Les étudiants de 5è année, Master Développement Soutenable Lille, le 9 décembre 2013 Montpellier 4020 L’agriculture nourricière au cœur du projet ! Il est aujourd’hui impératif de reprendre conscience de la dépendance totale qu’entretiennent villes et terres agricoles. Si ce lien fort est devenu invisible avec la venue de la mondialisation (développement phénoménal des transports et libéralisation des échanges), diverses problématiques telles que le changement climatique et le pic pétrolier tendent à faire réapparaître ce lien aujourd’hui. L’agriculture n’est généralement pas sur l’agenda des grands projets urbains et d’aménagement du territoire comme nous pouvons le voir avec Montpellier. Ces projets tendent à penser la ville comme un îlot autosuffisant et l’alimentation du territoire n’est absolument pas interrogée. Cependant, ailleurs, des actions citoyennes et des politiques publiques se saisissent progressivement de ces nouvelles questions en demandant la relocalisation de l’agriculture et une transition vers des modes de productions moins nocifs pour l’homme et les écosystèmes. Nous souhaitons contribuer au développement d’un argumentaire solide soutenant ces initiatives. Pourquoi mettre l’agriculture nourricière au cœur des politiques urbaines ? L’agriculture nourricière : transversalité dans les politiques urbaines, mise en cohérence des enjeux territoriaux Nous partons du constat que l’agriculture nourricière est multifonctionnelle. Imbriquée dans le territoire elle peut contribuer, au-delà de sa fonction productive première, à l’aménagement du territoire, au façonnement du paysage, à la dynamisation du lien social, à la protection des écosystèmes, à l’amélioration de la santé des populations, à la lutte contre la pauvreté et contre le changement climatique etc… De cette manière elle permet de mettre en évidence l’interdépendance des enjeux sur un territoire et ainsi incite au décloisonnement des idées, des espaces et des différents champs de l’aménagement. C’est en prenant conscience de la diversité des problématiques qui y trouvent leur solution que l’enjeu réel de la prise en compte de l’agriculture nourricière dans les politiques urbaines apparaît. En plaçant l’agriculture nourricière au cœur des politiques urbaines nous pouvons avoir le début d’une véritable réflexion, au-delà de la ville, sur le territoire durable. Une réflexion plus systémique permettrait par exemple d’éviter les incohérences comme nous pouvons les trouver dans Montpellier 2040 où il est question à la fois de limiter l’artificialisation des sols et d’être toujours plus attractif pour accueillir un nombre toujours plus grands d’habitants… Le climat et l’énergie : des défis incontournables Il est assez inquiétant de voir que les réflexions prospectives sur un territoire à l’horizon 2040 ne tiennent absolument pas compte des principaux défis qu’auront à affronter les territoires. 1 Montpellier ne fait jamais mention du risque de pénurie alimentaire. Or, ce risque est bien réel aujourd’hui. Les conséquences du changement climatique et de la raréfaction du pétrole vont vers une instabilité croissante des productions agricoles et de leur approvisionnement. Ainsi, la relocalisation et la diversification des productions agricoles sont un premier pas vers plus de résilience, vers une capacité d’adaptation à ces enjeux. Si l’agriculture est souvent accusée de dégrader les écosystèmes par la pollution des sols et de l’eau, elle fait également partie des solutions pourvu que le type d’agriculture et les habitudes alimentaires changent. Avec une agriculture locale, biologique, diversifiée et recentrée sur la production de protéines végétales plus qu’animales, l’impact de l’agriculture sur les écosystèmes peut être totalement inversé. Le développement de pratiques comme l’agroécologie ou la permaculture permettraient de lutter contre l’effet de serre et de gérer la ressource en eau. Ce sont la sécurité d’approvisionnement et l’autonomie alimentaire qui sont en jeu dans la prise en compte ou non de la question de l’agriculture sur le territoire. L’agriculture nourricière pour lutter contre l’artificialisation des sols Montpellier 2040 justifie la protection des espaces naturels et agricoles par le besoin de valoriser le paysage et donc de renforcer l’attractivité. Il apparait clairement à travers les perspectives d’extension urbaine, même « maîtrisées », que cet argument, même s’il est fondé, ne suffit pas à réellement limiter l’étalement urbain. Afin de pouvoir peser face aux enjeux économiques de l’artificialisation des terres, nous proposons la