Réforme fiscale américaine : quelques perspectives pour les

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AU CŒUR DU DROIT
FISCAL
Réforme fiscale américaine : quelques
perspectives pour les groupes ?
Le 07/03/2017
A l’occasion de son discours au Congrès le 28 février dernier, Donald Trump a
réaffirmé son intention de mener une « réforme historique » du système fiscal américain
en vue de relancer l’économie américaine. Guillaume Glon, avocat associé, et MarieHélène Pinard-Fabro, PwC Société d’Avocats, en présentent les grands axes.
Guillaume Glon, avocat associé, et Marie-Hélène Pinard-Fabro, avocat, cabinet PwC Société
d’Avocats, présentent les grands axes de la réforme fiscale américaine telle qu’elle se dessine
à partir des déclarations du candidat Trump et des propositions formalisées par les
représentants républicains dans le « Blueprint » du 24 juin 2016
Une réforme nécessaire du système d’impôt sur les sociétés
Le système fiscal américain repose sur un principe de mondialité associé à un taux
d’imposition élevé : au niveau fédéral, le taux de l’impôt sur les sociétés est fixé à 35 % (soit
un total proche de 40 % si l’on y ajoute la fiscalité des états), contre 24,2 % en moyenne pour
les pays de l’OCDE. Ce système complexe et ce taux d’imposition élevé ont incité de
nombreux groupes américains à conserver hors des Etats-Unis leurs gains réalisés à l’étranger,
afin de les soustraire à l’imposition dissuasive qui s’appliquerait en cas de rapatriement. On
estime à près de 3 billions de dollars le montant du trésor de guerre détenu par les
multinationales américaines hors des Etats-Unis et qui ne sont pas réinjectées dans l’économie
américaine, pour des raisons fiscales.
Pour les mêmes raisons, la pratique des opérations d’inversion s’est accrue au cours des
dernières années. Ces opérations consistent à délocaliser hors des Etats-Unis le siège social de
la maison mère d’un groupe américain, en la faisant absorber par une société étrangère dans la
foulée d’une opération d’acquisition.
Si ce constat conduit à un assez large consensus sur la nécessité de repenser et de moderniser
le système fiscal américain, les moyens à mettre en œuvre restent quant à eux très débattus.
Plus qu’une réforme, les mesures annoncées par les Républicains, présentées comme un
moyen fort de relancer l’économie américaine, pourraient bouleverser intégralement le
paysage fiscal américain.
Les grands axes de la réforme
Impôt sur les sociétés
- Le taux de l’impôt fédéral serait réduit à 20 % (voire 15 % selon les annonces faites par
Donald Trump lors de sa campagne)
- Les investissements feraient l’objet d’une déduction fiscale immédiate. Corrélativement la
charge nette d’intérêts supportée par les entreprises ne pourrait plus faire l’objet d’aucune
déduction, mais deviendrait reportable en avant et imputable sur les produits nets d’intérêts
futurs. Ce thème a été abordé avec quelques variantes par Donald Trump, qui a évoqué ce
régime dans le cadre d’une option qui serait réservée aux entreprises industrielles. Si la
mesure devait recevoir une portée générale, des règles dérogatoires seraient prévues pour les
banques et autres institutions financières.
- Les pertes pourraient faire l’objet d’un report illimité en avant et pourraient être imputées
sur le bénéfice imposable des exercices ultérieurs à hauteur de 90 % de son montant. Le report
en arrière serait quant à lui prohibé.
- La plupart des régimes fiscaux dérogatoires ou incitatifs seraient supprimés, à l’exception du
crédit d’impôt recherche.
- Surtout, les règles de territorialité de l’impôt seraient transformées et assorties d’un
mécanisme d’ajustement frontalier visant à taxer le chiffre d’affaires réalisé aux USA et
exonérer le chiffre d’affaires dégagé à l’export. Les charges liées à l’ensemble des opérations
(ventes domestiques ou à l’export) resteraient déductibles, à l’exception de celles issues
d’opérations d’importation et sous réserve des dispositions spécifiques à certaines charges,
par exemple l’interdiction de déduire les intérêts. Ces règles s’appliqueraient
indépendamment du lieu d’implantation du siège de la société et du lieu de production des
produits ou services vendus. Susceptibles de conférer au nouvel impôt sur les sociétés une
nature hybride, proche de celle d’un impôt indirect, ces règles pourraient d’ailleurs causer des
difficultés de qualification et soulever certaines incertitudes quant à l’applicabilité des
conventions fiscales internationales.
Imposition des réserves accumulées à l’étranger
Les réserves accumulées à l’étranger sous l’ancien système seraient présumées distribuées et
taxées une fois pour toutes à un taux de 10% (taux avancé par Donald Trump ; le « Blueprint
» évoque quant à lui une taxation au taux de 8,75 % qui s’appliquerait aux liquidités et un
taux de 3,5 % pour les autres actifs).
Imposition des produits de filiales
Les dividendes versés aux sociétés américaines par leurs filiales étrangères seraient
intégralement exonérés.
Des conséquences à anticiper
Les conséquences de la réforme telle qu’elle se dessine seraient tout aussi nombreuses que
variées selon la situation des groupes et des entreprises concernés.
Des conséquences directes pour les groupes présents aux Etats-Unis …
Pour les groupes américains présents à l’étranger et notamment en France, se poserait la
question de l’identification des réserves accumulées sous l’ancien système et de leur
imposition forfaitaire au taux de 10% annoncée par Donald Trump.
Pour les groupes français présents aux Etats-Unis, la réforme pourrait bouleverser
complètement la donne et nécessiter une revue de toute leur structure juridique et
opérationnelle. En effet, si la non-déductibilité des charges financières venait à être
confirmée, elle modifierait substantiellement les équilibres financiers en place. Par ailleurs,
les entreprises qui sont aujourd’hui en position importatrice aux Etats-Unis seraient très
défavorablement affectées par l’impossibilité de déduire leurs charges liées aux importations.
De leur côté, les entreprises exportatrices pourraient se trouver en situation de déficit
récurrent, étant précisé qu’à cet égard, les propositions de réforme n’apportent aucune
indication quant à l’éventuelle possibilité de monétiser de tels déficits.
… pour l’ensemble des opérateurs économiques
Sous un angle plus général se pose la question de l’impact économique de la réforme. La
plupart des économistes anticipent une hausse du dollar liée à une demande accrue en produits
américains du fait du régime favorable accordé aux exportations, qui générerait elle-même un
fort besoin en dollars sur les marchés. A terme, une telle hausse pourrait neutraliser au moins
partiellement les effets de la réforme.
Si ce rééquilibrage du cours du dollar ne se produisait pas, du fait par exemple des résistances
de certains opérateurs ou des actions des autorités régulatrices, c’est une hausse des prix sur le
marché domestique qui deviendrait probable, en lien avec une demande accrue en produits
domestiques justifiée par l’effet dissuasif de la réforme sur les importations.
Dans tous les cas, ce ne sont pas uniquement les groupes actifs aux Etats-Unis qui sont
susceptibles d’être impactés, mais aussi tous ceux qui opèrent aujourd’hui en dollars sur les
marchés internationaux.
Il est donc essentiel pour l’ensemble des entreprises disposant d’une ouverture internationale
de suivre la réforme.
Par Guillaume Glon, Avocat associé, PwC Société d’Avocats
et Marie-Hélène Pinard-Fabro, Avocat directeur, PwC Société d’avocats
© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne
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