Le traitement comptable des marges arrière dans le secteur

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Chaire Financial Reporting ESSEC-KPMG
Jeanne Depond
Le traitement comptable des marges arrière
dans le secteur de la grande distribution
par
Jeanne Depond
Septembre 2012
SOUS LA DIRECTION DE
Monsieur Wolfgang DICK, Professeur, Titulaire de la Chaire Financial Reporting ESSEC-KPMG
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Remerciements
La réalisation de ce mémoire a été possible grâce à l’encadrement et à la contribution de
nombreuses personnes que je tenais à remercier tout particulièrement.
En premier lieu, je tiens à remercier Monsieur Wolfang DICK, responsable de la chaire Financial
Reporting ESSEC – KPMG et tuteur de mon mémoire, pour ses conseils sur la méthodologie à adopter
dans la réalisation d’un tel travail et sur les démarches à entreprendre en termes de recherche
d’informations et de contacts et pour son suivi régulier de mon travail.
Je remercie également Monsieur Bertrand DESBARRIERES, associé chez KPMG, qui m’a dédié de son
temps sur la compréhension des enregistrements comptables et m’a accompagnée dans la veille sur
l’évolution de la norme IAS 18.
Je suis, par ailleurs, très reconnaissante vis-à-vis de Madame Aïda FAIVRE, du groupe Carrefour, pour
son implication dans le suivi de mes travaux, pour ses conseils et sa disponibilité.
J’adresse également mes remerciements à Monsieur Daniel TIXIER, Professeur titulaire de la Chaire
Produits de Grande Consommation, qui a accepté d’échanger avec moi et qui m’a permis de prendre
de la hauteur et du recul sur mon sujet.
Merci également à Monsieur Peter WALTON, directeur des IFRS de la Chaire Financial Reporting
ESSEC – KPMG, et à Monsieur Paul ANDRE, directeur de la recherche de la Chaire Financial Reporting
ESSEC – KPMG pour nous avoir apporté une année riche d’enseignements.
Je tiens aussi à remercier Madame Elisabeth GOZDIK, assistante de la Chaire Financial Reporting
ESSEC – KPMG, qui s’est toujours montrée disponible et réactive pour toutes les questions et
problèmes logistiques que j’ai pu rencontrer.
Enfin, merci à mes parents pour leur soutien permanent et la relecture du mémoire.
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Table des matières
Remerciements................................................................................................................. 2
Table des matières ............................................................................................................ 3
Introduction ..................................................................................................................... 5
Partie A : Les marges arrière : symbole d’un rapport de force déséquilibré entre industriels
et grande distribution ....................................................................................................... 7
I-
Les spécificités de la grande distribution française ..................................................................... 7
a.
Le modèle de revenu des grands distributeurs ....................................................................... 8
b.
Les conséquences du modèle français .................................................................................... 9
II-
Un renforcement progressif de la pression commerciale ........................................................... 9
a.
Le mouvement de concentration du secteur de détail ......................................................... 10
b.
Le développement des marques distributeurs ..................................................................... 12
III-
Une réglementation aux effets pervers ................................................................................ 15
a.
La réglementation des négociations commerciales : de Galland à Dutreil .......................... 15
b.
La remise en cause de la loi Galland...................................................................................... 17
c.
Vers une baisse globale des prix au détail : La loi de modernisation de l’économie ............ 19
Partie B: Les marges arrière : prestations de services ou dégradation tarifaire ? .............. 22
I-
Les composantes de la marge arrière ....................................................................................... 22
a.
Distinction marge avant / marge arrière ............................................................................... 22
b.
La nature des coopérations commerciales............................................................................ 23
II-
Les contrats « producteurs-distributeurs » ............................................................................... 24
a.
Les primes ponctuelles .......................................................................................................... 24
b.
Les primes récurrentes .......................................................................................................... 26
c.
Du déréférencement au refus de vente ................................................................................ 26
III-
Les marges arrière au cœur de la négociation commerciale ................................................ 27
a.
Le pouvoir du linéaire ............................................................................................................ 28
b.
La tarification des marges arrière.......................................................................................... 28
Partie C : Analyse du traitement comptable des marges arrière et mises en perspective .. 30
I-
II-
Traitement comptable des marges arrière selon le référentiel français .................................. 30
a.
Les principes de comptabilisation ......................................................................................... 30
b.
Les incidences sur les états financiers ................................................................................... 31
Traitement comptable des marges arrière selon les normes IFRS............................................ 33
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a.
Le principe de primauté de la substance sur la forme .......................................................... 33
b.
L’IAS 2, relative aux stocks .................................................................................................... 34
c.
L’IAS 18, relative aux produits des activités ordinaires ......................................................... 35
II-
Etude de cas : impacts des marges arrière selon le référentiel choisi ...................................... 37
a.
Evaluation des stocks ............................................................................................................ 37
b.
Enregistrement des coopérations commerciales .................................................................. 43
III-
Mises en perspective ............................................................................................................. 45
a.
Proposition d’une grille d’analyse ......................................................................................... 45
b.
Projet de réforme de la norme IAS 18 ................................................................................... 47
Conclusion ...................................................................................................................... 48
Glossaire......................................................................................................................... 49
Liste de figures................................................................................................................ 51
Bibliographie .................................................................................................................. 52
Annexes.......................................................................................................................... 55
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Introduction
« Le pouvoir d’achat reste la principale préoccupation des Français. Et ceux-ci considèrent
que les enseignes de grande distribution sont celles qui font le plus pour défendre leur portemonnaie ». La conclusion du baromètre IPSOS, rendue public le 14 avril 2012, classe ainsi trois
enseignes de grande distribution parmi les enseignes préférées des consommateurs. Les prix des
biens de consommation courante restent donc parmi les paramètres essentiels qui déterminent le
niveau de pouvoir d’achat des Français et la confiance accordée au gouvernement en place.
Cependant, d’après diverses études commandées par les pouvoirs publics, il ressort que la cause
principale de la hausse des prix de détail est l’inadaptation des réglementations qui régissent les
négociations commerciales entre les distributeurs et les producteurs. En effet, elles sont en décalage
avec les réalités du modèle économique et des attentes des différentes parties. Les distributeurs
sont ainsi pointés du doigt par les pouvoirs publics, ainsi que les journalistes et l’opinion publique du
fait de leurs pratiques « abusives » et du pouvoir qu’ils exercent sur les petits producteurs.
La pratique qui fait essentiellement débat reste les marges arrière. Elles sont apparues dans les
années 1990 et régissent depuis les négociations commerciales entre distributeurs et producteurs.
Elles sont définies par le « club Adélard » comme « des budgets reversés par les fournisseurs aux
grands distributeurs généralement en fin d’année. Ces budgets ont théoriquement pour raison d’être
une rémunération par le fournisseur de la dynamique commerciale que lui apporte l’enseigne ».
Autrement dit, il s’agit de remises versées en fin d’année, en fonction du chiffre d’affaires généré par
la marque, en contrepartie de services rendus par les grands distributeurs destinés à promouvoir les
produits par diverses mises en avant. Leur répercussion sur le prix de vente a été rendue impossible
en 1996 par la loi Galland et ont provoqué, ainsi, l’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs.
En réalité, pour maintenir des prix de vente compétitifs tout en s’assurant une marge satisfaisante,
les enseignes de grande distribution ont négocié des marges arrière de plus en plus importantes.
Ainsi, en 2006, le niveau moyen des marges arrière a atteint 37% du prix des produits de marque
vendus par les enseignes de grande distribution. Ces marges arrière font d’autant plus débat qu’elles
ne donnent pas toujours lieu à des prestations de service réelles et identifiables.
Le problème réside alors dans la traduction de ces marges arrière dans les états financiers. En effet,
si certaines prestations, telles que les mises en avant, par exemple, favorisent indéniablement le
développement des ventes des industriels, d’autres, en revanche, s’assimilent davantage à une
charge supplémentaire qui leur est imposée. En effet, la présentation des états financiers diffère
selon le référentiel comptable choisi dans la mesure où les normes comptables françaises, régies par
le Plan Comptable Général, n’opèrent pas de distinction particulière des marges arrière selon leur
substance économique mais privilégie davantage une qualification juridique des opérations
contrairement aux normes internationales, régies par les IFRS.
Les marges arrière restent, cependant, une exception française. Dès lors, les normes IFRS ne
prévoient pas de traitement comptable particulier pour cette pratique. Cependant, le cadre
conceptuel des normes européennes, qui promeut la primauté de la substance sur la forme, donne
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suffisamment d’indications pour uniformiser le traitement comptable des marges arrière et traduire
leur réalité économique.
Le thème des marges arrière reste donc pleinement d’actualité compte tenu des évolutions
économiques, législatives et comptables récentes concernant le secteur de la grande distribution et
illustre les différences de philosophie entre normes françaises et européennes ainsi que les
conséquences logiques dans la présentation des états financiers.
Problématique
Notre problématique s’articule autour de trois axes :
-
Quelle est la genèse de l’actuel rapport de force déséquilibré entre distributeurs et
producteurs ?
-
En quoi les caractéristiques propres des marges arrière rendent leur traitement comptable
spécifique et problématique ?
-
Quels sont les enjeux de la révision des normes comptables internationales et quelles
solutions peuvent être apportées pour délivrer une image fidèle des états financiers ?
Méthodologie
La finalité de ce mémoire n’est pas de prendre part aux débats actuels sur les rapports conflictuels
entre les grands distributeurs et les producteurs. Il s’agit, plutôt, de dresser un bilan des normes
comptables, économiques et législatives qui régissent les négociations commerciales, et plus
particulièrement les marges arrière, ainsi que d’apporter des pistes de réflexion sur les solutions à
apporter pour délivrer une image fidèle des états financiers.
Ainsi, la trajectoire de nos travaux a été conduite en trois phases :
Nous avons tout d’abord réalisé un travail approfondi de recherches sur l’évolution des rapports
commerciaux entre distributeurs et producteurs (Partie I). Ces recherches préliminaires ont été
nourries d’articles de presse, de lectures diverses et d’entretiens avec des professionnels à même de
me faire part de leur expertise et de leur ressenti à ce sujet. Compte tenu de la complexité des
rapports commerciaux et de l’ampleur des polémiques qui les accompagnent, nous avons attaché
une importance toute particulière à la compréhension des enjeux et des conséquences des
différentes évolutions économiques et législatives pour chaque partie afin de rester le plus objectif
possible.
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Nous avons ensuite défini la notion même de marges arrière ainsi que ses caractéristiques propres
afin de matérialiser les ambivalences de cette pratique commerciale qui prennent tout leur sens lors
de leur traitement comptable. (Partie II)
Enfin, nous avons consacré la dernière partie de ce mémoire (Partie III) au traitement comptable
propre des marges arrière, en distinguant normes françaises et normes européennes ainsi que leurs
différents impacts dans la présentation des états financiers. Une illustration concrète ainsi que des
mises en perspective viendront illustrer l’étude théorique des normes comptables.
Partie A : Les marges arrière : symbole d’un rapport de force
déséquilibré entre industriels et grande distribution
Le phénomène des marges arrière ne touche pas uniquement une entreprise mais
l’ensemble d’un secteur, à savoir la grande distribution. Si l’objectif premier des grands distributeurs
était de proposer aux consommateurs une large gamme de produits au meilleur prix, une récente
étude publiée par Morgan Stanley, déclare que la France est devenue le pays le plus cher d’Europe
avec des prix 15% supérieurs à ceux exercés en Allemagne. Les grands distributeurs sont souvent
considérés comme les responsables de cet état de fait à cause de marges trop élevées et des
négociations déséquilibrées avec les producteurs.
Cette première partie a pour objectif de dresser un bilan des rapports commerciaux entre
producteurs et distributeurs afin de mieux comprendre la situation réelle actuelle.
I-
Les spécificités de la grande distribution française
Au lendemain de la guerre, la distribution s’est construite autour d’un modèle de petits
commerces locaux et indépendants. Les faibles moyens mis en œuvre dans l’optimisation des
moyens de transport, des espaces de stockage et de la gestion des ventes ont conduit à la
construction d’un modèle de revenu basé sur la maximisation de la marge unitaire. Cependant,
l’émergence de la « distribution moderne », dans les années 1950-1960, a fait naître un nouveau
modèle de revenu, donnant davantage de poids aux négociations commerciales.
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a. Le modèle de revenu des grands distributeurs
La grande distribution telle qu’elle est connue aujourd’hui s’est développée en érigeant le
concept de « discount », alors en totale opposition avec la philosophie du commerce traditionnel qui
réalisait des bénéfices par un effet de marge.
L’objectif actuel des distributeurs est en effet de maximiser le volume des ventes afin d’avoir un
pouvoir de négociation important avec les fournisseurs et d’obtenir de meilleures conditions de
vente. Le modèle de revenu actuel est donc basé sur l’effet volume et non plus sur l’effet marge.
Ce modèle de revenu permet également aux enseignes de grande distribution d’avoir une situation
financière saine, caractérisée par un BFR négatif, comme le schématise le dessin ci-dessous.
BFR
= Stock + Créances – Dettes fournisseurs
<0
- Stock : la durée de détention des stocks est faible (moins de 30 jours) et stable. La puissance de la
grande distribution réside en effet dans sa gestion des stocks qui lui permet de garantir un faible coût
de stockage. La mise en place, en 1990, du logiciel d’échange de données informatiques EDI permet
au fournisseur de réapprovisionner le magasin en cas de faible stock de ses produits.
- Créances clients : elles sont quasi-inexistantes dans la grande distribution car les particuliers payent
majoritairement au comptant.
- Crédit fournisseur : selon les fournisseurs, le délai de paiement accordé aux enseignes est compris
entre 60 et 120 jours. Carrefour a ainsi 5,5 fois plus de dettes fournisseurs que de créances
commerciales en 2011.
Cette situation, sans commune mesure avec les autres industries, permet aux enseignes de grande
distribution d’avoir un besoin en fonds de roulement négatif (5,7 milliards d’euros pour Carrefour en
2011) et de financer les immobilisations et les éléments d’exploitation ou de dégager des produits
financiers en plaçant l’excédent de trésorerie ainsi engendré. De ce fait, l’apport nécessaire en
capitaux propres est faible et le taux de rentabilité : bénéfice net/capitaux propres peut atteindre
300% en grande distribution malgré les faibles marges engendrées.
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b. Les conséquences du modèle français
Le modèle de revenu adopté par la grande distribution, basé sur une rotation rapide des
stocks, n’est viable que si les volumes de vente sont importants. Les grandes enseignes de
distribution ont dès lors toutes axé leur stratégie de communication sur l’attractivité-prix pour attirer
des clients et donc atteindre leur objectif de volume de commandes.
Les marges dégagées par les enseignes sont donc très faibles et les fournisseurs sont amenés à
réexaminer leurs conditions commerciales pour conserver leur partenariat. Ainsi, les fournisseurs
devront accorder des remises de tarif (marge avant) aux enseignes pour leur assurer une marge
satisfaisante et participer aux campagnes publicitaires des enseignes en tant que faire-valoir afin de
gagner en notoriété auprès de leur clientèle (marge arrière).
Le modèle de revenu de la grande distribution est donc à l’origine des marges arrière dénoncées par
les industriels. Nous verrons, par la suite, que les marges arrière ont également été renforcées par les
diverses réglementations mises en place par le législateur. Cependant d’autres stratégies
commerciales ont également été mises en place depuis afin de renforcer la puissance d’achat des
enseignes.
