Université Abderrahmane Mira Bejaia Département - E

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Université Abderrahmane Mira Bejaia
Département de langue et culture amazighes
Module : socio-anthropologie
Niveau : 1LMD/ semestre II
Enseignante : BELFAKED Fariza
Cours de l’anthropologie
Cours N° 1 : Quelques repères élémentaires d’une (ou de deux
disciplines ?) : Anthropologie et ethnologie :
Structure du premier cours :
- Introduction : éléments de définition
I -Objet : anthropologie (ou l’ethnologie) : sciences des sociétés primitives
II -Méthodes
- L’observation participante
- L’approche ethnographique (ethnographie intensive)
- L’approche monographique
III- Débat anthropologie et ethnologie (ethnographie) : synonymes pour dire la même
discipline ?
IV- Ethnologie / anthropologie : débat d’écoles (anglo-saxonne et française)
- Eléments bibliographiques
Introduction : éléments de définition
Comme toutes les autres sciences (sociales ou physiques) l’anthropologie (de son nom
synonyme l’ethnologie) ne peut se définir que par rapport aux éléments suivants :
1- Son objet d’étude
2- Ses méthodes
3- Et son objectif.
Définition étymologique de l’anthropologie et de l’ethnologie :
Ethnologie : est composé de deux mots : ethno : ethnie et logie : étude ou science ; i.e.
une étude des ethnies (sociétés structurées sur la base des ethnies; société sans écriture,
sans histoire, sans machinisme et sans Etat ou des sociétés dites primitives.)
Anthropologie : composée de deux mots : anthropo- qui veut dire l’homme et logie : qui
veut dire étude ; i.e. la science qui étudie l’Homme.
Les deux disciplines des sciences sociales qui expriment, en fait, la même chose ont
apparu après des travaux de terrain tant aux USA : Boas, Morgane, Malinowski, Mead,
Lévi-Strauss, en Angleterre : Evans Prichard, Radcliffe Brown, qu’en France Durkheim,
Mauss, Caillois (ou l’école de sociologie française).
Les deux disciplines ont été conçues comme des sciences qui servent à étudier les sociétés
traditionnelles, primitives, exotiques, colonisées, archaïques, etc.
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I- Objet d’étude de l’Anthropologie (et de l’ethnologie) :
L’ethnologie ou l’anthropologie est le plus souvent associée à la science des sociétés
exotiques.
A priori, le sens qu’on â voulu donner à l’ethnologie et l’anthropologie la conjonction entre
ces trois éléments qui leur donne sens à savoir :
- un objet d’étude privilégié, les sociétés traditionnelles ou dites primitives
- une méthode, l’enquête prolongée de terrain (avec des observations participantes)
mais surtout des problématiques classiques concernant par exemple le rituel et les croyances,
les structures de la parenté ou l’organisation sociale.(anthropologie sociale et culturelle)
Discipline de l’anthropologie (ou d’ethnologie)
Anthropologie sociale
Anthropologie culturelle
Objets étudiés
- Morphologie sociale (habitat)
- Démographie
-Organisation sociale (structure clanique,
parenté, économie, système politique,
système juridiques)
Techniques et phénomènes esthétiques (jeux,
musique, danse, masque..), langue, Mythes,
religions,
valeurs
culturelles,
rites
saisonniers..
Toutefois on ne peut, en effet, se contenter de telle acception classique attribuée à
l’anthropologie : ainsi les recherches et les approches reconnues comme ethnologiques ou
anthropologiques dépassent désormais très largement le domaine classique : voir par exemple
la vision de Claude Lévi- Strauss
En outre, la discipline (ethnologie et anthropologie) s’est institutionnalisée de manière
différente en milieu anglo-saxon et en france. : Aux USA, avec F. Boas qui devient en 1899
titulaire d’une chaire de l’anthropologie (réunissant l’anthropologie physique et
l’anthropologie sociale et culturelle),
L’ethnologie ne s’est autonomisée que bien plus tard en France M. Mauss (le fondateur de
l’ethnologie en France) rattachée à l’école de sociologie durkheimienne (.l’Institut
d’Ethnologie fut fondé en 1925 et il â fallu attendre 1943 pour que soit créée la première
chaire d’ethnologie générale en France que devait occuper M. Griaule à la Sorbonne.)
