SCIENCES & PRATIQUE Animaux de rente www.depecheveterinaire.com synthèse Maîtrise et diagnostic de la BVD : de nouvelles méthodes changent la donne ISAE Le prélèvement de cartilage auriculaire par pose d’une deuxième boucle au moment de l’identification individuelle, pour recherche du virus BVD par PCR sur mélanges, permet de détecter très précocement les IPIs. Laurent MASCARON mesures de maîtrise de la BVD en France, où le vétérinaire occupe un rôle de conseil de premier plan. Consultant en vaccinologie et maladies infectieuses Courriel : [email protected] (92800 Puteaux) Objectif zéro IPI VIROLOGIE L’infection des cheptels bovins par le virus de la BVD fait l’objet de mesures coordonnées en régions depuis plusieurs années. De nouvelles méthodes de dépistage et l’évolution de la vaccination ont permis d’améliorer la prévention. La lutte coordonnée contre l’infection des troupeaux bovins par le virus de la BVD a fait l’objet de journées d’échanges, les 14 et 15 novembre 2013 à Nantes, organisées par les GDS* France et Grand Ouest et la Fédération européenne pour la santé animale et la sécurité sanitaire (voir DV n°1238 -1239). Depuis cette date, de nouvelles méthodes de diagnostic (PCR sur prélèvements auriculaires des jeunes veaux), à l’origine de progrès spectaculaires dans l’assainissement de certains pays (Allemagne, Suisse, Irlande) ont fait leur apparition dans les Depuis plusieurs années la lutte contre l’infection des cheptels par le virus de la BVD fait l’objet de mesures coordonnées dans la plupart des régions françaises, avec des stratégies différentes selon le type d’élevage (laitier ou allaitant), le taux d’infection et sa dynamique locale. Ainsi, la région Bretagne a mis en place depuis 2001 (36 % des cheptels laitiers alors présumés indemnes) un suivi périodique des anticorps BVD dans le lait de tank afin de repérer plusieurs fois par an les nouvelles infections et d’éliminer ensuite les IPIs**, source majeure de virus. Le but est de parvenir à l’éradication au niveau régional. Après des progrès rapides, le nombre d’IPIs dans les élevages laitiers bretons reste désormais stable à des niveaux très faibles (2013 : 80 % des cheptels laitiers présumés indemnes de BVD). En élevage allaitant, la recherche des anticorps BVD sur les sérums issus des prophylaxies annuelles permet de vérifier éventuellement le statut sérologique du troupeau mais seuls les sérums des bovins entre L’IPI, principal responsable de l’entretien de l’infection BVD Gros Plan Consécutif à une infection du fœtus bovin par le virus BVD entre le 40e et le 120e jour de gestation, l’animal IPI* excrète en permanence de fortes quantités de virus pour lequel il est devenu immunotolérant. Il meurt de maladie des muqueuses, généralement avant 2 ans, après avoir disséminé de manière souvent silencieuse le virus. L.M. * IPI : infecté permanent immunotolérant. 6 mois et 1 à 2 ans (après disparition des anticorps maternels) présentent un intérêt pour détecter les nouvelles infections. Les contrôles sont donc moins fréquents qu’en élevage laitier et la visualisation des nouvelles infections est plus difficile. La découverte des IPIs est souvent fortuite (PS d’achat) ou consécutive à une suspicion clinique du praticien, étayée par les analyses de laboratoire. Le taux d’infection BVD des cheptels allaitants est généralement supérieur aux laitiers et lié à un risque épidémiologique plus élevé (monte naturelle, veaux sous la mère, pâtures, contacts). Dans les troupeaux allaitants, le recours à la vaccination est plus fréquent. Ainsi, la région Bourgogne, berceau de l’élevage charolais, a choisi comme stratégie prioritaire non obligatoire la vaccination des femelles reproductrices (génisses avant IA et de préférence l’ensemble du troupeau) ainsi que des taureaux afin de prévenir la formation d’animaux IPIs (liste des vaccins revendiquant la protection fœtale : voir tableau). Un peu plus de 30 % des éleveurs bourguignons vaccinent contre la BVD et deux tiers d’entre eux vaccinent les reproductrices avec un monovalent. Le suivi