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Ségolène Gerbé de Thoré – d’Huart
Stage en ambulatoire de niveau 2
De mai à octobre 2014
Suivi de grossesse en médecine générale
Présentation du cas :
En fin d’après-midi en cabinet de médecine générale, je vois une patiente de 26ans, Mme A.,
venant pour la 1ère fois. Je constitue alors son dossier avant de lui demander son motif de
consultation.
Elle n’a pas d’antécédents particuliers en dehors d’un tabagisme actif à 5 PA. Pas de
consommation d’alcool ni de toxiques, pas de moyen de contraception. Elle est d’origine marocaine.
Elle est actuellement en recherche d’emploi, elle a une formation de cuisinière, mais voudrait
se lancer dans une carrière d’artiste, dans le dessin. Elle vient d’arriver en région parisienne pour
s’installer avec son ami, qu’elle a rencontré début 2014.
Elle consulte ce jour car elle me dit être enceinte de 4 mois et que depuis 3 jours, elle
présente des migraines le soir vers 21h, inhabituelles et inconnues.
Devant cette annonce de grossesse, je reprends un peu l’histoire de la grossesse, avec la date
des dernières règles, les résultats des premiers examens faits et la première échographie… Et je me
rends compte avec surprise qu’elle n’a vu aucun médecin depuis le début de sa grossesse !!
Elle a quand même fait sa 1ère échographie dans un hôpital, sans ordonnance, qui datait la
naissance pour début janvier 2015… Ce qui faisait, concordant avec la date des dernières règles,
qu’elle n’était pas enceinte de 4, mais bien de 3 mois !
Je m’attelle donc à expliquer à la patiente la différence entre les semaines de gestation et
d’aménorrhée, l’importance d’un suivi médical pendant la grossesse notamment en terme de
sérologies. Elle ne sait absolument pas son statut sérologique pour la toxoplasmose, ni quelles sont
les règles hygiéno-diététiques à appliquer lorsque l’on est enceinte. Je lui explique donc
longuement… Elle me demande alors que ce soit moi qui la suive pour son suivi de grossesse
jusqu’aux 6 mois, car elle ne connait personne d’autre. Mon maître de stage qui ne fait pas du tout
de gynécologie ne se sent pas capable de le faire, mais je me propose du coup pour essayer…
C’est alors que je me lance sur le motif de sa consultation : ses migraines inhabituelles. Ce
sont des céphalées pulsatiles, accompagnées d’acouphènes, qui s’installent en soirée, depuis 3 jours.
Elle n’a pas pris d’antalgique particulier.
A l’examen clinique, la patiente n’a pas pris de poids depuis le début de sa grossesse, elle n’a
pas d’œdème, l’examen neurologique est normal et la tension artérielle à 100/60 mmHg. L’abdomen
est souple et indolore. La bandelette urinaire montre une croix de protéinurie, le reste est négatif.
Devant ce tableau clinique, je m’inquiète un peu, craignant les prémices d’une pré-éclampsie,
et appelle le médecin gynécologue de garde de l’hôpital voisin pour un avis. Elle me répond très
gentiment que la pré-éclampsie n’existe pas au 1er trimestre de la grossesse, qu’une croix de
protéinurie n’est pas significatif, et que même s’il y avait une HTA, ce serait qu’elle était pré-existante
à la grossesse. Elle me conseille de faire une fonction rénale de principe, mais de rassurer la patiente
quant à ses migraines qui doivent être simplement des céphalées de tension.
Au bout de 50min de consultation, je laisse donc partir la patiente avec une ordonnance de
Doliprane et une prescription de bilan contenant : les sérologies toxoplasmose et CMV ( !), VIH 1 et 2,
VHB, glycémie à jeun, créatinine, MDRD, protéinurie sur échantillon.
Le mardi suivant, je parle en Groupe d’Echange de Pratique avec mes « co-internes » de ma
patiente, et me rends compte avec effroi que j’avais oublié beaucoup de choses :
-
Lui parler du dépistage de la trisomie 21
Faire la déclaration de grossesse
Parler du sevrage tabagique
Faire une sérologie rubéole et syphilis, une NFS
Vérifier ses vaccinations et celles de son compagnon
Date du dernier frottis ?
L’après-midi même du groupe d’échange de pratique, je la rappelle donc pour la revoir dans le
semaine et pouvoir ainsi m’occuper de tout cela…
Axes de réflexions proposés :
-
I.
Le suivi de grossesse en médecine générale : comment ? quelles compétences requises ?
quand déléguer ?
Le sevrage tabagique en médecine générale : quel est le rôle du médecin généraliste ? Quel
investissement et quels moyens ? Entretien motivationnel, intérêt de la cigarette
électronique…
Le suivi de grossesse en médecine générale
II.