II-
Un renforcement progressif de la pression commerciale
Les volumes traités en grande distribution permettent donc aux enseignes d’obtenir des
conditions d’achat plus favorables que les autres canaux de distribution. Cependant, d’autres
facteurs participent également au renforcement de leur « puissance d’achat » comme défini par
l’Autorité de la concurrence. Ainsi, « la puissance d'achat se mène à partir de critères multiples. […]
Parmi ceux-ci, figurent les conditions dans lesquelles sont négociés les achats (fonctionnement des
centrales d’achat), les caractéristiques des enseignes, les limites des surfaces de vente, le
comportement des consommateurs, le degré de développement des MDD, leur positionnement par
rapport aux marques nationales ainsi que le processus d'intégration verticale. » (Avis n°97A04 du
21/01/97 – « Relatif à diverses questions portant sur la concurrence de la distribution »)
Nous étudierons dans cette partie l’impact des principaux facteurs cités par l’Autorité de la
concurrence, à savoir le mouvement de concentration du secteur, le développement des marques
distributeurs ainsi que les caractéristiques des enseignes marquées par une ouverture à
l’internationale.
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a.
Le mouvement de concentration du secteur de détail
Les centrales d’achat sont apparues dans les années 1980 et rassemblaient, à l’époque, des
enseignes parfois concurrentes. Leur objectif était de centraliser les achats de l’ensemble des
hypermarchés et supermarchés qui portent leurs enseignes afin de profiter d’un effet volume et
d’obtenir les meilleures conditions commerciales possibles. Ces « super centrales d’achat » sont
cependant dissoutes, en 1986, après décision de l’Autorité de la Concurrence.
Cependant, malgré cette décision du législateur, le panorama de la grande distribution française a
continué d’évoluer et a subi de profonds changements dans les années 1990. Si en 1993 les cinq
principaux groupes détenaient près de 60% du marché, ils en détiennent plus de 90% en 2009
(Figures 1 et 2).
En effet, en 1996, Auchan rachète Docks de France suite à une OPA (Offre Publique d’Achat). En
1998, Carrefour réalise également une OPA sur Comptoirs modernes puis une OPE (Offre Publique
d’Echanges) avec Promodès en 2000. Des rapprochements stratégiques ont également lieu comme la
création d’une centrale commune d’achat entre Casino et Cora en 1999. Cette vague de
regroupements fait suite à la loi Raffarin, applicable en 1997, qui oblige les grands distributeurs à
demander une autorisation pour toute nouvelle ouverture ou extension de surface de magasin. Ainsi,
faute de pouvoir étendre leur réseau de magasins, les enseignes ont dû procéder à une croissance
externe via des acquisitions pour continuer à se développer.
Figure 1 : Parts de marché des dix principales centrales d’achat en 1993
10 principaux groupes
Leclerc
Intermarché
Carrefour
Promodès
Casino
Sous-total des cinq premiers
Auchan
Docks de France
Système U
Cora
Comptoirs modernes
TOTAL
Part de marché
en 1993
14,7%
14,6%
12,6%
10,2%
7,6%
59,7%
6,9%
5,6%
5,4%
4,4%
2,7%
84,7%
Source: Nielsen
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Figure 2 : Parts de marché des cinq principales centrales d’achat
Part de marché
en 2009
5 principaux groupes
Leclerc + Système U
Carrefour (+ Promodès + Comptoirs Modernes)
Casino + Cora
Intermarché
Auchan (+ Docks de France)
TOTAL
26,0%
23,9%
16,6%
13,6%
11,1%
91,2%
Source: TNS Worldpanel
La conséquence directe de ces regroupements est un renforcement de la puissance d’achat des
distributeurs. En effet, un faible nombre de firmes en aval implique des débouchés limités pour les
producteurs. Parallèlement à ce phénomène, la part de la grande distribution dans la distribution
alimentaire est passée de 59,7% en 1993 à 67,3% en 2009. Ainsi, alors que les cinq premiers
distributeurs représentaient 33,7% des débouchés de la distribution alimentaire en 1993, ils en
totalisent 61,4% en 2009 (Figure 3).
Figure 3 : Evolution des cinq principales centrales d’achat en termes de débouchés dans le
secteur alimentaire : 1993 / 2009
Groupe
1993
2009
TOTAL
8,8%
7,5%
4,5%
8,7%
4,1%
33,7%
17,5%
16,1%
11,2%
9,2%
7,5%
61,4%
Leclerc
Carrefour
Casino
Intermarché
Auchan
Source: Nielsen
Le regroupement des achats, rendu possible par les centrales d’achat, permet donc aux enseignes de
négocier les meilleures conditions commerciales possibles auprès des industriels grâce à des volumes
d’achat accrus. L'Ilec (Institut de liaison et d'études des industries de consommation) qui représente
les marques de grande consommation, a donc demandé, dans le cadre de la réforme de la loi Galland
en 2005, d'interdire la constitution de centrales d'achat et de limiter la concentration des enseignes
de grande distribution par région. Pour l'Ilec, « la cause des dérèglements actuels faussant le
fonctionnement du marché réside dans l'explosion de la puissance d'achat de la grande
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distribution ». Aussi, il demande « l'interdiction de la constitution de centrales d'achat, de
référencement ou de vente de services, ayant pour but de massifier les achats ».
Outre le mouvement de concentration du secteur du détail via les centrales d’achat, les enseignes
ont également développé les MDD (Marques De Distribution) pour renforcer leur pouvoir vis-à-vis
des industriels.
b. Le développement des marques distributeurs
La loi sur les NRE (Nouvelles Régulations Economiques) du 15 mai 2001 définit précisément la
marque de distributeur dans l’article 62 : «Est considéré comme produit vendu sous marque
distributeur le produit dont les caractéristiques ont été définies par l’entreprise ou le groupe
d’entreprises qui en assure la vente au détail et qui est le propriétaire de la marque sous laquelle il
est vendu ».
La première MDD (Marque De Distributeur) apparaît en 1901 avec Casino qui commercialise des
produits de première nécessité au nom de la marque afin d’assurer une continuité dans
l’approvisionnement par une intégration verticale vers l’amont et une politique de qualité. Monoprix
lance sa propre marque « premier prix » en 1928 sur des produits courants. Mais c’est Carrefour qui
lancera le concept actuel de MDD avec la campagne publicitaire « 50 articles aussi bons, moins
chers ».
Les MDD ont depuis pris de l’ampleur dans de plus en plus d’enseignes et de rayons. Les parts de
marchés en volume des MDD en France sont en effet passées de 12,8% en 1993 à 31% en 2009. Les
taux de pénétration des MDD par produits sont donnés par la figure 4. A noter que les MDD sont peu
développés dans le secteur « hygiène et beauté » et « boissons alcoolisées ». En effet, les
consommateurs semblent accorder davantage de confiance dans les marques nationales pour des
produits liés à la santé. Pour pallier ce manque de « capital confiance » les distributeurs vont utiliser
des marques réservées (ex : Veuve Emile pour les champagnes Auchan) pour que les consommateurs
ne fassent pas le rapprochement avec la marque distributeur. Les produits MDD sont donc des
produits peu impliquants, à travers lesquels le consommateur ne cherche pas de différentiation
sociale.
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Figure 4 : Parts de marché des MDD par rayon en 2012
Source: Nielsen / Origine: distributeurs
La figure 5 ci-après présente quant à elle la répartition des parts de marché de MDD par enseigne.
Casino se distingue largement avec 43% des ventes sous marques de distributeurs contre seulement
23,2% pour Monoprix.
Figure 5 : Parts de marché des MDD par enseigne en 2009
Source: Nielsen / Origine: distributeurs
Cette politique de développement des MDD répond à divers objectifs :
-
Améliorer la compétitivité de l’offre : les produits MDD dégagent une marge plus élevée car
ils ne supportent pas certains coûts majeurs comme la R&D ou la publicité
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-
Différencier l’offre marchande grâce à l’exclusivité des produits pour fidéliser la clientèle.
Selon une étude LSA, « plus d’un tiers des consommateurs se déclarent fidèles aux marques
enseigne, même à un prix équivalent aux marques nationales, ce qui confirme l’existence
d’un lien plus fort que le prix ».
-
Concurrencer les marques nationales et ainsi accroître le pouvoir de négociation
Si la rédaction du cahier des charges ainsi que la commercialisation du produit MDD est à la charge
de l’enseigne, sa production est sous-traitée par des marques nationales, qui participent, alors, au
renforcement de la pression commerciale. Leurs attentes sont multiples :
-
Assurer le référencement de leurs produits en linéaire
-
Bénéficier de rendements d’échelle en augmentant la capacité de production de leurs usines
-
S’assurer des débouchés plus vastes en participant à l’effort d’internationalisation des grands
distributeurs sans supporter les coûts de développement associés
-
Profiter de leur collaboration avec les enseignes pour diminuer les obstacles au
référencement de leurs produits vendus sous marque nationale
Grâce au développement des MDD, les producteurs ont pu développer de nouvelles sources de
revenus et s’assurer des débouchés plus vastes. Les enseignes ont, quant à elles, réussi à
concurrencer les marques nationales et à fidéliser leur clientèle grâce à leur propre marque.
Cependant, le développement des MDD a également permis aux enseignes de bénéficier d’une
puissance d’achat accrue car, à surface de vente égale, le risque d’éviction s’agrandit. Dès lors, outre
les primes de référencement de plus en plus élevées, les industriels doivent proposer des produits
toujours plus innovants et accompagnés d’efforts marketing importants. Ces relations commerciales
toujours plus âpres ont, par exemple, contraint Corah, fournisseur exclusif de Marks & Spencer, à
déposer le bilan (voir annexe 1).
Le mouvement de concentration des centrales d’achat ainsi que le développement des marques
distributeurs ont permis aux enseignes de grande distribution d’acquérir une grande puissance
d’achat et d’avoir des moyens de pression sur les producteurs dans les négociations commerciales.
Face à ces rapports déséquilibrés, les pouvoirs publics ont tenté de voter des lois protégeant les
producteurs et encadrant les pratiques commerciales comme les marges arrière. Cependant, ces lois
se sont souvent montrées inefficaces car elles ne correspondaient pas au modèle économique de la
grande distribution.
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III-
Une réglementation aux effets pervers
En France, les relations entre les distributeurs et les producteurs sont complexes et relèvent,
à la fois, du droit commercial et du droit à la concurrence. Le législateur a, à de nombreuses reprises,
voté des lois permettant de rétablir l’équilibre des relations commerciales, dans un souci d’efficacité
économique. Nous étudierons, dans cette partie, les lois les plus significatives qui ont eu un fort
impact dans le traitement des marges arrière. Ce fut ainsi le cas de la loi Galland puis de la circulaire
Dutreil et de la loi de modernisation de l’économie.
a.
La réglementation des négociations commerciales : de Galland à
Dutreil
Les fondements de la réglementation des relations commerciales entre distributeurs et
producteurs remontent à l’ordonnance de 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.
Cependant, cette ordonnance ne protégeait pas les industriels de la puissance d’achat des enseignes,
ni de leurs pratiques discriminatoires. Dès lors, le législateur s’est lancé dans un processus de refonte
de l’encadrement de la concurrence qui a donné lieu à la loi du 1er juillet 1996 sur l’équilibre et la
loyauté des relations commerciales, dite loi Galland. Cette loi comporte ainsi différents chapitres
dont les principaux sont :
–
La transparence tarifaire et l’interdiction de revente à perte
–
L’interdiction des prix abusivement bas
–
L’autorisation de refus de vente
–
La réglementation des primes de référencement
L’interdiction de revente à perte est très certainement l’article le plus significatif de cette loi dans la
mesure où il a modifié en profondeur les relations commerciales entre distributeur et producteur et
a eu des effets importants sur l’évolution des prix à la consommation.
Articles 10 et 11 de la loi Galland sur le seuil de revente à perte
L’interdiction de la revente à perte est en application depuis 1963 mais a été précisée dans
l’ordonnance de 1986. Depuis cette date, il est ainsi interdit pour un distributeur de vendre en
dessous de son prix d’achat unitaire. Les divergences entre producteurs et distributeurs concernent
généralement les politiques tarifaires dans la mesure où les distributeurs sont souvent amenés à
pratiquer des prix très bas sur les produits de consommation courante pour se distinguer de la
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concurrence. Ces prix, dits d’appel, sont très mal perçus par les industriels qui devaient ainsi baisser
leur prix de vente.
L’estimation du prix réel d’achat est rendue difficile par les nombreuses remises annexes accordées
par les distributeurs. L’ordonnance de 1986 (article 32) indiquait alors que « […] le prix d’achat
effectif est présumé être le prix porté sur la facture d’achat, majoré des taxes sur le chiffre d’affaires,
des taxes spécifiques afférentes à cette revente et, le cas échéant, du prix du transport. » Dans son
ancienne rédaction, le prix d’achat effectif était ainsi « présumé » être le prix figurant sur la facture,
laissant ainsi beaucoup de liberté aux distributeurs.
La loi Galland (voir annexe 2) s’est donc efforcée de donner une définition précise du prix d’achat
effectif et donc du seuil de revente à perte. « Le prix d’achat effectif est le prix unitaire figurant sur la
facture majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du
prix du transport. » (article 10). Ainsi, depuis 1997, le prix d’achat est réduit au prix figurant sur la
facture dont on ne déduit aucune remise qui serait acquise en fin d’année. Est également ajouté
l’article 11 spécifiant que « la facture doit mentionner […] toute réduction de prix acquise à la date de
la vente ou de la prestation de service et directement liée à cette opération de vente ou de prestation
de service. » Ainsi seules les marges formellement acquises lors de la facturation sont transférables
au consommateur final.
La Loi NRE, relative aux nouvelles régulations économiques
La loi NRE du 15 mai 2001 (loi n° 2001-420) est venue apporter des modifications sur le cadre
réglementaire de la grande distribution. Cette loi vise à « moraliser les pratiques commerciales » et à
renforcer le pouvoir des producteurs en leur apportant des moyens d’action pour faire disparaître les
fausses coopérations commerciales, c’est-à-dire celles qui ne donnent pas lieu à des prestations de
service identifiables.
En particulier, la loi NRE interdit la pratique des « corbeilles de la mariée », c’est-à-dire demander
aux industriels une contribution financière lors de la rénovation d’un point de vente. Cet article
s’inscrit dans une volonté plus large du législateur, à savoir protéger les producteurs des
« coopérations mortes », c’est-à-dire des contributions financières qui ne donnent lieu à aucune
prestation de service identifiable.
Les députés ont également souhaité protéger les PME, plus particulièrement les fournisseurs de
marques de distributeur en leur accordant un délai de préavis en cas de déréférencement deux fois
supérieur à celui octroyé aux marques d'industriels ainsi qu’un nouveau cadre juridique concernant
les situations de dépendance économique. Ainsi, la part d’un distributeur dans le chiffre d’affaires
d’un producteur ne doit pas excéder 22%. Dès lors, les possibilités d'accompagnement de la
croissance des enseignes, y compris à l'étranger, se réduisent.
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La circulaire Dutreil du 16 mai 2003
Suite au relatif échec de la loi NRE, la circulaire Dutreil a été rédigée et mise en application le 16 mai
2003 afin de préciser le cadre juridique des négociations commerciales entre fournisseurs et
distributeurs, notamment concernant les réductions de prix hors facture. Plus généralement, les
règles de forme ainsi que les types de pratiques abusives et discriminatoires, pouvant être
rencontrés lors des négociations commerciales, sont décrits et légiférés.
