L'avenir de la planète : population, climat, énergie Jacques Treiner Paris-6 et Sciences-Po Paris Plan du cours I. La place de la connaissance dans le débat public 1. Introduction : état des lieux de la planète La population mondiale devrait atteindre 10 milliards d'individus en 2050, dont la majorité vivra dans des villes ; notre consommation d'énergie, qui devrait doubler à cette échelle de temps et qui est aujourd'hui à 80% d'origine fossile, induit des émissions croissantes de gaz à effet de serre qui, si elles se poursuivent au rythme actuel, changeront de façon incontrôlable et dangereuse le climat de la planète. Faut-il se résoudre à un pessimisme passif et à gérer les conséquences de ces évolutions, ou peut-on encore se permettre d'être optimiste et de penser que l'humanité trouvera en temps utile les solutions adéquates, comme elle l'a fait en d'autres temps ? 2. Comprendre Commençons par interroger l'état des lieux. La projection de la population mondiale est-elle fiable ? La dérive climatique est-elle bien établie ? Son origine anthropique ne fait-elle pas de doute ? Autrement dit, comprenons-nous bien ces évolutions ? Et qu'est-ce que "comprendre" ? Depuis les Lumières, la science a mis en place des protocoles permettant de distinguer un énoncé scientifique d'une simple opinion. Quels sont ces protocoles ? On illustrera ces considérations sur un exemple hors polémique : la détermination de l'âge de la Terre. 3. Du doute scientifique aux marchands de doute Le doute constitue l'une des valeurs fondatrices de la science, par rapport à toute autorité auto-proclamée. La recherche des "bonnes explications" progresse par un processus alliant formulation de conjectures (modèles et théories) et sélection par la critique et la comparaison avec l'expérience. Mais on assiste depuis plusieurs décennies à des entreprises de manipulation du doute, concernant des connaissances scientifiques pourtant bien établies, dès lors que se profile le besoin (la menace ?) de régulation de l'économie de marché : les liens entre tabac et cancer, pluies acides et émissions de soufre, trou d'ozone et émissions de gaz CFC, changement climatique et émissions de gaz à effet de serre, ont été remis en question par les secteurs industriels concernés, parfois aidés par des scientifiques de renom, qui opposent l'absence de certitude scientifique à la mise en place de politiques publiques adéquates. Comment reconnaitre ces manipulations du doute ? La revendication d'une certitude scientifique procède-t-elle ...de la science ? On insistera particulièrement sur le cas du climat. II. Ce que nous savons 4. Fini ou infini ? La question des limites, de Malthus au club de Rome. Comment envisager une croissance infinie dans un monde fini ? Au tournant du 19ème siècle, Malthus a argumenté l'inéluctabilité de la pauvreté en mettant en regard la croissance linéaire de la production à la croissance exponentielle de la population. A la même époque, Condorcet résolvait la question en anticipant un progrès continu des connaissances. Malthus avait tort, Condorcet avait raison, mais comment se présente la question aujourd'hui, alors que nous nous approchons de l'épuisement d'un certain nombre de ressources de base ? L'actualisation en 2004 du rapport du Club de Rome de 1972 par ses propres auteurs fournit un cadre pertinent pour amorcer cette discussion. 5. Energie On parle de l'énergie comme si c'était une "chose" : on la produit, on la consomme, nous risquons d'en manquer etc. Mais nous ne vivons pas d’énergie, nous vivons de transformer la matière pour nos besoins. L’énergie est l‘unité de compte de ces transformations. Si l'on veut se repérer dans la question énergétique, il est indispensable de s'approprier un peu du vocabulaire de l'énergie : distinguer énergie et puissance, stock et flux, source diluée/source concentrée, source pilotable/source intermittente. 