Le droit des sociétés à l`épreuve des libertés et droits fondamentaux

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« L'instabilité de notre législation sur les sociétés, les modifications qui lui sont en
permanences apportées, nous invite à une réflexion sur le rôle des différentes sources du droit
en la matière, et plus particulièrement sur l'influence des libertés et droits fondamentaux.
Plusieurs mouvements sont apparus ces dernières années, tels l'aspiration à la
recontractualisation du droit des sociétés ou le phénomène de corporate governance qui
marquent de leurs diverses influences le droit des sociétés. Mais celui-ci semble mal arrimé à
une véritable vision d'ensemble. Derrière cette absence de cohésion se dessine cependant un
besoin de protection lié, semble t-il, à une radicalisation dans l'expression et la défense des
intérêts catégoriels. De nouveaux comportements sans doute plus âpres que par le passé et le
risque de nouvelles formes de conflits sont apparus. Cette évolution a fait du juge, arbitre de
la situation, de plus en plus le constructeur des normes dans un objectif de normalisation des
comportements. Parce que le droit des sociétés ne lui semblait sans doute pas assez protecteur,
il a fait appel, le plus souvent de manière implicite, à des principes supérieurs
constitutionnellements ou conventionnellements protégés, que la doctrine s'accorde à qualifier
de libertés et droits fondamentaux. Une fois résolue par l'affirmative, la question de
l'applicabilité de ces garanties au droit des sociétés, l'application de ces normes de référence
va devoir faire l'objet d'adaptations pour tenir compte des spécificités de la matière. Aussi,
derrière la disparité des solutions jurisprudentielles s'imposent plusieurs constats. La loi sur
les sociétés ne prend pas directement en considération ces libertés et droit fondamentaux, sauf
rares cas, ce qui peut s'expliquer par la cohérence verticale de l'ordre juridique. Le premier
rôle revient donc au juge qui semble au gré des décisions privilégier tel droit au détriment de
tel autre. Une certaine logique semble toutefois pouvoir être dégagée. Le droit des sociétés est
caractérisé par la coexistence de l'individuel et du collectif. Ainsi, la protection apportée par
l'invocation des libertés et droits fondamentaux se traduit essentiellement par la recherche
d'un équilibre entre des droits divergents. Ce ne sont pas des atteintes à ces principes
supérieurs qui sont alors sanctionnées, mais les excès que ces atteintes pourraient comporter.
Des points d'intersection entre les libertés et droits fondamentaux et le droit des sociétés va
naître une nouvelle grille de lecture des solutions traditionnelles du droit des sociétés, et ce
dans un objectif de réflexion sur la logique architecturale de ce droit. »
Véronique Allegaert
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