76 Apartés Philippe VAYSSETTES Quand la France s’éveillera Corinne LEPAGE Le rôle de la France dans le défi écologique mondial Michel PÉBEREAU Philippe VAYSSETTES Pour une économie de liberté et de responsabilité Numa RENGOT La Silver Économie : un nouveau modèle économique en plein essor Village global Torsten THIELE Sauver l’océan, protéger la haute mer Nathalie JANSON Le cas du franc suisse : quels enseignements pour l’euro ? Corinne LEPAGE Clément THERME La Russie au Moyen-Orient : entre enjeux géopolitiques et intérêts économiques Anne CHENU De la diplomatie institutionelle à la diplomatie stratégique : comment agir dans un monde incertain ? Horizons africains Christian GAMBOTTI L’Agenda 2063, un cadre collectif et participatif pour une Afrique unie et prospère Michel PÉBEREAU Caroline ROUSSY L’Union africaine face au défi des frontières : le cas de la frontière sénégalo-gambienne Emmanuel NIAMIEN N’GORAN L’Agenda 2063 et l’application des principes de bonne gouvernance : le cas de la Côte d’Ivoire Kandia CAMARA Bâtir une société du savoir : les enjeux de l’éducation et de la formation en Afrique 20 euros Torsten THIELE Pascal LOROT Fondateur et directeur de Géoéconomie. Président de l’Institut Choiseul Cette livraison pré-automnale s’ouvre sur une contribution bienvenue et inédite de Philippe Vayssettes sur l’état de la France. Non, selon lui, notre pays n’est pas sur le déclin. Oui, la France a des atouts nombreux et multiples qui, si on les laissait émerger véritablement, sans contrainte et en toute liberté, nous placeraient en position centrale sur l’échiquier de la compétitivité mondiale. Encore faut-il que la société civile dans son ensemble, et si possible les politiques se mobilisent pour enclencher le déclic tant attendu. C’est également le sens du message du Michel Pébereau qui appelle lui aussi à un sursaut de lucidité et à la mise en œuvre de politiques tournées vers l’avenir et qui soient porteuses de réformes en même temps que de modernité. Ce numéro se préoccupe aussi d’une multitude d’autres sujets en prise avec l’actualité. Avec l’allongement de la durée de vie et le vieillissement corrélatif de la population, se développe ce que, dans une contribution intéressante, Numa Rengot appelle la « Silver Économie », c’est-à-dire une économie transversale qui trouve des 5 déclinaisons dans nombre de marchés. Elle représentait quelques 92 milliards d’euros en 2013 en France et dépassera probablement les 130 milliards à horizon de la fin de la présente décennie. Actualité encore, avec l’environnement et la préparation de la COP21. Si elle se félicite qu’un mouvement est aujourd’hui en marche pour limiter les émissions à effet de serre, l’ancienne ministre Corinne Lepage considère que beaucoup reste encore à faire, notamment en France. Le retard est encore plus criant si l’on s’intéresse aux mers et océans. Expert réputé du sujet, Torsten Thiele lance un véritable cri d’alarme. L’Océan ressemble aujourd’hui, selon lui, à un « État en faillite » qui manque de règles, de surveillance et de contrôles. Il appelle à la mise en commun des moyens publics et privés pour préserver un environnement crucial et unique sans lequel l’avenir de l’homme sur notre planète semble condamné. 6 Comme elle s’y est engagé, la revue Géoéconomie ouvre régulièrement ses colonnes à des réflexions et analyses sur les grands enjeux associés au continent africain. Cette livraison ne s’en exonère pas puisqu’elle accueille un ensemble de contributions, coordonnées par notre ami Christian Gambotti et articulées autour de l’agenda 2063. Adopté lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine en janvier dernier, cet agenda se définit comme un plan d’action prospectif, destiné à faire de l’Afrique, tout au long des cinquante prochaines années, un continent uni, prospère et pacifique. Avec trois axes stratégiques pour atteindre l’objectif ainsi fixé : le renforcement des coopérations intra-africaines, l’achèvement des intégrations régionales et, enfin, l’industrialisation du continent. Utopie diront certains ? Peut-être, mais l’essentiel est que les auteurs que C. Gambotti a rassemblés pour notre plus grand plaisir, eux, y croient… Bonne lecture ! Torsten THIELE Sauver l’océan, protéger la haute mer Torsten Thiele est fondateur du Global Ocean Trust. Expert reconnu des questions maritimes, il dirige aujourd’hui l’« Initiative Choiseul pour les océans et les littoraux » dont l’objectif est d’analyser la contribution de l’espace maritime à la croissance et au développement durable. Torsten Thiele a vingt ans d’expérience comme banquier d’affaires à la City où il s’est spécialisé dans le financement de projets dans les secteurs des infrastructures, des télécommunications et du développement durable. L ’océan ressemble aujourd’hui à un « État en faillite », qui manque de règles, de surveillance et de contrôles. Pourtant, il recouvre plus de la moitié de la surface de la planète, représente plus de 90 % de son espace habitable et la plus grande partie de la valeur globale de l’écosystème mondial. Nous devons cesser de traiter l’océan comme une décharge pour pollution humaine, mais plutôt nous concentrer sur la compréhension de ses fonctions, essentielles au fonctionnement du cycle de vie global, afin d’agir en accord avec les mécanismes de diversité marine. Une bonne gouvernance et une infrastructure appropriée des océans doivent être le moteur d’un monde durable. La manière dont nous aborderons ce défi définira notre génération et façonnera notre avenir. ............................................................................................................................................................... 1. Sielen, A.B. " The Devolution of the Seas: The Consequences of Oceanic Destruction." Foreign Affairs 926, 2013. | Torsten THIELE | 61 Nous devons soutenir les efforts visant à négocier de nouveaux moyens d’action, notamment lors de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (UNCLOS : United Nations Convention on the Law of the Sea). Expliquer au monde l’importance du lien entre la santé des océans et le changement climatique permettra l’engagement d’une vaste coalition d’intervenants de divers secteurs, prêts à agir en faveur de la protection de la biodiversité de l’océan et de l’aide au rétablissement de la faune marine. 