L’économiste Charles Gave lance un SOS L’auteur est convaincu que l’économie française va s’effondrer « dans les trimestres qui viennent » si Arnaud Montebourg met son plan à exécution. (Reprise du Point 15/07/2014) Charles Gave est cet économiste libéral qui s’est fait connaître il y a une dizaine d’années par un premier livre (Des lions menés par des ânes, éditions Robert Laffont, 2003) qui avait eu un vrai succès d’estime. Dans cet essai, il prévoyait et annonçait la crise économique qui touche la France depuis quelques années et montrait à quel point nos entrepreneurs, « les lions », étaient critiqués, bridés, corsetés, assommés de charges, de réglementations et de taxes par « les ânes »qui nous gouvernent, issus pour la plupart d’une classe politique formée de fonctionnaires, de technocrates et d’apparatchiks notoirement incompétents. Aujourd’hui, Charles Gave va beaucoup plus loin et nous annonce un inéluctable et prochain désastre : « En tant qu’économiste et homme d’affaires depuis quarante ans, je sais maintenant avec certitude que l’économie française va s’effondrer dans les trimestres qui viennent puisque M. Montebourg va faire passer une loi pour la croissance, comme il avait promis de sauver la sidérurgie française. » Dans une chronique du 7 juillet à l’Institut des libertés qu’il a créé et qu’il préside, il explique pourquoi il est arrivé à cette dramatique conclusion : l’économie, rappelle-t-il, ne peut croître et créer des emplois que « si le système légal permet le déroulement du processus de création destructrice », défini par Joseph Schumpeter au milieu du XXe siècle. « Destruction créatrice » Ce principe est bien connu depuis longtemps et a été mille fois vérifié. C’est ainsi que la nouvelle économie américaine, avec ses champions Microsoft, Oracle, Apple, Goggle et autres Amazon, s’est d’autant plus développée et d’autant plus vite que les meilleurs cerveaux, les plus dynamiques collaborateurs et les plus grands investisseurs ont abandonné la vieille économie pour miser sur l’avenir. En France, Arnaud Montebourg est tellement fier de pouvoir relever les sauvetages de Fagor-Brandt, Mory Ducros ou Ascométal, qu’il en fait le symbole du « retour en force de l’État dans l’économie ». Gave est très clair à ce sujet : en France, note-t-il, « la quasi-totalité des lois portant sur des domaines économiques visent à empêcher cette destruction créatrice, ce qui revient immédiatement à empêcher toute création, c’est-à-dire toute croissance ». La plupart des secteurs, ajoute-t-il, « dans lesquels nous pourrions générer de la croissance, comme les transports, les médias, la culture ou la santé, sont sous le contrôle de l’État, c’est-à-dire sous le contrôle de la CGT ». Et c’est bien là le problème que pose le ministre de l’Économie quand il lance le 10 juillet à Bercy, dans une mise en scène théâtrale avec effets de manche et tam-tam médiatique, « la feuille de route du redressement économique de la France » basée sur les poncifs les plus rétrogrades du siècle dernier : le patriotisme économique (« il nous faut des patrons patriotes »), l’antimondialisation (« être plus forts dans la compétition mondiale face à la mondialisation déloyale »), l’antilibéralisme (« non au modèle anglo-saxon libéral, oui au modèle entrepreneurial solidaire »), et l’interventionnisme étatique « qui permet à l’État de protéger et de défendre la souveraineté de nos entreprises ». « Mon tambour » Et le matamore de Saône-et-Loire, surnommé « mon tambour » dans sa région d’élection, d’annoncer sans mollir que son « décret Alstom » du 14 mai 2014 va servir « dans certains secteurs sensibles comme l’eau, la santé, la défense nationale, l’industrie du jeu, les transports, l’énergie et les télécommunications ». L’industrie du jeu, un secteur sensible à protéger… Et pourquoi pas l’industrie du carambar ou du scoubidou qui pourraient aussi avoir besoin de