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HISTOIRE POLITIQUE DE
L’EUROPE OCCIDENTALE
Tome 2 (inachevé)
Des nations à l’Union
De 1789 à nos jours
De l’Europe révolutionnaire à l’Europe unie
Sylvain BIANCHI
Christophe JENTA
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SOMMAIRE
PREMIÈRE PARTIE : L’EUROPE DES RÉVOLUTIONS, A la poursuite des événements (17891799)
Chapitre I : 1776-1788 : Les révolutions atlantiques
1776-1788 : Les révolutions aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Hollande
1783-1788 : Les difficultés financières de la monarchie française
Chapitre II : Mai-octobre 1789 : La Révolution, l’impromptu français
Chapitre III : 1789-1792 : La Monarchie constitutionnelle, l’échec
La lente déchéance de Louis XVI ; la guerre contre les Austro-Prussiens (avril 1792)
Chapitre IV : 1792-1795 : La Convention, la jeune République en danger
Août 1792-janvier 1793 : Naissance de la Première République
Janvier 1793-juin 1793 : La Convention girondine ; la guerre contre la Première Coalition (février 1793) :
Autriche, Prusse, Angleterre, Provinces-Unies, Piémont-Sardaigne, Espagne
Juin 1793-juillet 1794 : La Convention montagnarde et la Terreur
Juillet 1794-octobre 1795 : La Convention thermidorienne ; La Prusse, la République batave et l’Espagne
signent la paix (printemps 1795)
Chapitre V : 1795-1799 : Le Directoire, ou comment terminer une révolution
Octobre 1795-décembre 1797 : Le Directoire lutte contre les royalistes et les jacobins ; première Campagne
d’Italie et victoire contre la Première Coalition (avril 1796-octobre 1797)
Décembre 1797-novembre 1799 : La Révolution s’achève et s’exporte ; la France crée les républiques sœurs
de Suisse et d’Italie ; défaites contre la Deuxième Coalition (décembre 1798- août 1799) : Angleterre, Autriche, Russie, Empire ottoman, Deux-Siciles, Suède ; l’expédition d’Egypte et le coup d’État de Bonaparte
DEUXIÈME PARTIE : L’EUROPE NAPOLÉONIENNE, La tentative d’une Europe française (17991815)
Chapitre VI : 1799-1804 : Le consul Bonaparte, maître de la France
Deuxième Campagne d’Italie (mai-juin 1800) et victoire contre la Deuxième Coalition ; le retour de la paix
(1801-1803)
Chapitre VII : 1804-1809 : L’empereur Napoléon, conquérant de l’Europe
Mai 1804-décembre 1805 : Naissance de l’Empire ; victoire contre la Troisième Coalition : Angleterre, Autriche, Russie, Suède
Décembre 1805-novembre 1807 : 1806, l’Empire français avec ses royaumes satellites domine l’Europe ; la
fin du Saint-Empire ; victoire contre la Quatrième Coalition (octobre 1806-juillet 1807) : Angleterre, Prusse,
Russie, Suède ; le traité de Tilsit (7-9 juillet 1807)
Novembre 1807-octobre 1809 : Mai 1808, le « gouffre espagnol » commence ;
les dernières grandes victoires de Napoléon, contre la Cinquième Coalition : Angleterre, Autriche (avriloctobre 1809)
Chapitre VIII : 1809-1812 : L’empereur Napoléon, maître de l’Europe
Chapitre IX : 1812-1815 : L’Empire s’écroule
Avril 1812-décembre 1812 : Les débuts de la Sixième Coalition : Angleterre, Russie, Suède, et la Campagne
de Russie
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Décembre 1812-novembre 1813 : La Sixième Coalition s’agrandit (Angleterre, Russie, Suède, Prusse, Autriche) et victoires en Allemagne
Novembre 1813-mars 1815 : la France envahie et la fin de l’Empire ; première abdication de Napoléon et
retour de Louis XVIII ; Les débuts du congrès de Vienne (novembre 1814)
Mars 1815-juillet1815 : Les Cent-Jours ; la fin du congrès de Vienne (juin 1815) ; Waterloo et la deuxième
abdication de Napoléon ; la restauration de la monarchie
TROISIÈME PARTIE : L’EUROPE DU CONGRÈS DE VIENNE, Entre restaurations et
(r)évolutions (1815-1850)
Chapitre X : 1815-1823 : Arrêter le temps… Le début d’une période apaisée ?
Le Congrès de Vienne (novembre 1814-juin 1815)
- Les quatre vainqueurs (Angleterre, Autriche, Russie et Prusse) organisent le congrès dans la division… savamment orchestrée par le génie français de Talleyrand ;
- Des États disparaissent définitivement : Venise, Gênes,… ;
- La Confédération germanique, « club » des souverains allemands et sans réel pouvoir, remplace le
Saint Empire disparu en 1806. De 400 environ en 1789, le nombre d’États allemands tombe à 34,
plus 4 villes libres ;
- Création d’un royaume de Pologne, totalement intégré à l’Empire russe ;
- Déclaration de la neutralité perpétuelle de la Suisse ;
- La Suède, ayant perdu la Finlande au profit de la Russie en 1809, annexe la Norvège, jusqu’ici danoise.
L’échec de la Sainte Alliance
L’ordre conservateur : Echec des soulèvements libéraux en Espagne (1820-1823) et à Naples (1820-1821)
Chapitre XI : Des formes de domination, le rêve d’un retour au passé
Les aspirations nationales et libérales : indépendances de la Belgique (1830-1831) et de la Grèce (18211830) ; échec de la révolte polonaise (1831)
Les grandes nationalités en gestation
Chapitre XII : 1824-1845 : Le changement invisible
Le Romantisme
La rupture économique
La nouvelle question sociale
Evacuer le problème politique
Chapitre XIII : 1845-1848 : Crises, famines et révolutions
L’inattendu qui arrive
L’entremêlement des problèmes
Entre deux mondes
QUATRIÈME PARTIE : L’EUROPE DES GRANDS ÉTATS INTÉGRATEURS, La victoire de la
modernité (1850-1914)
Chapitre XIV : Les révolutions de 1848
Chapitre XV : La construction des États nationaux
L’unité italienne (1848-1870)
L’unité allemande (1848-1871)
La France entre ruralité et technologie
La Grande-Bretagne triomphante
Le retard espagnol
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Chapitre XVI : L’apogée de la Révolution industrielle
Conjoncture
L’essor technique, du chemin de fer à la 2ème Révolution industrielle (chimie, moteur à explosion, électricité)
Au bord de la consommation de masse
L’École et les progrès sociaux : Grande-Bretagne, France et surtout Allemagne
Chapitre XVII : Les nouvelles interrogations
Darwin, Freud, Einstein
Les socialismes
CINQUIÈME PARTIE : L’EUROPE DE LA GUERRE CIVILE, L’Apocalypse de la modernité
(1914-1950)
Chapitre XVIII : La guerre de 1914-1918
Chapitre XIX : 1918-1920 : Les conséquences de la Grande Guerre
Les conséquences psychologiques et la brutalisation de la société
La revanche en Allemagne
La grippe espagnole
Le bilan humain et matériel
Les traités (Versailles, Trianon et Saint-Germain) et la nouvelle carte de l’Europe
Chapitre XX : 1919-1939 : Instabilité
Grande-Bretagne
Italie, Allemagne
Espagne
France
Chapitre XXI : 1919-1939 : Les crises économiques
La crise de reconversion
Les pays qui vont bien (États-Unis, France) et les pays qui vont mal (Allemagne, Grande-Bretagne)
1923-1924 : la crise de la Ruhr ; l’inflation ; les plans Dawes et Young
La crise de 1929
Chapitre XXII : 1933-1939 : La marche à la guerre
Les empires coloniaux à leur apogée (Grande-Bretagne, France)
- Janvier 1933, l’arrivée de Hitler au pouvoir
- 1936, le réarmement de la Rhénanie
- 1936-1939, la guerre d’Espagne
- Mars 1938, l’Anschluss en Autriche
- Septembre 1938 - mars 1939, les accords de Munich et le dépècement de la Tchécoslovaquie
- Mars-septembre 1939, le corridor de Dantzig et la guerre contre la Pologne
Chapitre XXIII : La guerre de 1939-1945, l’Apocalypse de l’humanité
Tuer, détruire
La guerre industrielle et la guerre totale
La guerre à l’est
Les exterminations raciales
L’Allemagne vit aussi sa passion
Chapitre XXIV : 1945-1950 : Une paix pleine de larmes
Les chocs : Auschwitz, Hiroshima
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Les destructions humaines et matérielles
L’impossible mais rapide reconstruction
Les débuts de la guerre froide
SIXIÈME PARTIE : L’EUROPE UNIE depuis 1950, Naissance d’une nation européenne
Chapitre XXV : 1950-1957 : La naissance des institutions européennes
Chapitre XXVI : 1957-1989 : Plus grand que Charlemagne, l’élargissement
Chapitre XXVII : 1989-2004 : La chute du Mur et le deuxième élargissement
Chapitre XXVIII : 2004-2012 : De la crise au fédéralisme
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PREMIÈRE PARTIE : L’EUROPE DES RÉVOLUTIONS,
A la poursuite des événements (1789-1799)
Chapitre I : 1776-1788 : Les révolutions atlantiques
1776-1788 : Les révolutions aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Hollande)
1776 est sans doute l’année de la rupture mentale. Aux États-Unis est proclamée la Déclaration
d’indépendance le 4 juillet à Philadelphie. En Angleterre, Gibbon publie Le déclin et la chute de l’Empire
romain, en rupture avec plus d’un millénaire d’interprétation historique ; Adam Smith proclame dans La
richesse des nations, le rôle moral et pratique du travail et du marché. Ce mouvement révèle un changement
profond des mentalités qui travaillent les sociétés à travers des élites urbaines qui atteignent un seuil critique
permettant de passer à l’action.