62 Aux arguments écologiques, scientifiques et juridiques pour la défense de l’océan, nous devons ajouter des idées pour mobiliser de nouvelles technologies, de nouveaux acteurs et de nouvelles sources de financement. Ces efforts aideront à engager un éventail plus large d’intérêts publics et privés vis-à-vis de l’océan et limiteront les pratiques commerciales destructrices. C’est la création de nouvelles opportunités d’affaires et de nouvelles infrastructures de préservation marine qui aidera à relever les défis scientifiques et de conservation. Ces projets permettront également d’engager un plus grand nombre de parties prenantes dans cette cause politique et légale complexe. Un mécanisme qui permettrait de concevoir des solutions, de promouvoir l’ocean optimism, et de préparer des options de financement pour inciter les hommes à s’engager de manière productive dans la vie de l’océan, est nécessaire. L’océan est en effet la source de notre vie, de notre oxygène, et est crucial à notre avenir. Une Banque de l’océan pour la durabilité et le développement ainsi que des institutions similaires à échelle régionale, telles qu’une Banque de l’Arctique pour la durabilité et le développement environnemental, pourraient offrir un cadre concret de financement pour les infrastructures de protection marine par des partenariats public-privé. Cela offrirait au secteur privé la possibilité d’investir dans des opportunités d’affaires « vertes » liées à la protection de l’océan. La gouvernance de la haute mer La colonne d’eau de la haute mer et des grands fonds marins située en dehors des zones de juridiction nationales représente plus de 90 % de l’espace habitable mondial. Ses processus biologiques, chimiques et physiques sont au cœur de la santé de notre planète et comprennent au moins quinze écosystèmes essentiels2. Des aires marines protégées, dessinées autour de ces grands écosystèmes marins, ont été proposées comme moyen de soutenir ces organismes cruciaux. Elles représenteraient une solution rentable pour reconstituer les stocks de poissons en facilitant la reproduction des espèces de poissons surpêchés. L’UNCLOS, le premier cadre légal dédié à l’océan, a désigné les fonds marins comme « patrimoine commun de l’humanité » et a délégué sa gouvernance à l’Autorité des fonds marins (ISA : International Seabed Authority), mais jusqu’à présent, ce titre offre une protection insuffisante à la biodiversité de la colonne d’eau. Le 19 juin 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution A/69/L.65, et a ainsi ouvert la voie à l’élaboration d’un instrument international de juridiction applicable au-delà des zones de juridiction nationale, en vertu de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et sur la conservation et l’utilisation durable de la diversité biologique marine. Cette décision s’est basée sur les résultats d’un groupe de travail ad hoc4. Les autres cadres de gouvernance existants sont de nature sectorielle ou régionale et ne fournissent pas de mécanismes de ............................................................................................................................................................... 2. Rogers, A.D., Sumaila, U.R., Hussain, S.S. et l. The High Seas and Us : Understanding the Value of High-Seas Ecosystems. Global Ocean Commission, 2014. 3. Brander, L., Baulcomb, C., van der Lelij, J.A.C., Eppink, F., McVittie, A., Nijsten, L. and P. van Beukering. The benefits to people of expanding Marine Protected Areas. VU University, Amsterdam, The Netherlands, 2015. 4. High Seas Alliance (“HSA”) The Need for a New Implementing Agreement Under UNCLOS on Marine Biodiversity of the High Seas. HSA Briefing, 2014. | Torsten THIELE | 63 64 surveillance et de contrôle suffisants, ils ont donc également besoin d’être consolidés. La navigation est réglementée par l’Organisation maritime internationale (IMO : International Maritime Organisation) ; pourtant, les émissions de gaz à effet de serre des bateaux ne sont pas évoquées dans les réglementations de l’IMO. La pêche est encadrée par un large éventail d’organisations régionales, mais seules certaines zones comprennent des mesures fondées sur le fonctionnement de l’écosystème5. Les critères identifiant les zones d’importance écologique ou biologique, selon la Convention sur la diversité biologique, peuvent contribuer à l’établissement d’un futur réseau d’aires marines protégées et ainsi atteindre l’objectif d’Aichi qui prévoit de protéger au moins 10 % de l’habitat marin mondial d’ici 2020. Un Objectif spécifique de développement durable pour l’océan pourrait aider à promouvoir l’utilisation de la science et de l’écologie pour protéger le milieu marin et pour sensibiliser la société à cette cause. La gouvernance des grands fonds océaniques Les grands fonds océaniques, qui commencent à partir de 200 mètres de profondeur et s’étendent sur plus de 200 milles nautiques, représentent le plus grand habitat sur terre. Pourtant, ce sont ces fonds qui sont les moins étudiés, et qui ont le plus besoin d’être gérés6. La découverte de communautés biologiques riches et de dépôts minéraux stratégiques au niveau des fonds marins a suscité l’intérêt des chercheurs, des scientifiques, de l’industrie des biotechnologies et des sociétés minières. Les ressources génétiques des grands fonds ............................................................................................................................................................... 5. Molenaar, E.J. & Oude Elferink, A.G. Marine protected areas in areas beyond national jurisdiction: The pioneering efforts under the OSPAR Convention, Utrecht Law Review, 2013. 