protection ? On croit rêver ! Ce Montebourg ressemble à un enfant qui joue avec un train électrique qu’on lui a offert pour Noël ! Le ministre qui vient de coûter un milliard et demi d’euros à la France en vendant des actions de l’État dans GDF pour acheter des actions de Bouygues dans Alstom croit-il vraiment à ce qu’il déclame à longueur de discours ? Prend-il ses délires pour des réalités ? Hélas, il semblerait que oui. Pour clôturer le tout, pendant son one man show à Bercy, tant qu’il y était, il s’est aussi offert une sortie contre l’euro et contre « l’incompétence, le dogmatisme et peut-être l’aveuglement idéologique de dirigeants européens », sans compter un paragraphe bien senti d’antiaméricanisme primaire et même secondaire! On se serait cru revenir trente-cinq ans en arrière, pendant la campagne électorale des socialistes pour l’élection présidentielle de François Mitterrand en 1981! Charles Gave, évidemment, sait bien de quel bois, rouge, est fait Arnaud Montebourg qui se battra jusqu’au sang – celui des autres, bien sûr – contre la loi du marché et finira, si on le laisse faire, par « réussir aussi bien que Castro ou Chávez », car, ajoute-t-il, « il n’y a pas un seul exemple dans l’histoire d’une économie gérée par un État qui ne se soit conclu autrement que par la faillite et la tyrannie. » Gave a toujours écrit et parlé cash et, plus que jamais, devant le cyclone économique qu’il nous annonce si on laisse faire Montebourg, cyclone qui aura donc été initié par nos gouvernants eux-mêmes, il tient à rappeler les lois fondamentales de l’économie et particulièrement celle-ci : plus le poids de l’État augmente, plus la croissance économique diminue et plus les chômeurs s’ajoutent aux chômeurs. Il prend note d’un phénomène unique dans le monde développé : « Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, écrit-il, il n’y a pas un seul membre du gouvernement qui ait la moindre expérience du secteur privé. Tous les membres du gouvernement ont toujours été payés par nos impôts et jamais par un client. » Charles Gave termine sa chronique à l’Institut des libertés par un bien triste constat : « Notre pays qui devrait être le plus riche du monde, compte tenu de ses avantages naturels et de la qualité de sa force de travail, est en train de s’appauvrir à vue d’oeil. Les entrepreneurs français sont comme le Tiers État en 1789. Ils portent sur leur dos la noblesse (le système politique) et le clergé (le système syndical) et la France en crève. Elle est sur le chemin de l’Argentine. Rien ne peut empêcher un pays de se suicider. Nous sommes sur la bonne voie. » L’inversion du cours de l’histoire par Arnaud Montebourg laisse les investisseurs sceptiques Arnaud Montebourg, le Ministre du Redressement Productif s’est exprimé cette semaine devant les investisseurs en grande majorité étrangers, invités pour trois jours par la maison Kepler Cheuvreux à Paris. Après avoir cité Jean Paul Sartre et Napoléon pour expliquer sa conception de « la Bataille du Made in France », on pouvait avoir envie de sourire, mais la suite de ses propos a véritablement surpris la majorité de son auditoire. « Nous attirons beaucoup de cerveaux la preuve c’est que vous êtes là ». Il ne savait peut être pas que la majorité de ceux qui l’écoutaient étaient des gérants étrangers non fiscalisés en France. En leur recommandant de surtout ne pas lire le Financial Times et The Economist qui est selon lui « Le Charlie Hebdo de la City » il n’a pas véritablement convaincu son auditoire ! « Les accords Renault ont permis de relocaliser 200 000 emplois » de Nissan à Flins. Ce n’est pas tout à fait le sentiment que l’on avait en écoutant, pas longtemps après son intervention, David Thormann le directeur financier de Renault ! « Les impôts vont diminuer de 20Md€ pour les entreprises ». Les gérants présents avaient vraiment le sentiment d’être considérés comme des ignorants