L’ethnologie /anthropologie, sciences des « sociétés primitives »
Historiquement, l’objet de l’ethnologie comme l’anthropologie s’est donc constitué autour de
l’étude des « sociétés primitives », qui depuis le Renaissance (époque par excellence de la
découverte de nouveaux continents et de nouveaux peuples), se sont vues opposées aux
« sociétés civilisées ». De cette vision dualiste des sociétés vont naître les disciplines :
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sociologique (ayant pour objet d’étude les sociétés complexes (ou dites modernes) et
ethnologique (son objet d’études les sociétés traditionnelles (ou dites primitives)).
L’ethnologie et/ou, donc, l’anthropologie a longtemps constitué un moyen d’approche tout à
fait privilégié des « sociétés primitives ».
L’évolution des méthodes et des travaux de terrains et de la pensée anthropologique a fini de
dépasser les visions classiques de la discipline.
L’orientation récente des anthropologues vers l’étude des sociétés complexes, notamment
dans les domaines de l’anthropologie urbaine et industrielle, a remis en cause un objet
circonscrit aux sociétés traditionnelles.
Mais la délimitation de l’objet l’anthropologie aux seules sociétés traditionnelles est tout à fait
contradictoire au regard du projet de l’anthropologie qui tente de penser et comprendre
l’unité de l’homme à travers la diversité des cultures. :
C’est à ce titre que l’étude des sociétés complexes participe, à part entière, du projet de
l’anthropologie (Lenclud : 1986) ;
Claude Lévi Strauss dans son projet intellectualiste de l’anthropologie l’a défini comme suit :
l’anthropologie :
« L’anthropologie : est la connaissance globale de l’homme, dans tout son extension
historique et géographique : aspirant à une connaissance applicable à l’ensemble du
développement humain depuis les hominidés jusqu’aux races modernes ; et tendant des
conclusions, positives ou négatives, mais valables pour toutes les sociétés humaines,
depuis la grande ville moderne jusqu’à la plus petite tribu mélanésienne » Anthropologie
structurale : P 388.
Nous déduisons par là que l’anthropologie ne concerne pas seulement l’étude des sociétés
anciennes (ou traditionnelles) mais elle sert à « l’étude de l’homme à travers son physique, ses
sociétés, sa production, ses modes de communications, ses langues et ses cultures.»
II- Méthodes de l’anthropologie
L’anthropologie, comme l’ethnologie, se base fondamentalement sur le travail de terrain dont
la technique d’enquête la plus privilégiée est l’observation participante.
1- L’observation participante
C’est à B. Malinowski que l’on doit ce concept d’ « observation participant », théorisé
notamment dans Les Argonautes du pacifique occidental. Il est le premier à voir, à travers ses
explorations de terrain, la nécessité d’observer de manière directe et durable les sociétés :
l’objet de l’étude ethnologique (ou anthropologique).
2- L’approche ethnographique :
Descriptions détaillée des données recueillies à travers l’observation et le travail de terrain :
exemple l’ethnographie intensive chez Marcel Mauss.
L’ensemble des observations doit intégrer pour donner à une totalité sociale.
3- Approche monographique
L’approche monographique se caractérise par une description ethnographique détaillée et
exhaustive de la vie sociale d’un groupe donné : village, ville, tribu, communauté large ou
restreinte. Elle décrit le groupe dans tous ses aspects : écologiques, démographiques, la
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langue, les activités matérielles et économiques, les relations de parenté, des échanges
matrimoniaux ou guerriers, de la vie religieuse, mythique et rituelle, des productions
esthétiques.
En somme : tout ce que M. Mauss appelle le « fait social total ».
