleurissant leurs balcons, les appuis de fenêtre, en tondant leur pelouse. Une nature qui est ordonnée, réfléchie, mise en scène, créant des tableaux agréables au regard, on parlera d’une nature paysagée. De nombreuses enquêtes ont révélé que les citadins veulent dans les parcs ou dans leurs jardins retrouver des séquences paysagères, agréables à contempler. En France, cela est sans doute dû à notre héritage des jardins à la française. Appelés également jardins réguliers ou classiques, ils sont pensés avec des agréments, expression du classicisme dans l’art des jardins, autrement dit la recherche de la perfection formelle, d’une majesté théâtrale. Versailles en est un parfait exemple. Cependant, les jardins anglais ont pris le contre-pied et sont très appréciés par les citadins car ils offrent une diversité de paysages et surtout leur conception permet des aménagements multiples pour répondre à la demande sociale (pelouses praticables, plan d’eau, succession de points de vue, des chemins irréguliers, une multitude d’espaces variés). Nous pouvons citer de nombreux parcs conçus de la sorte, très appréciés, parmi eu x : Victoria Park (Londres), Central Park (New York), Englischer Garten (Munich)… La qualité des espaces verts publics, en termes d’harmonie paysagère, d’aménagement, d’entretien et de fonctionnalité a une influence directe sur leur fréquentation et © RMN - Grand Palais (musée du Louvre) - Gérard Blot LE BONHEUR DANS LA VILLE la satisfaction des citadins. Et à l’échelle de la ville, leur qualité, la beauté des parterres fleuris, des arbres d’alignement, contribue à l’image de marque et à l’attractivité du territoire. Central Park à New York ou les jardins de l’Alhambra à Grenade ou même encore le Parc de la Tête d’Or à Lyon sont des exemples de parcs qui ont fait la renommée de la ville. LA NATURE SYNONYME D’ESPACES DE LOISIRS ET DE DÉTENTE QUI CRÉE DU LIEN SOCIAL Dans le contexte actuel de volonté de concevoir des villes durables, de nombreuses politiques publiques sont mises en place pour réinsérer de la nature en ville. Elles sont surtout une réponse à la demande sociale. Il y a un manque de nature ressenti et exprimé notamment dans les grandes villes. Cela est dû à la forte minéralité des villes mais aussi LE SAVIEZVOUS ? au phénomène d’étalement urbain qui repousse toujours plus loin les campagnes (les espaces agricoles mais aussi naturels qui permettent de développer des pratiques de loisirs). Ainsi, aujourd’hui l’objectif est de combler ce manque en offrant aux urbains des espaces d’agréments, des lieux de promenade (multiplication des voies douces) et de pratiques sportives de plein air ou la possibilité de cultiver un jardin familial au cœur de leur ville. L’enjeu est sociétal. Les citadins doivent disposer à proximité de chez eux, d’un espace de détente et de loisirs, pour favoriser leur épanouissement et leur bien-être. Les parcs par exemple, jouent un rôle crucial pour répondre à cette demande. Les citadins attendent beaucoup de ces espaces publics. Nombreux sont ceux qui veulent y trouver des jeux pour enfants, des sentiers de promenade adaptés et des équipements pour se reposer, contempler la nature ou manger (bancs, table de piquenique) mais aussi pour pratiquer des activités sportives. De nos jours, le parc urbain doit posséder quelques boucles pour la course à pied, mais également depuis quelques Plus on s’approche du centre-ville et plus le thermomètre grimpe ! La végétation absorbe cette chaleur pour mieux réguler la température. © Thinkstock 20 N°07 JUIN 2015 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR années, on constate une demande accrue de parcours de remise en forme. Les parcs urbains sont aussi des lieux d’échange et de convivialité. La nature sous toutes ses formes peut être support d’activités off rant de nombreuses opportunités pédagogiques ou ludiques (jardinage, jeu, terrain d’aventure, observatoire de la biodiversité, cueillette, festivité). Par exemple, les espaces de nature sont des lieux privilégiés de rencontres intergénérationnelles et de mixité sociale. Une enquête réalisée en 2012 à Lyon par Lise Bourdeau-Lepage révèle que pour les individus interrogés de plus de 50 ans et en particulier les personnes âgées (plus de 70 ans), la fonction première d’un parc est de permettre les rencontres