Immunité innée : le modèle drosophile Jean-Luc Imler1. 1 CNRS, Institut de Biologie Moléculaire et Cellulaire, UPR 9022, 15 rue Descartes, 67000 Strasbourg. Chez tous les organismes multicellulaires, animaux comme végétaux, l’invasion par des microorganismes est initialement combattue par des mécanismes de défense innée, qui sont activés dans les minutes qui suivent l’infection. Chez les vertébrés, cette réponse rapide est relayée par la réponse immunitaire adaptative, caractérisée par la production de récepteurs spécifiques des antigènes par les lymphocytes. L’induction de la réponse immunitaire innée se fait par des récepteurs qui détectent soit des motifs microbiens conservés (pattern recognition receptors ou PRRs) ou des signaux de danger liés à l’infection. La mouche du vinaigre Drosophila melanogaster est un des modèles favoris des généticiens depuis le début du XXème siècle, et représente un modèle original pour étudier les mécanismes moléculaires de l’immunité innée. Comme chez les mammifères, l’infection microbienne déclenche chez la drosophile l’expression d’un grand nombre de gènes, qui codent des facteurs permettant de contrôler l’infection, comme des peptides antimicrobiens. L’induction de ces gènes se fait au niveau transcriptionnel, et implique des facteurs de transcription de la famille NF-κB. L’activité de ces facteurs de transcription, appelés DIF et Relish, est régulée par deux voies de signalisation, dites respectivement Toll et IMD. Ces deux voies de signalisation présentent de nombreuses analogies avec les voies des cytokines interleukine-1 et TNF, qui jouent un rôle majeur dans l’inflammation chez les mammifères. En outre, l’identification du rôle essentiel joué par le récepteur Toll dans la régulation de la réponse antimicrobienne chez la drosophile a mené à l’identification d’une famille de récepteurs apparentés à Toll chez les mammifères, les Toll-like receptors ou TLRs, qui forment une importante famille de PRR. La résistance aux infections virales implique quand à elle les mécanismes de l’ARN interférence, qui jouent un rôle essentiel dans la défense contre les virus chez les plantes. Cette défense innée semble avoir été remplacée par les réponses induites par les interférons chez les mammifères. Les PRRs qui détectent les acides nucléiques viraux et induisent les interférons chez les mammifères font cependant partie de la même famille d’hélicases à boîte DExD/H que les enzymes Dicer impliquées dans l’ARN interférence, suggérant une origine évolutive commune pour ces deux types de défense antivirale. En résumé, l’étude de l’immunité innée chez la drosophile fournit des indications précieuses sur l’évolution des mécanismes de défense de l’hôte chez les organismes multicellulaires. Les études dans le modèle drosophile peuvent également avoir des implications pour d’autres insectes diptères, notamment les moustiques Aedes et Anopheles, qui transmettent des maladies virales ou parasitaires à l’Homme.