Le sevrage tabagique en médecine générale
1. Rôle et action du médecin généraliste dans le sevrage tabagique
Le médecin généraliste est au centre du parcours de soin, il a un rôle primordial dans la prise en
charge globale des patients et doit tenir compte de chaque facteur de risque pour sa santé. Le
tabagisme, facteur de risque cardio-vasculaire majeur, est présent chez une grande, trop grande
partie de la patientèle, et constitue donc un axe majeur dans la prise en charge dite globale du
patient.
Après des stages ambulatoires en niveau 1 et niveau 2, je réalise à quel point cette prise en
charge est complexe. C’est un travail de longue haleine, qui s’inscrit dans la durée.
Malheureusement, il est rare que le patient se présente en consultation avec pour motif la volonté
de se sevrer en tabac. Il a souvent d’autres motifs de consultation, et c’est au médecin généraliste
d’être en permanence attentif au statut tabagique du patient, et d’essayer, si le temps le lui permet,
d’introduire le sujet du tabac dans la consultation.
Mes stages m’ont aussi permis de voir à quel point le rôle du médecin est clé dans cette prise en
charge. Avec douceur ou humour, il faut introduire le sujet et évaluer où en est exactement le
patient, quelle est sa volonté d’arrêter ou non le tabac, s’il a déjà essayé ou non… Il faut être patient,
à l’écoute, et savoir réagir aux phrases typiques « Je sais bien que ce n’est pas bien de fumer, mais je
n’ai aucune envie d’arrêter », « Il faut bien mourir de quelque-chose », « Vous, les docteurs, vous
oubliez le plaisir que c’est de fumer », etc. Il est donc nécessaire d’être un minimum formé au tabac
et à son sevrage !
a. Epidémiologie et bénéfices de l’arrêt du tabac
Le tabagisme est la 1ère cause de mortalité évitable en France. Un fumeur régulier sur deux
mourra d’une maladie liée au tabac. Le tabagisme est responsable de 25% des cancers et de 81% des
décès par cancers broncho-pulmonaires en France. Il est un facteur de risque cardio-vasculaire
majeur, un facteur de risque pour d’autres maladies (ostéoporose, maladie de Crohn…), et augmente
le risque d’infections bactériennes ou virales sévères. L’espérance de vie d’un fumeur est réduite de
20 à 25 ans par rapport à celle d’un non-fumeur.
Selon la HAS, en 2013-2014, 29% des français sont fumeurs, soit 12 millions d’usagers quotidiens.
Près de 2 fumeurs sur 3 souhaitent arrêter de fumer, mais 97% des fumeurs n’arrivent pas à arrêter
sans aide. Il n’existe pas de seuil au-dessous duquel fumer soit sans risque. Le taux de mortalité est
augmenté, même chez les fumeurs qui fument peu.
Arrêter de fumer réduit la mortalité, surtout celle liée aux maladies cardio-vasculaires et au
cancer broncho-pulmonaire. Le bénéfice existe, quel que soit l’âge du patient au moment de l’arrêt.
Ainsi, un patient qui cesse de fumer à 40 ans augmente son espérance de vie de 7ans, à 50ans il
l’améliore de 4ans…
Le repérage systématique des fumeurs est donc capital. Tous les patients devraient être
interrogés sur leur éventuelle consommation tabagique afin de pouvoir bénéficier d’une aide au
sevrage.
En médecine générale, il est important de prévoir des consultations régulières spécifiquement
consacrées à la prise en charge de l’arrêt du tabac. Le soutien psychologique est la base de la prise
en charge. Si le patient est dépendant, un traitement nicotinique de substitution (TNS) est proposé. Il
soulage les symptômes de sevrage, réduit l’envie de fumer et prévient les rechutes.
b. Principes généraux du sevrage tabagique
-
Le conseil minimal
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Il consiste à identifier le patient fumeur et donner un conseil de 1er recours.
3 questions sont posées :
 Est-ce que vous fumez du tabac ?
 Est-ce que vous fumez du cannabis ?
 Est-ce que vous envisagez d’arrêter ?
Dès qu’un fumeur est identifié, il est primordial de l’inciter à arrêter. Ce simple
conseil, donné par un médecin, augmente considérablement ses chances d’arrêt.
Exemples de conseils d’arrêt :
 « Arrêter de fumer est la décision la plus importante que vous pouvez
prendre pour protéger votre santé. Je peux vous aider si vous le
souhaitez. »
 « Je peux vous aider à arrêter de fumer. Ce sera plus facile que d’essayer
tout seul. »
 « Fumer occasionnellement ou en faible quantité est encore dangereux. »
 « Il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer, et c’est encore mieux si
on arrête tôt. »
 « Continuer à fumer aggravera votre asthme/bronchite (…), en revanche,
arrêter de fumer pourra améliorer votre santé de façon importante. »
Le médecin peut alors donner une documentation d’information sur les dangers
du tabac et l’aide au sevrage proposée.
