pr et immunologie rheumatoid arthritis and immunology

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PR ET IMMUNOLOGIE
RHEUMATOID ARTHRITIS AND IMMUNOLOGY
C. Goulvestre
Laboratoire d’Immunologie Biologique, Dr B. WEILL,
Groupe hospitalier Cochin-Saint Vincent de Paul, AP-HP, Université Paris 5
que d’autres gènes encore inconnus, sont impliqués
dans le déterminisme de cette maladie.
Le développement de la synovite rhumatoïde débute
par une hyperplasie de la synoviale , une activation
endothéliale avec hyper-angiogénèse et production de
facteurs d’adhésion. Ensuite, les cellules s’organisent
en structure lymphoïde activée avec présence de lymphocytes CD4 autour des vaisseaux, de lymphocytes
CD8 en zone transitionnelle et de lymphocytes B en
périphérie.
Alors que les éléments du diagnostic biologique de
PR sont essentiellement humoraux (facteur rhumatoïde, anticorps anti-cytokératine, anticorps anti-peptide
cyclique citrulliné), c’est une réaction auto-immunitaire cellulaire qui joue le rôle physiopathologique
principal. La physiopathologie de la PR se caractérise
par trois volets.
a polyarthrite rhumatoïde (PR) est un rhumatisme inflammatoire chronique d’origine autoimmune, caractérisé par des arthrites chroniques destructrices et déformantes. Elle appartient au
groupe des connectivites et l’atteinte est à prédominance synoviale. Elle entraîne des destructions articulaires qui peuvent générer un handicap. Il existe des
formes systémiques de PR dont les manifestations
extra-articulaires peuvent engager le pronostic vital.
L
La prévalence de la PR est de 0,5 à 1 % de la population. L’âge de début de cette maladie se situe vers 45
ans et elle atteint trois fois plus souvent les femmes
que les hommes. L’espérance de vie semble aussi
diminuée par rapport à la population générale.
Physiopathologie
1. Une phase d’induction mettant en jeu les cellules
mésenchymateuses et les cellules présentatrices de
l’antigène qui sont activées, permettant ainsi la présentation d’auto-antigènes et l’expression de molécules
La PR est une maladie multifactorielle dont la composante génétique intervient dans 30 % du risque global. Les gènes HLA de classe II (DRß1*01,04) ainsi
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DOSSIER
Article original
C. Goulvestre
d’adhésion, avec développement d’une réaction
inflammatoire. Parmi les auto-antigènes candidats,
on peut citer les antigènes bactériens (protéines de
choc thermique de mycobactéries) ou viraux (EBV,
rétrovirus, parvovirus) qui pourraient partager certains
épitopes avec des auto-antigènes. Le modèle de l’arthrite expérimentale au collagène de type II suggère
que cette structure pourrait être une cible auto-antigénique. Les cellules présentatrices d'antigènes sécrètent
des cytokines pro-inflammatoires (IL-1, IL-6), des
prostaglandines et des protéases. C’est à ce stade que
le phénotype HLA peut jouer un rôle en favorisant la
présentation de certains auto-antigènes pour lesquels
certaines molécules HLA ont une forte affinité.
vateur de NF-kB), sous l’effet des cellules T et des
synoviocytes fibroblastiques (activation autonome).
L’IL-15 permet le recrutement et l’activation des cellules T. Les cytokines pro-inflammatoires induisent la
production de prostaglandines, collagénases, RANKL,
qui participent aux lésions ostéo-cartilagineuses ainsi
qu’à la chronicité des phénomènes inflammatoires.
Diagnostic
immunologique
Les signes biologiques se caractérisent d’abord par un
syndrome inflammatoire avec accélération de la VS et
augmentation de la CRP.
La présence d’auto-anticorps sériques constitue un
élément qui, associé à des images radiologiques, voire
histologiques, permet d’étayer le diagnostic.
2. Une deuxième phase auto-immune, qui se traduit
par le recrutement local des lymphocytes T, la stimulation de lymphocytes et l'apparition d’auto-anticorps.
