Dossier scientifique - Journées de Biologie Clinique

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Dossier scientifique
Agents infectieux et induction de lymphomes
Felipe Suareza a,*
1. Incidence et facteurs de risque
des lymphomes
L’incidence des lymphomes non hodgkiniens (LNH) a
régulièrement augmenté au cours des deux dernières
décennies du 20e siècle, pour se stabiliser actuellement
autour de 20/100 000 personnes par an aux Etats-Unis.
Les lymphomes se développent au dépens de lymphocytes
matures. À ce titre, ils peuvent retenir une des caractéristiques fondamentales de leur contrepartie normale,
à savoir la capacité à réagir à leur environnement, à la
fois antigénique, cytokinique ou cellulaire par des interactions cellules-cellules. Plusieurs facteurs de risques
de lymphomes ont été identifiés. Le principal facteur est
l’immunodépression. Pour autant, l’infection par le virus de
l’immunodéficience humaine (VIH) ne représente qu’une
des causes d’augmentation de l’incidence des LNH ces
dernières années.
2. L’instabilité génétique
intrinsèque des lymphocytes
Tout au long de leur développement dans la moelle osseuse
(lymphocytes B) et dans le thymus (lymphocytes T), et par la
suite au cours des étapes successives de leur maturation/
différenciation en périphérie, les lymphocytes subissent
des phases de prolifération cellulaire parfois massive,
contrecarrée par une apoptose finement régulée (processus
d’expansion clonale, réponse antigénique). Toute interférence avec ces processus de prolifération et de contraction
de la réponse immune peuvent bien sûr faire le lit de la
transformation maligne. Une autre propriété intrinsèque
des lymphocytes qui les rend hautement susceptibles à la
transformation maligne repose sur leur fréquente instabilité
génétique. Cette dernière est en effet consubstantielle du
processus de développement précoce et de génération
de la diversité du répertoire des récepteurs aux antigènes
(immunoglobulines pour les lymphocytes B et récepteur
T, TCR, pour les lymphocytes T) qui se fait par le réarrangement somatique de différents segments géniques (VDJ)
a Service d’hémaologie adultes
Hôpital Necker – Enfants Malades
149, rue de Sèvres
75743 Paris cedex 15
* Correspondance
[email protected]
© 2011 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés.
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dans la moelle et le thymus. Les lymphocytes B matures
en périphérie passent ensuite à travers plusieurs étapes
d’instabilité génétique au cours de la réponse du centre
germinatif, au cours de laquelle surviennent la commutation isotypique (switch) permettant de passer de l’IgM aux
autres isotypes, et l’hypermutation somatique permettant
la maturation d’affinité de l’immunoglobuline. Ces deux
processus se déroulent dans les centres germinatifs des
organes lymphoïdes secondaires et sont indispensable
à la réponse humorale efficace et à la génération de la
mémoire B.
3. Facteurs de risque
des lymphomes
On voit alors que toute situation qui va conduire à une stimulation accrue de la prolifération lymphocytaire, qui entraîne
des lymphocytes sujets aux réarrangements génétiques du
fait de l’instabilité génétique intrinsèque au travers d’une
phase où peuvent survenir des réarrangements aberrants
impliquant notamment des oncogènes, peut favoriser le
développement de lymphome. En sus, beaucoup des
situations qui peuvent pousser les lymphocytes dans
cette voie dangereuse vont également favoriser la survie
des lymphocytes en interférant avec l’apoptose physiologique. L’inflammation chronique, par exemple, va entraîner
des stimulus favorables à la prolifération lymphocytaire,
mais également, parfois indirectement, des stimulus antiapoptotiques prolongeant la survie des lymphocytes déjà
poussés à proliférer anormalement. Enfin, la production
accrue de radicaux oxygénés au cours de l’inflammation
chronique va également favoriser l’instabilité génétique
propice à la transformation lymphoïde.
4. Agents infectieux
dans l’induction des lymphomes
Bien que les infections récapitulent la plupart de ces événements, l’implication d’agents infectieux dans le développement de lymphomes, et les mécanismes impliqués
dans leur transformation maligne, ne commencent à être
élucidés que depuis deux décennies.