et les activités sociales à hauteur de 65 %. Moins onéreux que certaines structures en dur, ils peuvent être un vecteur pour rompre l’isolement. Ainsi, ils contribuent véritablement à l’épanouissement des habitants et améliorent leur quotidien. Parlons des jardins cultivés en ville. Nous ne pouvons parler des potagers urbains sans citer la « green guerilla » qui est un mouvement contestataire de la fin du XXe siècle qui acte pour la non-privatisation des espaces et permet la reconquête des délaissés urbains par la création de potagers publics. En France, ces potagers très prisés (liste d’attente) ont fini par être placés sous contrôle d’associations et clôturés… La volonté première qui LE BONHEUR DANS LA VILLE LA NATURE DANS LA CONSTRUCTION DE LA VILLE, COMME ÉLÉMENT D’UTILITÉ PUBLIQUE Nous ne pouvions pas conclure cet article sans aborder la question du végétal dans la conception des villes durables, mais aussi les constructions dites écologiques. Par cela, la nature a une utilité publique. Nous pouvons citer plusieurs exemples. Dans un premier temps, les espaces verts favorisent la rétention de l’eau de pluie par l’infi ltration et l’absorption. Par conséquent, ils participent à la recharge des nappes phréatiques tout en limitant les risques d’inondation et d’érosion des sols. De même la présence du végétal joue un rôle de régulateur thermique. À l’ère du réchauffement climatique, la nature rend la ville plus vivable, assurant une meilleure 21 © Shutterstock - Littleny était de créer des potagers et de les ouvrir au public, est parfois reprise comme c’est le cas à Rennes avec les « jardins de curés », composés d’un jardin des senteurs, d’un verger accessible à tous (rhubarbe, framboisiers, fraisiers), de jeux pour enfants, de terrains de pétanque, d’étendoirs à linge. Un espace propice aux rencontres, au partage et échanges entre voisins et à la convivialité. Soutenus ou mis en place par des associations, les jardins partagés sont de plus en plus nombreux et permettent un rapport à la nature direct (cultiver, produire ses propres légumes). Grands-parents et petitsenfants, voisins se transmettent un savoirfaire, les vertus de la patience. De plus, plusieurs études ont montré que le jardinage a de nombreuses répercutions positives sur le plan de la santé. Il améliore l’état physique et mental des individus qui le pratique, notamment pour les personnes âgées (souplesse, densité osseuse, stimulation mentale). Les Anglais ont d’ailleurs créé les « healing gardens », des jardins thérapeutiques dans les centres médicaux qui sont associés au protocole de soins de certains patients (ex. : patients atteints d’Alzheimer). LA NATURE EN VILLE, FACTEUR D’UN BIEN-ÊTRE AU QUOTIDIEN « Battery Urban Farm », Jardin cultivés à Manhattan, New York. humidification de l’air et en réduisant ainsi les effets de l’îlot de chaleur urbain. Le confort l’été, notamment en période de canicule, en est considérablement amélioré. C’est pour cette caractéristique que le végétal a fait son apparition dans les nouvelles techniques de conception des bâtiments basse consommation (toitures végétalisées, murs végétalisés). De plus, les plantes ont également la capacité d’épurer l’air en recyclant le dioxyde de carbone en oxygène et ont des capacités dépolluantes (on parlera de phytoremédiation) puisqu’elles peuvent réduire les facteurs allergènes et les maladies respiratoires. Ainsi, on comprend l’enjeu de multiplier ce type de structures végétales mais aussi de réinsérer, de recréer des espaces de nature en ville (bois, zones humides) pour notre bien-être quotidien. Tous ces travaux nous montrent qu’indéniablement la nature a sa place en ville quels que soient la culture, le pays. La présence d’arbres, de fleurs, de parcs stimule nos relations sociales, certaines de nos aptitudes mentales. La nature nous fait du bien, elle améliore notre cadre de vie, nos conditions de vie, elle embellit notre quotidien et par cela incontestablement elle est pour les citadins une source de bien-être et de santé sur du long terme lorsqu’elle est accessible… • BIBLIOGRAPHIE André Ch, 2012, Notre cerveau a besoin de nature, Cerveau & Psycho-n°54. GUEGUEN N. et MEINERI S., 2012, Pourquoi la nature nous fait du bien, Dunod. Park B.J., Tsunetsugu Y., Kasetani T., Morikawa T., Miyazaki Y., 2009, Physiological