Seul un petit nombre de lymphocytes spécifiques sont
activés dans la membrane synoviale, mais ils exercent
un recrutement non spécifique d’autres lymphocytes
T et stimulent les phagocytes mononucléés. Dans la
synovite rhumatoïde, l’infiltrat cellulaire est riche en
lymphocytes T CD4+, dont la plupart expriment des
marqueurs d’activation et possèdent le phénotype
TH1. L’augmentation de la réponse TH1 (lymphocytes T CD4+ producteurs d’ IFN-g, IL-1 et IL-6 proinflammatoires suivie d’une production de TNF-a)
observée au cours de la PR, est compensée au cours
de la grossesse qui s’accompagne d’une augmentation
physiologique de la réponse TH2 (lymphocytes T
CD4+ producteurs d’IL-4, IL-10 et IL-13 à activité
immunosuppressive). Ainsi s’expliquent les rémissions de la PR chez les femmes enceintes.
On observe au sein des cellules résidentes mésenchymateuses, des synoviocytes et des fibroblastes, une
surexpression de certains oncogènes comme myb,
myc, ras, fos, egr-1, corrélée à la prolifération synoviale et à l’infiltration lymphocytaire. Les synoviocytes sont nombreux dans le pannus synovial ; ils expriment des facteurs d’adhésion, en particulier vasculaires et produisent de nombreuses enzymes en réponse
aux cytokines pro-inflammatoires.
Quoi qu’il en soit, ces mécanismes convergent vers
une voie commune qui entraîne la production de cytokines pro-inflammatoires (TNF-a, IL-1, IL-6) par les
phagocytes mononucléés et les synoviocytes.
Facteurs rhumatoïdes
Les facteurs rhumatoïdes (FR) sont des anticorps sériques
dirigés contre des déterminants antigéniques du fragment
Fc des IgG. Ceux qui sont mis en évidence par les réactions classiques d’agglutination passive sont des IgM,
mais il existe des facteurs rhumatoïdes de tous isotypes.
Les facteurs rhumatoïdes IgG et IgA étant toujours associés aux IgM, seule la détection des FR IgM s’impose.
Les facteurs rhumatoïdes ne sont pas spécifiques de la
PR (spécificité d’environ 75 %). Ils sont souvent
absents la première année et n’apparaissent que chez
80 % des malades. Un titre élevé est un élément de pronostic sévère.
Quand les FR sont présents, il est en général inutile
d’en refaire le dosage ultérieurement.
La positivité des FR n’est pas nécessaire pour faire le
diagnostic de PR puisque 20 % des malades en sont
dépourvus ; elle n’est pas non plus suffisante puisque
des FR peuvent être détectés au cours d’autres rhumatismes inflammatoires et d’infections chroniques.
●
Anticorps anti-cytokératine ou anti-filagrine
Les anticorps anti-stratum corneum (anti-cytokératine
KE ou anti-filagrine) ont une spécificité plus grande
que les facteurs rhumatoïdes pour la PR (99 %) mais
leur sensibilité est moyenne (43 %).
●
Anticorps anti-périnucléaires (APF) et anticorps
anti-peptides citrullinés (CCP)
Ces anticorps de découverte récente, sont aussi spécifiques que les anticorps anti-cytokératine, mais possè●
3. Une phase de destruction : les ostéoclastes sont
activés par le système RANK-RANKL (système actiRACHIS - Vol. 16, n°1, Février 2004
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PR et immunologie
dent une plus forte sensibilité (70 % pour les APF et
65 % pour les CCP). Ils représentent un grand progrès
pour le diagnostic immunologique de la PR.
de l’IL-1 et l’IL-6 qui favorisent l'induction de la
synovite.
Traitements immuno-suppresseurs
Le méthotrexate (MTX) est un anti-métabolite de l’acide folique qui inhibe la synthèse d’ADN, entraînant
l’inhibition de la prolifération cellulaire, en particulier
des cellules lymphoïdes et des cellules qui constituent
la synovite. On emploie aussi la sulfasalazine, sulfamide à action anti-inflammatoire et immunosuppressive. Le léflunomide, d’utilisation plus récente, agit
plus particulièrement sur la lignée B.