La circulaire Dutreil légitime, ainsi, la différenciation tarifaire liée aux délais de règlement et à
l’escompte pour paiement anticipé et confirme l’autorisation de refus de vendre évoquée dans la loi
Galland du 1e juillet 1996. La circulaire rappelle également que les négociations commerciales entre
un fournisseur et ses différents clients doivent s’inscrire dans un cadre général de transparence
tarifaire et de non-discrimination.
Malgré la volonté du législateur d’encadrer plus strictement les coopérations commerciales pour
empêcher les pratiques déloyales, les distributeurs, tout comme les industriels, s’accordent à dire
que les lois votées par le législateur doivent laisser une place au dialogue entre les parties et ne pas
imposer des règles strictes qui pourraient aller à l’encontre des attentes des producteurs et freiner
leur croissance. Malgré la volonté réelle du législateur de réglementer les pratiques commerciales et
de baisser globalement les prix de vente au détail, ces derniers n’ont cessé d’augmenter depuis 1999.
Un processus de remise en cause progressive de la loi Galland a donc été enclenché.
b.
La remise en cause de la loi Galland
En 2004, le Président de la République Nicolas Sarkozy, lance une vaste campagne de
réduction des prix pour le consommateur. Les producteurs et distributeurs s’engagent alors à baisser
de 2% en moyenne les prix d’environ 2500 produits de grandes marques dans les secteurs
alimentaire, hygiène-beauté et entretien ménager. Cependant, malgré cet accord, les prix de près de
80% des produits restent inchangés. Le ministre de l’économie commande alors un rapport qui
analyse les lois existantes et ses effets réels sur l’économie.
Les effets induits de la loi Galland
Comme vu précédemment, la loi Galland limite la part des remises que les distributeurs peuvent
répercuter au consommateur final, dans la mesure où seules les marges avant rentrent en compte
dans le calcul du seuil de revente à perte. Les distributeurs ont donc intérêt à augmenter la part des
remises rétroactives, au détriment des remises accordées sur facture car elles ne peuvent pas être
détectées par la concurrence. Ainsi, la part moyenne des marges arrière dans le prix final est passée
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de 22% en 1998 à 32% en 2003. Ces nouvelles techniques de négociation commerciale ont été
soulignées par le rapport Canivet, commandé par le Ministère de l’Economie, des Finances et de
l’Industrie : « Il reste que, progressivement s’est opéré un déplacement par les entreprises de la
négociation commerciale du prix de vente facturé tel qu’il résulte de l’application des conditions
générales de vente vers les réductions de prix hors facture et la coopération commerciale, cet
ensemble constituant ce qu’il est convenu d’appeler « la marge arrière » ».
Ainsi, en empêchant les distributeurs de répercuter l’ensemble des remises sur le prix final, le seuil
de revente à perte est fixée à un niveau anormalement élevé. Compte tenu que les conditions
générales de vente proposées par les producteurs ne peuvent pas être discriminatoires et que les
distributeurs ne peuvent pas vendre à un prix inférieur au seuil de revente à perte, ces derniers ont
l’assurance que leurs concurrents ne pourront pas proposer un prix de vente plus bas que le leur. La
concurrence se trouve ainsi affaiblie et les prix de détail augmentent. Le rapport Canivet souligne
ainsi que la loi Galland a favorisé les comportements anticoncurrentiels, non pas à cause de
l’existence des marges arrière mais en empêchant les distributeurs de les répercuter sur les prix de
vente.
La recommandation finale du rapport est donc de ramener le seuil de revente à perte au niveau du
prix dit « triple net », c’est-à-dire net de marges arrière afin de faire bénéficier aux consommateurs
d’une réelle diminution des prix et de permettre aux grands distributeurs de concurrencer les harddiscounts.
La loi Dutreil II du 2 août 2005
La loi Dutreil II (Loi n° 2005-882) est votée le 2 août 2005 et s’inspire fortement des
recommandations établies par le rapport Canivet. Elle autorise en effet la déduction d’une partie des
marges arrière du prix d’achat au fournisseur. Cependant, afin de réduire le risque d’une guerre des
prix en France qui pourrait être néfaste aux entreprises, le rapport Canivet suggère que la
déréglementation soit progressive et encadrée par les pouvoirs publics.
Ainsi, le distributeur peut déduire du prix d’achat :

Au 1e janvier 2006, la part des marges arrière excédant 20% du prix

Au 1e janvier 2007, la part des marges arrière excédant 15% du prix

Au 1e mars 2008, l’ensemble des marges arrière
L’évolution de la prise en compte des marges arrière dans le calcul du prix de revente à perte est
résumée dans le tableau ci-dessous :
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Figure 6 : Mécanismes de déduction des marges arrière de 1997 à 2008
Hypothèse: les marges arrières représentent 35% du prix net facturé
Prix d'achat
Marges arrière
Part déductible
Seuil de revente à perte
1997 à 2005
100
35%
0
100
1e janvier 2006
100
35%
15
85
1e janvier 2007
100
35%
20
80
1e mars 2008
100
35%
35
65
Source: INSEE - rapport Loi Galland
La lutte contre la hausse des prix à la consommation a conduit les pouvoirs publics à suivre les
recommandations du rapport Canivet et à permettre aux industriels d’inclure les marges arrière dans
le calcul du seuil de revente à perte. Cette loi devait permettre aux consommateurs de profiter de la
part croissante des marges arrière dans le prix net facturé et aux distributeurs de concurrencer plus
efficacement les hard discounts. Cette loi a eu des effets immédiats dans la mesure où, d’après les
estimations effectuées par l’INSEE, elle aurait permis une diminution d’environ un point entre 2004
et 2005 (Figure 7).
c.
Vers une baisse globale des prix au détail : La loi de modernisation de
l’économie
Dès 2005, la loi Dutreil a abaissé le seuil de revente à perte. La loi de modernisation de
l’économie, ou LME (Loi n°2008-776), basée sur les recommandations du rapport Attali, cherche à
« stimuler la croissance et les énergies (l'emploi), en levant les blocages structurels et règlementaires
que connaît l’économie de la France ».
La LME, votée le 4 août 2008 comporte trois grands volets :
-
La relance de la concurrence
-
Le renforcement de l’attractivité du territoire
-
L’amélioration du financement de l’économie
Concernant la grande distribution, elle a systématisé la logique mise en place dans la loi Dutreil II:
-
En abaissant le seuil de revente à perte au niveau de prix de vente trois fois nets du
fournisseur
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-
En permettant une discrimination entre clients, autorisant donc une plus grande liberté de
négociation des conditions particulières de ventes
-
En obligeant les commerçants à faire figurer les prestations commerciales dans leur plan
d’affaires annuel signé avec le fournisseur
-
En sanctionnant lourdement les prestations commerciales facturées sans contrepartie réelle
Elle a également établi de nouvelles règles concernant l’extension des surfaces de vente, en relevant
de 300 m² à 1000 m² le seuil de déclenchement de la procédure d'autorisation d'ouverture de
magasins, afin d’accentuer la concurrence entre les enseignes de grande distribution, mise à mal par
la loi Galland.
Ainsi, suite à l’adoption de la LME et risquant désormais de provoquer des contentieux, les marges
arrière ont fortement été réduites, entraînant une baisse globale des prix (Figure 7).
Figure 7: Inflation des prix de détail et des prix de grande consommation depuis 1999
Source : INSEE
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Du côté des fournisseurs, cette baisse de prix s’est traduite par une baisse sensiblement égale de leur
chiffre d’affaires en valeur et de leurs charges puisque les distributeurs leur ont facturé moins de
prestations commerciales. Concernant la grande distribution, de façon symétrique, le chiffre
d’affaires et les achats ont également diminué en valeur bien qu’en réalité, l’évolution des ventes
reste identique.
Les sanctions attribuées aux enseignes de grande distribution en cas de fausses coopérations
commerciales sont réelles et importantes, comme en témoigne le procès contre Carrefour de 2009.
En effet, Carrefour a été condamné (le 14 octobre 2009 puis confirmé le 9 mars 2012) par la cour
d'appel de Paris à payer une amende de 2 millions d'euros et à restituer 17 autres millions perçus
au titre des "marges arrière". La cour d'appel de Paris a en effet jugé que le groupe français de
distribution avait "obtenu, en application des accords de partenariat conclus" en 2005-2006 avec 16
fournisseurs "des rémunérations manifestement disproportionnées au regard des services rendus ou
ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu".
La loi de modernisation de l’économie s’inscrit ainsi dans un processus de régulation des
négociations commerciales par le législateur. Afin de relancer la concurrence et renforcer
l’attractivité du territoire, les pouvoirs publics ont profondément remis en cause les fondements des
lois Galland et Raffarin de 1996 qui visaient à limiter les extensions de surface de vente. Cette loi,
tout comme les précédentes, a créé des polémiques chez les industriels, en particulier les PME, qui
craignaient que la libéralisation progressive des négociations commerciales renforce la puissance
d’achat et les moyens de pression des grands distributeurs.
Depuis 1986 et la loi Galland, le législateur s’est peu à peu impliqué dans les négociations
commerciales entre distributeurs et producteurs. Si la volonté première des pouvoirs publics était de
protéger les petits producteurs contre les pratiques abusives des distributeurs, les lois ont été depuis
révisées et marquent une volonté de libéralisation des pratiques commerciales. Ainsi, les pouvoirs
publics souhaitent lutter contre « la vie chère » et diminuer les prix de détail. Cependant, comme le
montre la figure 7 , les prix à la consommation sont fortement liés à des évènements extérieurs,
comme les crises économiques ou les cours des matières premières. Dès lors, malgré les nombreuses
lois votées depuis la loi Galland, le niveau des prix n’a pas diminué depuis 1999.
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Partie B: Les marges arrière : prestations de services ou dégradation
tarifaire ?
Les négociations commerciales entre distributeurs et producteurs s’inscrivent dans un cadre
général complexe qui relève à la fois des cadres juridique, économique et commercial. Depuis les
années 1950, les rapports commerciaux ont ainsi évolué mais restent toujours conflictuels et
déséquilibrés. Malgré les nombreuses tentatives du législateur d’imposer un encadrement strict aux
négociations commerciales, les parties prenantes ont toujours réussi à contourner les règles et à
trouver de nouvelles voies de développement. Les marges arrière ont, en particulier, fait l’objet de
nombreuses réformes mais restent, à ce jour, au cœur des négociations commerciales.
Cette partie a pour objectif d’étudier les caractéristiques propres des marges arrière afin de mieux
comprendre leur ambivalence, à l’origine des différences de traitement comptable, selon le
référentiel choisi.
I-
Les composantes de la marge arrière
Les négociations commerciales portent sur deux aspects distincts, à savoir la marge avant et
la marge arrière. Le traitement comptable des marges avant ne posent pas de difficultés, c’est
pourquoi notre étude se concentre davantage sur les marges arrière.
a. Distinction marge avant / marge arrière
La marge avant correspond à la différence entre le prix de vente au consommateur et le prix
unitaire facturé par le fournisseur, tandis que la marge arrière est « la différence entre le prix net
facturé par le fournisseur et le prix réellement payé par le distributeur, tel que résultant des
réductions de prix conditionnelles et des accords de coopération commerciale ».
Le prix net facturé aux enseignes est défini comme suit :
Tarif du fournisseur:
100
Remise sur factures:
10
Prix unitaire facturé:
90
Remises hors facture:
10
Prix net des produits:
80
Coopération commerciale:
20
Marge avant
Dégradation tarifaire
Marge arrière
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Les remises sur factures correspondent généralement aux remises quantitatives liées au volume
d’achat considéré ou aux remises de fonction. Les marges avant ont fait l’objet de régulations lors de
la loi Galland et fixent le seuil de revente à perte. Ainsi, dans l’exemple ci-dessus, l’enseigne de
grande distribution ne pourra pas vendre le produit en dessous du prix net facturé soit 90.
En supprimant le droit d’alignement, la loi Galland a permis de donner une lisibilité parfaite au prix.
En effet, si une enseigne pratique un prix moins élevé qu’une autre, cela signifie qu’elle a obtenu de
meilleures conditions commerciales via une marge avant plus importante. Dès lors, les concurrents
exigeront les mêmes tarifs auprès des industriels. Les marges arrière, étant plus opaques, permettent
ainsi à l’enseigne de conserver une marge satisfaisante et à l’industriel de continuer à pratiquer des
traitements discriminatoires.
Ainsi, les marges arrière sont en augmentation croissante comme le montre le graphique ci-dessous :
Figure 8 : Evolution du taux de marges arrière depuis 1998
Source: Ilec
Les marges arrière sont donc au cœur des négociations commerciales et ont pris, depuis la loi
Galland, une importance primordiale. Les marges arrière sont généralement liées à des coopérations
commerciales de différentes natures.
b. La nature des coopérations commerciales
Les coopérations commerciales relèvent, généralement, de deux catégories spécifiques, à
savoir le dynamisme commercial pour l’industriel ou la participation aux coûts administratifs de
l’enseigne.
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Les prestations qui relèvent de la dynamique commerciale peuvent porter sur le lancement de
nouveaux produits ou les mises avant ou têtes de gondole qui permettent d’exposer les produits
dans des endroits stratégiques du magasin.
D’autres prestations relèvent davantage de la participation aux coûts administratifs de l’enseigne
mais vont également permettre une meilleure gestion des coûts logistiques de l’industriel. Il peut en
effet s’agir de la simplification de la transmission des informations sur les commandes par le biais de
l’EDI (« Electronic Data Interchange ») qui assure une liaison directe par ordinateur entre le
distributeur et le fournisseur.
La pratique des marges arrière n’est donc pas répréhensible car elle donne lieu à des prestations de
service utiles pour l’industriel. Le problème réside davantage dans l’incapacité des industriels à
refuser ces pratiques sous peine de ne pas conclure l’accord de négociation ainsi que la tarification
de ces prestations, déconnectée de leur valeur réelle.
II-
Les contrats « producteurs-distributeurs »
Afin d’assurer le dynamisme des produits vendus en linéaire, les enseignes de grande
distribution peuvent être amenées à proposer des services en contrepartie d’une rémunération,
appelée prime. Ces prestations sont diverses et nous étudierons, dans cette partie, les prestations les
plus courantes qui revêtent deux formes, à savoir « les primes ponctuelles » et « les primes
récurrentes ». Davantage que de simples services proposés aux industriels, ces prestations prennent
la forme de moyens de pression supplémentaires et peuvent conduire à un déréférencement en cas
de refus de l’industriel.
a. Les primes ponctuelles
Les primes ponctuelles désignent les sommes versées aux distributeurs en compensation de
prestations exceptionnelles et donc non récurrentes. Les primes ponctuelles les plus courantes sont
les primes de référencement ainsi que les primes liées aux ouvertures de magasin.
Les primes de référencement
Il en revient au grand distributeur de décider de commercialiser de nouveaux produits et donc
d’accepter de les référencer en linéaires.
Cependant, les lois successives visant à restreindre les extensions de surface de vente ont rendu les
linéaires rares. Les industriels sont donc amenés à rémunérer le distributeur pour profiter de cette
ressource et/ou pour compenser le risque pris par le distributeur en cas de référencement d’un
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nouveau produit. D’autre part, lors du référencement de nouvelles références, le distributeur devra
engager des dépenses logistiques, telles que l’intégration dans les fichiers, la tarification… Il est donc
demandé aux industriels de participer aux frais via des « primes de référencement ».