L’intervention brève
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Il s’agit pour le médecin généraliste de faire une petite intervention sur le sujet
du tabac lors d’une consultation qui n’y est pas dédiée.
En fin de consultation, on peut faire une phrase pour savoir où en est le patient
avec sa consommation tabagique, dire une ou deux phrases d’encouragement à
l’arrêt.
Cela permet ainsi au patient de savoir que le médecin est ouvert pour en parler,
et pour le médecin de faire une petite piqûre de rappel. Le tout est d’être fin et
empathique !
-
L’entretien motivationnel
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Il est constitué de quelques messages courts d’encouragement à l’arrêt du tabac
et au maintien de celui-ci, adaptés au degré de motivation.
Il peut utiliser les recommandations internationales des « 6A » :
 Account : mesure du CO
 Ask : questionner sur le tabagisme
 Advise : conseiller un sevrage, argumenter
 Assess : évaluer la motivation
 Assist : soutenir les patients dans leurs efforts
 Arrange : planifier le suivi
Evaluation de la dépendance (cf. c)
Evaluation de la motivation à arrêter (cf. d)
Les traitements médicamenteux (patchs, gommes, sprays buccaux, comprimés à sucer,
inhalateurs)
La thérapie cognitivo-comportementale
o Cette technique nécessite une formation spécifique.
o Elle consiste à développer une stratégie d’information efficace permettant
d’anticiper le processus d’aide à l’arrêt du tabac.
c. Evaluation de la dépendance
L’addiction se définit comme la perte de liberté de s’abstenir. Un patient est considéré comme
dépendant s’il présente un des trois critères suivants :
-
-
Il a déjà rechuté après une tentative d’arrêt
Il continue à fumer malgré les conséquences tangibles sur sa santé (infarctus, BPCO,
cancer…) ou les risques encourus par certaines situations spécifiques (intervention
chirurgicale, grossesse…)
Il craint d’être sans cesse à cours de tabac.
Des tests permettent d’évaluer le niveau de dépendance, comme le test de Fagerström :
Source : http://umvf.univ-nantes.fr/cardiologie-et-maladies-vasculaires/enseignement/cardiologie2/site/html/2.html
d. Evaluation de la motivation pour arrêter de fumer
La motivation peut être évaluée par exemple à l’aide du modèle de Pochaska et DiClemente.
C’est une théorie de changement comportemental basée sur des étapes. Il présume que les fumeurs
passent par 5 étapes pour arrêter :
1. Pré-intention : le fumeur n’a pas encore envisagé d’arrêter
2. Intention : il pense arrêter mais est encore ambivalent
3. Décision/Préparation : il prend la décision d’arrêter de fumer et élabore une
stratégie d’arrêt
4. Action : il est activement engagé dans le changement : il arrête de fumer
5. Maintien : il a recouvré sa liberté face à la dépendance mais reconnaît qu’il doit
demeurer vigilant pour éviter la rechute.
Ainsi, pour accompagner une personne dans son désir de changement, il faut tenir compte
du stade où elle se trouve. A chaque étape correspondent des modes d’intervention adaptés. Le but
est de faire progresser le patient d’étape en étape vers la réussite.
A l’étape de pré-intention :
-
Comprendre sans juger les représentations qu’a le patient de son tabagisme (est pour lui un
problème ou non ?) et les avantages qu’il en retire.
Identifier les circonstances et le contexte qui favorisent la consommation de tabac.
Proposer une évaluation de son niveau de dépendance.
-
-
S’informer avec tact sur la connaissance du patient des effets indésirables du tabac et des
aides disponibles pour le sevrage (médicamenteuses ou non). Aider le patient à entrevoir les
avantages qu’il pourrait obtenir en arrêtant de fumer.
Conseiller l’arrêt.
Proposer une approche de réduction de la consommation.
A l’étape d’intention :
-
Aider le patient à identifier les avantages qu’il retire de son tabagisme.
Aider le patient à identifier et exprimer ses inquiétudes et ses freins à l’idée d’arrêter le
tabac.
Aider le patient à s’acheminer vers la décision du changement en l’amenant à exprimer les
avantages qu’il pourrait tirer de l’arrêt du tabac.
Evaluer le sentiment d’efficacité personnelle du patient.
Explorer l’intérêt pour ce patient d’une réduction de la consommation dans un 1er temps.
A l’étape de prise de décision :
-
Construire avec le patient un plan de changement en définissant des objectifs concrets, les
meilleures stratégies pour arrêter de fumer.
Explorer le soutien de l’entourage (social, familial, professionnel…).
Proposer au patient de fixer précisément la date de son choix pour la mise en œuvre.
L’éducation thérapeutique permettra au patient d’acquérir les compétences qui l’aideront à
mener à bien sa démarche.