4.1. Le virus d’Epstein-Barr
Le virus Epstein-Barr (EBV), de la famille des gammaherpesviridae, est un virus lymphotrope B. Il est le premier
virus oncogénique humain à avoir été identifié. C’est à partir
de prélèvements de lymphome endémique en Ouganda,
prélevés par le chirurgien britannique Denis Burkitt, que
l’équipe d’Epstein au Royaume-Uni a mis en évidence
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des particules virales ressemblant à des virus de la famille
Herpes par microscopie électronique et a secondairement
isolé le virus qui porte aujourd’hui son nom. L’EBV infecte
naturellement les cellules épithéliales de l’oropharynx où
il établi une infection lytique. Les particules infectieuses
ainsi produites infectent ensuite les lymphocytes B naïfs
du tissu lymphoïde de l’amygdale où le virus établit ensuite
une infection latente, c’est-à-dire sans production de
virions infectieux. Pendant cette phase de latence, seuls
quelques gènes viraux sont exprimés et impriment un effet
marqué sur les lymphocytes B qui hébergent le génome
viral. On décrit aujourd’hui un premier programme d’expression des gènes de latence de l’EBV appelé latence
de type III ou programme de transformation et de croissance, qui récapitule l’effet immortalisant du virus sur des
lymphocytes B en culture. Sous l’action du gène EBNA2,
plusieurs gènes cellulaires impliqués dans la prolifération
(notamment c-myc) sont induits. EBNA2 active aussi plusieurs autres gènes viraux impliqués dans la transformation
cellulaire notamment LMP1 et LMP2. LMP1 agit comme
un analogue constitutivement activé du récepteur CD40,
délivrant au lymphocyte B un puissant signal de costimulation identique à celui qu’il reçoit normalement au cours
de la réponse du centre germinatif par le truchement du
CD40L exprimé sur les lymphocytes T CD4. LMP2 délivre
un signal de survie semblable à celui qui émane du récepteur B (immunoglobuline de surface) et active notamment
plusieurs molécules de transduction du signal, convergeant
vers l’activation de la voie NFkB. Les gènes EBNA3A,
3B et 3C sont également activés par EBNA2 et exercent
secondairement un rétrocontrôle négatif sur la prolifération et sur l’effet d’EBNA2, conduisant finalement à une
transition vers une latence de type II (LMP) puis de type
I (EBNA1) à mesure que le lymphocyte B, sous l’action
coordonnées des gènes de latence de l’EBV, se différencie
en lymphocyte B mémoire qui va re-circuler tout au long
de la vie de l’individu, hébergeant quelques copies du
génome viral quiescent. Contrairement aux protéines LMP1
et LMP2, la protéine EBNA1 n’est pas à proprement parler
oncogénique. Elle permet en revanche au génome viral,
contenu dans les cellules infectées de manière latente, de
se répliquer en même temps que le génome cellulaire, au
cours de la division cellulaire, en cooptant la machinerie
réplicative de la cellule eucaryote, sans intervention par
conséquent de la polymérase virale uniquement active au
cours du cycle lytique. Par la suite, au cours de différents
stimulus, certains lymphocytes B mémoires infectés par
l’EBV vont, en se différenciant en plasmocytes, réactiver
le cycle lytique du virus, conduisant à la mort de la cellule,
à la libération de plusieurs particules infectieuses qui vont
ainsi pouvoir recommencer un cycle en infectant de nouveaux lymphocytes B naïfs et ainsi perpétuer l’infection.
Si l’EBV est immortalisant pour les lymphocytes B in vitro,
il n’est impliqué que dans une minorité de lymphomes B
chez l’Homme. La plupart des lymphomes B associés à
l’EBV surviennent chez des patients immunodéprimés,
soit au cours de l’infection par le VIH, soit de façon thérapeutique (transplantation d’organe ou de cellules souches
hématopoïétiques, utilisation d’immunodépresseurs), soit
enfin au cours de déficits primitifs de l’immunité. In vivo,
les lymphocytes T CD8 sont en effet induits tôt au cours
de l’infection, et les lymphocytes subissant l’effet des
gènes de latence (programme III et II) exposent à leur
surface des peptides antigéniques dérivés des différents
gènes de latence. Ces peptides antigéniques induisent
une puissante réponse immunitaire cellulaire cytotoxique
qui contribuer va brider la prolifération B sous influence du
virus, en même temps que la transition vers une latence
de type I, non ou très peu immunogénique, va permettre
l’émergence de lymphocytes B infectés de manière silencieuse (stealth infection) non immunogéniques.