Le montant de ces primes est variable et dépend des produits considérés. En effet, il sera basé sur les
prévisions de chiffres d’affaires, sur la notoriété de l’industriel et sur le nombre de grandes surfaces
dans lesquelles sera référencé le produit. Par exemple, selon C. Jacquiau, référencer cinq tablettes de
chocolat dans 1500 supermarchés et 200 hypermarchés donnera lieu à une prime de référencement
de près de 2 millions d’euros.
Ces primes de référencement sont très élevées à cause de la puissance d’achat du distributeur. En
effet, si le distributeur a effectivement besoin de marques fortes pour attirer et fidéliser sa clientèle,
le risque de perdre un client, faute de référencement, est faible car les produits de substitution sont
très développés. En revanche, l’industriel se doit d’être référencé dans un maximum de magasins
possibles pour accroître sa notoriété.
Le législateur est intervenu à plusieurs reprises afin de réguler la situation. La loi Galland a ainsi
inscrit ce principe de menace de déréférencement dans la loi de 1996, interdisant ainsi : « d'obtenir
ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales, des prix, des
délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de coopération commerciale
manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente ». Cette loi se révèle cependant
inefficace dans la mesure où elle ignore le fonctionnement même des réseaux de distribution. En
effet, l’entreprise qui négocie les conditions d’achat (centrales d’achat) est souvent différente de
celle qui achète et revend (centrales de référencement). Ces dernières ne sont en effet pas habilitées
à négocier les volumes d’achat et sont uniquement rémunérées par les primes de référencement.
Ainsi, des difficultés d’application sont apparues suite à la loi et les primes de référencement restent,
à ce jour, toujours utilisées par les distributeurs et régulièrement dénoncées par les industriels et les
politiques comme Jean-Yves Le Déaut, qui a déclaré en 2001 : « Nous avons mis en évidence nombre
de pratiques économiquement nuisibles et juridiquement inacceptables. […] La concurrence est une
idée directrice, pas davantage. Elle n’est en fait jamais réalisée dans la vie des affaires. C’est pourquoi
le législateur doit intervenir. En ce sens, la régulation voulue par le gouvernement [… est] la condition
d’un bon fonctionnement du marché. »
Les ouvertures et extensions de magasins
L’agrandissement d’une surface de vente ou l’ouverture d’un nouveau magasin va permettre à
l’industriel d’être référencé dans plus de magasins ou de proposer une gamme plus étendue de
produits. Ainsi, l’industriel peut espérer un accroissement de son chiffre d’affaires lors des
ouvertures ou extensions de magasin.
Afin de financer les travaux et les coûts logistiques qui en découlent, les enseignes de grande
distribution peuvent donc être amenées à exiger une prime dont le montant dépendra
essentiellement du nombre de mètre carré de surface nouvelle.
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b. Les primes récurrentes
Les primes récurrentes sont des prestations de service qui sont organisées de façon régulière
et sont reconduites tous les ans. La plupart des prestations considérées ont un caractère publicitaire
et peuvent être :
–
la promotion en magasins, généralement des « têtes de gondole »
–
la diffusion de messages publicitaires dans la bande sonore diffusée en magasin
–
la présence de la marque dans les catalogues et prospectus
–
la location d’un emplacement commercial et publicitaire
La tarification ainsi que les négociations commerciales sont gardées confidentielles afin que la
concurrence n’ait pas accès aux informations. Cependant, la tarification de ces prestations de
services correspond généralement à un pourcentage de chiffre d’affaires réalisé par le fournisseur.
Ainsi, le distributeur n’est pas contraint sur le nombre de prestations à pourvoir et peut toucher des
commissions conséquentes si l’opération a accru substantiellement le chiffre d’affaires du
fournisseur. Ce mode de tarification est souvent accompagné d’un taux garanti qui protège
l’industriel en cas de chiffre d’affaires inférieur à celui qui a été budgété. En effet, dans un tel cas de
figure, l’industriel devra simplement payer un montant forfaitaire déterminé à l’avance, qui peut
cependant aller du simple au quintuple selon l’opération et le fournisseur considérés.
Les grands distributeurs réalisent des marges très faibles dans la mesure où, pour fidéliser leur
clientèle, ils doivent vendre les marchandises pratiquement au prix coûtant. Dès lors, pour couvrir
leurs frais et pour satisfaire les actionnaires, les enseignes de grande distribution doivent négocier
avec les fournisseurs pour obtenir des remises et des primes conséquentes en contrepartie de
services rendus. Cependant, la puissance d’achat des enseignes de grande distribution et la
multiplication de certaines pratiques peuvent, à long terme, modifier les structures de marchés. En
effet, les nombreuses primes exigées par les grands distributeurs peuvent conduire à la fragilisation
du secteur amont et à une concentration des producteurs d’autant plus que les industriels peuvent
être menacés de déréférencement en cas de refus de paiement de ces primes.
c. Du déréférencement au refus de vente
Suite au développement des primes de référencement, les modalités de rupture ainsi que les
refus de vente ont été encadrés par le législateur pour éviter tout abus de la part des enseignes de
grande distribution. L’article 56 de la loi relative aux Nouvelles Régulations Economiques interdit en
effet « d'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des
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relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de
paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente. »
(voir article complet en annexe 3).
La notion de « refus de vente » a été instaurée dans les années 1950 lorsque le législateur a voté une
loi obligeant les industriels à livrer les nouveaux supermarchés afin de favoriser cette nouvelle forme
de distribution favorable en termes d’efficacité économique. En 1996, la loi Galland a modifié les
rapports entre producteur et distributeur en supprimant l’article 36-2 de la loi, qui interdisait le refus
de vente. Les industriels étaient ainsi autorisés à refuser une vente à un distributeur. Cette
modification de loi devait permettre d’équilibrer les relations producteur-distributeur dans un souci
d’efficacité économique. Cependant, de nombreuses conditions accompagnent cet article le rendant
ainsi obsolète. En effet, pour appliquer le refus de vente, les industriels ne doivent pas :
–
Conclure d’accords d’entente avec d’autres distributeurs (article 7)
–
Etre en position dominante (article 8)
–
Pratiquer des traitements discriminatoires entre les distributeurs (article 36-1)
Ainsi, le distributeur possède de nombreuses possibilités de recours, en cas de refus de vente d’un
producteur. L’amélioration de la position d’un producteur dans une négociation avec un distributeur
reste donc marginale, malgré cette réforme de la loi Galland de 1986. En revanche, la suppression de
l’interdiction de vente peut handicaper les petits producteurs si un distributeur souhaite conclure un
accord exclusif avec certains d’entre eux. En effet, les distributeurs ont désormais une forte
puissance d’achat qui leur permet de faire pression sur les industriels afin qu’ils ne servent pas
d’autres canaux de distribution. Ainsi, les petits producteurs se verraient contraints de vendre leurs
produits qu’à un seul distributeur et ils se retrouveraient ainsi dans une position de dépendance
économique (voir « Le cas de Corah, fournisseur de Marks & Spencer en annexe 1).
III- Les marges arrière au cœur de la négociation commerciale
Les marges arrière représentent, aujourd’hui, l’exemple même du pouvoir exercé par les
distributeurs sur les industriels. Cette pratique est d’autant plus controversée que l’industriel
manque de solutions de substitution et reste soumis au pouvoir du linéaire. Ainsi, les distributeurs
qui gardent la main mise sur les linéaires, peuvent exiger des tarifs déconnectés de la valeur réelle
des prestations proposées.
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a. Le pouvoir du linéaire
Grâce aux progrès des nouvelles technologies, la circulation de l’information s’accélère. Dès
lors, grâce à Internet et au bouche-à-oreille, la qualité des produits est plus facilement connue mais
aussi plus facilement remise en cause. La fluidité de l’information renforce ainsi la concurrence entre
les marques et la tentation de reporter son achat vers des produits de substitution. Ainsi, la
prolifération des marques, des produits et des points de contact du consommateur avec l’offre le
rend « zappeur » et plus enclin à alterner les marques.
La clé de succès d’une marque réside alors dans la fidélisation de la clientèle ainsi que dans la
compréhension voire l’anticipation de ses besoins. Cependant, les conditions de commercialisation,
l’environnement des produits et l’entourage dont bénéficie le produit en matière de personnel ou de
services, ne dépendent pas du fournisseur. Dans une telle configuration, le poids de la marque bien
que nécessaire, reste peu efficace face au poids du linéaire.
En effet, le consommateur consacre de moins en moins de temps à la réflexion préalable à l’acte
d’achat. Ainsi, selon une étude publiée par la LSA, « le client ne consacre pas plus de six secondes à
l’achat d’une lessive et pas plus d’une minute et demi dans le rayon charcuterie libre-service ». Dès
lors, selon O. Gérardon, « la place consacrée à un produit ou une marque devient une variable
prépondérante de la performance du produit ». Seules les enseignes ont dès lors un contact direct
avec le consommateur et peuvent favoriser une marque ou un produit en particulier grâce à son
emplacement en linéaire et ainsi maximiser les ventes.
Le pouvoir du linéaire renforce ainsi le pouvoir des enseignes dans les négociations commerciales et
les industriels sont contraints d’accepter de rémunérer les enseignes en échange de l’assurance que
leurs produits seront correctement mis en valeur en rayon.
b. La tarification des marges arrière
Les marges arrière, comme vu précédemment, sont au cœur de la négociation commerciale
car elles permettent aux industriels d’avoir un pouvoir sur le positionnement de leurs produits en
linéaire et ainsi maximiser les ventes. Ce processus de négociation est cependant opaque et ne
répond à aucune réelle logique de tarification, ce qui est d’ailleurs dénoncé par les industriels.
Parmi les prestations de service facturées les plus chères, figurent les têtes de gondole, c’est-à-dire
les bouts de rayon très visibles par le consommateur. Viennent ensuite les apparitions dans les
catalogues édités par les enseignes de grande distribution. Ces deux prestations de service peuvent
facilement faire l’objet d’une « tarification en valeur » qui consiste à quantifier avec précision le
nombre d’opérations qui doivent être réalisées dans l’année.
Cependant, la tarification actuelle de rigueur est calculée à partir du pourcentage du chiffre d’affaires
attendu par le fournisseur. Cette pratique a été mise en place en 2008 lors de l’embellie de
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l’économie française qui a permis aux industriels d’atteindre des chiffres d’affaire supérieurs à leurs
attentes. Les enseignes de grande distribution ont alors demandé un pourcentage sur les chiffres
d’affaires et ont ainsi obtenu des bonus significatifs. La tarification «taux» est souvent accompagnée
de taux garantis qui protègent les industriels en cas de chiffre d’affaires réalisé inférieur à celui
budgété.
Cependant, quel que soit le type de contrat, la facturation des prestations échappe dans une large
mesure aux faits générateurs censés déclencher la prise de revenu. En effet, le calendrier de
facturation est totalement déconnecté du moment de la réalisation des prestations. Lors de ces
contrats « valeur », un étalement trimestriel des paiements est en effet convenu lors des
négociations commerciales et ne correspond pas forcément à la réalité des exécutions des
prestations de service. Quant aux contrats « taux », des acomptes trimestriels sont établis d’après le
chiffre d’affaires budgété et une régulation a éventuellement lieu en fin d’année en fonction des
ventes réelles du fournisseur.
La tarification des marges arrière reste obscure car elle est, la plupart du temps, décorrélée de toute
logique de « juste valeur ». La puissance d’achat des grands distributeurs leur permet d’imposer aux
industriels leurs règles de négociation et d’appliquer ainsi des marges arrière parfois peu justifiées.
La pratique des marges arrière peut être créatrice de valeur pour les industriels mais leur caractère
disproportionné fait débat. Au niveau de leur traitement comptable, l’absence de fait générateur de
prise de revenu ainsi que la notion biaisée de « juste valeur » amènent à nous interroger sur les
principes comptables à adopter, les incidences sur les comptes et sur les modifications éventuelles à
adopter dans le référentiel IFRS. Ces problématiques seront abordées dans la dernière partie du
mémoire.
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Partie C : Analyse du traitement comptable des marges arrière
et mises en perspective
Les marges arrière sont une pratique controversée dans la mesure où elles ne donnent pas
toujours lieu à des prestations de service identifiables. Cette ambivalence peut donc avoir un impact
significatif dans la présentation des états financiers dans la mesure où les normes comptables
françaises se basent sur la réalité juridique des transactions tandis que les normes IFRS s’appuient
sur la substance économique.
Cette partie portera ainsi sur le traitement comptable des marges arrière, selon les deux référentiels
en usage.
I-
Traitement comptable des marges arrière selon le référentiel français
Certains grands distributeurs, comme E. Leclerc, ne sont pas côtés en bourse et n’ont pas
pour obligation de publier leurs états financiers en IFRS. Il est donc important d’étudier le traitement
comptable des marges arrière selon le plan comptable général bien que les grands groupes, même
non côtés, adoptent de plus en plus les normes internationales.
a. Les principes de comptabilisation
Les principes comptables français distinguent :
-
Les éléments constitutifs d’une réduction du prix d’acquisition des marchandises (rabais,
remises et ristournes)
-
Les prestations de services
La distinction se mesure grâce à une analyse juridique des contrats qui lient le distributeur à
l’industriel.
Les rabais et ristournes
Les rabais, les remises et les ristournes sont considérés par le plan comptable général comme des
réductions du prix d’acquisition des biens. Les modalités ainsi que le montant de ces avantages
doivent être mentionnés dans les conditions générales de vente.
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Le plan comptable général distingue :
-
Les réductions immédiates : elles sont accordées sur facture et viennent directement
s’imputer sur les ventes (dans les comptes du fournisseur) ou sur les achats (dans les
comptes du distributeur) à leur valeur nette.
-
Les ristournes hors facture (ristournes conditionnelles) : elles sont enregistrées dans le
compte 709 « rabais, remises, ristournes accordées par l’entreprise » pour le fournisseur et
dans le 609 « rabais, remises, ristournes obtenues sur l’achat » pour le distributeur.
Les ristournes sont comptabilisées au fur et à mesure de l’exercice et des ventes réalisées par
l’industriel. A la clôture de l’exercice, celui-ci doit estimer les reliquats dus au titre des ristournes
conditionnelles obtenues par le distributeur. Quant au distributeur, il doit intégrer les ristournes hors
facture dans la valorisation des stocks.
Les coopérations commerciales
Les coopérations commerciales ont été définies par la Cour de Cassation comme « un contrat de
prestation de service dont le contenu et la rémunération sont définis d'un commun accord entre un
fournisseur et un distributeur. »
Selon le Plan comptable général, elles sont enregistrées :
-
Chez le fournisseur, dans un compte de charges « autres services extérieurs » et plus
spécifiquement dans un sous compte correspondant à la nature exacte des prestations
réalisées
-
Chez le distributeur, dans un compte de produit et plus spécifiquement dans le compte 708
« autres produits annexes » dans la mesure où ces prestations de services ne constituent pas
l’activité principale du distributeur. Les coûts de mise en œuvre des prestations doivent être,
quant à eux, enregistrés dans les comptes de charge correspondants.
Les coopérations commerciales, contrairement aux rabais et ristournes, ne sont pas considérées
comme des réductions du prix d’acquisition des biens et n’apparaissent donc pas dans la valorisation
des stocks du distributeur.
b. Les incidences sur les états financiers
Les marges arrière ont des impacts directs sur les états financiers et en particulier sur
l’enregistrement des produits, l’évaluation du chiffre d’affaires et l’évaluation des stocks.
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L’enregistrement des produits
Comme étudié précédemment, la coopération commerciale doit être enregistrée dans le compte 708
du distributeur « autres produits des activités annexes ».