effects of forest recreation in a young conifer forest in Honokage Town, Japan. Silva Fennica. Raanaas RK, Patil GG, Hartig T, Janvier 2012, Health benefits of a view of nature through the window: a quasi-experimental study of patients in a residential rehabilitation center. ULRICH, R. 1984, View through a window may influence recovery from surgery. Science. UNEP-IPSOS, 2008, Les Espaces verts de demain. Usages et attentes des Français. Wiesztort L., 2013, Les représentations et les attentes des citadins en termes d’espaces de « nature » en ville. In La ciudad, un espacio para la vida. UANL-UGR 22 N°07 JUIN 2015 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR LA BIODIVER URBAINE E n biologie, la biodiversité est simplement la diversité biologique. Elle intègre tous les niveaux biologiques : la diversité des gènes au sein d’une population (diversité génétique), la diversité des populations au sein d’un écosystème (diversité spécifique) et la diversité des interactions et des écosystèmes terrestres (diversité écosystémique). Du fait de l’emboîtement de ces différents niveaux de la biodiversité, il est impossible d’avoir une mesure absolue de la biodiversité et, souvent, nous nous focalisons sur la diversité spécifique en négligeant le niveau génétique et écosystémique. Robert Barbault parlait du « tissu du vivant » comme synonyme de la biodiversité pour faire bien ressortir les interactions qui existent entre les populations (compétition, prédation, parasitisme, mutualisme) afin d’y intégrer la dimension écosystémique. Depuis la conférence de Rio (1992), le terme de « biodiversité » n’est pas seulement utilisé pour sa définition biologique mais est devenu un concept véhiculant différents messages : la biodiversité est en déclin ; l’homme fait partie de la biodiversité ; le déclin de cette biodiversité est en partie dû aux activités anthropiques ; or, l’Homme dépend de la biodiversité comme ressources (aliments, pétroles, médicaments…), comme services écosystémiques (filtration de l’eau, régulation du climat…) et comme ressources spirituelles et esthétiques. Il serait donc logique d’éviter son déclin tout en maintenant nos activités. C’est dans ce contexte qu’est né le « développement durable » qui prône le développement d’une activité anthropique respectueuse de la biodiversité. Parallèlement, l’environnement urbain est en constante expansion depuis ces dernières années. Une récente étude prédit qu’en 2030, plus de 5 milliards d’humains seront urbains et que l’environnement urbain augmentera de 1,2 million de km² (équivalent à une surface d’un pays comme l’Afrique du Sud), triplant ainsi sa surface à l’échelle terrestre1. Cet environnement urbain a ses propres particularités dont le fonctionnement est étroitement lié aux activités humaines et qui s’est vu être colonisé par de nombreuses espèces qui se sont acclimatées ou adaptées à ce nouvel environnement. C’est dans ce contexte qu’est née une nouvelle discipline : « l’écologie urbaine ». Celle-ci vise à décrire et à comprendre le fonctionnement de la biodiversité urbaine. Plus précisément, cette science est l’étude des processus déterminant l’abondance et la distribution des organismes, des interactions entre organismes, des interactions entre organismes et l’environnement, et des flux d’énergie et de matière dans l’écosystème urbain. L’environnement urbain est essentiellement dépendant des activités de l’Homme (environnement 1 Seto et al. 2012. Global forecasts of urban expansion to 2030 and direct impacts on biodiversity and carbon pools. PNAS 109: 16083-16088. L'ESSENTIEL La biodiversité intègre tous les niveaux biologiques : des gènes aux écosystèmes. Bien qu’elle rende de nombreux services, nos activités participent à son inexorable déclin. L’environnement urbain semble être hostile à toutes formes de biodiversité, néanmoins elle s’y est installée. Nous la connaissons peu, or cet environnement ne cesse de croître. Elle est essentiellement dépendante des activités de l’Homme mais aussi de son comportement et de ses choix vis-à-vis de celle-ci en ville. Les premières études révèlent que la ville constitue une vitrine de la biodiversité spécifique locale présente en dehors des villes. Celle-ci renferme également des interactions écologiques originales et pourrait rendre de