6. Mengerink, K.J., Van Dover, C.L., Ardron, J. et al. A Call for Deep-Ocean Stewardship, Science 16 May 2014: Vol. 344 no. 6185 pp. 696-698, 2014. marins, comme par exemple celles des éponges, du plancton ou des invertébrés, pourront potentiellement aider au développement de nouveaux traitements médicaux et sont déjà soumises à des débats de brevetage et de royalties. Dans le même temps, notre manque de connaissance ainsi que la lenteur des métabolismes présents dans les grands fonds marins, où l’eau est froide et soumise à haute pression, soulignent la nécessité de prudence et de préservation de cet écosystème critique7. Essentiels à la survie des monts sous-marins, les nodules polymétalliques, qui sont aussi les premières cibles des activités minières relatives aux grands fonds marins, sont habités par des bactéries marines complexes, dont la vie est basée sur la chimiosynthèse dans les grands fonds marins, phénomène encore complètement inconnu jusqu’à très récemment. Un grand nombre d’activités humaines affecte l’écosystème océanique : le bruit peut nuire aux mammifères, la lumière peut détourner les trajectoires des tortues, et des espèces animales envahissantes ou nuisibles peuvent voyager avec les bateaux. Les plastiques, le matériel de pêche désuet et la pollution chimique sont en train de tuer les espèces marines à grande échelle et modifient la diversité biologique de la mer. En juin 2014, la Commission mondiale pour l’océan a fourni des propositions détaillées sur la manière de lutter contre la pêche illégale, de mettre fin aux subventions pour les pêches nuisibles à la bonne santé de la mer et d’établir des normes sur les plastiques, le pétrole et le gaz extracôtier8. Ces propositions importantes doivent être mises en œuvre et ont besoin d’institutions pour promouvoir et soutenir un tel changement. ............................................................................................................................................................... 7. Thurber, A. R. Sweetman, A.K., Narayanaswamy, B. E., et al. (2013) Ecosystem function and services provided by the deep sea, Discussions Biogeosciences 10, 18193–18240. 8. Global Ocean Commission (2014) From Decline to Recovery. A Rescue Package for the Global Ocean. | Torsten THIELE | 65 L’océan comme opportunité Des nouvelles technologies pour la protection de l’environnement en haute mer 66 Les nouvelles technologies telles que la télédétection peuvent aider à la surveillance de la haute mer, à la collecte de données essentielles et au développement d’une réflexion sur la manière de mieux superviser et renforcer les aires marines protégées. En outre, en engageant des entreprises qualifiées dans la fourniture de ces technologies, celles-ci deviendront finalement partenaires dans la défense et la protection de l’environnement marin et pourront aider à mettre en place des stratégies de planification spatiale marine. Le changement climatique a un impact sur tous les écosystèmes essentiels. Les principales capacités d’analyse de données, dont les grandes économies et les grandes sociétés sont les seules à bénéficier, seront nécessaires pour y faire face. Les infrastructures du projet Ocean Observatories Initiative, grâce à leur connexion par fibre optique, qui permettent l’analyse en temps réel, pourraient constituer un moyen efficace de construire un réseau d’observation mondial de l’océan. Mais jusqu’ici, ces infrastructures sont coûteuses et les efforts sont entrepris sur une base nationale uniquement : pourtant, seules des données globales peuvent aider à répondre à la complexité de la préservation des océans. La Stratégie d’observation des fonds océaniques (Deep Ocean Observing Strategy) proposée par le Système mondial d’observation de l’océan (Global Ocean Observing System) offre une grille d’analyse pour les principales variables océaniques durant les cinq à dix prochaines années9. Un modèle similaire mis en place par la stratégie de ............................................................................................................................................................... 9. McCurdy, A. Deep Ocean Observing Strategy - A Global Ocean Observing System Project, Report Consultative Draft, V2-1, March 20, 2104. cyber-infrastructure américaine, a été mené sous l’égide de l’Ocean Observatories Initiative (OOI). La pêche ou la capture d’espèces en voie de disparition, de tortues et d’oiseaux de mer a un impact majeur sur les écosystèmes marins. Un meilleur équipement, des pratiques modernisées, des appareils de vidéosurveillance, une gestion du territoire en temps réel et des mesures d’application satellite coordonnées peuvent aider à réduire significativement ces pêches et les déchets qui en résultent. Le chalutage de fond en particulier détruit l’habitat benthique et interfère avec les pratiques durables. Les avions et les drones ultralégers sont de plus en plus utilisés comme outils pour la surveillance des aires marines protégées. De même, la pollution générée par les infrastructures maritimes et portuaires, qui libère des produits chimiques nocifs et génère des nuisances sonores, peut être contrôlée à l’aide de capteurs et de micros. Les capteurs actifs sur les futurs câbles sous-marins de télécommunications peuvent jouer un rôle important comme fournisseurs de données océaniques en temps réel. Des satellites tels que Sentinel de l’Agence spatiale européenne (ESA : European Space Agency) fournissent des données détaillées sur l’océan et pourraient être utilisés pour aider à la transition vers un contrôle océanique mondial et à la définition d’un modèle de zone marine protégée. Les satellites d’observation de la terre sont capables d’analyser le spectre des vagues de l’océan pour identifier le phytoplancton ou les niveaux de pollution à partir de légères variations dans la couleur de l’eau. Ils fournissent un relevé de la température de la surface de la mer, confirment que l’élévation du niveau de la mer augmente de trois millimètres par an et offrent des données sur la salinité et sur la fonte des glaces. Caméras, microphones, capteurs et autres équipements peuvent être installés sur des dispositifs fixes ou flottants afin de contrôler les activités maritimes. Redéfinir le type de matériel à utiliser et | Torsten THIELE | 67 modifier le timing et les procédures peut également diminuer l’impact sur la faune. Il faut également veiller à ce que le recours aux nouvelles technologies de géo-ingénierie (telle que la fameuse fertilisation des océans) ne créent pas de nouveaux dommages sur l’environnement marin. Ce domaine nécessitera soit une nouvelle réglementation, soit une interdiction complète des pratiques nuisibles. Comprendre comment le changement climatique affecte les chaînes alimentaires est une question fondamentale, qui nécessite des flux continus d’informations géographiques, analysant la physique, la chimie et la biologie de l’océan. Les nouvelles technologies ouvrent de nouvelles voies à l’étude de ces processus. Les grands fonds marins amorcent les processus qui conduisent à des cycles de banquise plus courts dans les régions polaires et à de grands changements de l’écosystème. 