Congrès Figure 2. Classification étiologique de la lombalgie permettant de déterminer la structure qui souffre. suivante ne pouvant réellement se faire qu'après obtention des résultats de la précédente. Si toutefois le bilan ne montrait pas de problème de perte de mobilité ou de déséquilibre musculaire, il est possible de passer à l'étape suivante : – libérer : il s'agit de libérer le patient de sa perte de mobilité et de sa douleur, qu'elle soit locale ou à distance ; – maintenir : l'équilibre musculaire doit être retrouvé pour permettre de maintenir l'équilibre économique notamment dans le plan sagittal ; – entretenir : à travers l'éducation thérapeutique, les programmes d'école du dos et l'ergonomie, il faut permettre au patient de conserver durablement les bénéfices apportés par la rééducation. La thérapie manuelle trouve une place première dans la rééducation des lombalgiques. Les dernières volontés de choix des techniques ne doivent pas se faire en opposant les techniques mais en leur redonnant une place propre à chacune. Le traitement masso-kinésithérapique est multiple, l'avenir de notre profession passe par ce type de prise en charge. Il faut noter que cette classification n'est pas la seule et actuellement deux courants d'idées coexistent. Le modèle anatomo-pathologique à la recherche de la structure concernée comme présenté ici, et le modèle bio-psycho-social. Pour en savoir plus Hancock MJ, Maher CG, Laslett M, Hay E, Koes B. Discussion paper: what happened to the `bio' in the bio-psycho-social model of low back pain? Eur Spine J 2011;20(12):2015–10. Donelson R. La méthode McKenzie. Rev Med Orthop 2000;(60). Ficheux G. Rééducation du canal lombaire étroit non opéré. Kinesither Sci 2009;495:5–18. Barette G, Dufour X. Place de l'extension dans la lombalgie. Kinesither Sci 2007;481:47–50. Legaye J, Duval-Beaupère G. 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Paris: Médecine Science Flammarion; 2001. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.02.008 C8 De la prévention à la prise en charge de la douleur chronique non spécifique : les phories verticales peuvent-elles être un repère ? Éric Matheron Dijon, France Adresse e-mail : [email protected] Mots clés : Afférences ; Boucles sensorimotrices ; Contrôle moteur ; Déficience posturale ; Douleur ; Douleur chronique non spécifique ; Oculomotricité ; Posturologie ; Prévention ; Vision En dissociant les images rétiniennes par exemple avec le test de Maddox, une orthophorie et une hétérophorie verticales (OV et HV) correspondent respectivement à l'absence ou la présence d'une déviation de l'axe visuel verticalement, déviation annulée en vision binoculaire naturelle [1] (Fig. 1). La recherche fondamentale montre que le contrôle de l'équilibre, de la posture et du mouvement est complexe, le système nerveux central (SNC) utilisant plusieurs sources à la fois : visuelle, vestibulaire et somesthésique (i.e. y compris proprioceptive). Pour maintenir le corps en équilibre, le SNC doit réaliser les transformations appropriées et coordonnées de ces informations, et générer en permanence les réponses musculaires adaptées [2,3]. Différentes investigations expérimentales ont été menées afin de contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes et interactions complexes entre l'oculomotricité, la vision et l'efficience motrice, notamment les hétérophories verticales minimes (inférieures à environ ½ degré) et le contrôle postural orthostatique, référence pour les activités dynamiques [4,5]. Chez des adultes jeunes et sains, elles rapportent : Kinesither Rev 2014;14(148):31–50 Congrès Figure 2. Synthèse de la présentation. Figure 1. Éric Matheron, chercheur associé groupe IRIS, physiopathologie de la vision et motricité binoculaire, CNRS FR 3636, UFR biomédicale université Paris Descartes, Paris, et masseur-kinésithérapeute libéral, docteur en neurosciences (université Paris V). – qu'une HV expérimentale induite par un prisme vertical d'un degré influence la stabilité posturale [6]1 ; – que les sujets présentant une HV naturelle présentent un contrôle moteur moins performant en termes de stabilité [7] ; – que l'annulation de l'HV à l'aide d'un prisme approprié renforce la stabilité [7]. Chez des adultes jeunes présentant des rachialgies chroniques non spécifiques, et leur comorbidité associée connue (e.g. céphalées, arthralgies périphériques, acouphènes, cinétoses, etc.- voir [8,9]), tous présentant une HV, ce même comportement a été enregistré [10]. L'hypothèse selon laquelle de minimes HV puissent indiquer la présence de conflits provenant de signaux somesthésiques (ou troubles de réfraction – [1,11]) requis dans les boucles sensorimotrices impliquées dans le contrôle postural, et l'intégration optimale de ces signaux au niveau du SNC, a été avancée, suggérant des possibilités de prévention (voir [7]). Des conflits sensorimoteurs induits, notamment entre vision et proprioception des membres, peuvent provoquer des douleurs et modifier la perception globale chez des sujets sains [12] ou les exacerber chez des sujets souffrant de fibromyalgie [13] ; nous avons proposé que les rachialgies chroniques non spécifiques puissent résulter de tels conflits prolongés dont l'HV en serait un signe, avec de nouvelles implications théoriques et cliniques [10]2. En effet, différentes études cliniques suggèrent que les phories verticales puissent être utilisées comme un repère dans la prise en charge de douleurs chroniques non spécifiques. Par exemple, l'HV peut être liée à des conflits provenant du système stomatognathique, du pelvis ou encore de piercings ; annuler le