Une monographie, disait Clause Rivière : (1995 : p 25), « doit idéalement être descriptive et
explicative, unique et comparable, atteignant le singulier et le général ».
Parmi les monographies (classiques) les plus célèbres, citons :
- Malinowski, Les Argonautes du pacifique occidental : 1989
- R. Firth, Nous, les Tikopia
- Evans Prichard, Les Nuers : 1968
4- Approche comparative :
L’une des méthodes de l’anthropologie ou de l’ethnologie es l’approche comparative. Elle sert
à comparer entre les groupes sociaux, les cultures et les civilisations dans le but de cerner les
points de différences et de ressemblances.
A celles _ci s’ajoute aussi des méthodes analytiques.
III- Débat anthropologie et ethnologie (ethnographie) : synonymes pour dire la même
discipline ?
Il y a eu tout un débat autour des deux disciplines. Au point où certains ethnologues ou
anthropologues sont arrivés à distinguer les trois synonymes par rapport aux méthodes
qu’adopte chacune de celles-ci :
Ethnographie : désigne la transcription des données premières sur le terrain. Elle est le plus
souvent considérée comme la phase initiale de toute recherche ethnologique.
L’ethnographie, ethnologie, anthropologie, correspondrait ainsi à des étapes méthodologiques
différentes :
1- Observation et description (ethnographie),
2- Interprétation des données ethnographiques (ethnologie)
3- Enfin, généralisation et comparaison (anthropologie).
Cependant cette distinction n’est qu’illusoire elle ne peut avoir aucun fondement scientifique
ou épistémologique.
Comme l’ont bien souligné Géraude Marie-Odile, Lesvoisier Olivier, Poittier : 2000 : « Toute
ethnographie est déjà ethnologie, toute observation est déjà interprétation. »
Marcel Mauss distingue à ce propos deux types d’ethnographies : extensive et intensive dont
la deuxième est une approche indiscutable de l’ethnologie (Manuel d’ethnographie)
L’anthropologie : se veut encore plus génératrice que l’ethnologie J. Copans la voit comme :
1- ensemble d’idées théoriques référant aux hommes et aux œuvres, aux précurseurs,
contradicteurs et successeur menant des débats d’idées sur les groupes humains et leurs
cultures.
2- tradition intellectuelle et idéologique propre à une discipline ayant un mode d’appréhension
du monde.
3- pratique institutionnelle définissant ses objectifs, ses objets, ses idées
4- pratique de terrain
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Anthropologie sociale, incluse dans l’anthropologie générale, telle qu’elle a été surtout
définie par l’école britannique établit les lois de la vie en société séparément sous l’angle du
fonctionnement des institutions sociales telles que la famille, parenté, classe d’âge,
organisation politique…
L’anthropologie culturelle, née aux Etats Unies avec F. Boas, est une démarche spécifique à
l’intérieur d’une discipline. Une importance est accordée aux traits culturels et aux
phénomènes de la transmission de la culture.
En France, le terme ethnologie continue d’être utilisé mais on tend à lui substituer celui
d’anthropologie sociale et culturelle.
L’anthropologie : démarche et préoccupations :
Certaines réflexions épistémologiques sur la discipline de l’anthropologie vont dans le sens de
clarifier sa démarche et ses grands questionnements dans l’étude des sociétés humaines.
- La démarche constitue bien à extrapoler le global à partir du local pour saisir des rapports
interindividuels et institutionnels des principes d’organisation et de production des valeurs
dirigeant la vie commune.
- Les grands questionnements de l’anthropologue :
Quelle est la nature et l’origine de coutumes et des institutions?
Quelle est la façon dont l’individu vit sa culture ?
Quelles significations revêtent entre groupes voisins des différences sociales et culturelles ?