68 Les nouvelles technologies robotiques ouvrent des pistes pour l’étude de ces processus dans les milieux naturels et offrent un aperçu de la façon dont les dynamiques physiques et évolutives rapides des océans offrent des signaux environnementaux dix ans en avance : ils montrent comment les changements climatiques vont modifier les écosystèmes dans l’avenir. Les taux d’acidification de l’océan exigent une surveillance rapprochée : celle-ci se fait grâce à de nouveaux capteurs tels que ceux développés dans le cadre du projet de l’Union européenne SenseOcean10, ou d’initiatives américaines similaires. Un récent projet porté par l’Alliance de la mer de Sargasses (Sargasso Sea Alliance), organisation qui gère un écosystème unique de plus de trois millions de kilomètres carrés dans l’océan Atlantique, avec l’Association des entreprises de l’industrie mondiale de câbles sous-marins (ICPC), montre la manière dont la coopération peut ............................................................................................................................................................... 10. www.senseocean.org être effectuée. Le Dôme du Costa Rica, un écosystème diversifié basé sur une remontée des eaux saisonnières dans le Pacifique, pourrait profiter, de la même manière, des nouvelles technologies pour développer une aire dynamique de protection marine. La complexité de l’océan comme source de durabilité mondiale (santé, alimentation, climat) L’océan est non seulement une réserve de ressources, telles que l’oxygène et les protéines, qui sont essentielles à l’humanité, mais il agit également comme un puits de carbone, absorbant plus de 25 % des émissions anthropiques de CO2. La santé de l’océan dépend actuellement d’un modèle de circulation complexe et de son interaction avec un réseau biologique multi-trophique incluant le cycle du carbone. La surpêche, l’acidification, la désoxygénation et le changement de température – autant de menaces qui pourraient conduire à un effondrement de la biodiversité de l’océan et à un changement de sa biogéochimie marine, ce qui signifierait la diminution immédiate de sa valeur. Les estimations exposent de futurs taux d’extinction très élevés parmi les espèces animales, et les événements d’acidification géologiques montrent que les changements climatiques peuvent conduire à des mouvements significatifs dans les populations marines. Les coraux d’eau froide manifestent déjà des réactions à l’acidification, la sensibilité copépode est apparente dans les eaux arctiques et la complexité de la chaîne animale marine fait que même la pêche locale a des répercussions graves sur celle-ci. D’ici 2100, la sous-saturation résultant du CO2 pourrait s’étendre jusqu’à l’océan Austral. En revanche, un océan bien protégé favorise la reconstitution des stocks de poissons et d’autres formes de vie marine, comme les oiseaux de mer. Une structure biologique saine contribue également | Torsten THIELE | 69 à une absorption plus rapide du carbone et de l’azote, les baleines contribuant par exemple au mélange des eaux océaniques. Il existe une relation étroite entre la biomasse de poissons de haute mer et la productivité primaire11, et on peut constater que le transfert d’énergie du phytoplancton aux poissons mésopélagiques12 est élevé en haute mer. Le rétablissement de la zostère, des herbiers marins et d’autres espèces de plantes améliore l’efficacité de l’écosystème marin. La photosynthèse réalisée par le phytoplancton océanique absorbe chaque jour plus de cent millions de tonnes de carbone, mais du fait que le réchauffement climatique change la température de l’océan et sa stratification, cette productivité a malgré tout globalement diminué. Les zones de plancton présentes le long des strates verticales modifient fortement les zones d’habitation des prédateurs et des proies, ce qui a une incidence sur les métabolismes marins. 70 Des études récentes montrent que les mélanges biologiques par les bancs de poissons laissent, dans leurs sillages, une turbulence chaotique, encourageant la croissance des plus petits zooplanctons et phytoplanctons. Les baleines en particulier peuvent jouer un rôle important dans le mélange océanique et la dispersion des éléments nutritifs, mais compte tenu des facteurs de stress, comme le bruit anthropogénique, les taux de rétablissement de cette population sont lents. Le contrôle des changements climatiques et la prévention de la diminution de la diversité biologique ne dépendent pas seulement des avancées scientifiques. Peu de pays sont capables de gérer ............................................................................................................................................................... 11. La productivité primaire désigne en écologie la production de matière organique végétale (biomasse), issue de la photosynthèse, par des organismes autotrophes, dits producteurs primaires. Elle traduit la vitesse à laquelle se forme, par unité de temps, une quantité donnée de matière organique, à partir de la matière minérale et d’un apport d’énergie. Elle s’exprime en masse de carbone assimilé par unité de temps. 