Cette norme comptable soulève toutefois quelques interrogations :
-
Les marges arrière sont enregistrées en tant qu’ « autres produits » dans la mesure où elles
ne constituent pas le cœur de métier du distributeur. Cependant, les marges arrière
constituent, aujourd’hui, une part non négligeable du chiffre d’affaires, à savoir 37% du prix
facturé. Cependant, malgré la migration des négociations de l’avant vers l’arrière et donc un
déplacement des agrégats comptables, les traitements comptables associés n’ont pas été
modifiés.
-
Les produits sont censés être enregistrés au fur et à mesure de leur réalisation. Cependant, à
l’exception de certains services, comme les catalogues ou les opérations de fidélisation, les
faits générateurs des prestations de service ne sont pas clairement identifiables. Cette
situation soulève donc la question du caractère adéquat de la comptabilisation des produits
dès lors qu’aucune contrepartie n’a été donnée. Cependant, si un accord lie les deux parties,
il peut être considéré que la totalité des marges arrière et des coopérations commerciales
est due, à la différence près des écarts éventuels entre le chiffre d’affaires budgété et le
chiffre d’affaires réel.
L’évaluation du chiffre d’affaires
Le traitement comptable des rabais, remises et ristournes étudié ci-dessus conduit à une
présentation en valeur nette du chiffre d’affaires pour le fournisseur et du coût d’achat des
marchandises pour le distributeur. La coopération commerciale, considérée comme prestation de
service annexe, n’entre pas en considération dans le calcul des ventes et des achats.
La migration des négociations commerciales de l’avant vers l’arrière, suite à la loi Galland, ont
conduit à une hausse des prix des produits et donc à un gonflement du chiffre d’affaires nominal
pour le fournisseur. Cet effet inflationniste est favorable à l’industriel car il contribue,
statistiquement, à doper la croissance de ses ventes. Pour le distributeur, ce sont les coûts de
promotion qui apparaîtront élevés.
L’évaluation des stocks
Chez le fournisseur, les remises sont déduites directement du chiffre d’affaires et les coûts des
prestations de service exécutées par le distributeur sont enregistrés en charges. Par conséquent, les
marges arrière n’ont aucun impact dans l’évaluation des stocks des fournisseurs.
Chez le distributeur, les stocks de marchandises sont enregistrés à leur coût d’acquisition. A la clôture
de l’exercice, le coût d’entrée de la marchandise doit être comparé à sa valeur d’inventaire et la plus
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faible des deux valeurs ainsi obtenue sera retenue. A noter que le coût d’acquisition doit être minoré
des remises déduites sur facture. Les ristournes différées, comptabilisées dans le compte 609, seront
également prises en compte dans la valorisation des stocks.
Mécaniquement, la valeur des stocks tient compte des ristournes sur facture tout au long de l’année,
les entrées de marchandises étant comptabilisées à leur valeur nette. Les ristournes différées
donnent lieu à un « abattement des stocks » calculé à la clôture de l’exercice. Il s’agit de minorer les
stocks de la quote-part des ristournes différées qui leur revient.
Seules les coopérations commerciales, considérées par le Plan comptable général comme des
activités annexes, sont exclues de l’évaluation des stocks. Ainsi, la migration des négociations
commerciales de l’avant vers l’arrière aboutit ici à survaloriser les stocks des distributeurs de la
dégradation tarifaire qui n’est pas prise en compte lors de l’évaluation.
Les principes comptables français sont fondés sur la réalité juridique des transactions et ne prennent
donc pas en compte la notion de « coopération morte », pourtant très actuelle. Bien que les marges
arrière soient une spécificité française, les normes comptables internationales ont mis en place des
cadres conceptuels permettant un traitement comptable des marges arrière plus fidèle à la réalité
des transactions.
II-
Traitement comptable des marges arrière selon les normes IFRS
Depuis 2005, les entreprises cotées ont pour obligation de publier leurs états financiers selon
les normes internationales. Cette partie a pour vocation d’étudier les normes IFRS et IAS utilisées
dans le traitement comptable des marges arrière. Ainsi, la philosophie comptable préconisée par les
IFRS, ainsi que les normes IAS 2 relative aux stocks et IAS 18 relative aux produits des activités
ordinaires seront étudiées.
a. Le principe de primauté de la substance sur la forme
Le principe de prééminence de la substance des opérations sur la forme qu’elles prennent est
posé dans le cadre conceptuel des IAS. Ce principe apparaît comme un des éléments fondateurs des
normes IAS et l’un des attributs de fiabilité des états financiers considérée comme une
caractéristique qualitative au même titre que l’intelligibilité, la pertinence et la comparabilité.
Le paragraphe 35 du cadre conceptuel des IAS énonce en effet que l'information, pour publier une
image fidèle des transactions et autres événements qu'elle vise à présenter, doit traduire la réalité
économique de ces derniers et non pas seulement leur forme juridique (texte complet en annexe 4).
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Ce qui ressort de ce principe est:
–
La qualification juridique des évènements est insuffisante pour comprendre les ressorts
économiques d’une transaction et ainsi permettre une présentation fidèle des états
financiers. Les transactions doivent ainsi être analysées selon un contexte économique
donné.
–
Une analyse économique « au plus près de la transaction » est nécessaire dans la mesure où
une simple qualification générique ne peut traduire des réalités potentiellement différentes
selon les contrats.
Ce principe de primauté de la substance sur la forme a d’importantes conséquences sur le traitement
comptable des marges arrière. En effet, si les marges arrière peuvent être créatrices de valeur pour
les industriels, elles sont remises en cause lorsqu’elles ne donnent lieu à aucune prestation de service
identifiable. Cette deuxième fraction de la coopération commerciale, dite « coopération morte », est
qualifiée différemment dans le cadre conceptuel des IFRS. En effet, dans ce cas, la coopération
commerciale correspond à une réduction du prix d’achat, et non une prestation de service et
correspond donc davantage à la réalité économique de la transaction.
L’IAS 2 relative aux stocks et l’IAS 18 relative aux produits des activités ordinaires, sont les textes qui
serviront de support à l’étude de l’approche comptable en IAS/IFRS, fondée sur la réalité
économique des marges arrière.
b. L’IAS 2 relative aux stocks
Comme évoqué précédemment, dans le cas du fournisseur, les remises sont déduites
directement du chiffre d’affaires et les coûts des prestations de service fournies par le distributeur
sont enregistrés en charges. Les marges arrière n’ont donc aucun impact sur la valorisation des
stocks des industriels. La norme IAS 2 ne concernera donc que les stocks du distributeur.
Le paragraphe 7 de la norme IAS, relative aux stocks, fixe ainsi les règles de valorisation des stocks
selon lesquelles : « le coût des stocks doit comprendre tous les coûts d’acquisition, coûts de
transformation et autres coûts encourus pour amener les stocks à l’endroit et dans l’état où ils se
trouvent ».
Le paragraphe 8 précise, quant à lui, la notion de coût d’acquisition : « les coûts d’acquisition des
stocks comprennent le prix d’achat, les droits de douane et autres taxes (autres que les taxes
ultérieurement récupérables pour l’entreprise auprès des administrations fiscales), ainsi que les frais
de transport, de manutention et autres coûts directement attribuables à l’acquisition des produits
finis, des matières premières et des services. Les rabais commerciaux, remises et autres éléments
similaires sont déduits pour déterminer les coûts d’acquisition. »
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Selon le référentiel IAS/IFRS, le coût d’acquisition des stocks intègre donc :
–
Des éléments « directement attribuables à l’acquisition des produits finis » : ceci induit une
relation de causalité entre l’acte d’achat et la naissance des coûts. C’est, par exemple, le cas
des prestations de service effectuées dans le cadre des coopérations commerciales, qui sont
généralement liées à l’acte d’achat et dont les modalités (tarification, produit considéré,
durée de l’opération) sont précisées dans l’accord qui lie le distributeur à l’industriel.
–
D’ « autres éléments similaires [aux rabais commerciaux et remises]» : ces éléments doivent
être déduits de la valeur des stocks. Tout comme les rabais et remises, ces « autres
éléments » doivent correspondre à des réductions de prix sans contrepartie autre que l’acte
d’achat. Ils peuvent donc être assimilés aux sommes que le fournisseur reverse ou auxquelles
il renonce pour conclure l’acte d’achat. Les normes IFRS / IAS prévoient donc également le
traitement comptable des dégradations tarifaires.
Dans le cas précis des marges arrière, le cadre conceptuel des IFRS, en particulier la norme IAS 2,
relative aux stocks, prévoit que :
–
Même si les coopérations commerciales sont qualifiées juridiquement de prestations de
service, elles doivent faire l’objet d’une analyse économique approfondie
–
Les coopérations commerciales, assimilables à une dégradation tarifaire car elles ne donnent
pas lieu à une prestation de service clairement identifiable, doivent être prises en compte
dans la valorisation des stocks des distributeurs. Ainsi, elles viendront réduire le coût
d’acquisition des marchandises et donc minorer la valeur des stocks à la clôture de l’exercice.
c. L’IAS 18, relative aux produits des activités ordinaires
Le problème soulevé par l’application de cette norme n’est pas lié à la reconnaissance des
revenus en tant que telle, mais davantage sur la détermination du chiffre d’affaires du fournisseur et,
plus précisément, sur les modalités de prise en compte des coopérations commerciales.
Les paragraphes 9 et 10 de l’IAS 18, relative aux produits des activités ordinaires, soulignent leur
mode d’évaluation :
–
Paragraphe 9 : « les produits des activités ordinaires doivent être évalués à la juste valeur de
la contrepartie reçue ou à recevoir. »
–
Paragraphe 10 : « Le montant des produits des activités ordinaires provenant d'une
transaction est en général déterminé par accord entre l'entité et l'acheteur ou l'utilisateur de
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l'actif. Ce montant est évalué à la juste valeur de la contrepartie reçue ou à recevoir en tenant
compte du montant de toute remise commerciale ou rabais pour quantités consenti par
l'entité.»
Dès lors, les coopérations commerciales, dites « mortes », c’est-à-dire qui ne donnent lieu à aucune
prestation de service identifiable, doit donc venir en réduction du chiffre d’affaires, en tant que
« remise commerciale ou rabais pour quantités consenti par l’entreprise ».
Comme étudié précédemment, les coopérations commerciales, assimilées à des dégradations
tarifaires, représentent une part non négligeable des coopérations commerciales. Ainsi, l’effet sur les
comptes des industriels de la norme IAS 18 est notable.
La norme a également des conséquences sur le traitement comptable des coopérations
commerciales pour le distributeur. En effet selon le paragraphe 20 : « Lorsque le résultat d'une
transaction faisant intervenir une prestation de services peut être estimé de façon fiable, le produit
des activités ordinaires associé à cette transaction doit être comptabilisé en fonction du degré
d'avancement de la transaction à la date de clôture. Le résultat d'une transaction peut être estimé de
façon fiable lorsqu'il aura été satisfait à l'ensemble des conditions suivantes:
– le montant des produits des activités ordinaires peut être évalué de façon fiable
– il est probable que les avantages économiques associés à la transaction iront à l'entité
– le degré d'avancement de la transaction à la date de clôture peut être évalué de façon fiable
– les coûts encourus pour la transaction et les coûts pour achever la transaction peuvent être
évalués de façon fiable. »
Cependant, compte tenu des caractéristiques propres des coopérations commerciales dites
« mortes », il est impossible de suivre le degré d’avancement de la transaction et aucun coût n’est
encouru pour leur réalisation. Il est donc prévu, dans le paragraphe 24, des méthodes annexes
permettant de mesurer le degré d’avancement de ce type de prestations, comme :
–
L’examen des travaux effectués
–
Les services rendus à la date considérée exprimés en pourcentage du total des services à
exécuter
–
La proportion des coûts encourus à la date considérée par rapport au total des coûts estimés
de la transaction
Si ces méthodes annexes sont retenues, des outils de suivi doivent être mis en place pour être
capable de donner des estimations fiables.
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Dès lors, en cas de qualification de la coopération commerciale en prestation de services,
l’application stricte de la norme conduirait à n’enregistrer en revenus pour le distributeur que la
quote-part des coûts encourus pour la mise en œuvre de la prestation. Par ailleurs, selon le
paragraphe 25 de la norme, lorsque les services fournis au cours d’un exercice comptable sont
composés d’un nombre indéterminé d’opérations, il est préconisé d’enregistrer les revenus selon la
méthode linéaire sur la période, sauf si une autre méthode de comptabilisation est plus adaptée.
Enfin, selon le paragraphe 26, « lorsque le résultat d’une transaction faisant intervenir une prestation
de services ne peut être estimé de façon fiable, le produit des activités ordinaires ne doit être
comptabilisé qu’à hauteur des charges comptabilisées qui sont recouvrables. »
Les deux approches IFRS et PCG divergent donc sur le traitement comptable des marges arrière et,
pour les sociétés non cotées, qui ne sont pas obligées de publier leurs états financiers selon les
normes IFRS, le choix entre les deux approches revient à la direction de l’entreprise.
II-
Etude de cas : impacts des marges arrière selon le référentiel choisi
Que ce soit dans le référentiel français ou européen avec les IFRS, l’impact du traitement
comptable des marges arrière dans les états financiers a surtout lieu dans l’évaluation des stocks
ainsi que dans l’estimation des revenus. En ce qui concerne l’évaluation des stocks, la principale
différence entre les normes comptables françaises et les IFRS se situe dans le traitement des remises
différées et des coopérations commerciales. En ce qui concerne l’estimation des revenus, la
différence se situe dans le traitement des marges arrière qui ne donnent lieu à aucune prestation
commerciale identifiable. Dans cette partie, nous prendrons donc des exemples concrets et chiffrés
afin d’évaluer l’impact des marges arrière dans les états financiers selon le référentiel choisi.
a. Evaluation des stocks
Les entreprises cotées ont pour obligation de publier leurs comptes selon le référentiel IFRS.
Cependant, dans le cas des entreprises non cotées, le choix de référentiel dépend de la décision de la
direction.
Selon le référentiel choisi, les stocks peuvent ainsi être évalués :
–
Suivant la méthode du prix d’achat effectif, selon le référentiel français
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–
Suivant la méthode du prix « triple net », basée sur le principe de primauté de la substance
sur la forme propre au référentiel IFRS
L’évaluation des stocks selon la méthode du prix d’achat effectif implique la prise en compte de :
–
Les rabais, ristournes, remises sont déduits du prix d’achat
–
Les recettes des coopérations commerciales sont enregistrées en produits financiers, en
dehors de l’évaluation des stocks
L’évaluation des stocks suivant la méthode d’évaluation « triple net » oblige, en revanche, à prendre
en compte tous les éléments directement attribuables à l’acquisition, comme vu précédemment.
Exemple chiffré
Comme étudié précédemment, les coopérations commerciales, tout comme les ristournes sont
considérées comme directement attribuables à l’acquisition. Ceci constitue la principale divergence
entre les principes comptables français et international.
Nous essayerons d’illustrer ci-dessous ces différentes philosophies comptables en étudiant, dans les
deux cas, l’impact des marges arrière dans le résultat d’exploitation.
A noter que l’étude portera sur une seule référence afin de simplifier l’explication et la rendre plus
compréhensible. Conformément aux nouvelles réglementations et plus précisément à la loi de
modernisation de l’économie, nous considérons, dans cette étude, que les prestations commerciales
sont réelles et facturées à leur juste prix.