Les difficultés des années
1780 offrent des « troupes »
à ces élites avides d’un
nouveau rôle et de nouvelles expériences politiques. Entre 1773 et 1783,
les États-Unis inventent
l’indépendance, la démocratie et l’individu, avec le
soutien opportuniste de la
monarchie française. A Genève, en 1782, éclate une
révolution politique et sociale inspirée pour partie de
la lecture de Jean-Jacques
Rousseau. Ici, la monarchie
française joue la carte d’un
lent étouffement. Dans les
Provinces-Unies en 1787, la
révolution reprend les anciens cadres républicains du
XVIIème siècle. La France
menace alors d’intervenir.
Ces quatre révolutions connaissent une unité des idées
et aussi des hommes, mais
avec des circonstances stratégiques différentes et des
organisations institutionnelles d’une étonnante diversité.
1783-1788 : Les difficultés financières de la monarchie française
En 1783, à la veille de la Révolution, le traité de Paris officialise l’indépendance des États-Unis et la défaite
britannique. La France est redevenue la première puissance européenne. La monarchie française est
l’archétype, voire le seul modèle de monarchie dite absolue, en fait administrative. La dette issue de cette
victoire va rapidement révéler les limites d’un régime qui cristallise toutes les oppositions des noblesses, des
parlements, des bourgeoisies, du peuple des villes et bientôt du monde des campagnes. Les noblesses divi6
sées n’ont qu’un point d’accord, la critique du roi. Elles deviennent le moteur d’une succession de conflits et
de ruptures.
En 1787, les notables à Vizille, dans le Dauphinois, s’opposent aux représentants de la monarchie sur des
questions financières (la taxation des nobles), juridiques et administratives (critique des intendants).
Chapitre II : Mai-octobre 1789 : La Révolution, l’impromptu français
En août 1788, face aux difficultés financières de son Trésor, le roi propose la convocation des États généraux. Le premier problème que pose cette convocation est celui des modalités, puisque depuis 1614 ces États
n’avaient plus été réunis. Qui faire venir ? Sur quels critères de choix ? Pour la noblesse et le clergé, le relatif petit nombre permet des réunions par ordres relativement efficaces. Pour le Tiers-État, il n’y a pas de
règles. La pratique débouche sur une sorte de suffrage universel confus. Chaque communauté villageoise
mandate un délégué. Par différents degrés est sélectionné un représentant. Parallèlement, les cahiers de doléances sont rédigés dans chaque village et ville, apportant une coloration extrêmement diverse des problèmes du pays et des solutions proposées. En Bretagne, certains souhaitent la destruction des pigeonniers et
dénoncent la présence excessive des Juifs et des Protestants. Les pigeons étaient sans doute nombreux, les
autres beaucoup moins ! A Marseille, les revendications des travailleurs du port ont une forte coloration sociale. A Paris, on propose des textes constitutionnels. Partout, les routes sont dénoncées de manière contradictoire : là où elles existent, on se plaint de la proximité consécutive des agents du fisc ; où elles sont absentes, on dénonce l’enclavement ou l’isolement. A la demande du Tiers-État, le roi octroie le doublement
de ses représentants (600 députés), le mettant à égalité avec les deux autres ordres réunis. Cette modalité
était inspirée des assemblées de notables. Cependant, comment va-t-on voter ? Par ordres ou par têtes ?
A l’ouverture des États généraux le 5 mai 1789, la question n’est pas tranchée. Après le discours du roi, le
ministre Necker expose les difficultés du Trésor royal mais aucun des vrais problèmes n’est abordé. Le tiersÉtat refuse que les trois ordres soient séparés et demande que le travail soit effectué en commun. Les privilégiés et le roi refuse. Le 17 juin, le tiers se proclame Assemblée nationale et légifère aussitôt en matière de
finances. Le 20 juin, la nouvelle assemblée jure « de donner une constitution à la France ». Le 22 juin, 150
membres du clergé rejoignent le tiers ! Le lendemain, le roi propose, en assemblée plénière, quelques réformes mais demande aussi la séparation des ordres. Devant le refus des députés du tiers (dont Mirabeau), le
roi capitule et engage même la noblesse et le clergé à se joindre au tiers. Le 9 juillet, l’Assemblée nationale
se proclame constituante. C’est la fin de la monarchie absolue.
Des deux côtés, la royauté et l’Assemblée, la peur s’installe. Le 11 juillet, le roi fait venir des régiments à
Paris et renvoie Necker et les ministres libéraux. Le 14 juillet, la foule parisienne pille l’Arsenal, l’hôtel des
Invalides, puis prend la Bastille. Le 17 juillet, le roi se rend à Paris et retire ses troupes. L’émigration des
nobles commence. La violence s’installe à Paris et dans les campagnes, la Grande Peur déclenche des révoltes paysannes contre leurs châtelains. Le 4 août, face à cette vaste agitation, les députés proclament
l’égalité devant l’impôt, abolissent les droits féodaux sur les personnes et déclarent rachetables les droits sur
les propriétés.
Entretemps, le travail constitutionnel commence. Les députés se divisent suivant leurs affinités : les aristocrates, partisans de l’Ancien régime ; les monarchiens, partisans d’une monarchie à l’anglaise ; et les patriotes constitutionnels, regroupant le tiers et les nobles libéraux. Voulant donner un préambule de droits
fondamentaux à la future constitution, l’Assemblée proclame le 26 août, la Déclaration des Droits de
l’homme et du citoyen. A l’automne, les crises financière et frumentaire s’accentuent. Le 5 octobre, la foule
en colère ramène la famille royale à Paris, aux Tuileries. Prisonnier, le roi ne tient plus son pouvoir de Dieu
mais de la Nation. L’Assemblée s’installe à la salle du Manège, mais elle doit aussi compter sur le nouveau
pouvoir des clubs révolutionnaires : le club des Jacobins avec Barnave, Robespierre, Mirabeau ; le club des
Cordeliers (avril 1790, plus à gauche) avec Danton, Desmoulins, Marat, Hébert.
Chapitre III : 1789-1792 : La monarchie constitutionnelle, l’échec
La lente déchéance de Louis XVI ; la guerre contre les Austro-Prussiens (avril 1792)
Face à la menace de banqueroute, l’assemblée « nationalise » le 2 novembre 1789, les biens du clergé estimés par Talleyrand à près de 3 milliards de livres. Des billets nommés assignats sont émis, « assignés » sur
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ces « biens nationaux ». Les assignats deviennent très vite de simples papiers-monnaie, dont les émissions se
succèdent, déclenchant ainsi une formidable inflation. Le 13 février 1790, les ordres monastiques sont supprimés et le 14 mai, les biens nationaux sont vendus par lots aux enchères. Le 19 juin, les titres nobiliaires
sont abolis. Le 12 juillet, l’Assemblée vote la Constitution civile du clergé. Désormais, les clercs sont élus
par les assemblées locales et non plus nommés par Rome. Le 14 juillet, la fête de la Fédération, en présence
du roi, réunit sur le Champ-de-Mars à Paris les 14 000 délégués des Gardes nationales créées dans chaque
province. La réconciliation entre le roi et son peuple s’affiche. L’euphorie est à son comble ; elle ne va pas
durer.
Le 3 janvier 1791, l’Assemblée exige un serment des clercs à la Constitution civile. En mars, le pape Pie VI
condamne celle-ci ; au sein du clergé, les prêtres jureurs s’opposent alors aux prêtres réfractaires. La France
rompt ses relations diplomatiques avec Rome, mais le roi est accablé par la décision du pape. Se sentant menacé directement, il établit des relations secrètes avec le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II, et l’empereur
Léopold II, frère de la reine. Le 20 juin, le roi et sa famille s’enfuit. Arrêté à Varennes, il est ramené à Paris
sous escorte de la Garde nationale. Les partisans de la république demandent la déchéance de Louis XVI,
refusée par les monarchistes. Le 17 juillet, un rassemblement d’antimonarchistes est réprimé par La Fayette.