●
Anticorps antinucléaires
On observe des anticorps antinucléaires dans 45 %
des PR, à des taux faibles et sans IgG anti-ADN natif.
Chez 15 % des patients, on retrouve également des
anticorps anti-histone et des anticorps anti-RNP.
●
POLYARTHRITE RHUMATOIDE
Sensibilité
Spécificité
FR
80 %
75 %
KE
40 %
99 %
APF
70 %
97 %
CCP
65 %
> 95 %
Biothérapies
De nouveaux traitements constitués de protéines
recombinantes ou d’anticorps monoclonaux sont
disponibles ou en cours de développement. Leur
objectif est de moduler les perturbations immunitaires
associées à la PR.
●
- Anticorps monoclonaux anti- TNF-a
Le “tumor necrosis factor alpha” (TNF-a) est une
cytokine pro-inflammatoire qui joue un rôle déterminant dans la phase auto-immune de la PR. Deux stratégies sont utilisables pour inhiber le TNF-a : un anticorps monoclonal chimérique (Rémicade®), un anticorps monoclonal humain (Humira®) et une protéine
de fusion associant le récepteur soluble p75 du TNF-a
et le fragment Fc d’une IgG1 humaine (Enbrel®). Ces
produits sont réservés aux PR sévères, actives et
réfractaires à au moins un traitement de fond, dont le
MTX. Le coût de ces traitements limite leur utilisation et la réponse de chaque malade doit être régulièrement évaluée.
Lorsque le diagnostic de PR est établi, il est inutile de
multiplier le dosage des auto-anticorps, dont la
concentration n’est pas corrélée à l’évolutivité.
Traitement
Quelles que soient les modalités thérapeutiques, le
traitement vise à neutraliser l’inflammation et éviter
la destruction. Il doit être instauré précocement. Afin
d’adapter au mieux le traitement, un suivi régulier
doit être mis en place avec une évaluation systématique de l’évolutivité de la maladie.
L’objectif final du traitement est l’obtention d’une
rémission complète définie par l’absence des différents points suivants : douleur articulaire inflammatoire, raideur matinale, asthénie, synovite, inflammation
biologique, progression radiologique des érosions.
- Anti-IL-1
L’IL-1 est une cytokine pro-inflammtoire dont l’IL1RA (Kineret®) est antagoniste. Administré par injection sous-cutanée, ce médicament s’est avéré supérieur au placebo avec cependant des effets symptomatiques limités mais une protection radiographique
significative.
Des traitements modulant l'activité des lymphocytes T
CD4 (Ac monoclonaux anti-CD4) ont été tentés sans
succès. Des essais à l’aide d’un anticorps monoclonal
anti-lymphocyte B (anti-CD20 : rituximab) semblent
avoir une plus grande efficacité.
De nouvelles thérapeutiques sont envisagées, ciblant
des cytokines (inhibition de cytokines inflammatoires,
utilisation de cytokines anti-inflammatoires), des anti-
Les différents traitements auxquels le rhumatologue
recourt, sont destinés à neutraliser les cellules proinflammatoires et les substances qu’elles sécrètent.
Chaque famille de médicaments cible un médiateur
soluble ou un type cellulaire impliqué dans la physiopathologie de la maladie.
Traitements anti-inflammatoires
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibent la
synthèse des prostaglandines, les corticoïdes celles
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C. Goulvestre
de la maladie. La mise au point récente de tests
immunologiques sensibles et spécifiques comme la
recherche d'anticorps anti-peptides cycliques citrullinés devrait faciliter la décision thérapeutique et garantir un meilleur avenir aux patients.
■
gènes de surface, des molécules d’adhérence. Ces
traitements peuvent éventuellement être combinés.
Conclusion
Le pronostic de la PR dépend de la précocité du traitement. Le diagnostic est cependant difficile au début
Bibliographie
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