Figure 9 : Calcul du prix net facturé
Taux
En euros
10
Réductions sur facture
Remise sur quantité
Remise pour frais de stockage
Avances remises de fin d'année
1,5%
3%
3%
0,15
0,3
0,3
TOTAL
7,50%
9,25
Prix de vente (en euros)
Le prix net facturé sera donc de 9,25 euros.
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Pour effectuer le calcul du prix net facturé, nous avons déduit certaines ristournes sur facture,
notamment :
–
La remise sur quantité, évaluée à 1,5%. Selon le volume acheté par le grand
distributeur, l’industriel peut accorder des ristournes plus ou moins importantes
–
La remise pour frais de stockage, évaluée à 3%. Il s’agit de la participation aux frais de
stockage qui dépend essentiellement du volume concerné et de la nature des produits
–
Les avances sur remises de fin d’année, évaluées à 3%. Il est supposé que le taux de remises
de fin d’année est de 8%, dont 5% représentent une ristourne conditionnelle volume,
obtenue en fonction d’un certain volume d’achat sur l’année. Des avances de remises de fin
d’année peuvent être accordées en fonction du volume d’achat négocié et du poids du grand
distributeur concerné dans les négociations commerciales.
Une fois l’ensemble des ristournes conditionnelles déduites, le prix net net s’élève donc à (10-0,150,3)*0,92 soit 8,75 euros.
Figure 10 : Part des coopérations commerciales
Têtes de gondole
Apparition catalogues
Total coopérations commerciales
40 000
10 000
50 000
Montant des achats budgétés
500 000
Part des coopérations commerciales
10%
La part des coopérations commerciales s’élève donc à 10%. Il est spécifié que l’ensemble des
coopérations commerciales, conformément à la législation en cours, donne lieu à des prestations de
service réelles et identifiables.
Les coopérations commerciales sont négociées en début d’année mais sont payées par l’industriel
trimestriellement, quelles que soient les dates effectives des prestations de service. Ici, les
versements trimestriels s’élèveront à 12 500 €.
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Figure 11 : Calcul du prix triple net
Prix de vente
10,00 €
Prix net
Remise sur quantité
1,50%
Remise pour frais de stockage
0,15 €
3%
0,30 €
Sous-total
9,55 €
Prix net net
Remise de fin d'année
8%
0,76 €
Sous-total
8,79 €
Prix triple net
Coopérations commerciales
10%
0,88 €
TOTAL
7,91 €
Nous supposons que le distributeur décide de vendre le produit 9,3 €, la loi en vigueur lui interdisant
de revendre à perte.
Concernant le calendrier des achats et des ventes, nous basons l’étude sur les hypothèses suivantes :
Figure 12 : Calendrier des achats et ventes
Période
du 01/01/N au 30/06/N
du 01/07/N au 31/12/N
du 01/01/N+1 au 31/12/N+1
Achats
25 000
35 000
-
Ventes
23 000
27 000
10 000
Stock final
2 000
8 000
-
Nous étudierons les impacts des marges arrière sur le résultat d’exploitation au 30/06/et au 31/12/N.
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Figure 13 : Etats semestriels arrêtés au 30/06/N
Ventes
Achats
Méthode du prix d'achat effectif
Méthode du prix triple net
Principes comptables français
Principes comptables IFRS
213 900
213 900
(23 000 x 9,3)
(23 000 x 9,3)
231 250
231 250
(25 000 x 9,25)
(25 000 x 9,25)
Ristournes *
-
Stock initial
-
Stock final **
Coopération commerciale
11 562
(231 250 * 5%)
-
18 500
15 820
(2 000 x 9,25)
(2 000 x 7,91)
-
23 125
(231 250 x 10%)
Marge commerciale
1 150
33 157
Taux de marge commerciale
0,5%
15,5%
Autres produits ***
25 000
(12 500 * 2)
Résultat d'exploitation
26 150
33 157
Taux de marge
12,2%
15,5%
* Il s’agit de la ristourne conditionnelle liée au volume d’achat, qui n’est pas pris en compte dans le
calcul du prix d’achat effectif, ici 5%. Etant donné que plus de 40% des achats de l’année ont été
effectués avant le 30/06/N, nous avons décidé de prendre en compte les ristournes conditionnelles
dans le calcul de la marge.
** La méthode du prix d’achat effectif impose de valoriser les stocks au prix facturé par le
fournisseur, tandis que la méthode des IFRS valorise les stocks au prix triple net.
*** La coopération commerciale est comptabilisée au fur et à mesure de la facturation selon les
normes comptables françaises tandis que la méthode des IFRS impose de tenir compte de
l’avancement des réalisations des prestations de services.
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Figure 14 : Etats annuels arrêtés au 31/12/N
Ventes
Achats
Ristournes *
Stock initial
Méthode du prix d'achat effectif
Méthode du prix triple net
Principes comptables français
Principes comptables IFRS
465 000
465 000
(50 000 x 9,3)
(50 000 x 9,3)
555 000
555 000
(60 000 x 9,25)
(60 000 x 9,25)
27 750
27 750
(550 000 * 5%)
(550 000 * 5%)
-
-
70 320
63 280
(8 000 x 8,79)
(8 000 x 7,91)
-
50 000
Marge commerciale
8 070
51 030
Taux de marge commerciale
1,7%
11,0%
Autres produits ***
50 000
-
Résultat d'exploitation
58 070
51 030
Taux de marge
12,5%
11,0%
Stock final **
Coopération commerciale
* La ristourne conditionnelle est appliquée car on suppose que le volume critique négocié était
inférieur à 60 000.
** Le coût d’entrée, applicable dans la valorisation des stocks selon les principes comptables français,
passe de 9,25€ à 8,79€ grâce aux ristournes conditionnelles.
*** L’ensemble du budget des prestations commerciales est comptabilisé.
On observe ainsi que la rentabilité de l’exercice est supérieure avec la méthode du prix d’achat
effectif qu’avec la méthode du prix triple net (alors qu’il s’agissait du contraire dans les états
semestriels). Cette situation est due à la non répercussion des coopérations commerciales dans
l’évaluation du stock.
Ainsi, selon le référentiel comptable choisi, les impacts dans les états financiers diffèrent aussi bien
dans le compte de résultat que dans le bilan.
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Impacts sur le compte de résultat
Le référentiel comptable français ne prend pas en compte les coopérations commerciales dans le
calcul de la marge commerciale. La marge commerciale peut ainsi fluctuer entre 0,5% (au 30/06/N)
et 1,7% (au 31/12/N) sur la même période. Il est donc difficile d’estimer la rentabilité d’un produit,
tant elle diffère d’une période à l’autre.
Le référentiel comptable français ne prend pas non plus en compte les ristournes conditionnelles
dans le calcul du prix d’achat effectif, si elles ne sont pas acquises dès l’émission de la facture. Il en
résulte une différence dans le prix de revient entre l’arrêté semestriel et l’arrêté annuel. Ceci peut
également expliquer la sous-évaluation de la marge commerciale à l’arrêté semestriel. D’autre part,
dans le cas des « coopérations mortes », une dégradation du prix d’achat doit être envisagée mais
est rendue impossible par cette approche comptable.
En ce qui concerne la méthode du prix triple net, les coopérations commerciales sont considérées
comme des éléments venant en réduction du prix d’achat. Ainsi, le taux de marge commerciale
apparaît relativement stable. D’autre part, les ristournes conditionnelles sont intégrées dans le calcul
de la marge commerciale car leur probabilité de réalisation est élevée. Ainsi, les marges calculées
sont plus proches de la réalité et peuvent être plus facilement comparées d’une période à l’autre.
Impacts au niveau du bilan
Dans la méthode du prix d’achat effectif, le stock est évalué à 70 300 € contre 63 280 € avec la
méthode IFRS, soit une différence de 10%, représentant exactement le poids de la coopération
commerciale dans les achats. Cette différence peut être encore plus élevée dans la réalité et
représente le composant le plus important du bilan des enseignes de grande distribution.
Il en résulte que plus le poids des remises de fin d’année dans les coopérations commerciales sera
important, plus les stocks seront sous-évalués. Une baisse du résultat sera donc également à prévoir.
Dès lors, selon la structure de répartition entre remises de fin d’année et coopérations commerciales,
les comptes d’une entreprise différeront. Il est également très compliqué, voire impossible, de
comparer deux états financiers d’enseignes qui ont adopté des référentiels comptables différents.
b. Enregistrement des coopérations commerciales
La primauté de la substance sur la forme dans les normes comptables internationales oblige
les industriels, tout comme les distributeurs, qui publient leurs comptes en IFRS à distinguer les
coopérations commerciales des « coopérations mortes », qui sont considérées alors comme des
dégradations tarifaires. Dans le référentiel français, en effet, cette distinction n’est pas faite dans la
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mesure où les coopérations commerciales sont enregistrées au fur et à mesure dans « autres
produits annexes » dans le cas du distributeur.
Nous étudierons, dans cette partie, les impacts de l’application des normes IFRS pour l’industriel,
d’une part, et pour le distributeur, d’autre part.
Les conséquences pour l’industriel
La comptabilisation des coopérations commerciales, selon le référentiel IFRS nécessite une analyse
économique des opérations afin de distinguer les « coopérations mortes », considérées comme des
dégradations tarifaires des prestations de service.
Ainsi, la valeur réelle de la prestation de service, qui diffère du tarif demandé par le distributeur,
sera comptabilisée dans un sous compte de publicité, tandis que l’autre partie, considérée comme
dégradation tarifaire, sera enregistrée comme diminution de chiffre d’affaires dans le compte 709
« RRR accordés ». Dans tous les cas, les coopérations commerciales ne doivent pas être enregistrées
en exceptionnel car il s’agit d’opérations courantes.
Les budgets de coopération commerciale sont généralement négociés annuellement et enregistrés
dans les états financiers sur la base du pourcentage réalisé à la période considérée.
Les conséquences pour le distributeur
Le référentiel français ne fait pas de distinction entre les coopérations mortes et les « réelles »
prestations de service. Dès lors, l’état arrêté au 31/12/N selon le référentiel français sera équivalent
à la figure 14.
Selon le référentiel IFRS, le distributeur devra déduire du coût d’acquisition des marchandises (ici
555 000 selon la figure 14) le montant des « coopérations mortes ». La marge dégagée par les ventes
sera alors supérieure et plus fidèle et plus fidèle à la réalité. Le montant enregistré en « coopération
commerciale » ne correspondra alors qu’à la valeur réelle de la prestation de service. Enfin,
l’abattement des stocks à la clôture devra intégrer la quote-part de coopération morte non
consommée durant l’exercice.
Concernant l’enregistrement des recettes de coopération commerciale, l’IAS 18 stipule que le produit
associé à la prestation de service doit être comptabilisé en fonction du degré d’avancement de la
transaction à la période considérée. Un suivi analytique de l’avancement des prestations doit donc
être mis en place.
Impacts sur la présentation des états financiers.
Concernant les industriels, aucune différence notable n’est à soulever à propos des modalités de
présentation des états financiers entre les normes IFRS et les normes comptables françaises.
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Concernant les distributeurs, l’IAS 1 précise dans le paragraphe 29 : « tout élément significatif doit
faire l’objet d’une présentation séparée dans les états financiers ». Les prestations commerciales,
représentant une part importante du chiffre d’affaires des distributeurs, doivent ainsi faire l’objet
d’une ligne spécifique, distincte des ventes de marchandises (voir « note 1 : résultat d’exploitation »
du Groupe Casino en annexe 5). De même, les coûts encourus pour réaliser les prestations de service
doivent être précisés dans une ligne distincte des états financiers.
III-
Mises en perspective
Beaucoup d’avancées sur la réglementation des marges arrière ont été faites depuis la loi
Galland en 1996. Cependant, malgré la loi de modernisation de l’économie de 2008, les marges
arrière restent en vigueur et leur tarification n’est pas encadrée. Pour pallier ce problème, une grille
d’analyse des prestations commerciales est à envisager. D’autre part, une réforme de l’IAS 18 relative
à la comptabilisation du chiffre d’affaires est en cours et permettra certainement de rendre les
pratiques commerciales plus transparentes.
a. Proposition d’une grille d’analyse
Le cadre conceptuel établi par les normes IFRS permet de comptabiliser les « coopérations
mortes » en tant que dégradation tarifaire. Le traitement comptable des marges arrière a, ainsi, été
étudié précédemment. Cependant une grille d’analyse des contrats et des prestations de service est
nécessaire afin de qualifier correctement les coopérations commerciales concernées.
Distinction entre coopération morte et prestation de service
L’industriel doit s’assurer, dès les négociations commerciales, qu’un suivi régulier des actions du
distributeur sera mis en place. D’autre part, une description détaillée des opérations devra être
établie dans le contrat afin d’apprécier la nature de la coopération commerciale. La présomption de
dégradation tarifaire existera dès lors que les dénominations génériques des prestations de service
ne comporteront pas de détails précis de mise en œuvre (valorisation des produits, implantation
dans le linéaire…) ou que le service correspondra à la valorisation d’un aspect de l’organisation de
l’enseigne qui existe indépendamment de la relation avec le fournisseur.
La tarification des services
La tarification des services proposés par les distributeurs doit également être encadrée afin de
déterminer précisément la valeur réelle de l’opération, nécessaire à l’établissement des états
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financiers sous le référentiel IFRS. Ainsi, il s’agit de déterminer la « juste valeur » du coût de la
prestation de services. Une analogie avec la position prise par le « Standing Interpretation
Committee » dans le SIC 31 consacrée aux transactions d’échanges concernant des prestations de
publicité. Il s’agissait en effet d’évaluer de façon fiable à la « juste valeur » des services de publicité
reçus.
D’après ce texte, la valeur vénale d’un service ne peut être appréciée que par référence à des ventes
normales.
Une vente est considérée comme normale si elle :




Implique un service semblable à d’autres services connus
Se produit fréquemment
Représente la majorité des transactions de même nature
Est payée en actifs monétaires ou autres actifs dont la juste valeur peut être mesurée
aisément
Dans le cadre des marges arrière, si la transaction peut être comparée à des transactions normales,
le coût retenu pour la prestation de services doit alors être la juste valeur de la transaction. La
différence entre cette valeur et le coût total doit être traitée comme dégradation tarifaire. Dans le
cas contraire, si la transaction n’est pas considérée comme normale, la valeur de la prestation de
services correspondra alors à la valeur payée pour la transaction.
Méthodes de suivi de l’avancement des prestations
Les méthodes de suivi de l’avancement des prestations doivent différer selon la nature des
prestations de service afin de répondre aux exigences de la norme IAS 18 :

Catalogues, opérations ponctuelles : examen des travaux exécutés

Opérations identifiables et limitées dans le temps (têtes de gondole) : services rendus à la
date considérée en % du total des services

Opérations difficilement identifiables unitairement (bornes coupons) : proportion des coûts

Actions ponctuelles identifiables : tarification en valeur
Une grille d’analyse des prestations de service est nécessaire pour uniformiser les méthodes de
traitement comptable des marges arrière. Elle doit être rendue officielle et obligatoire, sous réserve
que les deux parties concernés veulent et soient prêts à réglementer les pratiques commerciales, ce
qui n’a pas été le cas jusqu’ici. D’autre part, elle doit être élaborée conjointement entre les
distributeurs et les industriels afin qu’elle soit efficace et durable.
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b. Projet de réforme de la norme IAS 18
La norme IAS 18 sur la comptabilisation du chiffre d’affaires est, depuis 2010, rediscutée afin
de la rendre plus universelle.