IV- Ethnologie / anthropologie : débat d’écoles (anglo-saxonne et française)
Ethnologie et anthropologie méritent toutefois d’être précisées et rapportées en l’occurrence à
deux traditions scientifiques : l’une française et l’autre anglo-saxonne
1- Ethnologie : école française
En France, le terme ethnologie fut largement utilisé depuis la fin du XIX siècle jusqu’au
début des années cinquante, comme science des sociétés primitives : et l’anthropologie pour
designer plus précisément l’anthropologie physique.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, sous l’influence de la tradition anglo-saxonne,
l’usage du terme anthropologie sociale se répandit en France. C’était grâce à la contribution
des travaux de deux anthropologues français, Claude Lévi–Strauss et George Balandier.
Pour Balandier, il conteste la connotation péjorative d’une ethnologie qui est identifiée
essentiellement à l’étude sociétés primitives, en proposant de mettre au coeur de la réflexion
anthropologique surtout les bouleversements sociaux induits en Afrique par la décolonisation,
Balandier qualifie ses travaux d’anthropologie : anthropologie dynamique et politique.
Pour Lévi-Strauss, l’utilisation du terme anthropologie correspondait à la volonté de mettre
sur pied un projet intellectuel de vaste envergure visant à l’étude comparative de l’homme en
société
2- Anthropologie : Ecole anglo-saxonne
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En milieu anglo-saxon, ce fut au contraire le mot anthropologie, avec sa connotation
globalisante, qui fut systématiquement privilégié, l’ethnologie se limitant à l’étude spéculative
de l’histoire des peuples telle que l’avaient pratiquée notamment les évolutionnistes.
L’anthropologie britannique qui intéressait aux institutions politiques et l’organisation sociale
des sociétés traditionnelles, notamment celles soumises à l’administration coloniale, a été
qualifiée de l’anthropologie sociale
Quant à l’anthropologie américaine, marquée par le culturalisme et l’étude de personnalités
culturelles, était qualifiée de l’anthropologie culturelle.
Eléments bibliographiques
Caillois R., L’Homme et le sacré, Gallimard, Paris, 1950
Cazaneuve J., L’Ethnologie, Larousse, Paris, 1967
Clastre Pierre, Chronique des indiens Guayaki. Ce que savent les Aché, les chasseurs
nomades du Paraguay, Plon, Paris, 1972
Condominas G., Nous avons mangé la forêt de la Pierre –génie Gôo, Chronique de Sar Luk,
village nnong gar, Flammrion, Paris, 1982
Copans Jean., L’Enquête ethnologique de terrain, Nathan, Paris, 1998
Copans J. et Jamin J., Aux origines de l’anthropologie française, Jean-Michel Place, Paris,
1993
Copans J. Godolier M. et al. L’Anthropologie : sciences des sociétés primitives ? Donoël,
Paris, 1971
Creswell R. et Godolier Maurice, Outils d’enquête et d’analyse anthropologique, Maspero,
Paris, 1976
Cresswell R., Eléments de l’ethnologie, Arman Collin, Paris, 1975
Deliege R., Anthropologie sociale et culturelle, De Boeck, Bruxelles, 1992
Evans Prichard E. E., Les Nuer. Description des modes de vie et institutions politiques d’un
peuple Nilote, Gallimard, Paris, 1968
Evans Prichard E. E, Anthropologie sociale, Payot, Paris, 1969
Gaillard G., Dictionnaire critique des ethnologues et des anthropologues, Arman Collin,
Paris, 1997
Géraude Marie-Odile, Lesvoisier Olivier, Poittier, Richard, Les Notions clés de l’ethnologie,
Armand –Colin, Paris, 2000
Girard R., La Violence et le sacré, Grasset, Paris, 1972
Griaule M., Méthode de l’ethnographie, PUF, Paris, 1957
Karsenti B., Marcel Mauss. Le fait social total, PUF, Paris, 1994
Karsenti B., L’homme total : sociologie, anthropologie et philosophie chez Marcel Mauss,
PUF, Paris, 1997