sérologique des troupeaux présente ici peu d’intérêt car l’infection est fréquente malgré la vaccination, un bovin sur sept rencontrant le virus chaque année (GDS Bourgogne, BVD days 2013). En conséquence, aucun dépistage systématique n’y est organisé, la maladie étant par ailleurs non réglementée. Pour sécuriser les achats d’animaux, un cahier des charges reconnaissant plusieurs critères diagnostiques et/ou épidémiologiques a été publié par l’Acersa*** et a permis de constituer un Fichier national d’animaux garantis non IPIs, consultable en ligne, qui participe avec le respect des autres mesures de biosécurité à la limitation du risque de transmission du virus BVD. 22 La Dépêche Vétérinaire | N°1289 du 31 janvier au 6 février 2015 SCIENCES & PRATIQUE Animaux de rente www.depecheveterinaire.com synthèse (suite) et une AMM fin décembre ; il devrait être commercialisé au printemps 2015. Certains vaccins procurent une protection fœtale validée. Nouvelle méthode de dépistage Jusqu’il y a peu, le dépistage des animaux IPIs s’effectuait souvent de manière différée, suite à un épisode clinique en élevage confirmé par les analyses de laboratoire ou à une hausse des taux d’anticorps BVD détectée par suivi sérologique. L’élimination des IPIs s’effectuait alors à un âge variable, laissant préalablement le virus se propager d’un animal à l’autre (succession de virémiques transitoires) avec des conséquences parfois désastreuses (troubles cliniques inconstants, formation de nouveaux IPIs) et retardant l’assainissement du cheptel. Mis en place en Allemagne depuis 2011, le prélèvement de cartilage auriculaire par pose d’une deuxième boucle au moment de l’identification individuelle (obligatoire avant 7 jours d’âge), pour recherche du virus BVD par PCR sur mélanges, permet de détecter très précocement les IPIs (élimination rapide) et de garantir individuellement les autres veaux au plus tôt après la naissance. Un tel dépistage du virus BVD a permis de faire chuter le nombre d’IPIs avec un objectif d’éradication au niveau national fixé à 4 ans. « Une virologie positive sur cartilage auriculaire pouvant éventuellement correspondre à un animal virémique transitoire, une antigénémie E0 positive sur sang prélevé 1 mois plus tard est nécessaire pour confirmer le caractère IPI d’un veau détecté positif », souligne Eric Le Dréan, directeur scientifique et technique à l’Institut en santé agro-environnement (Fougères). En pratique, cette méthode validée en analyse de mélanges de 10 cartilages (envoi sous 5 jours des prélèvements au laboratoire à température Source : d’après ec.euorpa.eu et Meyer G., ENVT, BVD days 2013. ambiante, coût moyen de la PCR 10 à 12 euros par veau avec reprise en individuel des mélanges positifs) constitue une étape transitoire en élevage infecté pour parvenir rapidement à un assainissement complet, suite à quoi des mesures de biosécurité parfaites doivent être appliquées. En France, le GDS Grand Est - regroupant 17 départements proches de la Suisse et de l’Allemagne ayant déjà adopté cette méthode - a ainsi rendu obligatoire pour tout bovin né après le 1er janvier 2015 la PCR BVD sur bouclage auriculaire, garantissant individuellement en cas de résultat négatif le statut non IPI. Place de la vaccination L’objectif des vaccins comprend la prévention ou réduction de l’excrétion virale, des signes cliniques liés à l’infection BVD, et notamment de la leucopénie provoquée par le virus, ainsi que la protection fœtale pour certains d’entre eux, consistant à prévenir la naissance d’IPIs par vaccination des mères (voir tableau). Tous les vaccins actuellement commercialisés contiennent uniquement des souches BVD de type 1, conférant une protection imparfaite contre les souches de type 2. Celles-ci représentent 5 % des souches isolées du terrain en Allemagne. Leur circulation en France semble limitée à certains départements (Nièvre). Pour des raisons de coût, le typage des souches n’est pas réalisé en routine. Un nouveau vaccin protection fœtale (Bovela ND) contenant une souche de type 1 et une souche