En effet, le nouveau projet de norme a pour objectif de réconcilier les pratiques américaines (US
GAAP) et internationales, les principes comptables américains appliquant des concepts de
comptabilisation très larges ainsi que de nombreuses niches comptables sectorielles. L’objectif de
cette nouvelle norme est donc d’élaborer une norme unique de comptabilisation du chiffre
d’affaires, qui pourrait être utilisée dans des secteurs d’activité différents. L’IASB et le FASB
proposent ainsi que la comptabilisation d’un produit traduise « le transfert de biens ou de services à
un montant qui reflète la valeur de la contrepartie reçue ou que l’on s’attend à recevoir en échange
de ces biens ou services ». Ainsi, un produit est comptabilisé si le bien ou le service transféré au
client satisfait l’obligation de performance du contrat. Le fait générateur d’une vente serait ainsi le
transfert de contrôle, alors qu’il s’agit, actuellement, du transfert des risques et avantages.
Le projet de texte, ainsi défini, renforce significativement les pièces à fournir en annexe. En effet, les
informations diffusées sur le chiffre d’affaire doivent permettre aux clients de comprendre le
montant, l’échéance ainsi que les incertitudes liées aux produits et à leurs encaissements. Ainsi,
seront désormais obligatoires dans les annexes des états financiers :
-
la nature des contrats et la décomposition du chiffre d’affaire
-
la nature des obligations de performance
-
la présentation des échéances des obligations de performance restant à satisfaire pour les
contrats ayant une échéance supérieure à un an.
Dans le cadre de la grande distribution et, plus spécifiquement du traitement comptable des marges
arrière, cette réforme de la norme IAS 18 aura un impact principalement sur les pièces à apporter en
annexe. En effet, le distributeur devra davantage de justificatifs sur la décomposition du chiffre
d’affaires et donc éventuellement sur la nature même des prestations de service. Il est donc
envisageable que cette réforme ait un impact signification sur la tarification des prestations de
service en la rendant plus transparente.
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Conclusion
Si les marges arrière ont été instaurées par la loi Galland de 1996, elles ont été renforcées
par les pratiques commerciales des grands distributeurs. En effet, la concentration du commerce de
détail ainsi que le développement des marques distributeurs n’ont fait qu’asseoir la puissance
d’achat des enseignes de distribution, leur permettant ainsi d’exercer des moyens de pression sur les
industriels.
Si les marges arrière donnent généralement lieu à des prestations de service identifiables et
bénéfiques pour l’industriel, elles font essentiellement débat à cause de leur tarification
déconnectée de la réalité. Ainsi, les experts estiment que les marges arrière représentent près de
30% du prix de vente au détail.
Afin de réglementer les pratiques commerciales, les pouvoirs publics ont voté une série de lois
permettant d’encadrer et de protéger les industriels, en particulier les petits producteurs.
Cependant, loin d’être efficaces, elles ont donné lieu à des pratiques anticoncurrentielles mises en
place pour contourner la réglementation. Les industriels, ainsi que les distributeurs, estiment, en
effet, que les lois votées par le législateur sont déconnectées de la réalité du marché et empêchent
les partis de maximiser l’efficacité économique. Les lois, notamment la loi de modernisation de
l’économie votée en 2008, montrent cependant une volonté du législateur de faire baisser
durablement les prix à la consommation.
Ces pratiques commerciales ambivalentes doivent faire l’objet d’un traitement comptable spécifique
afin de les faire apparaître dans les états financiers dans un souci de transparence. Les normes
comptables françaises, encore utilisées à ce jour par certaines enseignes de grande distribution non
cotées, n’ont pas pris en compte ces nouvelles pratiques commerciales et n’imposent pas de
traitement comptable particulier aux dégradations tarifaires. Les normes internationales ont, quant à
elles, élaboré un cadre conceptuel permettant de traiter différemment les prestations de service
identifiables et les dégradations tarifaires, alors même que les marges arrière sont une exception
française. Ainsi, depuis l’instauration des normes IFRS, les entreprises cotées doivent faire apparaître
sur une ligne distincte les prestations de service dans un souci de transparence. Les stocks, ainsi que
les achats et le chiffre d’affaires seront également traités différemment afin de rendre les états
financiers plus fidèles à la réalité économique.
Malgré les diverses réglementations encadrant désormais les marges arrière, celles-ci restent
obscures. La norme IAS 18, relative à la présentation des produits des activités ordinaires, est
actuellement en discussion en vue d’une réforme prochaine. Cette probable réforme obligera ainsi
les grands distributeurs à fournir de plus amples informations concernant la tarification des
prestations de service. D’autre part, des accords entre distributeurs et industriels sur une grille
d’analyse des contrats de prestations de services permettraient de distinguer plus clairement les
prestations de service des dégradations tarifaires. Cependant, les distributeurs, tout comme les
industriels, ne sont probablement pas encore prêts à établir de telles règles dans les négociations
commerciales.
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Glossaire
BFR : Le besoin en Fonds de roulement (BFR) d'une entreprise est la somme de son BFR
d'exploitation et de son BFR hors exploitation. Le BFR d'exploitation représente le solde des emplois
et des Ressources d'exploitation (soit en simplifiant : Stocks + clients - fournisseurs). Il correspond à
l'argent gelé par l'entreprise pour financer son Cycle d'exploitation (ou sécrété par celui-ci lorsque ce
BFR est négatif).
Centrales d’achat : Une centrale d'achat est une structure gérant les achats de ses affiliés détaillants
ou grossistes. Cette négociation implique l'étude des produits, la recherche de fournisseurs, la
négociation des achats et, dans certains cas, les activités de répartition, d'organisation et de
documentation. Les services sont réservés à l'usage exclusif des adhérents de la centrale à laquelle ils
sont liés par un contrat d'une certaine durée.
Coopération commerciale : La coopération commerciale désigne l’ensemble des actions
commerciales et marketing menées et / ou financées conjointement entre un distributeur et un
fabricant fournisseur.
Déréférencement : Abandon (souvent brutal) par un distributeur d'une ou de plusieurs références
(produits) qu'il proposait jusqu'alors à ses clients. À la suite de négociations commerciales n'ayant
pas abouti, cet abandon peut parfois concerner tous les produits d'une marque ou d'un producteur.
Hard-discount : Un hard-discount ou maxidiscompte est un magasin libre-service à prédominance
alimentaire qui se caractérise par des prix en dessous de la moyenne, une petite surface de vente et
un assortiment de produits restreint (en moyenne de 600 m² pour moins de 1 000 produits).
IAS : International Accounting Standards ou IAS est le nom des anciennes normes comptables
internationales. Les normes comptables internationales développées à partir du 1 Avril 2001
s'appellent IFRS. Certaines IAS ont été remplacées par des IFRS, d'autres sont toujours en vigueur.
IFRS : Les IFRS (International Financial Reporting Standards) constituent le nouveau référentiel
comptable entré en vigueur le 1er janvier 2005 pour les groupes cotés et les entités entrant dans le
périmètre de ces groupes. Les normes IFRS, élaborées par l'IASB (International Accounting Standards
Board) ont été conçues comme un langage unique pour l'élaboration des comptes consolidés des
sociétés cotées. Elles sont supposées coller davantage à la réalité.
ILEC : Il s’agit de l'abréviation de « Institut de liaison et d'études des industries de consommation »,
une association professionnelle française fondé en 1959 et régie par la loi de 1901 qui réunit plus de
soixante-dix groupes industriels commercialisant des produits de marque de notoriété nationale et
internationale.
Linéaire : Il s’agit du rayonnage, ou par extension, l'espace de vente en libre-service où les produits
sont disposés.
Marge avant : La marge avant est la marge obtenue par différence entre le prix de vente
consommateur et le prix de vente facturé par le fournisseur.
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Marge arrière : Il s’agit des remises et autres réductions (généralement perçues a posteriori) qui ne
sont pas directement considérées dans le calcul du prix, mais qui participent à la marge totale du
distributeur. Elle constitue un avantage différé qui est généralement reversé en fin d'année.
OPA : Une offre publique d'achat (OPA) consiste pour son « initiateur » à proposer aux actionnaires
d'une société cotée (la « cible ») l'acquisition de la totalité des titres composant le capital de cette
dernière pendant une période déterminée et à un prix fixé et versé en espèces.
OPE : Contrairement à une offre publique d'achat (OPA), une offre publique d'échange (OPE) ne
donne pas lieu à un transfert de liquidités. L'offre publique d'échange consiste en effet à proposer
aux actionnaires d'une société cible d'acquérir des titres de la société initiatrice en échange des titres
de la société cible qu'ils détiennent, en fonction d'une certaine parité et pendant une période
déterminée.
PCG : Le plan comptable général définit l'ensemble des normes comptables françaises ainsi que les
règles de présentation des comptes, des rapports, bilans, comptes de résultat et annexes par les
entreprises industrielles et commerciales établies en France.
Prix net net : Le prix net-net est le prix net sur facture, moins les ristournes conditionnelles non
acquises lors de la vente.
Prix net net net ou « prix triple net » : Il s’agit du prix nets de rabais, ristournes et coopération
commerciale
Prime de référencement : Somme versée par un producteur à un distributeur pour que celui-ci
référence – ou améliore le référencement – le ou les produits du premier dans son magasin.
Référencement : Le référencement désigne le fait pour un industriel d’avoir un produit inclus dans
l’assortiment d’un ou plusieurs points de vente.
Revente à perte : La revente à perte est une pratique commerciale légalement interdite. Elle est
juridiquement constituée lorsqu’un distributeur vend un produit en dessous du seuil de revente à
perte, dénommé prix d’achat effectif.
Tête de gondole : La tête de gondole est l’emplacement situé en bout de rayon et donnant sur les
allées de circulation principales et pour certaines sur l’allée centrale. La mise en tête de gondole est
négociée entre le fournisseur et le distributeur et s’accompagne généralement d’une opération
promotionnelle et de la mise à disposition de mobilier de PLV.
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Liste de figures
Figure 1 : Parts de marché des dix principales centrales d’achat en 1993
Figure 2 : Parts de marché des cinq principales centrales d’achat
Figure 3 : Evolution des cinq principales centrales d’achat en termes de débouchés dans le secteur
alimentaire : 1993 / 2009
Figure 4 : Parts de marché des MDD par rayon en 2012
Figure 5 : Parts de marché des MDD par enseigne en 2009
Figure 6 : Mécanismes de déduction des marges arrière de 1997 à 2008
Figure 7: Inflation des prix de détail et des prix de grande consommation depuis 1999
Figure 8 : Evolution du taux de marges arrière depuis 1998
Figure 9 : Calcul du prix net facturé
Figure 10 : Part des coopérations commerciales
Figure 11 : Calcul du prix triple net
Figure 12 : Calendrier des achats et ventes
Figure 13 : Etats semestriels arrêtés au 30/06/N
Figure 14 : Etats annuels arrêtés au 31/12/N
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Bibliographie
TEXTES DE BASE
IAS 2 « Stocks » et IAS 18 « Produits des activités ordinaires » – www.iasb.org
SIC 31 "Produits des activités ordinaires - Opérations de troc impliquant des services de publicité
Ordonnance n°86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence
Loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales
Avis 97-A-04 du 21 janvier 1997 « Relatif à diverses questions portant sur la concentration de la
distribution » - Autorité de la Concurrence"
Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie
CAHIERS DE RECHERCHE
BERGES-SENNOU F. et CAPRICE S. (2003), « Les rapports « producteurs-distributeurs » : Fondements
et implications de la puissance d’achat »
BOUTIN X. et GUERRERO G. (2008), « Loi Galland et prix à la consommation »
COLLA C. (2004), « Législation commerciale, marges arrière et concurrence par les prix dans la
distribution en France. Quels modèles d’explication ? »
COLLA C. (2004), « Concurrence, marges arrières et législation commerciale en France : les raisons
d’une dérive »
DELESALLE E. (2003), « IAS 2 “Stocks” comparé à la comptabilité et à la fiscalité françaises »
JENNY F. (2001), « La puissance d’achat, en question »
NAHON D. (1998), « L'impact de la loi Galland sur les rapports industrie/grande distribution »
PHILIPPE J. (1998), « La loi Galland : effets directs, effets induits »
ARTICLES
ESCAFFRE F. – Option Finance (2012), « Comptabilisation du chiffre d’affaires en IFRS »
DE BEAUMONT A. – ILEC (2001), « La régulation de l’entreprise dans la loi NRE : une réponse
française à la mondialisation »
DUFIL S. – Edubourse.fr (2008), « Comment reconnaître une société de la grande distribution ? »
La Tribune (2005), « Les industriels ne veulent plus de centrales d’achat »
LEBELLE A. – Le Parisien (2012), « La grande distribution a la côte auprès des Français »
LSA (2002), « La loi NRE n’a pas répondu aux attentes »
MISSONIER A. – Netpme.fr (2008), « La grande distribution et le projet de réforme de la loi Galland »
SALOMON M. – R.F.C. (2006), « Les marges arrières en IFRS »
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OUVRAGES
SIMON H., JACQUET F. et BARULT F. (2011), La stratégie prix, éditions Dunod
RAPPORTS DE RECHERCHE
Carrefour (2005), « Normes IFRS »
CMA Canada (2010), « Guide de transition aux IFRS »
Deloitte (2004), « La Distribution sera-t-elle prête pour le passage aux IFRS ? »
INSEE (2009), « L’impact de la réduction des marges arrière sur le chiffre d’affaires du commerce et la
correction des indices en volume »
Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie (2004), Rapport Canivet « Restaurer la
concurrence par les prix - Les produits de grande consommation et les relations entre industrie et
commerce »
MEMOIRES
DUPAS P. (2010), « La grande distribution et les marques de distributeurs »
HIRSCH C. (2006), « L’audit des marges arrière chez les industriels de biens de grande
consommation »
MACARD O. (2003), « Les marges arrière dans la grande distribution : impact du passage au
référentiel IAS/IFRS pour les distributeurs et les industriels des produits de grande consommation »
SALOMON M. (2005), « Les marges arrière dans le secteur de la grande distribution – Evolution et
traitement comptable »
SOURCES D’INFORMATION
Organismes parlementaires, gouvernementaux et professionnels
Assemblée nationale : www.assemblee-nationale.fr
Bibliothique : www.bibliothique.com
Conseil de la concurrence : www.conseil-concurrence.fr
Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes :
www.finances.gouv/DGCCRF
Fédération, des Entreprises du Commerce et de la Distribution : www.fcd.asso.fr
Ilec : www.illec.fr
INSEE : www.insee.fr
Sénat : www.senat.fr
Presse
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Alternatives économiques : www.alternatives-economiques.fr
Les Echos : www.lesechos.fr
La Tribune : www.latribune.fr
LSA : www.lsa.fr
Journal Officiel : www.legifrance.gouv
Grande distribution et grande consommation
Auchan: www.groupe-auchan.fr
Carrefour: www.carrefour.fr
Danone: www.danone.com/fr
E.Leclerc: www.mouvement-leclerc.com, www.michel-edouard-leclerc.com
Groupe Casino: www.groupe-casino.fr
Intermarché: www.intermarche.com
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Annexes
Annexe 1 : Le cas de Corah, fournisseur de Marks & Spencer
Corah Ltd était une entreprise de moyenne taille qui fabriquait des chaussettes exclusivement pour
la marque St Michael vendue dans les rayons de Marks & Spencer. Pendant près de 60 ans,
l'entreprise ne traitait qu'avec Marks & Spencer, qui lui demandait la production d'autres biens
comme des sous-vêtements de nuit. Corah élargissait donc l'éventail de sa production et les
débouchés lui étaient assurés par une chaîne de magasins solides. Lors de la restructuration de
l'industrie du textile, malgré les délocalisations, Marks & Spenser ne lâcha pas Corah mais fit
pression sur les marges. Le producteur dépendait donc entièrement de la chaîne de magasins
britanniques. Dès 1982, les pressions sur les coûts rendues nécessaires par les bas prix de gros que
voulaient Marks & Spencer finirent par pousser l'entreprise Corah à la faillite en 1990.