Kilani M. L’Invention de l’autre : Essai sur le discours anthropologique, Payot, Lausanne,
1994
Laplatine F., L’Anthropologie, Payot, Paris, 1995
Laplatine, F, Description ethnographique, Arman-collin, Paris, 1996
Lenclud G. Althabe G., Fabre D., Vers une ethnologie du présent, MSH, Paris, 1995
Lévi-Strauss C., Tristes tropiques, Plon, Paris, 1955
Lévi-Strauss C., Anthropologie structurale, Plon, Paris, 1958
Lévi-Strauss C., La Pensée sauvage, Plon, Paris, 1969
Lévi-Strauss C. Le Regard éloigné, Plon, Paris, 1983
Lombard J., L’Anthropologie britannique contemporaine, PUF, Paris, 1972
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Lombard J, Introduction à l’ethnologie, Armand-Colin, Paris, 1994
Lowie R-H, Histoire de l’ethnologie classique, Payot, Paris, 1971
Malinowski B, Les Argonautes du pacifique occidental, Gallimard, Paris, 1989
Malinowski B, Journal d’ethnographie, Seuil, Paris, 1985
Mauss Marcel, Sociologie et anthropologie, PUF, Paris, 1968
Mauss Marcel, Manuel d’ethnographie, Payot, Paris, 1989
Mead M, Mœurs et sexualité en Océanie, Plon, Paris, 1963
Mercier P, Histoire de l’anthropologie, PUF, Paris, 1968
Pannof M. Ethnologie : le deuxième souffle, Payot, Paris, 1977
Radcliffe-Brown A-R., Structures et fonctions dans les sociétés primitives, Minuit, Paris,
1968
Rivière Claude, Introduction à l’anthropologie, Hachette, Paris, 1995
Sapir E., Anthropologie, Minuit, Paris, 1967
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Cours N° 2 : Le Changement social : vers l’anthropologie dynamique
- Introduction : Le changement social : des sciences sociales à l’anthropologie
- Changement social dans les sciences sociales (sociologie, économie / démographie/
psychologie)
- Changement social approche diverse
- L’intérêt des études du changement social dans le champ anthropologique :
I- Changement social : Définition et caractéristiques
- Changement social : quelques éléments de définition
- Caractéristiques du changement social
- Changement social/évolution sociale :
II- L’anthropologie dynamique : objet du changement social
- Elément de définition
- Objet et approche
- L’approche et les paradigmes de l’anthropologie dynamique :
- Facteurs du changement social
- Agent du changement social
- Formes de changement
Eléments bibliographiques
Introduction : Le changement social : des sciences sociales à l’anthropologie
Les premières réflexions sur la dynamique sociale et donc sur l’évolution et les
changements sont apparues, en effet, dans le champ des sciences sociales, notamment
dans les études économiques et démographiques ensuite elles introduisent le domaine de
la sociologique pour arriver à l’anthropologie.
La tradition anthropologique, notamment à travers ses courants fondamentaux, de
diffusionnisme, du fonctionnalisme, structuralisme, la segmentarité, a toujours mis à
l’écart le fait du changement social. Elle présente les sociétés humaines comme des
« groupes autonomes », coupés de leur histoire et de l’évolution. Excepté le courant
classique l’évolutionnisme, qui à sa maniéré a tenté, à partir d’une vision organiciste
(donc biologique), d’expliquer les sociétés humaines à travers une vision évolutionniste.
La sociologie classique offre beaucoup d’exemples et d’héritage dans ce sens : voir
Durkheim, Marx, Comte, Spencer, etc.
Un autre courant de l’anthropologie va connaître le jour : c’est ce qu’on pourrait appeler
l’anthropologie dynamique Il naît dans un contexte politique important après la
deuxième guerre mondiale: étant la décolonisation. Ainsi donc, des auteurs, comme M.
Gluckman et L. Leach pour l’anthropologie britannique, G. Balandier et P. Mercier pour
l’anthropologie française, vont s’affirmer comme les principes représentants d’un courant
qui recevra l’appellation de dynamique.