nombreux services aux citadins. LE BONHEUR DANS LA VILLE LA BIODIVERSITÉ URBAINE 23 SITÉ PAR JULIEN GASPARINI, SORBONNES UNIVERSITÉS, UPMC UNIV PARIS 06, INSTITUT D’ÉCOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’ENVIRONNEMENT DE PARIS, 75005 PARIS, FRANCE BIOGRAPHIE 1977 > Naissance à Saint-Denis (93) 2004 > Thèse de doctorat en Écologie à l’Université Pierre et Marie Curie (Sorbonne Universités) 2004-2007 > Premier assistant à l’Université de Lausanne (Suisse) 2014 > Responsable du pôle d’Écologie Urbaine au sein de l’Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement de Paris. © Thomas à l’Université Pierre et Marie Curie (Sorbonne Universités) au sein du laboratoire Écologie et Évolution puis au sein de l’Institut d’Écologie et des Sciences de l’Environnement de Paris. Bartel Depuis 2008 > Maître de conférences LA BIODIVERSITÉ URBAINE, LES PREMIÈRES APPROCHES DESCRIPTIVES Les premiers travaux ont consisté à décrire la présence ou l’absence des différentes espèces. Dans ce contexte, les hypothèses étaient les suivantes. Premièrement, les chercheurs s’attendaient à ce que l’urbanisation entraîne une diminution de la diversité spécifique du fait de la fragmentation et la perte de l’habitat d’origine. Deuxièmement, ils s’attendaient également à ce que la diversité spécifique soit homogène entre toutes les villes à la surface du globe du fait des flux commerciaux et migratoires d’humains entre villes entraînant des échanges bio- Blanc (2 %) Barré (34 %) © Thinkstock physico-chimique, sonore, lumineux, topographique…) mais aussi de son comportement et de ses choix vis-à-vis de la biodiversité en ville (régulation de population, gestion de la nature, perception de la nature, poubelle et marché comme source de nourriture, parc et jardin, espèces domestiques devenues férales…). Ainsi, le fonctionnement de l’écosystème urbain est soumis à une dynamique particulière pour lequel nous disposons de très peu d’information en comparaison avec les écosystèmes non anthropisés. tiques entre les villes (échanges de graines, de pollens, d’animaux qui suivent l’homme dans les transports). Une étude a récemment testé ces deux hypothèses2 en recensant les espèces de plantes et d’oiseaux s’étant installées dans 147 villes (de 13 000 à 18 millions d’habitants) des 5 continents. Les résultats montrent, en effet, que les villes concentrent, moins de biodiversité spécifique que les habitats d’origine. Les villes n’hébergent que 5 % des 14 240 d’espèces de plantes vasculaires et que 20 % des 10 052 d’espèces d’oiseaux. Mais contrairement aux prédictions, les villes ne sont pas homogènes en terme de biodiversité spécifique. En effet, l’étude révèle que la majorité des oiseaux et des Damier (26 %) Figure 1 : Polymorphisme de couleur du plumage chez le pigeon des villes. plantes vasculaires sont des espèces natives de la région géographique. Les villes sont en fait une vitrine de la biodiversité locale. Si nous nous plaçons à l’échelle des familles, nous constatons effectivement que 65 % des familles de plantes vasculaires et 73 % des familles d’oiseaux sont représentées en zone urbaine. De plus, l’étude révèle qu’il y a relativement peu d’espèces cosmopolites. Les espèces les plus cosmopolites sont le pigeon urbain (Columba livia) et le pâturin annuel (Poa annua). Néanmoins, l’homogénéisation de la biodiversité est peut-être actuellement en cours et d’ici quelques années nous assisterons à la disparition des espèces locales au profit des espèces cosmopolites. Damier foncé (28 %) Noir (10 %) © Thinkstock 24 N°07 JUIN 2015 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR LE BONHEUR DANS LA VILLE Au niveau de la diversité génétique, mes recherches se sont focalisées sur une espèce cosmopolite : le pigeon urbain. Celui-ci présente une étonnante diversité de couleur ayant une base génétique en milieu urbain (Figure 1). Dans son environnement natif, les falaises de la Méditerranée, cette diversité de couleur est absente, seuls les pigeons « barrés » composent les populations natives. Pour comprendre l ’origine de cette biodiversité des populations urbaines, il faut comprendre l’histoire évolutive des pigeons. Les pigeons ont été domestiqués depuis plusieurs milliers d’années avant J.