6. Energie de stock : la question des réserves Etat des lieux : charbon, pétrole, gaz. Répartition mondiale des ressources conventionnelles et non conventionnelles. L’exploitation d’une ressource en quantité finie passe nécessairement par un maximum puis décroit. Que sait-on des réserves ? Peut-on prévoir à quelle échelle de temps elles vont s’épuiser ? A quelle échelle de temps on observera un pic de production ? Quelle échelle de temps est la plus pertinente ? 7. L'énergie nucléaire L’énergie nucléaire est aujourd’hui à l’origine de 17% de l’électricité mondiale. Faut-il attendre, dans les prochaines décennies, une extinction de la filière liée à la perception des dangers de son utilisation, ou un développement lié à la possibilité de disposer de grandes quantités d’énergie faiblement émettrices de gaz à effet de serre ? Quelles filières nucléaires sont envisagées pour le futur ? La perception des dangers est-elle objectivement fondée ? 8. Energie de flux : biomasse, hydraulique, éolien, solaire L’énergie éolienne et l’énergie solaire (thermique et photovoltaïque) sont les deux sources renouvelables qui connaissent les développements les plus rapides. Dans quelle mesure peuvent-elles se substituer aux sources fossiles ? Quels sont les problèmes liés à leur intermittence ? Quelles politiques publiques ont été mises en place pour assurer leur développement ? Que peuvent les « réseaux intelligents » (smart grids) ? III. Trajectoires énergétiques et politiques publiques 9. Efficacité, sobriété, décroissance On dit souvent que l’énergie la moins chère est celle qu’on ne dépense pas. Est-ce vrai ? Quelles sont les perspectives de l’efficacité énergétique ? Celles de la sobriété ? Qu’estce que « l’effet rebond » ? Est-il possible d'envisager un découplage entre prospérité et croissance ? 10. Instruments de politique publique Plans climat-énergie : fiscalité, taxes, quotas, réglementation ; les deux chantiers les plus importants en matière de réduction d'émissions : le bâtiment et le transport. Tarifs d'achat pour les renouvelables. 11. Comparaison France-Allemagne A l'échelle de l'Europe, mis à part les objectifs du 3x20, les pays sont libres de leur politique énergétique. La France et l'Allemagne ont ainsi fait des choix opposés, notamment en matière de renouvelables et de nucléaire. Peut-on en tirer des enseignements en ce qui concerne leurs émissions de gaz à effet de serre ? 12. Perspectives mondiales Quels paramètres globaux permettent de caractériser le paysage énergétique mondial et son évolution au cours des prochaines décennies ? Comment envisager de satisfaire à la fois la demande d’énergie et la contrainte climatique ? Où en sont les négociations climat ? Que peut-on attendre de la COP21, en décembre 2015 à Paris ? Indications bibliographiques Sites internet Site de Jean-Marc Jancovici : http://www.manicore.com Conférences de Hans Rösling sur le site http://www.ted.com/speakers/hans_rosling.html et sur le site http://www.gapminder.com Site de l’Institut National d’Etudes Démographiques http://www.ined.fr , et notamment le « Simulateur de population » Ouvrages Prospérité sans croissance, Tim Jackson, de Boeck, 2010 Atlas des énergies mondiales, Bertrand Barré et Bernadette Mérenne-Schoumaker, Ed. Autrement 2007 L’énergie dans le monde, J.L. Bobin, H. Nifenecker, C. Stéphan, EDP Sciences 2007 Trop de pétrole ! Energie fossile et changement climatique, Henri, Prévot, Seuil 2007 Les énergies renouvelables, Claude Acket, Jacques Vaillant, Ed. Technip 2011 Le nucléaire : un choix raisonnable ? Hervé Nifenecker, EDP Sciences, 2011 Notes de cours, J. Treiner Contrôle des connaissances Le cours est divisé en 3 grandes parties. A l’issue de chacune de ces parties, un test écrit d’une demi-heure environ sera proposé pendant l’un des créneaux horaires, constitué de questions courtes et proches du cours. Il sera également demandé à chaque étudiant de rédiger un dossier/note de synthèse sur un sujet relatif à une partie du cours, à choisir dans une liste proposée par les enseignants ou proposé par l’étudiant lui-même. Ce dossier sera à remettre à la fin du cours. La note finale sera la moyenne pondérée des quatre notes ainsi obtenues. La pondération précise sera déterminée ultérieurement.