George Balandier, qui met en valeur dans sa démarche, l’histoire et le changement social,
va s’intéresser aux transformations engendrées par la colonisation au Togo et au Congo. :
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Sa thèse de doctorat soutenue en 1955 : Sociologie actuelle de l’Afrique Noir et
sociologie des Brazzavilles noires, qu’il a publiée en 2 livres.
- Changement social : approche diverse :
Le changement social peut être appréhendé dans les perspectives suivantes : en tant que :
- Concept (paradigme)
- Approche ou méthode (approche dynamique, diachronique, évolutive, etc)
- Théorie ou discipline (théorie du changement social, sociologie dynamique ou
anthropologie dynamique, socio-anthropologie du changement…)
Disciplines des sciences sociales qui prennent le changement social comme une approche
fondamentale sont qualifiées sous plusieurs appellations : sociologie des mutations,
sociologie dynamique (anthropologie dynamique), sociologie des transformations
sociales, sociologie de mouvements sociaux, etc. Cette diversité sociologique et
anthropologique peut être expliquée par la variété des paradigmes qu’elles( ethnologie et
anthropologie) choisissent dans la compréhension de la dimension dynamique de la
société : comme évolution, transformation, changement, mutation qui sont, en fait, des
paradigmes synonymes rendant compte de la dynamique d’une réalité sociale, et ce,
quelques soient le rythme, les formes et les contextes sociaux et temporels de leur
réalisation.
C’est pour cette raison et pour déceler la complexité de la question (le changement
social) nous insistons dans le développement de notre intervention, sur le changement
social : dans deux perspectives jumelles: sociologie du changement et l’anthropologie
dynamique : qui sont, en effet, deux perspectives qui se recoupent et qui se confondent
parfois.
L’intérêt des études du changement social dans le champ anthropologique :
Nous esquissons ici quelques points d’extrême importance pour les études
anthropologiques :
- Comprendre quelques faits dynamiques liés à la société et aux phénomènes culturels
et civilisationnels : tels que les changements culturels, contacts culturels, les
phénomènes d’acculturation, de déculturation, les questions identitaires à l’ère des
bouleversements (crise identitaire, le déchu et la disparition ou la survivance de
quelques civilisations, et la dichotomie tradition et modernité…)
- Comprendre la dimension historique des sociétés : hommes, pratique, institutions, etc.
- Les changements politiques et l’émergence des mouvements sociaux et des acteurs
sociaux
- Comprendre aussi l’interactionnisme entre les sociétés locales et les sociétés globales,
dans le contexte des grandes transformations (politiques, culturelles, économiques.)
I- Changement social : Définition et caractéristiques :
Nous nous référons ici à la définition sociologique la plus simple et la synthétique qu’a
donnée Guy Rocher dans ses cours sur le changement social: Introduction à la sociologie
générale : 2- Changement social : 1968 : p 22
« Le changement social est toute transformation observable dans le temps, qui affecte
d’une manière qui ne soit pas que provisoire et éphémère, la structure et le
fonctionnement de l’organisation sociale d’une collectivité donnée et modifie le cours
de son histoire »
De là découle, en effet, les principaux caractères du changement social que nous
résumons dans les points suivants :
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1- Le changement social est un fait collectif
2- Le changement social n’est pas un événement (ou un fait marginal ou accidentel),
mais un processus (qui traduit une certaine permanence et continuité dans sa
réalisation)
3- Le changement social doit être identifié dans le temps : en référence avec le passé ;
autrement dit, il doit prendre en considération la dimension historique des faits.
Changement social et évolution sociale :
Les deux paradigmes de la sociologie et de l’anthropologie (ou, par extension, des
sciences sociales), changement et évolution sociale, sont souvent nuancés et exprimant,
par là, la même conception de la réalité dynamique. Leur distinction s’inscrit beaucoup
plus dans un débat théorique et paradigmatique dans le champ de la sociologie et de
l’anthropologie. Tout de même, la sociologie a tenté, notamment avec Henri Mondras :
1983, François Bouricaud : 1985 et Guy Rocher : 1968, chacun à travers sa lecture, de
pouvoir les distinguer.