-C. pour leur chair et pour leur faculté à revenir sur leur lieu de naissance ; très pratique pour envoyer des messages avant l’apparition du téléphone. Cette domestication a entraîné une sélection artificielle importante, parfois sur des qualités esthétiques comme la couleur. Après l’arrivée du téléphone, les pigeons sont redevenus sauvages et ont colonisé le milieu urbain. Cette diversité de couleurs a alors été soumise aux pressions de sélection de l’environnement urbain. Une partie de la diversité issue de la domestication est a lors maintenue. Pourquoi ? En fait, les gènes codant pour la couleur du plumage codent également pour des hormones régulant différentes grandes fonctions physiologiques et comportementales comme l’assimilation de la nourriture3. En effet, nous avons montré que les pigeons noirs rentabilisaient mieux une forte disponibilité en nourriture que les pigeons les plus clairs. Inversement, les pigeons noirs toléraient moins le manque de nourriture que les pigeons les plus clairs. L’environnement urbain étant très variable dans le temps et dans l’espace, celui-ci entretient, fi nalement, le maintien de cette diversité de couleurs. Plus simplement, les différentes couleurs reflètent des adaptations à différentes niches écologiques comme la disponibilité en nourriture ou la pollution. Ainsi, les propriétés de la ville maintiennent, dans le cas du pigeon, une biodiversité LA BIODIVERSITÉ URBAINE génétique plus élevée que dans le milieu natif… Au niveau écosystém ique, com me l’environnement urbain est un nouvel environnement, beaucoup de populations se sont adaptées ou acclimatées créant ainsi de nouvelles interactions biotiques. La différence entre ces deux mécanismes est souvent mal comprise. Le premier, l’adaptation, résulte d’un mécanisme évolutif : la sélection naturelle. Brièvement, la sélection naturelle maintient les génotypes qui codent pour des phénotypes les plus efficaces en termes de survie et de reproduction dans un environnement LE SAVIEZVOUS ? L’environnement urbain triplera de surface entre 2000 et 2030, soit une augmentation équivalente à un pays comme l’Afrique du Sud. donné. À l’inverse, elle élimine les génotypes les moins efficaces. L’acclimatation est le fait qu’un génotype est plastique et que les individus peuvent ajuster leur phénotype en fonction de l’environnement. Le bronzage chez l’homme est un exemple classique de plasticité ; notre couleur fonce en fonction de l’exposition au soleil. Quel que soit le mécanisme, l’environnement urbain, par son originalité, a vu émerger de nouvelles chaînes alimentaires. L’exemple le plus parlant est le cas de la chouette hulotte (Strix aluco) à Marseille4. Cette espèce est un oiseau de proie nocturne, principalement 25 forestier. Son régime alimentaire se constitue essentiellement de mulots ou de campagnols en milieu forestier. L’étude des pelotes de réjections des chouettes hulottes de Marseille montre que son régime alimentaire se constitue essentiellement de limaces ! LA PERCEPTION HUMAINE, FACTEUR INFLUENÇANT LA BIODIVERSITÉ URBAINE Finalement, l’interaction biotique la plus originale en ville est l’interaction entre l’homme et la biodiversité. En effet, dans cet espace confiné, l’interaction entre l’homme et la biodiversité est beaucoup plus forte et va jouer un rôle moteur et dynamique sur la biodiversité. Plus particulièrement, la perception des citadins va grandement influencer celle-ci. Au niveau de la biodiversité spécifique, nous n’avons pas le même regard sur les espèces comme les chardons, les blattes, les rats et les pigeons que sur les espèces comme les roses, les abeilles, les moineaux et les mésanges. Les blattes, qui envahissent nos cuisines en ville, sont systématiquement stigmatisées et sont soumises à des méthodes de régulation par les citadins (utilisations d’insecticides). En y réfléchissant, les blattes n’ont pas d’effets négatifs sur nos activités. Seule leur présence dérange. En utilisant des insecticides, l’effet est certes relativement efficace sur les populations de blattes mais va aussi éradiquer les populations de la biodiversité non ciblée. De plus, les autorités publiques peuvent décider 2 Aronson et al. 2014. A global analysis of the impacts of urbanization on bird and plant diversity reveals key anthropogenic drivers. Proceedings of the Royal Society of London B 281: 20133330. 