Effrayés par cette émeute, les monarchiens quittent le club des Jacobins (où reste Robespierre) et créent le
club des Feuillants (Barnave, La Fayette, Sieyès).
Le 13 septembre, Louis XVI accepte la nouvelle constitution enfin votée par l’Assemblée. Elle tient en 3
points : une Assemblée législative unique de 745 députés élus au suffrage censitaire à deux degrés ; un exécutif composé du roi « des Français » et de ses ministres, responsables devant lui ; un droit de véto royal ne
pouvant excéder 4 ans.
La Législative se réunit le 1er octobre. Elle regroupe à droite les constitutionnels, issus du club des Feuillants ; au centre, la masse des indépendants ; à gauche, les Brissotins et les révolutionnaires les plus avancés,
issus des Jacobins et des Cordeliers. A noter que les aristocrates ont disparu. Beaucoup se sont enfuis et
regroupés avec des troupes à Coblence, autour des comtes de Provence et d’Artois, frères du roi. Face à cette
menace, la colère monte à Paris contre ces royalistes, partisans de l’Ancien régime, mais aussi contre
l’empereur et le roi de Prusse qui par la déclaration de Pilnitz (27 août 1791) menacent directement la
France pour mettre le roi « en état d’affermir » son pouvoir.
Au club des Jacobins, Robespierre, pacifiste, s’oppose au belliciste Brissot. Les brissotins ou girondins deviennent ministres et le 20 avril 1792, le roi déclare la guerre à François II, fils de Léopold, « roi de Bohême
et de Hongrie », tandis que le roi de Prusse déclare la guerre à la France.
Face aux premières défaites, les Girondins s’opposent au roi. Celui-ci accepte de renvoyer sa garde mais
refuse la formation d’un camp de 20 000 fédérés à Paris. Le 15 juin, un ministère feuillant est constitué. Le
20 juin, les patriotes parisiens, les sans-culottes, envahissent les Tuileries et humilient le roi. Celui-ci est
perçu comme le principal bénéficiaire en cas de défaite et donc de fait comme un traître. Le 11 juillet,
l’Assemblée déclare la Patrie en danger ; 15 000 volontaires affluent à Paris. Le 25 juillet, la déclaration de
Brunswick, commandant des austro-prussiens, menace Paris de destruction en cas d’outrage à la famille
royale, ce qui attise la colère des Parisiens. Le 10 août, les fédérés et les sans-culottes prennent les Tuileries.
Le roi est suspendu par l’Assemblée et emprisonné avec sa famille à la prison du Temple.
Chapitre IV : 1792-1795 : La Convention, la jeune République en danger
Août 1792-janvier 1793 : Naissance de la Première République
Trois forces sont alors en présence : la Législative qui a perdu les 2/3 de ses membres ; un conseil exécutif
provisoire autour de Danton et des Girondins ; et surtout la Commune de Paris, véritable pouvoir, soutenue
par Robespierre. Aux frontières, la prise de Verdun par les Prussiens attisent la colère. De nombreuses arrestations de supposés traîtres, notamment parmi les prêtres réfractaires, ont lieu et en septembre, près de 1 500
prisonniers sont massacrés. Les élections au suffrage universel (2-6 septembre avec 90 % d’abstention) de la
nouvelle assemblée appelée Convention, voient à Paris la victoire des candidats de la Commune, futurs
Montagnards (Robespierre, Danton, Desmoulins, Marat, Philippe-Égalité) ; tandis qu’en province, ce sont
les Girondins, désormais « réactionnaires » (Brissot, Condorcet) qui l’emportent. Entre les 140 Montagnards
et les 160 Girondins, plus de 400 députés modérés forment le Marais. Le 20 septembre, la victoire de Valmy
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contre les Prussiens marque le début de la contre-attaque française. Le 21 septembre, la Convention, dans
une atmosphère de triomphe, proclame la République.
Les Girondins, voulant protéger la Convention des émeutiers de la capitale, deviennent des fédéralistes, tandis que les Montagnards proclament la République une et indivisible.
Aux frontières, les contre-offensives victorieuses d’octobre-novembre 1792 (Jemmapes) amènent les troupes
françaises à libérer la Belgique et à occuper la rive gauche du Rhin et la Savoie. La France attaquée devient
une nation « libératrice » et conquérante.
Le 11 décembre, le procès du roi commence. Déclaré coupable par 707 oui (sur 749 députés), il est condamné à mort par 387 voix (sur 721 bulletins). Louis XVI est exécuté le 21 janvier 1793.
Janvier 1793-juin 1793 : La Convention girondine ; la guerre contre la Première Coalition (février
1793) : Autriche, Prusse, Angleterre, Provinces-Unies, Piémont-Sardaigne, Espagne
La mort du roi déclenche la formation d’une vaste coalition, autour cette fois-ci de la Grande-Bretagne (qui
voit également d’un mauvais œil l’occupation de la Belgique et la menace sur la Hollande) : Angleterre,
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Provinces-Unies, Espagne, Portugal, Prusse, Autriche, Piémont-Sardaigne. Le 24 février, la Convention décrète une levée en masse de 300 000 hommes de 18 à 25 ans.
A l’intérieur, la disette et l’inflation s’installent. Les ministres girondins, réputés libéraux en matière de prix
des denrées, sont accusés d’affamer le peuple. Parallèlement, la levée en masse déclenche une révolte populaire et catholique dans l’ouest (Vendée, Poitou, Anjou, Bretagne).
En mars, aux frontières du nord (défaite de Neerwinden, 18 mars) et de l’est (capitulation de Mayence, 23
juillet), mais aussi dans les Pyrénées, en Savoie, à Nice, les armées françaises reculent.
Face à ces difficultés, la Convention crée un Comité de sûreté générale (17 octobre 1792), un Tribunal révolutionnaire (10 mars), des comités de surveillance (21 mars) et un Comité de salut public (6 avril). Celui-ci,
composé au départ de 9 membres dont Danton, tous montagnards, devient le véritable pouvoir. Les Girondins s’opposent à une menace des sections parisiennes acquises aux Montagnards. En réponse, le 2 juin, 29
députés girondins sont exclus de la Convention, marquant ainsi le début de la Terreur.
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Juin 1793-juillet 1794 : La Convention montagnarde et la Terreur
L’exclusion des Girondins déclenche des révoltes fédéralistes : Rouen, Bretagne, Bordeaux, Toulouse,
Nîmes, Marseille, Toulon qui menace de se livrer aux Anglais, Lyon,…
Le 24 juin, la Convention vote la Constitution de l’an I, plus démocratique que celle de 1791 : une Assemblée unique élue au suffrage universel ; un conseil exécutif de 24 membres élus par l’Assemblée. Votée,
ratifiée par référendum,... mais jamais appliquée. Le 10 juillet, la Convention renouvelle le Comité de salut
public. Danton en est exclu et le 27 juillet, Robespierre, avec ses deux fidèles Saint-Just et Couthon, y fait
son entrée.
Face aux difficultés internes et externes et au mécontentement populaire, le Comité et la Convention imposent des mesures radicales : levée en masse de tous les hommes valides de 25 à 30 ans (23 août), institution
du grand livre de la Dette publique (24 août), création de l’armée révolutionnaire (5 septembre), prix et salaires fixés (29 septembre). Contre les ennemis de l’intérieur, la Convention met la Terreur à l’ordre du jour.
Le 17 septembre, la loi des suspects créent des « présumés coupables » : ennemis de la liberté, émigrés rentrés en France, parents d’émigrés, citoyens à qui le certificat de civisme a été refusé, ceux qui n’ont rien fait
« pour la liberté ». Le 10 octobre, Robespierre proclame le gouvernement révolutionnaire jusqu’à la paix, la
terreur tempérée par la vertu. En octobre, la reine puis les Girondins sont exécutés ; les villes fédéralistes
sont reprises : Bordeaux, Lyon, Marseille, Toulon,… En Vendée, l’« armée catholique et royale » est défaite, mais la guérilla continue.
Aux frontières, la levée en masse porte ses fruits (800 000 soldats répartis en 15 armées à la fin 1793). Les
contre-offensives victorieuses succèdent à nouveau aux défaites : Hondschoote (6 septembre), Wattignies
(16 octobre), Le Geisberg (26 décembre).