En cas de déficit immunitaire, un moindre contrôle par les
lymphocytes T cytotoxiques et une accélération du cycle
de réinfections de lymphocytes B naïfs par l’EBV peut
donc contribuer, en augmentant le pool de lymphocytes
infectés et proliférant, au développement de lymphomes.
Ainsi, la détection du génome de l’EBV (hybridation in
situ) ou de protéines de l’EBV (immunohistochimie), ou
encore la détection de génome de l’EBV dans le sang à
un taux augmenté (RQ-PCR quantitative) constituent des
arguments pour impliquer l’EBV dans le développement de
certains lymphomes et doivent faire rechercher un déficit
immunitaire sous-jacent. Comme argument supplémentaire
pour attribuer à l’EBV un rôle causal dans le développement de certains lymphomes, on citera la régression de
lymphoproliférations associées à l’EBV après injection de
lymphocytes T spécifiques de l’EBV après transplantation
par exemple.encore la détection de génome de l’EBV
dans le sang à un taux augmenté (RQ-PCR quantitative)
constituent des arguments pour impliquer l’EBV dans le
développement de certains lymphomes et doivent faire
rechercher un déficit immunitaire sous-jacent. Comme
argument supplémentaire pour attribuer à l’EBV un rôle
causal dans le développement de certains lymphomes,
on citera la régression de lymphoproliférations associées
à l’EBV après injection de lymphocytes T spécifiques de
l’EBV après transplantation par exemple.
4.2. Le virus du Kaposi, KSHV (HHV8)
Le KSHV est le seul autre membre des gamma-herpesvirus
infectant l’Homme. Comme tous les gamma-herpesvirus,
il est lymphotrope et infecte les lymphocytes B. Il est impliqué dans le sarcome de Kaposi dans 100 % des cas, où
il est retrouvé dans les cellules fusiformes, dérivées de
cellules endothéliales qu’il transforme. Depuis le milieu
des années 90, il a été impliqué dans le développement de
certains lymphomes B, très rares, survenant essentiellement
dans le contexte de l’infection par le VIH. On le retrouve
dans les lymphomes dits des cavités, ou lymphomes
primitifs des séreuses. Les cellules de ces lymphomes
très agressifs sont de nature B, bien qu’elles aient perdu
l’expression du CD20 et de l’immunoglobuline de surface.
Le mécanisme précis de transformation est plus difficile à
établir et l’EBV est souvent présent conjointement. Quoi
qu’il en soit, comme son homologue EBV, KSHV code
pour plusieurs gènes dont les produits exercent un effet
remarquable sur le cycle cellulaire et l’apoptose, et qui
peuvent être soit directement oncogénique soit promoteur
de la transformation cellulaire dans des systèmes expérimentaux. L’épidémiologie de KSHV est très différente
de l’EBV. Contrairement à l’EBV qui infecte 95 % des
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adultes à travers le monde, le KSHV n’est retrouvé que
chez 1 à 20 % des adultes approximativement, en fonction des zones géographiques et de certaines conduites à
risque (homosexualité masculine, prostitution, toxicomanie
intraveineuse), expliquant sans doute la grande rareté de
ces lymphomes, qui sont le plus souvent diagnostiqués
dans un contexte pathologique particulier et ne sont que
rarement l’élémentsqui va conduite à la découverte d’un
déficit immunitaire sous-jacent.
4.3. Le virus HTLV1, agent
de lymphomes T
Le virus HTLV1 (human T-cell lymphotropic virus 1) est le
premier rétrovirus oncogénique identifié chez l’Homme. Il
infecte environ 20 millions d’individu dans le monde, dans
des zones géographiques bien distinctes (Japon, Afrique
intertropicale, Caraïbes). L’infection se fait le plus souvent
par transmission verticale au moment de l’allaitement
maternel. Le virus établi une infection dans les lymphocytes
T CD4 qui sous l’action de certain gènes viraux (Tax, Hbz)
vont se transformer et subir des expansions clonales. Là
aussi, comme c’est le cas pour l’EBV, l’infection suscite
une puissante réponse lymphocytaire T cytotoxique qui
va contenir cet effet prolifératif des cellules infectées tout
au long de la vie. Environ 3 % des patients infectés peuvent, après une période de latence longue (20 à 40 ans),
développer un lymphome agressif (ATL pour adult T-cell
leukemia/lymphoma).