Source: F. BERGES-SENNOU & S. CAPRICE
Annexe 2 : LOI n° 96-588 du 01/07/1996 sur la loyauté et l'équilibre des relations
commerciales
Art. 1er. - L'article 2 de l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix
et de la concurrence est ainsi modifié :
1o Au premier alinéa, les mots : « seize membres» sont remplacés par les mots : « dix-sept
membres» ;
2o Le troisième alinéa 1. est ainsi rédigé :
« 1. Huit membres ou anciens membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des
comptes ou des autres juridictions administratives ou judiciaires ;» ;
3o Le sixième alinéa est ainsi rédigé :
« Le président et les trois vice-présidents sont nommés, pour trois d'entre eux, parmi les membres
ou anciens membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes, et pour
l'un d'entre eux, parmi les catégories de personnalités mentionnées aux 2 et 3 ci-dessus.» ;
4o Au septième alinéa, les mots : « sept membres» sont remplacés par les mots : « huit membres».
Art. 2. - La seconde phrase du premier alinéa de l'article 4 de la même ordonnance est ainsi rédigée :
« La commission permanente est composée du président et des trois vice-présidents.»
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Art. 3. - Au début de la dernière phrase du troisième alinéa de l'article 10 de la même ordonnance,
après les mots : « Ces pratiques», sont insérés les mots : « , qui peuvent consister à organiser, pour
les produits agricoles ou d'origine agricole, sous une même marque ou enseigne, les volumes et la
qualité de production ainsi que la politique commerciale, y compris en convenant d'un prix de
cession commun,».
Art. 4. - Au début du dernier alinéa de l'article 10 de l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986
précitée, après les mots : « certaines catégories d'accords», sont insérés les mots : « ou certains
accords».
Art. 5. - Il est inséré, après l'article 10 de la même ordonnance, un article 10-1 ainsi rédigé :
« Art. 10-1. - Sont prohibées les offres de prix ou pratiques de prix de vente aux consommateurs
abusivement bas par rapport aux coûts de production, de transformation et de commercialisation,
dès lors que ces offres ou pratiques ont pour objet ou peuvent avoir pour effet d'éliminer d'un
marché ou d'empêcher d'accéder à un marché une entreprise ou l'un de ses produits.
« Les coûts de commercialisation comportent également et impérativement tous les frais résultant
des obligations légales et réglementaires liées à la sécurité des produits.
« Ces dispositions ne sont pas applicables en cas de revente en l'état, à l'exception des
enregistrements sonores reproduits sur supports matériels.»
Art. 6. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 11 de la même ordonnance, les mots
: « des articles 7 et 8» sont remplacés par les mots : « des articles 7, 8 ou 10-1».
Art. 7. - A la fin de la seconde phrase du premier alinéa de l'article 22 de la même ordonnance, les
mots : « qui peuvent dans les quinze jours demander le renvoi au conseil» sont supprimés.
Art. 8. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de l'article 26 de la même ordonnance, les mots
: « aux articles 7 et 8» sont remplacés par les mots : « aux articles 7, 8 et 10-1».
Art. 9. - L'article 28 de la même ordonnance est ainsi rétabli :
« Art. 28. - Toute publicité à l'égard du consommateur, diffusée sur tout support ou visible de
l'extérieur du lieu de vente, mentionnant une réduction de prix ou un prix promotionnel sur les
produits alimentaires périssables doit préciser la nature et l'origine du ou des produits offerts et la
période pendant laquelle est maintenue l'offre proposée par l'annonceur.
« Toute infraction aux dispositions du premier alinéa est punie d'une amende de 100 000 F.
« Lorsque de telles opérations promotionnelles sont susceptibles, par leur ampleur ou leur
fréquence, de désorganiser les marchés, un arrêté interministériel ou, à défaut, préfectoral fixe, pour
les produits concernés, la périodicité et la durée de telles opérations.
« La cessation de la publicité réalisée dans des conditions non conformes aux dispositions du présent
article peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L. 121-3 du code de la
consommation.»
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Art. 10. - I. - Au troisième alinéa de l'article 31 de la même ordonnance, les mots : « ainsi que tous
rabais, remises ou ristournes dont le principe est acquis et le montant chiffrable lors de la vente ou
de la prestation de services, quelle que soit leur date de règlement» sont remplacés par les mots : «
ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et
directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l'exclusion des escomptes
non prévus sur la facture».
II. - Le quatrième alinéa de l'article 31 de la même ordonnance est complété par une phrase ainsi
rédigée :
« Le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis, par le client, à la disposition
du bénéficiaire ou de son subrogé.»
Art. 11. - I. - L'article 1er de la loi no 63-628 du 2 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963
portant maintien de la stabilité économique et financière est abrogé. Les références à cet article
contenues dans des dispositions de nature législative sont remplacées par une référence à l'article 32
de l'ordonnance no 86-1243 du 1er décembre 1986 précitée.
II. - L'article 32 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 32. - I. - Le fait, pour tout commerçant, de revendre ou d'annoncer la revente d'un produit en
l'état à un prix inférieur à son prix d'achat effectif est puni de 500 000 F d'amende. Cette amende
peut être portée à la moitié des dépenses de publicité dans le cas où une annonce publicitaire,
quel qu'en soit le support, fait état d'un prix inférieur au prix d'achat effectif.
« Le prix d'achat effectif est le prix unitaire figurant sur la facture majoré des taxes sur le chiffre
d'affaires, des taxes spécifiques afférentes à cette revente et du prix du transport.
« Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables,
dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, de l'infraction prévue au premier alinéa
du présent article.
« Les peines encourues par les personnes morales sont :
« 1o L'amende suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
« 2o La peine mentionnée au 9o de l'article 131-39 du même code.
« La cessation de l'annonce publicitaire peut être ordonnée dans les conditions prévues à l'article L.
121-3 du code de la consommation.
« II. - Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables :
« 1o Aux ventes volontaires ou forcées motivées par la cessation ou le changement d'une activité
commerciale :
« - aux produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué,
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pendant la période terminale de la saison des ventes et dans l'intervalle compris entre deux saisons
de vente ;
« - aux produits qui ne répondent plus à la demande générale en raison de l'évolution de la mode ou
de l'apparition de perfectionnements techniques ;
« - aux produits, aux caractéristiques identiques, dont le réapprovisionnement s'est effectué en
baisse, le prix effectif d'achat étant alors remplacé par le prix résultant de la nouvelle facture d'achat
;
« - aux produits alimentaires commercialisés dans un magasin d'une surface de vente de moins de
300 mètres carrés et aux produits non alimentaires commercialisés dans un magasin d'une surface de
moins de 1 000 mètres carrés, dont le prix de revente est aligné sur le prix légalement pratiqué pour
les mêmes produits par un autre commerçant dans la même zone d'activité ;
« 2o A condition que l'offre de prix réduit ne fasse pas l'objet d'une quelconque publicité ou annonce
à l'extérieur du point de vente aux produits périssables à partir du moment où ils sont menacés
d'altération rapide.
« III. - Les exceptions prévues au II ne font pas obstacle à l'application du 2 de l'article 189 et du 1 de
l'article 197 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation
judiciaires des entreprises.»
Art. 12. - Les trois derniers alinéas de l'article 33 de la même ordonnance sont remplacés par un
alinéa ainsi rédigé :
« La peine encourue par les personnes morales est l'amende, suivant les modalités prévues par
l'article 131-38 dudit code.»
Art. 13. - Dans le deuxième alinéa de l'article 35 de la même ordonnance,
après les mots : « produits alimentaires périssables», sont insérés les mots : « et de viandes
congelées ou surgelées, ainsi que de poissons surgelés».
Art. 14. - L'article 36 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1o Les troisième et quatrième alinéas sont supprimés ;
2o Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« 3. D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes,
sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un
service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit ;» ;
3o Il est inséré, après le cinquième alinéa, trois alinéas ainsi rédigés :
« 4. D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale des relations
commerciales, des prix, des délais de paiement, des modalités de vente ou des conditions de
coopération commerciale manifestement dérogatoires aux conditions générales de vente ;
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« 5. De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis
écrit tenant compte des relations commerciales antérieures ou des usages reconnus par des accords
interprofessionnels. Les dispositions précédentes ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans
préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou de force majeure ;
« 6. De participer directement ou indirectement à la violation de l'interdiction de revente hors réseau
faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des
règles applicables du droit de la concurrence.»
Art. 15. - I. - Le premier alinéa de l'article 37 de la même ordonnance est supprimé.
II. - Il est inséré, dans le titre IV de la même ordonnance, un article 37-1 ainsi rédigé :
« Art. 37-1. - Il est interdit à toute personne d'offrir à la vente des produits ou de proposer des
services en utilisant, dans des conditions irrégulières, le domaine public de l'Etat, des collectivités
locales et de leurs établissements publics.
« Les infractions à l'interdiction mentionnée à l'alinéa précédent sont recherchées et constatées dans
les conditions définies par les articles 45 à 47 et 52.
« Les agents peuvent consigner, dans des locaux qu'ils déterminent et pendant une durée qui ne
peut être supérieure à un mois, les produits offerts à la vente et les biens ayant permis la vente des
produits ou l'offre de services.
« La consignation donne lieu à l'établissement immédiat d'un procès-verbal. Celui-ci comporte un
inventaire des biens et des marchandises consignés ainsi que la mention de leur valeur. Il est
communiqué dans les cinq jours de sa clôture au procureur de la République et à l'intéressé.
« La juridiction peut ordonner la confiscation des produits offerts à la vente et des biens ayant permis
la vente des produits ou l'offre de services. La juridiction peut condamner l'auteur de l'infraction à
verser au Trésor public une somme correspondant à la valeur des produits consignés, dans le cas où il
n'a pas été procédé à une saisie.» III. - Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées
parlementaires, avant le 1er mars 1997, un rapport sur les activités exercées par les associations en
concurrence avec des commerçants, ainsi que sur les problèmes créés par cette concurrence. Ce
rapport présentera, le cas échéant, des propositions de nature à y remédier.
Art. 16. - L'article 55 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 55. - En cas de condamnation au titre des articles 31, 32, 34 et 35, la juridiction peut ordonner
que sa décision soit affichée ou diffusée dans les conditions prévues par l'article 131-10 du code
pénal.
« Lorsqu'une personne ayant fait l'objet, depuis moins de deux ans, d'une condamnation pour l'une
des infractions définies par les articles 28 et 31 à 35 commet la même infraction, le maximum de la
peine d'amende encourue est porté au double.
« Lorsqu'une personne morale ayant fait l'objet, depuis moins de deux ans, d'une condamnation
pour l'une des infractions définies par les articles 31 à 33 commet la même infraction, le taux
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maximum de la peine d'amende encourue est égal à dix fois celui applicable aux personnes physiques
pour cette infraction.»
Art. 17. - Les dispositions des articles 10, 11 et 13 entrent en vigueur le premier jour du sixième mois
suivant la date de promulgation de la présente loi.
Art. 18. - Le Gouvernement déposera sur le bureau des assemblées parlementaires, avant le 1er
octobre 1997, un rapport faisant le bilan des possibilités de coopération entre les entreprises du
secteur public et celles du secteur privé dans les différents domaines d'activités économiques et
sociales où elles sont en situation de concurrence.
Art. 19. - Le deuxième alinéa de l'article 121 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 relative au
redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises est complété par une phrase ainsi rédigée
« Nonobstant toute clause contraire, la clause de réserve de propriété est opposable à l'acheteur et
aux autres créanciers, à moins que les parties n'aient convenu par écrit de l'écarter ou de la
modifier.»
Art. 20. - Dans l'article 153-4 de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la
liquidation judiciaires des entreprises, les mots : « , à l'exception de la dernière phrase du deuxième
alinéa de l'article 121» sont supprimés.
Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux procédures en cours à la date d'entrée en
vigueur de la présente loi.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.
Fait à Paris, le 1er juillet 1996.
Annexe 3 : Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux NRE - Article 56
L'article L. 442-6 du code de commerce est ainsi modifié :
1. Les 2., 3., 4. et 5. du I deviennent respectivement les 3., 4., 5. et 6. du I ;
2. Dans le I, il est rétabli un 2o ainsi rédigé :
« 2. a) D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne
correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné
au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la
participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au
financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en
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particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou
de centrales de référencement ou d'achat ;
« b) D'abuser de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance
d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées ; »
3. D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des
relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de
paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente
4. Le 5. est ainsi rédigé :
« 5. De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis
écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de
préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.
Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la
durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni
sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l'économie
peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un
délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales,
notamment en fonction de leur durée. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté
de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de
force majeure ; »
5. Après le 6., il est inséré un 7. ainsi rédigé :
« 7. De soumettre un partenaire à des conditions de règlement manifestement abusives, compte
tenu des bonnes pratiques et usages commerciaux, et s'écartant au détriment du créancier, sans
raison objective, du délai indiqué au deuxième alinéa de l'article L. 441-6. » ;
6. Les II et III deviennent respectivement les III et IV ;
7. Il est rétabli un II ainsi rédigé :
II. - Sont nuls les clauses ou contrats prévoyant pour un producteur, un commerçant, un industriel ou
un artisan, la possibilité :
« a) De bénéficier rétroactivement de remises, de ristournes ou d'accords de coopération
commerciale ;
« b) D'obtenir le paiement d'un droit d'accès au référencement préalablement à la passation de
toute commande ;
« c) D'interdire au cocontractant la cession à des tiers des créances qu'il détient sur lui.
« L'annulation des clauses relatives au règlement entraîne l'application du délai indiqué au deuxième
alinéa de l'article L. 441-6, sauf si la juridiction saisie peut constater un accord sur des conditions
différentes qui soient équitables. » ;
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8. Le III est ainsi rédigé :
« III. - L'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute
personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par
le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui
relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article.
« Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la
juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent
aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites, demander
la répétition de l'indu et le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions
d'euros. La réparation des préjudices subis peut également être demandée. » ;
9. Le IV est ainsi rédigé :
« IV. - Le juge des référés peut ordonner la cessation des pratiques discriminatoires ou abusives ou
toute autre mesure provisoire. »
Annexe 4 : Extrait du cadre conceptuel des IAS – Paragraphe 35
Si l’information doit présenter une image fidèle des transactions et autres événements qu’elle vise à
présenter, il est nécessaire qu’ils soient comptabilisés et présentés conformément à leur substance
et à leur réalité économique et non pas seulement selon leur forme juridique. La substance des
transactions et autres événements n’est pas toujours cohérente avec ce qui ressort du montage
juridique apparent. Par exemple, une entreprise peut céder un actif à un tiers, de telle façon que les
actes visent à conférer la propriété juridique à ce tiers. Néanmoins, des accords peuvent exister, qui
font en sorte que l’entreprise continue à bénéficier des avantages économiques futurs représentatifs
de cet actif. Dans de telles circonstances, la comptabilisation d’une vente ne donnerait pas une
image fidèle de la transaction qui a été conclue (si tant est qu’il y ait eu, en fait, une transaction).
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Annexe 5 : Extrait du rapport annuel du groupe Casino (2011)
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