A Paris, Danton et Desmoulins appellent le Comité à plus de « clémence », tandis que Hébert et ses « enragés » poussent les sans-culottes à la violence. Robespierre s’oppose aux « factions », à la fois à la « faiblesse » et aux « excès ». Hébert est guillotiné le 24 mars 1794, Danton et Desmoulins le 5 avril. Par la loi
de Prairial (10 juin ; plus d’interrogatoire pour l’accusé, plus d’avocat, l’acquittement ou la mort), Robespierre instaure la « grande Terreur ». Après la victoire de Fleurus (26 juin), les Français ne jugent plus la
Terreur si nécessaire. Des dissensions naissent au sein même du Comité contre le triumvirat Robespierre,
Saint-Just et Couthon. Se sentant directement menacés, de nombreux députés se rangent dans le camp antirobespierriste. Le 27 juillet, Robespierre et ses amis sont arrêtés et le lendemain exécutés.
Juillet 1794-octobre 1795 : La Convention thermidorienne ; La Prusse, la République batave et
l’Espagne signent la paix (printemps 1795)
Durant la période thermidorienne qui suit, les anciens amis de Robespierre sont guillotinés ou exclus. Le
Comité perd une grande partie de son pouvoir. La loi de prairial est abolie. Un vent de liberté souffle à nouveau, permettant aux prêtres réfractaires d’officier à nouveau, et surtout aux muscadins, antijacobins royalistes, de parader (le club des Jacobins est fermé le 10 novembre). Les prix et les salaires sont à nouveau
libres, déclenchant une inflation vertigineuse. Le louis d’or qui s’échange contre 75 livres-papier en 1794,
grimpe à 4 000 livres en novembre 1795. Le 20 mai 1795, des sans-culottes envahissent la Convention, puis
sont refoulés par des troupes fidèles. En réaction, 62 députés montagnards sont exclus. L’armée devient
l’arbitre des conflits. « La Terreur blanche » des royalistes sévit à Paris mais surtout dans le Sud-Est où de
nombreux prisonniers jacobins sont massacrés. En Vendée, la paix de la Jaunaye met fin aux combats (17
février), malgré la tentative de débarquement des émigrés à Quiberon (27 juin).
Aux frontières, les nouvelles victoires permettent aux troupes françaises d’occuper à nouveau la Belgique et
d’attaquer les Provinces-Unies (décembre 1794). Ces dernières se révoltent contre leur stathouder Guillaume
V qui se réfugie en Angleterre. La République batave est proclamée le 19 janvier 1795 et signe la paix avec
la France (16 mai), précédée par la Prusse (5 avril) et suivie par l’Espagne (22 juillet).
Soucieux de stabiliser le régime républicain, la Convention vote le 22 août la Constitution de l’an III : deux
conseils législatifs, les Cinq-Cents et les Anciens, élus au suffrage censitaire à deux degrés. Le pouvoir exécutif appartient à un Directoire de cinq membres, nommés par le Corps législatif. Les Conventionnels, se
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sachant impopulaires parmi les royalistes et les jacobins, décident qu’un tiers des députés seront élus pour
un an, tandis que les deux autres tiers seront choisis parmi les députés sortants. Les opposants royalistes se
révoltent à Paris mais leur coup de force de Vendémiaire échoue, maté par le général Bonaparte qui devient
chef de l’armée de l’intérieur (5 octobre). Le 26 octobre, la Convention cède la place au Directoire.
Chapitre V : 1795-1799 : Le Directoire, ou comment terminer une révolution
Octobre 1795-décembre 1797 : Le Directoire lutte contre les royalistes et les jacobins ; première
Campagne d’Italie et victoire contre la Première Coalition (avril 1796-octobre 1797)
Les cinq premiers directeurs sont Barras, Reubell, La Révellière, Carnot et Letourneur, tous régicides. A
l’intérieur, les révoltes vendéennes épuisées s’éteignent à partir de juin 1796.
A l’extérieur, seuls l’Autriche, le
Piémont-Sardaigne, les États allemands (Bade, Wurtemberg, Saxe) et
l’Angleterre restent en guerre contre
la France. Le directeur Carnot imagine alors un vaste plan d’action pour
battre l’Autriche. Deux armées menées par Moreau et Jourdan marchent
sur Vienne à l’est, tandis qu’une troisième armée menée par Bonaparte
doit faire diversion en attaquant les
Autrichiens par l’Italie. Après un certain succès, les deux armées de l’est
reculent (défaite d’Altenkirchen, 19
septembre).
En revanche, dans la Campagne
d’Italie, l’armée de Bonaparte accumule les victoires. Vainqueur des
Sardes, il signe la paix de Cherasco
avec Victor-Emmanuel III (29 avril
1796). Il obtient de ce dernier la libre
circulation des troupes françaises dans
le Piémont. Bonaparte poursuit les
Autrichiens dans la plaine du Pô.
Vainqueur à Lodi (10 mai), il entre
dans Milan libérée (15 mai) et fait occuper Bologne et Ferrare, possessions pontificales. Après les victoires
d’Arcole ((17 novembre) et de Rivoli (14 janvier 1797), Mantoue, porte des Alpes, capitule (2 février). Continuant sa marche, Bonaparte entre dans Venise (15 mai) et se trouve à 100 kilomètres de Vienne.
Bien que départements français depuis 1792-1793, il obtient du roi sarde l’annexion officielle de la Savoie et
de Nice, (traité de Paris, 15 mai) et crée la République ligurienne autour de Gênes (14 juin) et la République
cisalpine dans le Milanais (9 juillet). Le 18 octobre, il signe le traité de Campoformio : l’Autriche reçoit Venise, l’Istrie et la Dalmatie ; en échange, elle reconnaît la République Cisalpine, l’annexion de la rive gauche
du Rhin et de la Belgique. Le traité de Campoformio marque la fin de la Première Coalition.
Pendant ce temps, le Directoire connaît à nouveau des difficultés intérieures. Aux élections du printemps
1797, les conservateurs et royalistes remportent la quasi-totalité des sièges (soit 1/3 du total). Barras, Reubell et La Révellière organisent le coup d’État de fructidor (4 septembre), aidé par les troupes d’Augereau,
lieutenant de Bonaparte ; 177 députés sont éliminés dont une cinquantaine déportés. Le triumvirat a vaincu
ses adversaires royalistes mais se trouve désormais à la merci des généraux. C’est l’heure de la « Terreur
directoriale ». Le 5 décembre, Bonaparte arrive triomphant à Paris.
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Décembre 1797-novembre 1799 : La Révolution s’achève et s’exporte ; la France crée les républiques
sœurs de Suisse et d’Italie ; défaites contre la Deuxième Coalition (décembre 1798- août 1799) : Angleterre, Autriche, Russie, Empire ottoman, Deux-Siciles, Suède ; l’expédition d’Egypte et le coup d’État
de Bonaparte
Les nouvelles élections de 1798 (437 sièges à pourvoir) voient cette fois-ci une poussée de la gauche jacobine. Par la loi de floréal (11 mai 1798), un grand nombre d’élections sont purement et simplement annulées.
Plus de 200 candidats favorables au Directoire entrent aux Conseils. Après les deux coups d’État de fructidor et de floréal, le Directoire en sort renforcé mais apparaît aussi comme corrompu et illégal, usé. Les élections du printemps 1799
voient à nouveau une victoire
des Jacobins. Le 30 prairial
(18 juin), les Conseils obtiennent la démission des directeurs Merlin et la Révellière.
Après fructidor et floréal,
prairial apparaît comme une
revanche des Conseils face au
Directoire. Sieyès, partisan
d’une nouvelle constitution,
remplace Reubell. Porté par
les Jacobins, Sieyès se méfie
de leurs excès mais redoute
aussi une restauration monarchique. A l’assemblée, Lucien
Bonaparte, frère de Napoléon,
mène l’opposition.
A l’extérieur, la situation
française est d’abord très favorable. Les armées françaises, dans leur lancée,
s’avancent en Italie et en
Suisse. A l’image de la Cisalpine et de la Ligurienne, le
Directoire s’empare de nouveaux territoires et d’autres
républiques sœurs sont
créées : République Romaine
(15 février 1798), République
Helvétique (21 avril). Les
Français du général Championnet, chassés de Rome par
le roi de Naples en novembre
1798, réoccupent Rome en
décembre et s’emparent de
Naples. Le roi Ferdinand 1er
s’enfuit en Sicile et Championnet crée la République parthénopéenne (23 janvier 1799). Plus au nord, le général Joubert annexe de fait
le Piémont (décembre 1798) et le roi Charles-Emmanuel IV se réfugie en Sardaigne.