de type 2 du virus BVD a reçu en octobre 2014 un avis favorable de l’Agence européenne du médicament Pour Bernard Ventéjou, praticien en clientèle laitière à Saint-Georges-de-Rouelley (50), « la vaccination est une mesure facultative laissée au libre choix de l’éleveur, qui génère un coût et parfois une certaine lassitude. L’éradication par la généralisation d’une méthode comme la PCR sur prélèvements auriculaires avec élimination immédiate des IPIs paraît parfaitement possible ». A l’inverse, en Bourgogne, avec une circulation virale avérée, des élevages morcelés et beaucoup de mouvements d’animaux, GDS comme GTV**** prônent une vaccination larga manu avec des vaccins protection fœtale. « Idéalement, si la lutte par la vaccination était décidée à grande échelle, celle-ci gagnerait à être certifiée par le vétérinaire », souligne Eric Salmson, praticien à Charolles (71) et membre de la Commission vaches allaitantes de la SNGTV*****. « 50 % des épisodes BVD en Bourgogne correspondent à des élevages ayant arrêté de vacciner. Une éradication parait peu réaliste, et seulement envisageable dans un cadre européen en raison de la généralisation des échanges, le danger étant l’irruption de la BVD dans des cheptels naïfs ». Le vétérinaire, acteur de premier plan Nos deux confrères soulignent que « le vétérinaire a un rôle primordial dans le diagnostic clinique de la BVD et la mise en place des plans en élevage ». L’expérience clinique du praticien permet de la suspecter en première intention avant le recours aux analyses. La BVD est une « vraie maladie » dans la perception de la plupart des éleveurs, ce qui facilite le conseil vétérinaire et le message préventif. L’impact d’une éventuelle éradication sur la consommation d’antibiotiques paraît peu évident, les conséquences cliniques de la BVD étant très variables, même si l’immunodépression provoquée par le virus pourrait aller dans ce sens. ■ * GDS : Groupement de défense sanitaire. ** IPI : infecté permanent immunotolérant. *** Acersa : Association pour la certification de la santé animale. **** GTV : Groupement technique vétérinaire. ***** SNGTV : Société nationale des groupements techniques vétérinaires. Sûreté alimentaire : lutte prioritaire contre dix parasites SANTÉ PUBLIQUE L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont publié, l’été dernier, une liste des dix parasites d’origine alimentaire ayant le plus d’impact dans le monde sur la santé humaine. Le classement se base sur les effets des parasites sur la santé et tient compte d’informations sur les aliments les plus susceptibles d’être contaminés. Élaborer de nouvelles normes Les dix parasites listés sont : Tænia solium (ver solitaire) dans la viande de porc ; Echinococcus granulosus dans les produits frais ; Echinococcus multilocularis dans les produits frais ; Toxoplasma gondii (protozoaire) dans la viande des petits ruminants, la viande de porc, «Le classement se base sur les effets des parasites sur la santé humaine.» de bœuf, de gibier (viande rouge et organes) ; Cryptosporidium spp. (protozoaire) dans les produits frais, les jus de fruits, le lait ; Entamœba histolytica (protozoaire) dans les produits frais ; Trichinella spiralis (ténia du porc) dans la viande de porc ; Opisthorchiidae (famille de vers plats) dans le poisson d’eau douce ; Ascaris spp. dans les produits frais ; et Trypanosoma cruzi (protozoaire) dans les jus de fruits. La prochaine étape consistera à élaborer de nouvelles normes pour le commerce alimentaire mondial permettant d’aider les pays à contrôler la présence de ces parasites dans la chaîne alimentaire. M.J. Rectificatif Nous avons fait une erreur sur l’identité d’un des intervenants de la 5e Journée vétérinaire bretonne qui aura lieu le 26 février à Saint-Brieuc (lire DV n° 1288 page 23) : c’est notre confrère Julien Houard, du GTV Bretagne, et non Houdard comme indiqué par erreur, qui interviendra sur les méthodes d’évaluation de la qualité d’un colostrum et le transfert colostral. 24 La Dépêche Vétérinaire | N°1289 du 31 janvier au 6 février 2015