12. La zone aphotique ou zone mésopélagique est la zone d’un lac, d’une mer ou d’un océan comprise entre la profondeur à partir de laquelle la photosynthèse n’est plus possible jusqu’à la profondeur où la lumière naturelle est nulle. durablement leurs propres espaces marins, a fortiori en haute mer. Seulement 5 % des pays atteignent le score « acceptable » de plus de 70 dans l’indice de santé des océans (Ocean health index). Les économistes mettent en cause le problème de la gestion délicate des biens communs mondiaux, pourtant les récentes recherches sur la théorie des jeux montrent qu’une gérance commune et durable est possible, même dans des processus incluant de multiples acteurs, à condition qu’une coalition productive et effective se produise. Des compromis éventuels dans la prise de décision nécessitent des informations suffisantes sur la valeur des services fournis par les écosystèmes et une compréhension de ce qui rend les organisations environnementales internationales efficaces. Le principe de précaution est au cœur du droit international de l’environnement et a été appliqué pour protéger l’environnement marin. Lorsqu’il s’agit de traiter avec des espèces en voie de disparition ou les habitats fragiles, ce principe permet d’appliquer très rapidement des mesures de protection rigoureuses. La richesse des espèces sur les récifs coralliens dans des domaines tels que le « Triangle de Corail » peut être utilisée comme un argument pour une protection accrue. Les océanographes étudient les différents impacts possibles et examinent des solutions en suggérant des interventions qui se basent sur l’adaptation aux écosystèmes. Un engagement fort de la part de la société civile est tout aussi important, et peut être encouragé par l’utilisation d’indicateurs sur des espèces essentielles telles que les mammifères marins, ou en montrant aux individus qu’il existe un lien personnel qui les relie à l’océan. Les cétacés constituent en eux-mêmes des arguments pour la création de zones marines protégées. Les requins ont quant à eux une grande valeur dans ce nouveau phénomène qu’est l’écotourisme. La gestion durable de la consommation humaine de poissons sauvages nécessite une éducation de la société et des efforts de régulation sur le marché, avec notamment des systèmes de traçabilité et de certification. | Torsten THIELE | 71 Au-delà des aspects juridiques, commerciaux et politiques, l’océan est profondément lié au subconscient humain et donc difficile à comprendre et à aborder. La société Traditional South Sea a limité sa pêche quand elle a compris la nécessité de protéger un système de vie unique et planétaire. Elisabeth Mann Borgese, qui a contribué à lancer les premières discussions qui ont conduit à la CNUDM (UNCLOS), a fait référence au poème « Cercles océaniques » de Gandhi et à la nécessité pour l’homme de gérer les ressources locales avec une conscience cosmopolite mondiale. Les mécanismes de financement pour le progrès de l’océan 72 Il est crucial, pour stimuler le financement de l’océan, d’investir de nouveaux capitaux dans les infrastructures marines ainsi que dans les activités en cours. Cela permettra de créer de meilleures règles de gouvernance mais aussi de gérer un futur réseau mondial de zones marines protégées. La mise en place de ce projet représente des coûts importants, mais qui sont compensés par les avantages à long terme. La pêche durable aura besoin de mécanismes de financement basés sur des partenariats public-privé appropriés, tels que les « ocean impact bonds »13. Une nouvelle Banque de l’océan pour la durabilité et le développement basée sur le modèle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, pourrait être mise en place. Elle fournirait un mécanisme de financement dédié à une infrastructure proactive dans la protection marine. Une lettre ouverte publiée dans le Times de Londres le 8 juin 2015, à l’occasion de la Journée mondiale de l’océan, et signée par 19 représentants d’organisations marines stipule que « nous devons également penser au-delà des structures existantes et réfléchir à la ............................................................................................................................................................... 13. Obligation environnementale spécialisée sur l’océan : une obligation durable est une dette émise sur le marché et destinée à financer des projets définis pour engendrer un bénéfice environnemental ou social. création d’une Banque de développement durable de l’océan. Il y a des banques de développement à travers le monde entier, mais pas de banque pour 70 % de la surface de la planète. » Des calculs récents ont estimé la valeur des services fournis par le système marin mondial à environ 50 milliards de dollars par an, dont près de la moitié correspond à l’activité des grands fonds marins. Ce chiffre dépasse largement celui qui est obtenu avec le système terrestre. La contribution de l’océan à l’absorption du carbone et à la santé du climat mondial est grande, comme le récent rapport de l’IPCC (Intergovernmental Panel on Climate Change) l’a confirmé, et doit être pris en compte lors de l’allocation des ressources dans le cadre du processus de la CCNUCC (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques), dans la mesure où les problèmes d’émissions de gaz à effet de serre et l’acidification des océans sont complètement liés. Les sources traditionnelles de financement public pour les recherches sur la mer et sa conservation sont limitées et insuffisantes pour répondre à ces nouveaux défis. Bien qu’il existe quelques sources nationales et instruments internationaux tels que le Fonds pour l’environnement mondial qui peuvent être utilisés à cette fin, un certain nombre d’éléments sera nécessaire pour accroître significativement le financement de l’océan : - montrer clairement les avantages essentiels des services écosystémiques qui résultent de la protection de la haute mer ; - identifier en particulier les impacts d’absorption du carbone bleu et développer des mécanismes capables de délivrer des « crédits carbone », par exemple via des certificats négociables de carbone océanique. Au-delà des mangroves côtières et des marais salants, la haute mer et sa biomasse représentent un important moyen de stockage de carbone ; - calculer les impacts à long terme de mesures de conservation pour les futurs utilisateurs du secteur privé de la mer, que ce soit | Torsten THIELE | 73 sous la forme de l’écotourisme, de la protection des ressources biogénétiques ou de rétablissement des stocks de poissons, y compris par la restructuration de la capacité de pêche excédentaire. Les entreprises privées sont des grandes bénéficiaires de l’océan et doivent s’impliquer