reconnaissance du potentiel et des fonctions multiples des terres agricoles tels que nous les avons mises en évidence jusque là. Un regard nouveau permettrait à l’agriculture de défendre sa ‘place’ sur nos territoires. En effet, si la multifonctionnalité de l’agriculture était pleinement reconnue, l’étendue des conséquences de la destruction des terres agricoles feraient peut être davantage réagir qu’aujourd’hui. Les enjeux sociaux : bien être, lien social, précarité, santé L’alimentation est aujourd’hui un facteur d’inégalités. L’urbanisation représente en effet un facteur important des enjeux alimentaires notamment l’accès au foncier pour les agriculteurs et la sécurité alimentaire des populations. Les inégalités alimentaires sont généralement liées aux inégalités sociales. Envisager une alimentation plus locale, permettrait de prendre en compte l’augmentation du prix des ressources fossiles nécessaires à notre système alimentaire mondialisé ainsi que de penser aux inégalités entre exploitants agricoles. La prise en compte des enjeux de l’alimentation par la ville de Montpellier répondrait aussi aux attentes des habitants. Une demande émerge en effet, de la part des mangeurs, pour une plus grande maîtrise du système alimentaire. Des idées pour Montpellier : l’alimentation au cœur de l’aménagement des territoires ? L’alimentation, indispensable à tous, doit devenir le centre des réflexions de l’aménagement des territoires. Certains architectes, designers, urbanistes, agronomes, politiques ont pensé la ville en fonction des enjeux alimentaires. Nous considérons qu’il est intéressant d’étudier ces initiatives, 2 notamment parce qu’elles apportent des pistes de réflexion pour mettre l’alimentation au cœur des politiques territoriales Repenser les espaces en y intégrant de l’agriculture urbaine Il serait intéressant d’imaginer une nouvelle façon de faire permettant de décloisonner les espaces et de favoriser l’agriculture urbaine. C’est ce que propose l’initiative des « Continious Productive Urban Landscape » (CPULs) qui a été développée par les architectes londoniens Katrin Bohn et André Viljoen. Les CPULs « seront des espaces ouverts parcourant les villes, traversant sans discontinuité les espaces bâtis, connectant ainsi toutes les formes d’espaces verts existant dans les centres villes et faisant ainsi le lien avec les régions rurales environnantes1». Créer un système d’alimentation circulaire, local et résilient Cette idée est développée de façon conviviale par les « Ekovores », une initiative de deux designers nantais : Victor Massip et Laurent Lebot. A partir des outils du design industriel, ils souhaitent engager un intérêt vers les enjeux de l’alimentation urbaine. Les idées des « Ekovores » sont nombreuses et prennent en compte l’ensemble du cycle alimentaire : de la production à la gestion des déchets. Encourager la réappropriation de l’espace public et la participation des habitants Il est intéressant d’étudier le cas de la ville de Montréal très avancée sur le plan de l’agriculture urbaine. La ville a formé un comité de travail en agriculture urbaine suite à une mobilisation souhaitant une consultation publique sur ces enjeux. Relocaliser la production et favoriser un nouveau régime alimentaire Peut-on tendre vers l’autonomie alimentaire de la ville ? Catherine Darrot s’est penchée vers cette question2 . Cette étude permet de souligner qu’en pensant différemment l’aménagement des territoires, il est possible de tendre vers une quasi autonomie ou du moins beaucoup plus d’autonomie. Pour y parvenir, une attention doit donc être portée quant à nos régimes alimentaires pour éviter une contre productivité de l’agriculture de proximité. Vers une gouvernance alimentaire La gouvernance alimentaire est définie par Terres en Villes comme : « un nouvel ensemble de coopérations entre les différents acteurs et les échelons d’intervention géographiques, dont l’arène commune est l’enjeu alimentaire»3. La gouvernance alimentaire correspond donc principalement à instaurer un dialogue, une coopération entre les acteurs de l’alimentation. Une opération gouvernance alimentaire a été lancée à Lille visant la co construction d’une politique alimentaire durable. Katrin Bohn, dans Laboratoire d’Urbanisme Participatif n°12, Série de présentations autour du projet RURBAN, 2009, p1 2 IUFN Actes du colloque Hungry Cities 2012 p 5 3 Rapport Terre en ville, La gouvernance alimentaire des agglomérations françaises et la relocalisation des productions agricoles, p5, en ligne :http://www.terresenvilles.org/upload/pubdoc/pdc_20100406104611_digest.pdf 1 3