Comme c’est le cas pour les lymphomes associés à l’EBV et
à KSHV, les cellules des ATL contiennent toutes le génome
de HTLV1 (qui contrairement aux deux premiers qui sont
maintenus dans le noyau sous une forme épisomale est
intégré dans le génome). La contribution au cours de la
transformation en lymphome ATL des différents gènes
de HTLV1 n’est pas encore très claire. La protéine Tax, la
plus connue, exerce de puissants effets transformant in
vitro, et contribue certainement à la phase initiale de la
prolifération cellulaire lors de l’infection chronique mais
n’est pas exprimée dans les cellules de lymphomes in vivo
(elle est re exprimée ex vivo). Tax est très immunogène et
est la cible principale de la réponse immunitaire dirigée
contre l’HTLV1, expliquant probablement une répression
de son expression sous l’effet d’une pression de sélection négative. Le gène Hbz, plus récemment caractérisé,
serait quant à lui exprimé en continu à tous les stades
des l’infection y compris dans les cellules transformées,
et pourrait jouer un rôle majeur dans le maintien du phénotype transformé des cellules.
4.4. Le virus de l’hépatite C, HCV, et
les lymphomes de la zone marginale
Le virus HCV infecte plus de 170 millions d’individus dans le
monde et conduit le plus souvent à une hépatite chronique.
La cirrhose secondaire et l’hépatocarcinome représentent
les principales complications de cette infection. Le virus
HCV peut également entraîner des manifestations extrahépatiques. La principale d’entre elle est la cryoglobulinémie
mixte (CM), qui dans plus de 90 % des cas est associée
à une infection chronique par l’HCV. La CM est caractérisée par la production d’une IgM monoclonale à activité
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facteur rhumatoïde (IgM anti-IgG). La précipitation dans
les tissus et l’activation du complément est responsable
de manifestation de vascularité nécrosante.
Le lymphome splénique à lymphocytes villeux (Splenic
lymphoma with villous lymphocytes, SLVL) est une entité
rare de lymphome B de bas grade, développé au dépens
de lymphocytes B de la zone marginale splénique. Il est
caractérisé par une splénomégalie et la présence d’une
phase leucémique faite de lymphocytes B de cytologie
particulière, présentant des expansions cytoplasmiques.
L’observation initiale que certains patients avec SLVL
présentant une infection concomitante par l’HCV se mettaient en rémission complète du lymphome après traitement par interféron pour une hépatite chronique a était
confirmée par plusieurs autres études. Le virus HCV est
retrouvé, surtout dans les zones à forme prévalence de
l’infection comme l’Italie, dans plusieurs sous-types de
lymphomes B, mais les deux sous-types histologiques les
plus prévalents sont les lymphomes B à grandes cellules
et les lymphomes dérivés de la zone marginales (SLVL et
autres lymphomes de la zone marginale). La coïnfection
par l’HCV est importante à rechercher car elle a une implication thérapeutique, beaucoup de patients pouvant se
mettre en rémission durable du lymphome après contrôle
de l’infection virale par l’interféron et la ribavirine.
Bien que l’HCV utilise le CD81, molécule membranaire
exprimée à la surface des hépatocytes et des lymphocytes
B, l’infection directe des lymphocytes B par le virus n’est
pas établie in vivo. L’hypothèse qui prévaut aujourd’hui
est celle d’une stimulation chronique par l’infection virale
de lymphocytes B spécifiques d’antigènes du virus. Le
fait que le virus circule dans le sang lors de l’infection
chronique explique sans doute la stimulation préférentielle
des lymphocytes de la zone marginale qui est au contact
des sinus sanguins dans la rate. Ces lymphocytes ont des
propriétés particulières notamment la capacité à répondre
rapidement à des antigènes, de manière T-indépendante,
proliférer vigoureusement, et produire rapidement des
quantités abondantes d’anticorps souvent autoréactifs.
Ce dernier point est à mettre en relation avec la présence
d’une cryoglobuline chez beaucoup de patients. Il a aussi
été suggéré qu’il existait une communauté antigénique
entre la glycoprotéine E2 du virus (cible de la réponse
anticorps) et certaines séquences des immunoglobulines
humaines. Certains anticorps anti-HCV auraient de ce fait
une réaction croisée avec les immunoglobulines, expliquant
l’activité facteur rhumatoïde.
La stimulation soutenue de cette population particulière
de lymphocytes B dans la zone marginale de la rate favoriserait donc, chez certains patients, le développement de
lymphomes, qui resteraient longtemps dépendant de la
stimulation antigénique produite par le virus, ce qui rendrait
compte de la régression du lymphome après contrôle de
la réplication virale.