Cependant, au début de l’année 1799, la France connaît une série de revers. Une Deuxième Coalition se
forme autour de l’Angleterre avec cette fois-ci la Russie du tsar Paul 1er et l’Empire ottoman, les DeuxSiciles, auxquels vient s’adjoindre dans un deuxième temps, l’Autriche. Face aux troupes du général russe
Souvorov, Moreau est vaincu à Cassano (28 avril 1799) et doit évacuer la Lombardie. A Naples, le général
Macdonald évacue la ville (7 mai) et Ferdinand 1er met fin violemment à la République (24 juin). Le 19 juin
13
et le 15 août, Souvorov bat respectivement Macdonald à la Trébie et Joubert (qui est tué) à Novi. Au Piémont, Turin est occupé par les Austro-russes (20 juin) et Gênes est menacé. En septembre, la République
romaine disparaît également. En Suisse, face à l’archiduc Charles, Masséna doit se replier, tandis qu’en Hollande, une flotte anglo-russe débarque et la flotte batave doit se rendre (août). La République recule sur tous
les fronts, mais les contre-offensives de septembre renversent à nouveau la situation. En Hollande, le général
Brune vainc les anglo-russes qui rembarquent. En Suisse, Masséna bat les Russes à Zurich. Souvorov évacue
la Suisse et le tsar se retire de la coalition.
De son côté, Bonaparte, sous les conseils du ministre des Relations extérieures Talleyrand, entreprend
l’expédition d’Egypte pour couper la route des Indes aux Anglais. Le 19 mai 1798, il quitte Toulon. Après
s’être emparé de Malte, il débarque à Alexandrie, bat les Mamelouks aux Pyramides (21
juillet), puis s’empare du Caire. L’amiral britannique Nelson détruit la flotte française dans
la baie d’Aboukir. Prisonnier de l’Egypte, Bonaparte s’installe au Caire et gouverne comme
un véritable sultan. Les Turcs veulent reconquérir l’Egypte. Malgré l’échec du siège de
Saint-Jean d’Acre, il réussit à les arrêter. Le
rêve oriental s’évanouit. Cependant, Bonaparte
ne revient à Paris que le 16 octobre 1799.
Fin octobre 1799, Sieyès rencontre les frères
Bonaparte à Paris. En Napoléon, il trouve « le
sabre » qu’il cherchait pour fomenter son coup
d’État et changer la constitution. Sieyès redoute moins le Directoire et l’inamovible Barras que les Cinq-Cents, plus combatifs. Le 9
novembre, une fausse « menace de complot
terroriste » oblige les deux Conseils à être
transférés à Saint-Cloud, tandis que les cinq
directeurs démissionnent. Le lendemain, Bonaparte demande aux députés de démissionner.
Devant leur résistance, même chez les Anciens, il menace. Chez les Cinq-Cents réunis
dans l’Orangerie, la résistance est plus forte, malgré la présidence de Lucien Bonaparte. Certains demandent
un serment de fidélité à la Constitution et rejettent la dictature. Bonaparte entre et est bousculé. Dehors, il
harangue ses troupes qui évacuent manu militari l’Orangerie. Un consulat de trois hommes est institué - Bonaparte, Sieyès et Ducos – pour rédiger une nouvelle constitution. La Révolution semble alors connaître une
nouvelle péripétie, semblable aux nombreuses autres qu’elle a connues depuis dix ans. En réalité, la Révolution s’achève, laissant place à une dictature militaire, qu’elle a sans doute enfantée.
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DEUXIÈME PARTIE : L’EUROPE NAPOLÉONIENNE,
La tentative d’une Europe française (1799-1815)
Chapitre VI : 1799-1804 : Le consul Bonaparte, maître de la France
Deuxième campagne d’Italie (mai-juin 1800) et victoire contre la Deuxième Coalition ; le retour de la
paix (1801-1803)
En décembre 1799, la Constitution de l’an VIII est plébiscitée : le pouvoir législatif, élu au suffrage universel mais à plusieurs degrés, comprend quatre chambres, le Tribunat (qui disparaîtra en 1807) et le Corps
législatif chargés de voter les lois sans en avoir l’initiative, le Sénat chargé de veiller au respect de la Constitution et le Conseil d’État divisés en cinq sections spécialisés ; le pouvoir exécutif est confié à trois consuls
élus pour dix ans (cinq ans pour le troisième) : Bonaparte, Cambacérès et Lebrun. En réalité, seul Bonaparte
possède le véritable pouvoir.
A l’intérieur, Bonaparte multiplie les actions, dans le but de consolider les acquis de la Révolution, mais
aussi de retrouver la prospérité et de garantir la paix civile : création de la Banque de France (février 1800)
et du franc (mars 1803) ; liberté religieuse et signature du Concordat avec le pape (15 juillet 1801) ; libérations des prêtres incarcérés et des proscrits de Fructidor ; large amnistie accordée aux émigrés (avril 1802) ;
le code civil (1804).
A l’extérieur, la première tâche du Premier consul est d’arrêter la guerre contre l’Autriche et l’Angleterre,
mais pour cela, il faut reconquérir l’Italie. Le général Masséna est enfermé dans Gênes. Bonaparte avec
60 000 hommes traverse le col du Grand Saint-Bernard (mai 1800) et prend l’ennemi à revers dans la plaine
du Pô. Il bat les Autrichiens à Marengo (14 juin). Ces derniers évacuent le Piémont et la Lombardie.
En Allemagne, Moreau bat les
Autrichiens à Hohenlinden (3
décembre). L’empereur François
II signe la paix de Lunéville (9
février 1801). Il reconnaît les
sessions de 1797, ainsi que les
républiques sœurs. La République Cisalpine est rétablie et
devient République italienne (26
janvier 1802) dont Bonaparte est
élu président pour dix ans. La
Toscane, envahie en 1800, est
transformée en royaume
d’Étrurie (Louis de Bourbon,
fils du duc de Parme, est intronisé par les Français). Le Piémont
est officiellement annexé (11
septembre 1802). Mais c’est
surtout la paix d’Amiens signée
avec l’Angleterre le 25 mars
1802 qui soulève le plus
d’enthousiasme. En échange de
cette paix, la France renonce à l’Egypte et à Malte. Toutefois, les Anglais ne reconnaissent pas les républiques sœurs et refusent, malgré le traité, d’évacuer Malte.
Après la paix d’Amiens, la popularité de Bonaparte est à son plus haut et celui-ci attend bien en profiter pour
asseoir son pouvoir. Au mois de mai 1802, le Tribunat épuré de ses éléments les plus républicains et le Sénat
proposent de proroger de dix ans les pouvoirs de « Napoléon Bonaparte ». Après le plébiscite (2 août), la
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Constitution de l’an X est votée (4 août). Bonaparte obtient le consulat à vie. Le Sénat reçoit la prérogative
de pouvoir régler par sénatus-consulte ce qui n’aurait pas été prévu par la constitution, ce qui va faciliter le
passage à l’Empire. En revanche, les autres assemblées voient leurs attributions diminuer.
Les critiques face à cette « monarchie » viennent surtout des généraux républicains (Moreau, Bernadotte,
Augereau). Bonaparte doit également déjouer un complot royaliste au printemps 1804 (Cadoudal, Pichegru).
Convaincu que les Bourbon sont derrière cette tentative, il fait enlever, juger sommairement et fusiller le duc
d’Enghien (21 mars). La rupture avec l’ancienne famille régnante est alors totale.
Chapitre VII : 1804-1809 : L’empereur Napoléon, conquérant de l’Europe
Mai 1804-décembre 1805 : Naissance de l’Empire ; victoire contre la Troisième Coalition : Angleterre,
Autriche, Russie, Suède
Ce complot hâte l’avènement de l’empire. Le 18 mai 1804, le Sénat rédige la Constitution de l’an XII et
proclame Napoléon empereur des Français « par la grâce de Dieu et la constitution de la République », proclamation ratifiée par un plébiscite en août (le troisième en cinq ans). La constitution institue également une
noblesse d’empire : les princes français, les grands dignitaires avec le titre d’altesses sérénissimes (Joseph
Bonaparte, Talleyrand, Cambacérès, Eugène de Beauharnais, Louis Bonaparte, Murat,…), seize maréchaux
d’empire (Jourdan, Masséna, Bernadotte, Augereau, Berthier, Brune, Murat, Soult, Lannes, Ney, Davout,…). Ces titres seront complétés par celui de duc en 1806, et par ceux de comtes, barons et chevaliers en
1808. Au total, Napoléon opère 2 830 anoblissements, alors que les rois Louis XV et Louis XVI n’avaient
anobli que 400 familles entre 1750 et 1790. De plus, le Sénat est mis sous la dépendance plus stricte de
l’Empereur. Le 2 décembre 1804, Napoléon 1er est sacré empereur à Notre-Dame de Paris, en présence du
pape Pie VII. Prévoyant la fin prochaine du Saint-Empire, l’empereur François II prend également le titre
d’empereur d’Autriche, sous le nom de François 1er (11 août 1804).
En Europe, malgré la paix signée, la rivalité
franco-anglaise perdure. Les Anglais, malgré le
traité, refuse de rendre Malte à l’Ordre de
Saint-Jean. De leur côté, les Anglais supportent
mal la domination française en Hollande. La
Troisième Coalition se met en place lentement.