Le changement social : consiste aux transformations observables sur une courte durée du
temps.
Evolution sociale : l’ensemble des transformations qu’a connues une société durant une
longue période du temps.
Le changement social : est localisé géographiquement et sociologiquement et délimité
dans le temps.
II- L’anthropologie dynamique : objet du changement social
1- Elément de définition :
L’anthropologie dynamique s’est développée, en effet, à partir des études sur les systèmes
politiques, lesquelles constituent des domaines privilégiés pour l’analyse de dynamisme
des sociétés
Anthropologie dynamique : est l’une des approches de l’anthropologie qui tente
d’appréhender la réalité sociale à travers l’histoire (la dynamique historique). Cette
démarche va à l’encontre des modèles explicatifs offerts notamment par les perspectives
théoriques : fonctionnaliste et structuraliste, qui pour Balandier, sont dans « l’illusion de
la longue permanence », dans la mesure où ces courants véhiculent une conception
statique des sociétés.
2- Objet de l’anthropologie dynamique :
Objet de l’anthropologie dynamique est le changement social. Qui ne constitue pas
totalement un objet nouveau pour l’anthropologie à partir du moment que
l’évolutionnisme et le diffusionnisme prennent à leur manière les faits de l’évolution dans
les sociétés étudiées.
Balandier tente donc à les dépasser sur deux plans :
Théorique : qui porte sur le conflit social, l’innovation, l’invention et le passage de la
formation sociale à une autre
Empirique : trouve les indicateurs rendant compte de la réalité du changement
L’anthropologie dynamique dans sa perspective du changement social tient compte de
deux éléments importants qui la fondent :
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1-Le recours à l’histoire depuis déjà l’anthropologie anglaise avec Evans Prichard : 1950.
En France, les représentants du courant dynamique, entre autres Balandier, ont fait de
l’approche historique la condition de la réalisation d’une anthropologie critique.
2- Etudes des conflits (facteur et conséquence de changement). Le courant dynamique
s’est démarqué d’une tradition anthropologique influencée par l’héritage d’E. Durkheim
(considérant tout changement et/ou conflit comme des faits d’ « anomie », et « décadence
pathologique »). : Le conflit n’est pas perçu uniquement comme un « phénomènes de
destruction » mais, également, pouvant favoriser l’intégration dans le système social.
(Evans Prichard et Glukman : anthropologues anglais)
3- L’approche et les paradigmes de l’anthropologie dynamique :
L’approche nouvelle de l’anthropologie dynamique chez Balandier porte les paradigmes
suivants qui rendent compte, en effet, de la dimension dynamique d’une réalité sociale
quelconque :
Dynamique : le changement social n’est plus considéré comme un fait l’accidentel ou
marginal, mais il se trouve dans la nature même de la société : il plutôt fort présent dans la
vie sociale. Il y a surtout le recours à l’histoire (cette idée à été déjà défendue par Evans
Prichard, Les Anthropologues face à l’histoire et à la religion : 1962)
Relationnelle : cela concerne surtout les effets des relations externes, de l’environnement
sur les structures internes de la société
Critique : qui dépasse les vision des théories prédominantes (dont le fonctionnalisme et le
structuralisme)
4- Facteurs de changement social :
Facteur : est un élément fort déterminant du changement. Sociologiquement, le facteur du
changement « est élément d’une situation donnée, du seul fait de son existence ou par
l’action qu’il exerce entraîne ou produit un changement. », Guy Rocher, op cit.