en matière économique et financière. Ils ont eux bien compris que le gouvernement, après avoir voulu surimposer les « riches entreprises », surtaxé le coût du travail et réduit les marges avait voulu avec le CICE alléger un peu la note. Parallèlement, tous les investisseurs constatent que les « riches ménages » quittent la France par centaine. Les jeunes aussi, 40% des jeune diplômés ont actuellement envie de quitter la France, car notre pays a cessé d’être attractif. Ce qui est nouveau, c’est que les classes moyennes sont aussi largement ponctionnées constatent ils avec inquiétude. Pratiquement chaque semaine, est annoncé une nouvelle taxe, un impôt, une redevance, une contribution, voire un malus. La semaine dernière c’était la taxe sur l’excédent brut d’exploitation (EBE), cette semaine c’est la taxe carbone (4Md€ en 2016) qui sera compensée paraît il par des chèques énergie ! Ces nouveaux impôts sont sortis de nulle part. Ils n’ont apparemment fait l’objet d’aucune simulation. Bercy qui est en situation d’innovation permanente sur le front fiscal en vient même à peiner pour trouver un nom aux nouveaux impôts créés. Les propriétaires de leur appartement qui paient déjà la taxe foncière, la taxe d’habitation et souvent l’ISF, devraient désormais avoir à acquitter « un droit d’usage de leur logement ». Faudra t il l’appeler loyer implicite, loyer virtuel, loyer fictif, taxe de droit d’usage du logement… ? Tout cela se traduit par le fait que pour les investisseurs internationaux, la politique fiscale du gouvernement est un échec total. Le déficit se creuse, le chômage augmente et rien n’a été mis en ordre jusqu’à aujourd’hui pour faire repartir les deux moteurs de la croissance que sont l’investissement et la consommation. L’ambition du gouvernement dont fait partie Arnaud Montebourg est « d’assurer la prospérité et le pain quotidien des français ». Il va avoir beaucoup de mal, car le texte de « La loi Florange » envoie encore un très mauvais signal aux investisseurs étrangers. Le droit du travail en France était déjà extrêmement contraignant. Arnaud Montebourg contribue à rajouter une couche supplémentaire au moment où le gouvernement parle de simplification administrative. Ce texte aggrave la judiciarisation excessive de la négociation des plans sociaux. Tout plan pouvait déjà être contesté devant le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal Administratif, les prud’hommes. Maintenant il sera possible de le contester devant les Tribunaux de Commerce. Tout le monde a bien compris qu’une société ne pouvait ajuster ses effectifs que si elle était en faillite ! D’ailleurs la réalité, c’est que depuis le début de l’année, le nombre de nouvelles usines installées en France est selon les chiffres du cabinet Trendeo en baisse de 25% ! Sur les 34 projets d’avenir les grandes envolées lyriques sur le thème de « La France qui lance l’offensive contre les géants du net » laisse les gérants perplexes. Le retour du dirigeable pour transporter écologiquement de lourdes charges, le catamaran des airs et la voiture sans chauffeur sont considérés par les analystes financiers comme des lubies qui consistent à partir des fonds publics à faire du dirigisme, du saupoudrage et du gaspillage. En attendant Arnaud Montebourg qui a été en 2007 le porte parole de Ségolène Royal n’a pas commenté publiquement la gestion du dossier Heuliez dans la région Poitou Charentes, qui en est à sa troisième faillite en six ans. Dans un grand moment de réalisme, il a tout de même déclaré quelques jours après « Nous ne sommes pas là pour mettre des ressources rares dans des entreprises qui n’ont pas d’avenir » ! Ayant débuté son intervention par « c’est un plaisir de comprendre l’autre », c’est exactement ce que n’a pas fait Arnaud Montebourg, puisqu’il n’a pas pris le temps d’écouter les chefs d’entreprise invités par Kepler Cheuvreux. C’est dommage car écouter