19-reperes-juin-2009:Mise en page 1 26/05/09 10:04 Page 207 Librairie quoi invite le livre de Breyer. La fin de ce livre concerne l’extension ou plutôt l’universalisation de ce modèle herméneutique dont la visée est la concrétisation des divers horizons du texte. Le livre de Breyer donne au moins deux leçons : dans une démocratie, la liberté active implique la participation des citoyens à l’aventure démocratique à travers le questionnement des principes (les optatifs) au nom desquels les lois (les impératifs) sont faites. Ce qui implique que c’est dans la conversation ordinaire entre les citoyens – sur les optatifs de leur société – que le droit trouve à la fois sa justification et son adaptabilité. C’est dans cette « palabre ininterrompue » (comme on le dirait dans des sociétés africaines traditionnelles !) entre les citoyens et surtout dans ce « non-droit » comme le dirait Carbonnier que le droit trouve sa sève ; le livre de Breyer était aussi une réponse à ses collègues juges. La grande leçon est à ce niveau « la modestie herméneutique » qui doit caractériser le juge. Modestie qui doit conduire le juge, d’une part à prendre le texte de loi comme prétexte en se gardant d’en faire un fétiche, et d’autre part à considérer l’acte d’interpréter comme un acte approximatif, presque frauduleux dans la mesure où l’expérience des situations humaines fait de nous non des propriétaires du sens mais des transitaires et des voleurs de ce dernier. Hermès, fils de Zeus et de Maia, avant d’être le messager/interprète des dieux, n’est-il pas aussi le patron des voleurs – qui vole cinquante vaches du troupeau divin gardé par Apollon ? Jürgen Habermas ENTRE NATURALISME ET RELIGION. Les défis de la démocratie Paris, Gallimard, 2008, 378 p., 22,50 € Avec ce nouvel ouvrage, Jürgen Habermas poursuit la réflexion engagée dans l’Avenir de la nature humaine1, tout au moins en ce qui concerne le statut de la religion dans les sociétés sécularisées. Un long prologue est consacré à l’examen de la portée actuelle de la philosophie kantienne de la religion. C’est en effet avec la Religion dans les limites de la simple raison, qu’Habermas voit s’opérer le virage anthropocentrique par lequel la discussion sur la foi chrétienne est devenue rationnelle en sortant de l’enclos réservé aux questions spirituelles. Habermas voit en Kant le précurseur de sa propre problématique dans la mesure où pour ce dernier la critique de la religion va de pair avec l’idée qu’il y a quelque chose à sauver dans ce que livre la religion. Habermas nous donne alors une première indication de ce qui va être sa conviction principale : « Nous avons plus intérêt désormais à tenter de récupérer les contenus bibliques dans une foi de la raison qu’à combattre la soutane et l’obscurantisme » (p. 13-14). La théorie de la justice ne suffit pas à donner les bases d’une conscience qu’il appelle normative. Revenant à Kant, il rappelle que pour ce dernier, le principe même de toute interprétation des Écritures est le fait que l’amélioration morale de l’homme constitue la fin de toute religion. Est ainsi traduite philosophiquement l’idée d’un royaume de Jean-Godefroy Bidima 1. Jürgen Habermas, l’Avenir de la nature humaine, Paris, Gallimard, 2002. 207