dans le financement de sa protection future ; - envisager le développement d’infrastructures de surveillance des océans, qui peuvent ensuite être financées sous forme de partenariats public-privé. Ainsi, les câbles sous-marins de télécommunications, infrastructures privées, pourraient inclure des capteurs actifs et des unités de branchement reliés aux systèmes d’observations des grands fonds marins ; 74 - mettre en place une institution de financement de l’océan qui offrirait une gamme d’outils de financement – des subventions aux assurances jusqu’aux instruments de prêt ou aux titres de créances. Une telle Banque de l’océan pour la durabilité et le développement pourrait être calquée sur d’autres banques d’infrastructures vertes et agir comme un corps autonome ou comme une partie d’une institution existante. Le financement peut être un outil important pour aider à développer des solutions pour l’océan. La conférence COP21 sur le climat à Paris aura bientôt lieu et elle sera l’occasion d’expliquer le rôle crucial du carbone bleu dans l’atténuation du réchauffement climatique, l’absorption du CO2 par les herbiers marins, les coraux, les mangroves, les zones de marée et les poissons. Un engagement en faveur du financement de l’océan comme moyen de préservation du climat mondial serait une réalisation importante pour cette conférence, qui à son tour pourrait fournir de nouveaux financements importants pour les zones marines protégées et d’autres mesures connexes. Cela nécessitera des décisions claires concernant les certificats de carbone bleu et des mesures de test pour leur application. Innover financièrement en proposant des investissements basés sur l’impact écologique, des fonds destinés aux infrastructures ou des initiatives d’investissement social serait un moyen de fournir des outils clefs à cet effort. L’Arctique représente un des domaines d’intérêt spécifique, car il est le plus exposé aux effets du changement climatique, notamment par l’acidification, la fonte des glaces estivale et à cause des rejets potentiels d’hydrates de méthane. Un mécanisme spécifique de financement de l’Arctique pourrait offrir : - un emprunt pour le financement de projet d’infrastructures en Arctique et de protection de l’environnement dans les régions circumpolaires, en tirant parti des possibilités de cofinancement ; - des placements en actions dans des entreprises durables ; - le soutien de la subvention pour la science, la recherche et la conservation qui canaliserait les fonds concessionnels. Ce mécanisme fonctionnerait sur une base commerciale, couvrant les coûts d’exploitation, bénéficiant des conditions de crédit de ses membres donateurs pour emprunter sur les marchés financiers, et ne nécessitant donc pas un soutien au delà des passifs éventuels. Dans le même temps, un tel organisme pourrait agir comme centre de connaissances et établissement de formation. Conclusion L’océan est un système vaste et complexe qui a un besoin crucial de protection. La haute mer et les grands fonds marins constituent le plus vaste habitat naturel du monde mais c’est pourtant à eux qu’on accorde le moins d’attention. Les émissions de gaz à effet de serre anthropogéniques doivent être freinées sur terre et en mer : il est temps que les nations apprennent à respecter les limites dont notre planète dépend pour éviter un changement irréversible de la biosphère mondiale. Une manière d’encourager un plus grand engagement pour cette cause est de mettre l’accent sur les opportunités qu’offre le soutien à celle-ci. Fournir de nouveaux mécanismes de financement sera un facilitateur clé dans la voie de la défense de l’océan. | Torsten THIELE | 75 Dans le même temps, il est nécessaire de renforcer la coopération entre les participants déjà impliqués en essayant de concevoir un nouvel organisme juridique et politique. Nous pouvons tous jouer un rôle dans ce « grand tournant océanique », en mettant l’accent sur le monde de l’eau dont toute forme de vie provient initialement et qui est au cœur du fonctionnement vital de notre planète. 76 Apartés Quand la France s’éveillera... Depuis de nombreuses années, le French Bashing s’est progressivement imposé à l’échelle du monde, sans épargner notre pays lui-même. La France est perçue et se perçoit comme engagée dans la spirale infernale du déclin. Cette vision pessimiste tire ses origines de difficultés bien réelles, que nous ne devons pas nier. Cependant, la France d’aujourd’hui a fait le choix de reprendre progressivement conscience de ses atouts et de rétablir la confiance indispensable à toute reprise économique. Engagée dans un processus de « destruction créatrice », la France est en pleine mutation économique et se renouvelle un peu plus chaque jour. Philippe VAYSSETTES Le rôle de la France dans le défi écologique mondial Un mouvement est en marche pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, alors que cette priorité avait longtemps été négligée. La prise de conscience des risques climatiques ayant fait du chemin depuis Copenhague, 2015 pourrait bien être l’année du changement. Mais alors que la loi sur la transition énergétique apporte des avancées en France, elle est encore loin de constituer un tournant vers les énergies renouvelables ; notre pays accumule un retard par rapport à ses voisins, une position peu avantageuse en amont de la COP21. Il est plus qu’urgent de mettre en place des engagements concrets et contrôlables via des sanctions. Et cela ne se fera pas sans un financement solide et durable des pays du nord, ni sans un renversement des attitudes des États, alors même qu’un changement des mentalités s’opère au sein de la société civile. Corinne LEPAGE Pour une économie de liberté et de responsabilité Des Trente Glorieuses à la Mondialisation, de la haute fonction publique à la présidence de BNP Paribas, des cabinets présidentiels et ministériels à la chaire d’Économie politique de Sciences Po, Michel Pébereau a été le témoin et l’acteur d’une France qui a totalement muté et a trouvé sa vocation au sein d’une Europe qui désirait la paix pour ses peuples. Même quand, par la maladresse ou la pusillanimité de certains de ses dirigeants, elle a suscité le doute et multiplié les