D’abord seule, la Grande-Bretagne s’allie avec
la Russie (11 avril 1805) qui n’accepte pas
l’annexion du Piémont.
L’Autriche, d’abord hésitante, est très vite ulcérée par l’expansion française en Europe. En
Italie, Napoléon annexe le duché de Parme (9
octobre 1802), transforme la République italienne en royaume d’Italie, dont il devient le
roi et son beau-fils Eugène de Beauharnais le
vice-roi (17 mars 1805), annexe la République
ligurienne (6 juin) et transforme la République
de Lucques (occupée depuis 1799) en principauté
pour sa sœur Elisa.
En Allemagne, le Recès du 23 février 1803 réorganise l’Empire. Les principaux États
d’Allemagne du sud (Bavière, Wurtemberg,
Bade) et la Prusse, alliés de Napoléon, en sont
les principaux bénéficiaires. En revanche, les
principautés ecclésiastiques, la plupart des villes
libres et les nombreux petits États laïques disparaissent, tandis que l’Autriche n’obtient aucune
compensation à ses pertes italiennes.
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Le 16 juin 1805, l’Autriche rejoint la coalition. De son côté, la France s’allie avec l’Espagne (décembre
1804), le Bade, le Wurtemberg et la Bavière (août-septembre 1805), affermit sa domination sur la République batave (mai 1803) et obtient la neutralité de la Prusse à qui il a promis le Hanovre. Le contexte de
1803-1805 n’a rien à voir avec la situation de la France révolutionnaire et isolée des années 1790. Napoléon
1er, monarque puissant sacré par le pape, a contre lui les grandes monarchies qui refusent le changement, et
avec lui, par peur ou par adhésion sincère, les États qui au contraire voudraient d’une nouvelle Europe.
Le 12 mai 1803, France et Grande-Bretagne rompent les relations diplomatiques, rupture suivie quelques
jours plus tard des premières hostilités. Les Français occupent le Hanovre, propriété du roi d’Angleterre
George III. Napoléon projette d’envahir l’Angleterre et concentre ses troupes au camp de Boulogne. Pour
pouvoir débarquer, il charge l’amiral Villeneuve d’attirer la flotte anglaise de l’amiral Nelson dans
l’Atlantique. Ce plan échoue et la flotte française est battue à Trafalgar (21 octobre). Napoléon renonce à
l’invasion et le 27 août, il lance son armée contre les Autrichiens.
En réponse, ces derniers envahissent la
Bavière (10 septembre). Manœuvrant
rapidement, les Français foncent sur
Vienne. Le 20 octobre, la ville d’Ulm est
encerclée et les 33 000 hommes du général Mack doivent capituler. Le 13 novembre, Napoléon occupe Vienne. A
Austerlitz, « bataille des trois empereurs », il vainc les troupes austro-russes
du général Koutousov (2 décembre).
Décembre 1805-novembre 1807 : 1806, l’Empire français avec ses royaumes satellites domine l’Europe ; la
fin du Saint Empire ; victoire contre la Quatrième
Coalition (octobre 1806-juillet 1807) : Angleterre,
Prusse, Russie, Suède ; le traité de Tilsit (7-9 juillet
1807)
Les clauses du traité de Presbourg (26 décembre 1805)
sont désastreuses pour François II. Il doit céder la Vénétie,
l’Istrie et la Dalmatie au royaume d’Italie, le Tyrol et le
Trentin à la Bavière et ses dernières possessions de
Souabe (berceau des Habsbourg) au Bade et au Wurtemberg. La Prusse, malgré son double-jeu, obtient le Hanovre. Le royaume de Naples est envahi. Ferdinand 1er
s’enfuit - à nouveau - en Sicile où il règne. Napoléon place
les membres de la sa famille sur des trônes : Joseph Bonaparte devient roi de Naples (30 mars 1806) ; la République
batave devient le royaume de Hollande (5 juin 1806) avec
pour roi, Louis Bonaparte ; Murat est nommé grand-duc
de Clèves et Berg, sur la rive droite du Rhin. Les ducs de
Bavière et de Wurtemberg deviennent rois et celui de
Bade, grand-duc. Mais surtout, Napoléon réorganise à
nouveau l’Allemagne. Le 12 juillet, il crée la Confédération du Rhin regroupant dix États d’Allemagne du sud,
dont il devient le « protecteur » et le chef de l’armée con17
fédérale (63 000 hommes). A Vienne, l’empereur d’Autriche François doit renoncer le même jour à son
deuxième titre d’empereur d’Allemagne.
C’est la fin du Saint-Empire romain germanique.
Désireux d’obtenir une paix définitive, Napoléon se rapproche de l’Angleterre, ce qui au départ inquiète la
Prusse qui veut garder le Hanovre. Cependant, toujours hostile à l’hégémonie française, la Grande-Bretagne
se rapproche ensuite de la Prusse. D’autre part, celle-ci est inquiète des transformations opérées par Napoléon en Allemagne : création de la Confédération du Rhin ; mais surtout présence des troupes françaises sur
la rive droite du fleuve. Une nouvelle coalition se forme, la Quatrième, entre la Prusse, l’Angleterre, la
Suède et la Russie, toujours en guerre contre la France (1er octobre). Napoléon, déjà présent avec ses troupes
en Allemagne, réagit très rapidement. Les Prussiens subissent le même jour (14 octobre) deux défaites à Iéna
et à Auerstedt. Toute la Prusse est envahie et le 27 octobre, Napoléon entre dans Berlin, tandis que le roi
Frédéric-Guillaume III et la reine Louise s’enfuient. Les défaites allemandes de 1806 marquent paradoxalement le réveil du nationalisme allemand. Dans Les discours à la nation allemande, le philosophe saxon
Fichte exhorte le peuple allemand à se réveiller.
Malgré ses victoires, Napoléon se rend compte qu’aucune paix ne sera durable sans une défaite définitive de
l’Angleterre. Pour la faire capituler, il instaure par le décret de Berlin, le Blocus continental (22 novembre
1806), en fait une réponse au blocus anglais instauré en mai.
Poursuivant sa guerre contre la Russie, il entre dans Varsovie le 19 décembre. La guerre contre les Russes
s’enlise dans la boue et le froid. La bataille d’Eylau (8 février 1807) est une véritable boucherie avec 40 000
morts des deux côtés. Si loin de la France, Napoléon s’inquiète. Il prend ses quartiers d’hiver à Varsovie
puis reprend l’offensive au printemps. La victoire de Friedland (14 juin) lui permet de négocier en position
de force.
A Tilsit (7-9 juillet), Napoléon signe un traité
avec la Prusse et un autre avec la Russie. La
Prusse perd tous ses territoires à l’ouest de l’Elbe
(Hanovre,…) qui deviennent le royaume de Westphalie avec à sa tête un frère de Napoléon, Jérôme
Bonaparte. Elle perd également sa part de Pologne
qui devient le grand-duché de Varsovie avec à sa
tête, Frédéric-Auguste de Saxe, allié de Napoléon.
Humiliée par Iéna et Tilsit, la Prusse entreprend une régénération politique, sociale et surtout militaire avec ses ministres patriotes, Stein et Hardenberg. Avec l’entrée de la
Saxe et de la Westphalie, la Confédération du Rhin comprend tous les États allemands, excepté la Prusse. La Russie
adhère au Blocus continental et l’empereur Alexandre 1er
promet son amitié à Napoléon, notamment contre les Anglais.
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Novembre 1807-octobre 1809 : Mai 1808, le « gouffre espagnol » commence ;
les dernières grandes victoires de Napoléon, contre la Cinquième
Coalition : Angleterre, Autriche (avril-octobre 1809)
Le Blocus continental est très difficile à mettre en place. Au nord, Napoléon peut être tranquille : le Danemark adhère au Blocus après le bombardement de Copenhague par les Anglais (2-5 septembre 1807) ; la
Russie et la Suède adhèrent aussi. En revanche, au sud, les choses sont plus compliquées en Italie mais surtout au Portugal qui refuse d’être ruiné par le Blocus. Le 30 novembre 1807, le général Junot entre à Lisbonne.
En Espagne, Charles IV doit abdiquer en faveur de son fils Ferdinand VII. Réunissant la famille royale à
Bayonne, Napoléon obtient la destitution de Ferdinand à son profit (5 mai 1808). Il nomme son frère Joseph,
roi d’Espagne, tandis que Murat devient roi de Naples. Dès le début, le peuple espagnol se révolte. Joseph
1er entre en Espagne le 9 juillet et quitte sa capitale, Madrid, le 30. Au Portugal, les Anglais du duc de Wellington chassent Junot et ses troupes (30 août). Pour la première fois depuis neuf ans, les troupes françaises
ne sont plus invincibles.