conflit restaure la plupart du temps immédiatement l'OV, diminue significativement la douleur [14,15], améliore la mobilité rachidienne et articulaire périphérique comme des tests cliniques d'équilibre initialement perturbés, mais restent à évaluer précisément [13,14,16] : des études sont en cours (Fig. 2). Références [1] Amos FJ, Rutstein RP. Vertical deviation. In: Amos FJ, editor. Diagnosis and management in vision care. Amsterdam, New York, Oxford: Butterworths; 1987515–83. [2] Nashner LM. Adapting reflexes controlling the human posture. Exp Brain Res 1976;26:59–72. [3] lvanenko YP, Grasso R, Lacquaniti F. Effect of gaze on postural responses to neck proprioceptive and vestibular stimulation in humans. J Physiol 1999;519:301–14. [4] Massion J. Movement, posture and equilibrium: interaction and coordination. Prog Neurobiol 1992;38(1):35–56. 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Otero) Mots clés : Bonne douleur ; Centralisation ; Classification ; Lombalgie ; McKenzie ; MDT ; Préférence directionnelle Pendant des années la règle de la non-douleur a été (et reste très souvent) une injonction pour le Kinésithérapeute dans l'évaluation et le traitement des rachialgies. À aucun moment le bilan ou le traitement ne devait produire de symptômes. Il se pourrait cependant qu'avoir peur de la douleur soit une erreur dans l'évaluation et le traitement des patients qui souffrent de douleurs vertébrales, et de lombalgies en particulier (Fig. 1). Premièrement, éviter tous les mouvements qui produisent de la douleur est un obstacle majeur pour identifier l'occurrence d'une « préférence directionnelle » tel que la décrit Robin McKenzie. Ce dernier est surtout connu pour avoir identifié l'existence d'un groupe important de patients lombaires qui répond à des stratégies de traitement en lordose et en extension. Il a aussi et surtout développé un processus d'évaluation qui vise à déterminer si les symptômes du patient sont aggravés par une (ou plusieurs) direction(s) de mouvement alors que la direction opposée les améliore significativement et durablement. Ce phénomène, nommé préférence directionnelle (PD) s'avère souvent contre-intuitif pour le patient. Par exemple, beaucoup de patients sont soulagés par l'extension lombaire, alors que cette direction est initialement la plus limitée et la plus douloureuse (réponse paradoxale). Mais si la douleur est de plus en plus loin dans l'amplitude, si elle diminue ou si elle devient plus proche de la ligne médiane (phénomène de centralisation), le thérapeute peut être certain que la direction de mouvement est bénéfique pour le patient. Il arrive que la PD soulage d'emblée les symptômes et soit indolore. Mais le kinésithérapeute qui ne test aucun mouvement douloureux passera souvent à côté. L'occurrence clinique d'une PD a fait l'objet de nombreuses études scientifiques de qualité ayant conclu à sa pertinence. Elle bénéficie aujourd'hui d'une recommandation de Grade A (Delitto 2012, Surkitt 2012). Deuxièmement, il est maintenant établi qu'un des enjeux majeur de la rééducation est la prévention du syndrome de déconditionnement du rachis si bien décrit par Tom Mayer. En effet, une proportion des patients lombalgiques chroniques s'enferment dans une spirale vicieuse dans laquelle la peur de la douleur et celle de la récidive induisent une kinésiophobie, suivie d'enraidissement, de perte de force et d'endurance musculaires, et d'une sensibilisation centrale et périphérique de leur système nerveux. À ce stade, l'issue de la rééducation est incertaine, et nécessite parfois des séjours en centre de rééducation avec une équipe multidisciplinaire pour restaurer la fonction et essayer de sortir les patients de cette impasse. Le kinésithérapeute doit par conséquent être très vigilant au message qu'il communique au patient pendant sa rééducation. Le patient doit apprendre à reconnaître quels symptômes sont véritablement le signe qu'il aggrave son statut, et quelles douleurs accompagnent temporairement le déblocage de ses segments mobiles et la « remise en route » de son rachis. Lui dire d'éviter tout mouvement qui produit de la douleur pendant et en dehors de la séance pourrait fortement contribuer à induire ce que l'on cherche à éviter par-dessus tout : la chronicisation des symptômes. Ne pas évaluer et traiter la colonne vertébrale comme une entité fragile, ne pas avoir peur de la « bonne douleur », celle qui permet d'identifier une préférence directionnelle, devrait par conséquent faire partie des règles de base dans le bilan et dans le traitement des patients souffrant de lombalgies et de rachialgies en général (Encadré 1). Encadré 1 À retenir Figure 1. Jaccky Otero, masseur-kinésithérapeute, certifié MDT– méthode McKenzie, président de l'Association française McKenzie, lors de son intervention. 40 Il faut abandonner la règle de la non-douleur qui a très certainement contribuée à générer du déconditionnement et de l'invalidité. La règle de la « bonne » douleur peut lui être substituée. Ce qui constitue la « bonne » douleur dépend du syndrome que l'on traite. Dans un syndrome de dérangement, la « bonne » douleur est une douleur qui est de plus en plus loin dans l'amplitude, qui centralise ou qui diminue pendant les mobilisations actives ou passives. Cette douleur signe la réduction d'un dérangement. Dans un syndrome de dysfonction, la « bonne » douleur est une douleur de fin d'amplitude qui ne persiste pas au retour en position neutre. Cette douleur est indispensable pour remodeler les tissus rétractés/fibrosés/adhérents. http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2014.02.010