La dynamique sociale va dépendre de deux facteurs : ou les facteurs de changement
Facteurs extérieurs (exogènes) : système de relation extérieur : relation avec d’autre
culture, et des civilisations, le phénomène d’acculturation : exemple le colonialisme
Facteurs intérieurs (endogènes) : à l’intérieur même de la société (cycle de vie)
Pour ces facteurs du changement, il s’agit aussi, selon la terminologie de Balandier, de la
dynamique du dans et la dynamique du dehors comme en témoigne l’étude des
rapports entre tradition et modernité (G. Balandier, Anthropolo-giques, Le livre de poche,
Paris, 1985). Ou alors des changements endogènes et des changements exogènes.
Pour Balandier chaque société humaine est génératrice de l’ordre (continuité) et désordre
(rupture). Cet aspect, il l’avait bien montré dans sa remise en cause d’une vision dualiste
tradition/ modernité au profit d’une approche dialectique entre forces de rupture et de
continuité. : i.e. de l’ordre et de désordre (Le Désordre : 1988)
Parmi les facteurs du changement social nous pouvons évoquer :
- Facteur démographique
- Facteur technique (technologique)
- Facteur économique (industrialisation)
- Conflits sociaux (lutte politique pour l’indépendance des sociétés colonisées)
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-
Valeurs culturelles (civilisationnelles : le rôle des mass médias, interactions
culturelles et civilisationnelles)
5- Agents du changement social :
Les agents du changement social ce sont des hommes et des femmes de par leurs moyens
intellectuels (pensée, idées, idéologie..) ou matériels peuvent produire des transformations
(momentanées ou durables) dans la société.
Ces agents nous pouvons les appeler aussi des acteurs sociaux agissant d’une manière
collective ou organisée (mouvement social ou mouvements sociaux) ou individuelle (comme
le cas des élites).
A- Elites : une notion très répandue dans les études sociologiques et anthropologiques, au
point de parler d’une sociologie réservée à l’étude des élites dans une société donnée : « la
sociologie des élites. »
L’élite est définie par deux critères : l’autorité et l’influence
Typologie d’élites : classification
- Elite traditionnelle (élite religieuse, conservatrice)
- Elite politique
- Elite économique
- Elite Charismatique
- Elite Culturelle (artistique et sportive), etc.
L’élite peut influencer et modifie le cours de l’histoire de par les actions qu’elle mène et le
projet auquel elle prétend : ses actions et son influence entraînent des changements sociaux.
B- Mouvements sociaux :
Le mouvement social, quelque soit sa nature, représente un cadre organisé de l’action des
élites ou des acteurs sociaux.
Définitions
Deux définitions sociologiques peuvent être importantes pour rendre compte du
mouvement social.
« Mouvement social est une organisation nettement structurée et identifiable ayant pour
but explicite de grouper des membres en vue de la défense ou de la promotion de certains
objets précis, généralement à connotation sociale. » (Guy Rocher : P146)
« Mouvement social est la conduite collective organisée d’un acteur de classe luttant
contre son adversaire de classe pour la direction sociale de l’historicité dans une
collectivité concrète » Alain Touraine : La Voix et le regard : 1978, P 104)
Quelques fondements caractéristiques du mouvement social :
1- Structure (forme verticale ou horizontale)
2- Moyen de lutte (pacifique ou violente)
3- Leaders (élites et acteurs)
4- Idéologie (la ligne idéologique et sa nature)
5- Objectifs (projet)
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Le rôle du Mouvement social :
1- le rôle revendicatif
2- faire reconnaître, triompher les idées, les intérêts et les valeurs.
Les moyens de l’action du mouvement social
- Propagande
- Pression morale
- Violence (physique ou symbolique)
6- Formes de changement :
Balandier distingue deux formes de changement :
Changement recherché : il s’agit à cet effet d’un changement planifié (contrôlé) :
C’est le changement dans la continuité, qui prend forme de l’évolution ou de la
révolution,
Changement : qui va changer en profondeur le fonctionnement du système social :
comme la révolution.
Dans l’approche dynamique, la vision de Balandier quant au changement social est rendu
compte dans ces quelques paradigmes : les conflits, les tensions, les contestations, les
crises, rupture, l’ordre/désordre, les contradictions, etc.
Eléments bibliographiques
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