critiques, Michel Pébereau n’a cessé de défendre une certaine idée de l’Europe, convaincu qu’elle est désormais la seule issue face à un monde globalisé, afin que ses nations deux fois millénaires gardent leur influence et leur rayonnement. Aujourd’hui président d’honneur de la banque dont il a fait un leader mondial grâce à un subtil mélange d’audace et de prudence, il a cessé toute fonction opérationnelle, ne conservant que la présidence de la fondation. Mais c’est mal connaître Michel Pébereau si l’on croit sa retraite inactive. Il continue d’aider Sciences Po de ses conseils et il a accepté la présidence de l’ARC pour quelque temps afin de participer au combat toujours aussi impératif pour vaincre le cancer. Retour sur une vie où se sont entrecroisés de multiples mondes guidés par les mêmes valeurs d’humanisme et de probité. Entretien réalisé par Gérard Bonos Michel PÉBEREAU La Silver Économie : un nouveau modèle économique en plein essor La Silver Économie est l’économie tournée vers les personnes vieillissantes et âgées. C’est une économie transversale qui trouve des déclinaisons dans de nombreux marchés. À l’instar de la Green Économie, le vieillissement de la population va impacter tous les secteurs et notamment les loisirs, le transport, l’alimentation, la sécurité, la santé et l’habitation. Tous ces marchés sont déjà en train de s’adapter ou de se décliner sur des segments liés au vieillissement de la population et au bien-vieillir. La France cherche à se positionner comme le leader des marchés de la Silver. En effet, la Silver Économie initiée en février 2014 par un projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, connaît déjà des réalisations concrètes puisqu’une filière industrie de la Silver Économie a été lancée ainsi qu’un comité national. Cette nouvelle économie apparaît comme particulièrement prometteuse. Déjà, en 2013, le marché global de la Silver Économie française représentait 92 milliards d’euros et dépassera les 130 milliards en 2020. Avec l’évolution démographique envisagée, les marchés de la Silver pourraient engendrer une augmentation de 2,4 % du PIB autour de 2040. Les enjeux de la Silver Économie sont nombreux et représentent autant d’opportunités dans le contexte actuel de relance de l’économie française. Numa RENGOT Village Global Sauver l’océan, protéger la haute mer L’océan ressemble aujourd’hui à un « État en faillite », qui manque de règles, de surveillance et de contrôles. Les grandes aires marines protégées peuvent soutenir ces écosystèmes océaniques cruciaux, offrant des puits de carbone rentables et un moyen pour les poissons de renouveller leur population. La récente résolution de l’Assemblée générale des Nations unies concernant un instrument juridiquement contraignant sur la biodiversité marine en haute mer montre la voie à suivre. Toutefois les arguments écologiques, scientifiques et juridiques pour la protection de l’océan doivent être soutenus avec des idées pour apporter de nouvelles technologies, de nouveaux participants et de nouvelles sources de financement pour la protection des océans. Une Banque de l’océan pour la durabilité et le développement offrirait la possibilité d’apporter une expertise du secteur privé et de la finance et de reconnaître le rôle clé que l’océan joue dans le système mondial, au moment crucial de la COP21 de la CCNUCC à Paris. Torsten THIELE Le cas du franc suisse : quels enseignements pour l’euro ? La décision prise en janvier dernier par le gouverneur de la Banque centrale suisse d’abandonner le cours plancher établi avec l’euro depuis 2011 a pris tout le monde de court. Pourtant, la situation particulière du franc suisse sur le marché des changes en tant que monnaie refuge fragilisait dès le départ la capacité de la Banque centrale suisse, dans un contexte de fortes turbulences économiques, d’honorer un tel accord sans compromettre sa politique monétaire. L’objectif de l’article est de revenir sur les contraintes fortes qu’impose tout système de changes fixes afin d’en souligner les limites. À la lumière de cette analyse, il revient sur les incohérences sur lesquelles s’est construite la zone euro conduisant à la crise européenne des dettes souveraines. Nathalie JANSON La Russie au Moyen-Orient : entre enjeux géopolitiques et intérêts économiques Le retour de la Russie au Moyen-Orient s’explique à la fois par l’ambition du Président Poutine de préserver le statut de grande puissance de son pays mais aussi par des choix stratégiques distincts de l’Occident. La vision russe du Moyen-Orient se définit aussi par la relation qu’entretient Moscou avec son « étranger proche » et la prééminence de la « menace islamiste », en particulier le Caucase et l’Asie centrale. Après l’accord sur le nucléaire iranien du 14 juillet, la Russie se trouve confrontée au défi d’une reprise des coopérations économiques entre Téhéran et les pays occidentaux. La créativité diplomatique russe serat-elle une condition suffisante pour surmonter ce défi au retour russe au Moyen-Orient ? Clément THERME De la diplomatie institutionnelle à la diplomatie stratégique : comment agir dans un monde incertain ? Aujourd’hui, si elle n’est que purement défensive, la diplomatie perd de sa puissance car elle se prive de l’immense liberté de manœuvre liée à l’initiative. Dès lors, le diplomate d’entreprise doit se positionner non plus exclusivement en réaction, mais, avant tout, en force de proposition. Dans un monde de plus en plus incertain, il devient vital de ne pas subir l’avenir, mais de le faire. C’est l’ère du diplomate stratège. Anne CHENU Horizons L’Agenda 2063, un cadre collectif et participatif pour une Afrique unie et prospère L’Agenda 2063, s’il relève de l’utopie, fixe néanmoins un cadre pour construire une Afrique prospère, unie et pacifique. Il complète et dépasse les coopérations commerciales telles que le NEPAD, en cela qu’il intègre tout à la fois un socle socioculturel et historique commun, le panafricanisme, et une pluralité d’États-nations – affirmés par la rémanence des frontières. On peut être optimiste quant à l’avènement d’une Afrique forte et unie qui s’appuie sur sa démographie, un cadre collectif et participatif prodigué par l’Union africaine, et