les grands patrons qui vivent dans la réalité et doivent se battre tous les jours à l’international pourrait probablement donner beaucoup d’idées à un ministre en charge des entreprises. Jean-Dominique Sénard le CEO de Michelin, a expliqué comment on pouvait avec succès mobiliser tous les acteurs d’une entreprise pour se battre sur les marchés de la mondialisation… Thibaut de Tersant le directeur financier de Dassault Systèmes a présenté le nouveau système « 3D Experience » qui permet d’optimiser la rentabilité des décisions qui sont prises dans une société. L’Etat pourrait s’en inspirer avec énormément de profit… Gilles Labossiere le directeur financier de Parrot, société spécialisée dans le traitement du signal et la reconnaissance vocale. La société qui compte 850 personnes dont 500 ingénieurs est en pointe sur « l’infotainement ». Ayant manqué la présentation, le ministre peut se rendre dans les bureaux de la société Quai de Jemmapes, ce n’est pas loin de Bercy… Michel-Alain Proch le directeur financier d’Atos. Cela lui aurait permis de constater que le service de paiement en ligne Worldline avait de réelles possibilités de se développer face à PayPal de eBay. Luc Oursel, président d’Areva qui a présenté avec succès les points forts de sa société qui est le premier acteur mondial du nucléaire, avec une présence sur toute la chaine de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables.. Finalement la grande inquiétude des gérants, c’est que la France doit emprunter 800Mpar jour. Pour le moment 200M sont apportés par les Français et 600M par les étrangers qui pratiquent une fragile clémence à l’égard de la politique économique de la France. D’ailleurs, la France a pu refinancer sa dette depuis le début de l’année à un taux moyen de 1,49% grâce à trois effets d’aubaine : les achats d’obligations françaises par la Suisse, par le Japon ensuite et surtout par les Compagnies d’assurance françaises qui n’investissent plus dans les obligations des pays de l’Europe du Sud… La rubrique des mauvais signes est toujours riche cette semaine : Sylvia Pinel, Ministre de l’artisanat incite toujours les autoentrepreneurs à cesser leur activité. Un sondage montre que 40% d’entre eux n’exerceront plus d’activité rémunérée dans ce cadre juridique, si la réforme actuelle va à son terme. C’est vraiment dommage car grâce à eux l’Etat avait perçu près de 3Md€ de recettes fiscales et de cotisations sociales.. Michel Sapin, Ministre du travail, semble trouver que la victoire de l’Intersyndicale Clic-P qui impose la fermeture obligatoire des magasins à 21h est une bonne chose. La encore on a du mal à comprendre qu’un ministre ne comprenne pas que les amplitudes horaires créent de l’emploi. Entre les Champs Elysées et le Boulevard Haussmann plusieurs milliers d’emplois pourraient être facilement créés s’ils pouvaient rester ouverts le soir. Aux Etats Unis, la décision de Ben Bernanke de ne pas diminuer ses achats de papier (le fameux « tapering » qui signifie arrêter le robinet) émis par le gouvernement et de grandes institutions hypothécaires, a surpris les marchés. Elle a provoqué une secousse sur les marchés obligataires. Le taux des emprunts hypothécaires ont donc beaucoup remonté à 4,57%. Cette décision anticipe très certainement la prochaine bataille sur le « Fiscal Cliff (plafond de la dette autorisé par le Congrès). En effet les Républicains ont décidé de voter pour l’augmentation du plafond uniquement si le président Obama n’investit pas un dollar de plus dans « Obamacare ». La discussion risque d’être plus difficile que d’habitude, car c’est pour le moment un des rares « succès » qui peut être imputé au crédit des démocrates. Les marchés émergents ont profité de la décision de la Fed, car la pression sur leurs devises va diminuer au cours des prochaines semaines. La Turquie a repris 8,7% dans la semaine, la Thailande 6,1% et l’Indonésie 4,8%