A l’entrevue d’Erfurt (27 septembre-14 octobre 1808), Napoléon et Alexandre 1er renouvellent leur amitié.
Puis Napoléon retourne en Espagne avec 150 000 hommes. Après la prise de Burgos (10 novembre) et la
victoire de Somosierra (30 novembre), il entre dans Madrid (4 décembre) et rétablit son frère sur son trône.
Après l’expulsion des troupes anglaises du général Moore (15 février 1809) et la capitulation de Saragosse
(21 février), la guerre d’Espagne s’arrête mais une véritable guérilla commence alors, appuyée par l’entrée
du général anglais Wellington en Espagne à partir de mai 1811.
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Pendant ce temps, l’Autriche, profitant des déboires espagnols de Napoléon, se lance dans une
nouvelle guerre contre la France. Cependant, la
Cinquième Coalition s’avère être une simple alliance avec la seule Angleterre et l’Autriche se
retrouve isolée face à la France. Malgré cela, elle
engage les hostilités en envahissant la Bavière (8
avril 1809). Napoléon réagit rapidement et libère
le territoire bavarois. Il entre dans Vienne (13
mai) mais la guerre continue. Après les dures batailles d’Essling (22 mai) et de Wagram (6 juillet), l’Autriche épuisée signe l’armistice de Znaim
(12 juillet). Les dernières grandes victoires françaises sont chèrement acquises.
Par le traité de Schönbrunn (14 octobre), l’Autriche renonce à
sa part de la Pologne au profit du grand-duché de Varsovie.
La Bavière obtient Salzbourg. Les provinces illyriennes
(Trieste, Istrie et Dalmatie) sont annexées à l’Empire français
et l’empire d’Autriche n’a plus d’accès à la Mer Adriatique.
Les deux traités de 1805 et 1809 ont sérieusement amputé la
partie occidentale de l’empire d’Autriche.
En Italie, l’expansion française continue. En 1808, le
royaume d’Etrurie, créé par les Français en 1801, est annexé à
l’Empire, tandis que les Marches, possessions papales, sont
annexées au royaume d’Italie. En 1809, Napoléon somme le
pape d’adhérer à la ligue contre les ennemis de la France mais
celui-ci refuse. Napoléon finit par annexer les États pontificaux (17 mai 1809). Le pape l’excommunie. En réponse, il
est enlevé (5 juillet) et envoyé en captivité à Savone. Tout
ceci trouble profondément les catholiques français, dont un
bon nombre soutenaient jusqu’à présent l’Empire.
Chapitre VIII : 1809-1812 : L’empereur Napoléon, maître de l’Europe
Au faîte de sa gloire et de sa puissance, Napoléon, n’ayant pas eu d’enfant avec l’impératrice Joséphine, se
soucie de la transmission de son empire. Après son divorce (19 décembre) et l’annulation de son mariage
religieux (12 janvier 1810), il entreprend de choisir une princesse européenne. De son côté, l’empereur
d’Autriche, soucieux d’établir des liens définitifs avec Napoléon, propose sa propre fille, Marie-Louise. Napoléon accepte. Les mariages civil et religieux ont lieu les 1er et 2 avril 1810.
Toujours en guerre contre l’Angleterre, le but premier de Napoléon est la réussite du Blocus. Cependant, les
pays alliés ou intégrés à l'Empire subissent de plein fouet la récession économique liée au blocus. Obligés
d'acheter leurs produits en France à des prix importants, soumis à de lourdes taxes lors de l'export de leurs
propres produits, leur économie périclite jusqu'en 1812. En particulier, les grands ports de Hollande, d'Allemagne et d'Italie connaissent une baisse d'activité sans précédent - ainsi que les ports français : Marseille,
Bordeaux, Nantes, Anvers. Il n'est donc pas étonnant que la plupart d'entre eux ne suivent les directives qu'à
contrecœur, l'exemple symptomatique étant le royaume de Hollande, pourtant dirigé par Louis, le propre
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frère de l’Empereur. Par conséquent, Napoléon décide d’annexer les façades maritimes du nord. Le 3 juillet
1810, Louis abdique et s’enfuit à Vienne. Le 9 juillet, la Hollande est annexée à l’Empire. Pour permettre de
contrôler le commerce de la Mer Baltique, Napoléon annexe également les villes hanséatiques (Hambourg,
Lübeck) et le territoire d’Oldenbourg (décembre 1810). Ces annexions seront suivies de celle de la Catalogne en janvier 1812. L’Empire français comprend alors 130 départements et plus de 44 millions de sujets.
La résistance au Blocus semble alors éliminée mais elle devient plus problématique quand elle vient de
l’Empire russe.
Chapitre IX : 1812-1815 : L’Empire s’écroule
Avril 1812-décembre 1812 : Les débuts de la Sixième Coalition : Angleterre, Russie, Suède, et la
Campagne de Russie
Depuis l’entrevue d’Erfurt (septembre-octobre 1808), les relations entre Alexandre et Napoléon se sont lentement détériorées. Du côté russe, on accepte mal la création du grand-duché de Varsovie et les annexions
de 1810. Côté français, les reproches se font essentiellement sur les manquements au Blocus. Depuis dé21
cembre 1810, la Russie, soucieuse de l’approvisionnement en matières premières de ses industries, y a renoncé.
Début 1812, les alliances se forment et la guerre apparaît inévitable. La Sixième Coalition se met en place.
Elle s’agrandira par la suite mais pour l’instant, elle ne regroupe que la Russie, l’Angleterre et la Suède (5
avril) avec son prince-héritier, l’ex-général Bernadotte. En février, Napoléon envoie sa Grande Armée en
direction du Niémen et signe des alliances avec la Prusse (24 février) et l’Autriche (14 mars). Il obtient de
ces deux puissances des contingents. La Grande Armée comprend alors plus de 600 000 hommes, dont plus
d’une moitié d’étrangers : Allemands, Autrichiens, Polonais, Italiens, Portugais, Espagnols. En face, les
Russes sont en infériorité numérique (250 000 hommes). Le 27 avril, Alexandre envoie un ultimatum à Napoléon pour qu’il retire ses troupes à l’ouest de l’Elbe. L’Empereur refuse et la guerre est déclarée le 22 juin.
Elle va sonner le glas de l’aventure napoléonienne.
Le 24 juin, la Grande Armée traverse le Niémen. Face à deux armées russes, Napoléon essaie de les isoler
mais elles refusent le combat et reculent. Sous une forte chaleur, la Grande Armée s’avance dans l’immense
plaine russe, sans obstacle et
sans résistance. Les désertions
commencent. A Moscou,
l’opinion perçoit ce recul
comme de la lâcheté.
Alexandre nomme le vieux
Koutousov (77 ans) généralissime. Le 7 septembre, à la bataille de Borodino (pour les
Russes) ou de la Moskova
(pour les Français), le choc est
effroyable. Les deux armées
s’estiment vainqueurs. Malgré
les lourdes pertes, les Russes
se retirent en bon ordre. Le 14
septembre, Napoléon entre
dans Moscou, désertée par ses
habitants. Le lendemain, la ville est détruite par un incendie. Napoléon, désireux de négocier la paix, envoie
des lettres à Alexandre à Saint-Pétersbourg mais celui-ci n’y répond pas. Face à ce mutisme et conscient que
l’hiver russe approche, il se résout à quitter la ville le 19 octobre. La retraite de Russie commence. Elle va
durer presque quatre mois, quatre mois d’indicibles souffrances. Napoléon décide de marcher vers le sud. Il
est arrêté par Koutousov à Maloïaroslavets et doit reprendre la même route qu’à l’aller, dévastée par ses
propres troupes. Le thermomètre qui descend à – 35 ° C, le vent et la neige, le manque de vivres et de vêtements chauds et les attaques incessantes des détachements cosaques déciment la Grande Armée. Apprenant
la tentative de coup d’État du général Malet, Napoléon laisse le commandement de la Grande Armée à Murat et rejoint Paris (19 décembre). Le 20 décembre, les débris de la Grande Armée atteignent Königsberg, en
Prusse. Arrivé à Poznań le 16 janvier 1813, Murat quitte à son tour l'armée et nomme Eugène de Beauharnais commandant en chef. Il regagne en toute hâte Naples où il entre en relation avec les Autrichiens qui ont
quitté l'alliance française.
Décembre 1812-novembre 1813 : La Sixième Coalition s’agrandit (Angleterre, Russie, Suède, Prusse,
Autriche) et victoires en Allemagne
La Grande Armée vaincue, les défections, d’abord militaires, commencent. Le 30 décembre, le général prussien Yorck, conclut un accord avec le tsar. Rassuré, Alexandre ordonne à ses troupes de poursuivre
l’offensive au-delà des frontières. En février, les Russes sont à Varsovie. Le 17 mars 1813, la Prusse, alliée
à la Russie, déclare la guerre à la France.