3 Jacquin Lisa. 2011. Coloration mélanique et stratégies d’histoire de vie chez le pigeon biset urbain. Thèse de Doctorat de l’Université Pierre et Marie Curie (Sorbonne Universités) sous la direction de Julien Gasparini. 4 Bayle Patrick. 2012. Étude du régime alimentaire d’un couple de chouette hulotte en milieu urbain (Marseille). Publication en ligne le 12 janvier 2015 à l’adresse suivante : http://www.hulotteparisienne.fr/index1.php4?p=action2&auth=2 de réguler et gérer la nature en ville afin de satisfaire la perception de la place de la biodiversité en ville. C’est dans ce contexte que la mairie de Paris a mis en place une méthode de régulation des populations de pigeons en installant des pigeonniers « contraceptifs ». À l’inverse, les abeilles sont perçues comme « gentilles » par les citadins car elles participent à la pollinisation et fabriquent du miel (et pourtant elles piquent !). C’est ainsi que certaines municipalités franciliennes ont placé des ruches sur nos toits favorisant le développement de cette population. Les perceptions sont susceptibles de varier dans le temps et dans l’espace, la biodiversité avec ! LA BIODIVERSITÉ URBAINE AU SERVICE DU BONHEUR DES CITADINS Cette biodiversité détestée, comme les rats ou les blattes, peut, quelle que soit sa renommée, rendre des services intéressants aux activités humaines en zone urbaine. En effet, les rats et les blattes se nourrissent essentiellement des déchets du métabolisme urbain, ce sont de véritables éboueurs de nos rues et de nos appartements qui ne coûtent rien aux contribuables. Parallèlement, l’agriculture urbaine est en pleine expansion et la biodiversité des villes peut apporter sa contribution. C’est le cas des abeilles pour la production de miel. Nous pouvons également reparler du pigeon dont les fientes pourraient fournir un fertilisant local. Je ne parlerai pas de la possibilité de manger celui-ci. Nous ne sommes pas encore prêts. Mais cette agriculture urbaine serait très intéressante puisque le pigeon se nourrit de nos déchets. Il pourrait rendre le service d’éboueur-recycleur en transformant nos déchets en nourriture. Nous pourrions alors consommer ses œufs ou ses pigeonneaux. Les vers de terre sont également très présents dans les sols des parcs et jardins urbains. Or, ce dernier a la réputation d’aérer le sol et de minéraliser la matière organique du sol, la rendant plus assimilable par les plantes, favorisant la production des cultures. De plus, plusieurs organismes vivants séquestrent des polluants dans différents organes. C’est le cas par exemple de certaines plantes qui séquestrent les métaux traces (= métaux lourds). Bien évidemment, quand la plante meurt, les métaux sont relargués dans l’environnement. Mais, si les populations de plantes se maintiennent dans le temps (certaines meurent et d’autres naissent), c’est d’autant moins de métaux traces auxquels N°07 JUIN 2015 nous sommes exposés. Je finirais enfi n par le constat qu’intrinsèquement, nous sommes émerveillés par la biodiversité. Il suffit pour cela d’aller se promener dans la rue et de regarder les enfants courir en rigolant après les pigeons ou de souffler sur les fleurs de pissenlits. Les citadins sont également fascinés quand je leur raconte que le pigeon urbain est un des rares représentants aviaires à allaiter ses poussins avec du lait de jabot. Les deux sexes participent à cet allaitement. Plus généralement, nous allons au zoo ou aux parcs botaniques pour s’émerveiller de la biodiversité exotique. Nous payons pour aller admirer et comprendre cette biodiversité lointaine alors que nous ne connaissons pas celle qui nous entoure dans nos villes, qui est pourtant en libre-accès. Ce bonheur est à portée de mains alors sortez dans la rue et admirez-la ! • © Fotolia 26 LES CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE DU BONHEUR © Thinkstock © 2015 The Coca-Cola Company. Coca-Cola et la bouteille contour sont des marques déposées de The Coca-Cola Company. 9, chemin de Bretagne 92130 Issy-les-Moulineaux www.coca-cola-france.fr www.coca-cola-france.fr Photo de couverture : Shutterstock/StevanZZ – DEJA LINK/SIRA – ZA de la Cerisaie – 19-27, rue des Huleux - 93245 STAINS Cedex. Imprimé sur du papier FSC. Imprimeur Imprim’vert. Date d’achèvement du tirage : juin 2015. Numéro ISSN en cours. Dépôt légal - Juin 2015.