une ouverture sur le monde. Christian GAMBOTTI L’Union africaine face au défi des frontières : le cas de la frontière sénégalo-gambienne La frontière est au cœur de la question d’intégration en Afrique, question à laquelle tente de répondre l’Agenda 2063. Les Africains se sont appropriés les frontières héritées de la colonisation, prémices de leur souveraineté nationale. Le cas de la frontière sénégalogambienne montre cette ambivalence, à travers la co-construction de celle-ci par les gouvernants et les gouvernés, et les usages qui en sont faits, comme source d’opportunités et comme outil de spéculation. Le Sénégal et la Gambie ayant suivi des trajectoires différenciées, malgré ce qu’en disent les discours majoritaires, la frontière a constitué pour eux le socle de leurs identités et de leurs États-nations. Ce cas illustre l’enracinement des frontières en Afrique, et, bien que leur tracé ait été absurde au départ, elles sont aujourd’hui difficilement renégociables, au même titre que les États-nations. Caroline ROUSSY L’Agenda 2063 et l’application des principes de bonne gouvernance : le cas de la Côte d’Ivoire L’unité, la prospérité et la sécurité promues par l’Agenda 2063 pour l’Afrique ne pourront se réaliser que par une mobilisation de tous. Celle-ci passe par l’application des principes de « bonne gouvernance ». En Côte d’Ivoire, un certain nombre de mesures et d’institutions ont été mises en place pour concrétiser ces principes et mettre fin au climat d’insécurité nationale. Le Président Alassane Ouattara s’attelle fermement à restaurer l’autorité de l’État et assainir le pays de la corruption. L’amélioration des services publics et l’efficacité de l’Administration seront indispensables – avec la « bonne gouvernance » – au développement de la Côte d’Ivoire. NIAMIEN N’GORAN Bâtir une société du savoir : les enjeux de l’éducation et de la formation en Afrique L’Afrique doit se construire sur l’éducation et la formation, de façon à sortir de la pauvreté et à se développer vers une économie d’innovation et de valeur ajoutée plutôt que de devenir le nouvel atelier du monde. L’Afrique n’atteindra pas les Objectifs du millénaire fixés il y a cinquante ans, mais en Côte d’Ivoire on s’attelle désormais à poursuivre ceux de l’Agenda 2063, par des réformes structurelles du système éducatif et une mise à niveau des formations. De la scolarité obligatoire de 6 à 16 ans à une formation adaptée à la demande du marché du travail, en se concentrant sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement, la société du savoir et de l’intelligence que le gouvernement ivoirien voudrait bâtir par ces démarches sera porteuse d’égalités homme-femme et portée par la jeunesse. Kandia CAMARA « Sous la pression croissante du processus de globalisation, les intérêts économiques des nations prennent le pas sur leurs intérêts politiques. Ce glissement est le signe de l’ouverture d’une nouvelle ère, celle de la géoéconomie. » Pascal Lorot, Président de l’Institut Choiseul, Géoéconomie n°1, 1997 « L’évolution de la dimension spatiale de la géoéconomie s’oppose à l’unidimensionnalité de la géopolitique. » Géoéconomie, n°64, Edward Luttwak 76 « Nous devons nous adapter. Notre diplomatie doit être davantage présente là où l’avenir se construit. » Philippe VAYSSETTES Géoéconomie, n° 65, Laurent Fabius Corinne LEPAGE ues ain ? ans un monde incert Michel PÉBEREAU rospère -gambienne de la Côte d’Ivoire n Afrique Torsten THIELE 20 euros 6 « La puissance est devenue plus facile à acquérir, mais aussi plus difficile à exercer et plus facile à perdre. » Géoéconomie, n° 69, Moisés Naím « Dans ce monde, la compétitivité est devenue une règle universelle, et la diversité son moteur. » Géoéconomie, n°67, Gianmarco Monsellato Ils écrivent dans Géoconomie : Patricia Adam, Jeremy Bentham, Jean-Marie Bockel, Jean-Louis Borloo, JeanChristophe Cambadélis, Jean-Louis Carrére, Jérôme Champagne, Jean-François Cirelli, Jean-François Dehecq, Arnaud Dupuy-Castérès, Jean-Marc de la Sablière, Alexandre Del Valle, Éric Dénécé, Michel Derdevet, Josette Durrieu, Robert Dussey, Derek Elzein, Christian Estrosi, Laurent Fabius, Mathieu Gallet, Michel Gardel, Élisabeth Guigou, Christian Harbulot, Denis Jacquet, Alain Juillet, Mohamed Mostafa Kamal, Randa Kassis, Marina Kovtun, Henri Lachmann, Enrico Letta, Jean-Louis Levet, Edward Luttwak, Philippe Mangin, Gianmarco Monsellato, Hervé Morin, Moisés Naím, Leon-Paul N’Goulakia, Joseph Nye, Claude Revel, Dominique Ristori, Stéphanie Rivoal, Didier Robert, Michel Roger, Christian Saint-Étienne, Loïc Simonet, Jean-Daniel Tordjman, Jean- Jacques Urvoas, Hubert Védrine, Éric Woerth, Dov Zerah... Disponible sur abonnement et en vente sur notre site 20 € | 230 pages | 5 numéros par an Revue publiée avec le soutien de l’Institut Choiseul 16, rue du Pont Neuf | 75001 Paris www.choiseul.info BULLETIN D’ACHAT, D’ABONNEMENT OU DE RÉABONNEMENT M, Mme, Mlle Prénom Société/Institution N° Rue Code postal Ville Pays Adresse électronique Autres pays France 1 an (5 numéros) 95 135 2 ans (10 numéros) 180 220 Je souscris un abonnement pour 1 an 2 ans À partir du numéro Je souhaite commander un numéro à l’unité (20 Numéro + frais de port : France, 2.10 ; Autres, 4.50 ) Signature/Cachet Date Paiement par virement bancaire vers Crédit du Nord 59, boulevard Haussmann, 75361 Paris, cedex 08 Banque : 30076 - Agence : 02019 Compte : 57336700200 - clé RIB : 09 IBAN : FR76 3007 6020 1957 3367 0020 009 swift (BIC) : NORDFRPP précisez « frais bancaires à la charge du donneur d’ordre » ou Paiement par chèque à l’ordre de Choiseul Éditions, Attention, les chèques étrangers doivent être en euros, compensables en France. 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Horizons africains Christian GAMBOTTI L’Agenda 2063, un cadre collectif et participatif pour une Afrique unie et prospère Michel PÉBEREAU Caroline ROUSSY L’Union africaine face au défi des frontières : le cas de la frontière sénégalo-gambienne Emmanuel NIAMIEN N’GORAN L’Agenda 2063 et l’application des principes de bonne gouvernance : le cas de la Côte d’Ivoire Kandia CAMARA Bâtir une société du savoir : les enjeux de l’éducation et de la formation en Afrique 20 euros Torsten THIELE