4.5. Helicobacter pylori, une bactérie
responsable de lymphome
Bien avant que le virus HCV soit impliqué dans le développement de lymphomes B, la démonstration qu’une
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bactérie, Helicobacter pylori (Hp), pouvait induire des lymphomes, a été apportée de manière convaincante. Le lymphome du MALT (tissu lymphoïde associé aux muqueuses)
est le lymphome gastrique le plus fréquent. Il s’agit d’un
lymphome indolent mais pouvant se transformer en lymphome à grandes cellules. Hp, une bactérie vivant dans
l’estomac d’une proportion importante d’individus (variations géographiques) est retrouvée chez la plupart des
patients atteints de lymphome du MALT gastrique et son
éradication entraîne la régression du lymphome dans la
majorité des cas. La démonstration que les cellules du
lymphome prolifèrent en présence d’extraits d’Hp a été
apportée expérimentalement, et les souris infectées par Hp
ou d’autres espèces d’Helicobacter développent également
un lymphome gastrique, complétant le postulat de Koch.
5. Lymphomes de la zone
marginale et agents infectieux :
vers un nouveau paradigme
de transformation lymphoïde
Les lymphomes du MALT sont également développés au
dépens de lymphocytes B de la zone marginale, comme
les lymphomes spléniques et particulièrement ceux associés au virus HCV. Contrairement aux lymphomes associés
aux gammaherpesvirus et à l’HTLV1, l’agent pathogène
n’infecte pas directement les lymphocytes transformés.
Pour autant la présence du pathogène est nécessaire
au développement et au maintien du lymphome puisque
l’éradication de l’agent infectieux conduit à une régression
du lymphome dans une grande proportion de cas. Des
arguments cliniques et expérimentaux indiquent que les
lymphocytes transformés répondent effectivement à la
stimulation par des antigènes dérivés du pathogène, mais
que la situation est vraisemblablement complexe avec des
différences selon les types d’infection.
6. Autres lymphomes
de la zone marginale,
autres pathogènes impliqués
Selon le même paradigme de transformation indirecte (stimulation chronique d’une population spécifique), citons éga-
lement le rôle de Campylobacter jejuni dans le développement de la maladie des chaînes lourdes alpha ou lymphome
méditerranéen (immunoproliferative small intestinal disease,
IPSID, classé dans les lymphomes de la zone marginale
de type MALT), de Chlamydia psittaci dans les lymphome
des annexes oculaires (MALT), de Borrelia burgdorferi dans
les lymphome de la zone marginale cutanée.
7. Conclusions
Depuis la description par Burkitt et Epstein de l’association
entre un lymphome et un virus, d’importants progrès ont
été faits dans la compréhension des mécanismes en jeu et
la découverte de nouveaux agents pathogènes impliqués
dans le développement de lymphomes. Ces avancées
sont aussi majeures d’un point de vue clinique car elles
permettent de proposer dans certains cas, et d’envisager
le développement pour les autres, de stratégies thérapeutiques pour le lymphomes de ce type, ciblant le pathogène
et non plus seulement la cellule tumorale.
Le cas des virus associés à une transformation directe
des lymphocytes (EBV par exemple) est connu depuis
plus longtemps mais les stratégies thérapeutiques ciblées
sont en retard. A l’évidence, du fait d’une infection de type
latente et non lytique, les molécules inhibant la polymérase virale (aciclovir, ganciclovir) n’ont pas d’effet sur les
cellules transformées infectées de manière latente par
l’EBV. En revanche, une piste qui se dégage est celle de
la réinduction du cycle lytique dans les cellules tumorales
infectées par des agents déméthylants ou par des inhibiteurs d’histone déacétylase suivie de l’action d’un inhibiteur de la polymerase, permettant une approche de type
gène suicide, électivement toxique pour les seules cellules
infectées par le virus.
Le développement des techniques de microbiologie moléculaire et de séquençage à haut débit permettra aussi de
découvrir de nouveaux pathogènes associés aux tumeurs.
Avant de les incriminer définitivement dans la physiopathologie de certains lymphomes, il faudra vérifier certains critères :
présence et expression de gènes de l’agent infectieux à
potentialité oncogénique dans toutes les cellules tumorales
dans le cas d’une transformation directe, régression du
lymphome après éradication du pathogène ou démonstration de la capacité de stimulation directe des lymphocytes
par le pathogène dans le cas de transformation indirecte.
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