Les dérivés ne pourront plus déraper

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Nouvelle loi
Les dérivés ne pourront plus déraper
André Giroux
Le Québec dispose maintenant d’une loi spécifique encadrant les instruments dérivés. Adoptée le 20 juin
dernier, elle devrait en principe prendre effet en janvier
prochain. « Le délai nous permettra de respecter le processus
de consultation et d’adoption de la réglementation », mentionne Daniel Laurion, directeur général des mandats
spéciaux à l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui a
contribué à la préparation de la loi.
Outils de gestion de risques plutôt que forme d’investissement, les instruments dérivés devaient faire l’objet d’une
législation spécifique, estime l’AMF. « Les marchés de dérivés
[seront] mieux encadrés par une loi qui met l’accent sur les
risques très différents de ces instruments », mentionnait le
document de consultation publié par l’AMF en mai 2006.
Qui plus est, « les mesures relatives aux produits dérivés
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intégrées à la Loi sur les valeurs mobilières sont incomplètes
et désuètes, affirme Daniel Laurion. Certains [produits] sont
régis par l’article 1 de la loi, tandis que d’autres le sont par le
Règlement général sur les valeurs mobilières. Ces distinctions
établies au début des années 1980 ont perdu leur pertinence
et leur cohérence depuis. Les marchés ont beaucoup évolué
depuis 30 ans. La nouvelle loi encadre l’ensemble des marchés
selon des normes internationales ».
L’AMF a étudié les façons dont divers pays régissent ces
marchés. L’approche proposée et retenue est celle de la législation par grands principes. « La structure considérée d’une
loi sur les dérivés basée sur de grands principes – au lieu d’une
loi normative basée sur des règles exhaustives –, conjuguée à
une grande collaboration entre les organismes d’autoréglementation et l’Autorité, reflète les tendances internationales
et la constatation que les marchés de dérivés sont un domaine
complexe et en pleine évolution , mentionne le document de
consultation. (…) Une réglementation basée sur les grands
principes permettrait de suivre l’évolution
de la structure commerciale, le lancement
de nouveaux produits et le développement
des affaires. (…) La simplification de la
réglementation et la flexibilité requise
pour son application qu’offrent les grands
principes permettent aux autorités réglementaires de réagir à des situations
inattendues, d’accepter ou non des
Bourses et des produits originaux et de
mettre en vigueur non seulement la loi,
mais l’esprit de la loi. »
Ces principes, ce sont d’abord des
valeurs : probité, équité, diligence, compétence, formation, honnêteté et loyauté. La loi précise
certains moyens de les mettre en pratique. « La nouvelle
législation est à cet égard beaucoup plus explicite », mentionne Daniel Laurion. Il insiste sur l’article 66 de la loi, qui
édicte que « le courtier, le conseiller ou le représentant peut
refuser d’agir pour un client s’il a des motifs raisonnables de
croire que l’opération concernée est illicite ou susceptible
de jeter le discrédit sur le marché des dérivés ».
La loi reprend certaines pratiques communes aux conseillers
en valeurs mobilières : on doit bien connaître son client, évaluer
convenablement ses besoins et offrir des produits qui y répondent. La protection des clients sera notamment assurée par
l’obligation de remettre un document d’information sur les
risques liés aux instruments dérivés en général, et sur les
dangers particuliers des produits que le client souhaite acheter.
« Prescrit par règlement, ce document sera inspiré de celui
remis actuellement lors d’achat d’options », mentionne le
directeur général aux projets spéciaux de l’AMF.
En cas de conflit entre un courtier et son client, l’AMF
pourra proposer aux parties une médiation ou confier ce
mandat à des tiers. « Un médiateur ne peut être contraint de
divulguer ce qui lui a été révélé ou ce dont il a eu connaissance
dans l’exercice de ses fonctions », pas même devant un tribunal, précise la loi, qui stipule que « nul n’a droit d’accès à un
document contenu dans le dossier de médiation ».
Impacts pratiques pour les conseillers
« Les intermédiaires de marché ne verront pas beaucoup de
différences avec la situation actuelle, précise Daniel Laurion.
Tout en étant soucieux des standards internationaux, nous
nous sommes assurés que la nouvelle loi s’intègre le plus
possible au secteur des valeurs mobilières. Ceci parce que
nous constatons qu’au Canada, il n’existe pas d’intermédiaires
de marché spécialisés dans les produits dérivés, que ce soit
chez les courtiers ou les gestionnaires de portefeuilles. Par
conséquent, une firme inscrite en vertu de la Loi sur les
Les marchés et l’industrie ont
beaucoup évolué ces 30 dernières
années, il était donc temps de revoir
la législation, qui est désormais
conforme aux normes internationales.
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valeurs mobilières répondra aux exigences de la Loi sur les
instruments dérivés sans autre formalité. Cependant, seuls
les courtiers de plein exercice, ou courtiers en placement (et
leurs représentants), pourront offrir des produits dérivés. »
C’est dans les relations entre l’AMF et la Bourse de
Montréal que les changements sont les plus notables.
« Beaucoup d’éléments de la nouvelle loi modifient notre
relation à la Bourse », souligne le directeur général des projets
spéciaux de l’AMF. Par exemple, il appartiendra à la Bourse
de certifier que les règles qu’elle adopte ou les produits
dérivés qu’elle propose respectent la loi. Actuellement, l’AMF
reçoit les projets de la Bourse et décide ou non de les approuver. « La nouvelle formule permettra à la Bourse de mieux
contrôler l’implantation de ses projets et de ses échéanciers »,
mentionne Daniel Laurion. Quant à l’AMF, elle conserve
ses droits d’inspection, d’intervention et d’annulation d’une
règle qui ne répondrait pas aux principes législatifs.
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