Les troupes d’Eugène de Beauharnais passent à l’ouest de l’Elbe, dans le royaume de Westphalie où le trône
de Jérôme apparaît chancelant.
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Napoléon entre en Allemagne et bat les Russes et les Prussiens à Bautzen et à Wurschen (20-21 mai), sans
toutefois les anéantir. Les Autrichiens offrent leur médiation. A l’entrevue d’Erfurt (26 juin), le ministre
autrichien Metternich demande à Napoléon l’abandon par la France de ces principales acquisitions. En réalité, les Autrichiens et les Alliés veulent abattre définitivement Napoléon.
Entretemps, en Espagne, la situation dégénère. Pour la campagne de Russie, Napoléon a dû dégarnir ses
troupes en Espagne. Wellington en profite et prend Madrid le 11 août 1812,
Joseph s’étant - à nouveau – enfui. Le 21
juin 1813, Wellington remporte la bataille de Vitoria et Joseph se réfugie à
Bayonne. Suchet, pourtant maître de la
Catalogne, doit l’évacuer. Napoléon envoie Soult pour reconquérir l’Espagne
mais Wellington s’approche des Pyrénées et menace directement la France par
le sud.
Après l’échec du congrès de Prague (29
juillet), l’Autriche déclare la guerre à la
France (15 août). La Sixième Coalition
est alors au complet ; 500 000 hommes
répartis en trois armées, commandées par
trois généraux, Bernadotte, Blücher et
Schwarzenberg (conseillé par Moreau, l’ancien vainqueur de Hohenlinden). Napoléon peut encore compter
sur la Saxe, la Bavière et le Wurtemberg. A la bataille de Dresde (26-27 août), il vainc Blücher, puis
Schwarzenberg, mais cette victoire n’est pas décisive. A Leipzig dite « bataille des Nations » (16-19 octobre
1813), les 160 000 hommes de la Grande Armée sont vaincus par 300 000 ennemis.
Après cette défaite, les défections s’enchaînent les unes après les autres : Saxe, Bavière, Wurtemberg. Jérôme doit abandonner la Westphalie (26 octobre). Les Hollandais se soulèvent contre les Français. Napoléon
réussit à passer le Rhin avec 100 000 hommes et arrive à Paris le 9 novembre. Il ne peut pas cacher la vérité : Toute l’Europe marchait avec nous il y a un an, toute l’Europe marche aujourd’hui contre nous.
Novembre 1813-mars 1815 : la France
envahie et la fin de l’Empire ; première
abdication de Napoléon et retour de
Louis XVIII ; les débuts du congrès de
Vienne (novembre 1814)
Les trois armées alliées venant d’Allemagne
déferlent sur la France : Les Autrichiens de
Schwartzenberg au sud par Bâle, les Prussiens de Blücher au centre par Coblence et
de Bülow au nord par la Belgique. Au sud,
Wellington traverse les Pyrénées et se
heurte à Soult qui défend Toulouse (10 avril
1814). Au total, 400 000 hommes envahissent la France. A cela s’ajoutent l’alliance
de Murat avec les Autrichiens pour sauver
son royaume (11 janvier) et la révolte des
Hollandais qui ont rappelé Guillaume
d’Orange, fils de Guillaume V.
Napoléon quitte Paris avec son armée le 25 janvier. A l’est, les Alliés envahissent la Lorraine et arrivent sur
Besançon. Après avoir battu Napoléon à la Rothière (1er février), ils marchent sur Paris. Cependant, Napo23
léon reprend l’offensive et par une série de victoires (10-18 février), il repousse les ennemis. A nouveau
vaincu en mars, il tente de rejoindre la Lorraine pour couper les arrières des ennemis, en vain. Le 30 mars,
Paris capitule et le 31, Alexandre 1er et Frédéric-Guillaume III entrent dans Paris. Le 3 avril, le Sénat prononce la déchéance de Napoléon, lequel se trouve à Fontainebleau avec encore 60 000 hommes. Sur
l’instance de ses maréchaux Berthier et Ney, il abdique d’abord en faveur de son fils, le roi de Rome (4
avril), puis après la capitulation de ses dernières troupes, il abdique sans conditions (6 avril).
Le même jour, le Sénat proclame roi Louis XVIII. Le tsar offre à l’Empereur déchu la souveraineté de l’île
d’Elbe. Parti de Fontainebleau le 20 avril, Napoléon débarque à l’île d’Elbe le 4 mai. Le 3 mai, Louis XVIII,
après avoir accepté le principe d’une constitution, fait son entrée dans Paris.
Louis XVIII signe le traité de Paris (30 mai). La France retrouve ses frontières de 1792, ainsi que des enclaves au nord et à l’est (Mulhouse,…), la Savoie (perdue à nouveau en 1815) et le comtat Venaissin.
Le Congrès de Vienne s’ouvre officiellement le 1er novembre 1814. Les Alliés veulent remodeler l’Europe à
leur guise. Metternich représente l’Autriche, Humboldt et Hardenberg, la Prusse, Nesslrode, la Russie et
Wellington, l’Angleterre. Louis XVIII y envoie Talleyrand, étant entendu que les Alliés avaient fait la
guerre au seul Napoléon, et non à la France.
Mars 1815-juillet 1815 : Les Cent-Jours ; la fin du congrès de Vienne (juin 1815) ; Waterloo et la deuxième abdication de Napoléon ; la restauration de la monarchie
Persuadé de pouvoir à nouveau gouverner la France, Napoléon quitte l’île d’Elbe le 26 février 1815 et débarque le 1er mars à Golfe-Juan. En passant par les Alpes, il atteint Grenoble, Lyon, Auxerre, où le maréchal
Ney venu pour l’arrêter lui tombe dans les bras, et enfin Paris le 20 mars. Peu avant, Louis XVIII s’est enfui
à Gand. Napoléon reconstitue un ministère : Cambacérès, Davout, Carnot, Caulaincourt, Fouché. Il est bientôt rejoint par ses frères : Joseph, Jérôme et même Lucien rentré en grâce après dix ans d’exil. Napoléon
demande à Benjamin Constant - pourtant violent adversaire – d’écrire une constitution libérale, ou plutôt un
« Acte additionnel aux constitutions de l’Empire » : deux assemblées, une Chambre des pairs, nommés par
l’Empereur et une Chambre des représentants élus par un collège électoral élargi. Publiée le 23 avril, la
Constitution est plébiscitée par 1 500 000 électeurs sur 6 millions. Aux élections de la Chambre des représentants sont élus une centaine de fervents bonapartistes mais surtout plus de 500 libéraux, dont La Fayette,
très critiques envers l’Empereur dès la première séance (3 juin).
A Vienne, les Alliés signent un pacte contre
Napoléon (25 mars), malgré les appels à la
paix de ce dernier. Ils se hâtent de clore leurs
discussions pour pouvoir publier le 9 juin,
« l’acte final du congrès de Vienne ».
Napoléon essaie d’éviter le conflit. Mais entretemps, Murat, rallié à Napoléon, tente de
soulever l’Italie contre les Autrichiens mais
est battu à Tolentino (3 mai). Apparaissant
comme belliciste aux yeux des puissances
européennes, Napoléon se prépare à la
guerre. Le 1er juin, il fête la nouvelle constitution au Champ-de-Mars, rebaptisé
« Champ de mai », devant 50 000 soldats qui
lui jurent fidélité jusqu’à la mort.
En Belgique, deux armées menacent la France : l’armée anglaise de Wellington avec 100 000 combattants et
l’armée prussienne de Blücher avec 150 000 hommes. Le 12 juin, Napoléon quitte Paris, bien décidé à les
attaquer par surprise avant qu’elles ne se réunissent. Malgré ces précautions, le général de Bourmont trahit
l’Empereur et avertit les alliés le 15 juin. Les Prussiens de Blücher sont mis en fuite à Ligny le 16. Napoléon
ordonne au général Grouchy de les poursuivre pour les anéantir. Puis, il attaque les Anglais à Waterloo le 18
juin. Malgré les charges furieuses de la cavalerie aux ordres de Ney, l’infanterie anglaise de Wellington résiste. Entretemps, Blücher arrive à Waterloo. C’est l’hallali, puis la retraite.
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Napoléon rentre à Paris le 21 juin. Les députés déposent une proposition de déchéance. Le 22 juin, Napoléon
abdique - pour la deuxième fois. Le 29 juin, il quitte Paris, dans le but de s’embarquer pour le Nouveau
Monde. Près de Rochefort, le 15 juillet, il est arrêté par les Anglais. D’abord envoyé en Angleterre, il est
exilé à l’île Sainte-Hélène où il débarque le 16 octobre 1815. Louis XVIII rentre à Paris le 8 juillet.
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