A l’étape de l’action :
-
Si le patient le souhaite, l’accompagner et l’aider à mettre en œuvre les conditions optimales
pour la réussite du projet (gestion de la dépendance comportementale et physique).
Encourager le patient en reconnaissant et en valorisant ses efforts réalisés.
Anticiper les difficultés telles que le faux-pas et la rechute, et élaborer avec le patient des
solutions aux problèmes qu’il pense pouvoir rencontrer.
A l’étape du maintien :
-
Conforter le patient en rappelant et valorisant ses efforts réalisés.
Encourager le patient à renforcer son engagement et l’aider à ne pas rechuter.
Comprendre les nouvelles difficultés et élaborer avec le patient des solutions aux problèmes
qu’il peut rencontrer.
e. Méthodes proposées pour accompagner le sevrage
Un fumeur aura plus de change d’arrêter s’il est accompagné par un professionnel : médecin,
infirmier, psychologue… La prise en charge repose sur l’accompagnement psychologique, le médecin
traitant étant l’acteur clé pour l’assurer.
Pour les patients dépendants, les traitements nicotiniques de substitutions (TNS) sont indiqués en
1ère intention.
D’autres outils ont une efficacité démontrée :
-
L’entretien motivationnel (vise à susciter puis à soutenir la motivation au changement)
Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) qui nécessitent une formation spécifique
L’accompagnement téléphonique (ligne Tabac info service : 3989)
Les outils d’auto-support (site tabac-info-service.fr)
f.
Comment éviter les rechutes, et comment réagir en cas de rechute?
Une fois l’arrêt instauré, la prise en charge vise à prévenir les rechutes qui sont fréquentes car la
dépendance persiste après l’arrêt. Elles peuvent être dues à une dose insuffisante de TNS, des
troubles anxio-dépressifs, une prise de poids… Des stratégies sont donc élaborées pour prévenir les
risques. Chaque situation incitant le patient à fumer est analysée, le « faux-pas » dédramatisé et le
patient déculpabilisé et averti que les rechutes font partie du processus d’arrêt.
Le médecin doit donc faire preuve d’écoute et d’empathie, et chercher à comprendre les raisons
de la rechute. Il doit aider le patient à tirer les enseignements de la rechute en identifiant les
situations et les comportements à risque et les pensées permissives souvent associées. Le but est de
réengager le patient dans un processus de sevrage, sachant que plusieurs cycles sont parfois
nécessaires avant de parvenir à un sevrage définitif.
Ainsi, chaque arrêt est une expérience, qui prouve au patient qu’il est capable de le faire. Il faut
surtout déculpabiliser le patient sur la rechute.
g. Autres traitements et méthodes
Des effets indésirables graves ont été observés avec la varénicline et le bupropion . Ces
médicaments ne peuvent être utilisés qu’en dernière intention dans des cas particuliers et dans un
cadre strict.
Le bénéfice de l’activité physique, de l’acupuncture et de l’hypnothérapie n’a pas été prouvé
mais ces approches ne présentent pas de risque et ne sont pas contre-indiquées. Il est donc
important de ne pas casser la motivation du fumeur, ni de le décourager ou le culpabiliser. Ces
méthodes peuvent trouver leur place dans une démarche d’arrêt du tabac en complément des
méthodes recommandées.
A l’heure actuelle, il n’est pas possible de recommander les cigarettes électroniques dans le
sevrage ou la réduction de la consommation tabagique en raison de l’insuffisance de données sur
leur efficacité et leur innocuité. Si un patient fumeur refuse les moyens de substitution nicotiniques
recommandés et choisit d’utiliser la cigarette électronique, il sera informé qu’elle n’est pas un
traitement actuellement validé, mais que les substances qu’elle contient sont supposées moins
dangereuses que celles contenues dans le tabac. Son utilisation ne sera pas déconseillée, mais le
patient sera accompagné dans sa démarche d’arrêt ou de réduction du tabagisme. (cf. 3.)
2. Tabagisme et grossesse
Selon les données du Centre de Référence des Agents Tératogènes (CRAT), on estime
que 37% des femmes en âge de procréer sont fumeuses avant le début de leur grossesse, et
que 24% des femmes enceintes continuent de fumer pendant tout ou une partie de celle-ci
(données du Baromètre santé 2010). Il n’existe pas de donnée chiffrée sur le tabagisme
passif en cours de grossesse, mais il s’agit d’une situation fréquente.
a. Conséquences du tabac sur la grossesse et dangers pour le fœtus
Même si l’on sait qu’il est néfaste de fumer pendant la grossesse, les femmes ne sont
souvent pas réellement consciente des conséquences auxquelles elles s’exposent en continuant
de fumer. Le rôle du médecin généraliste est de donner une infomation claire, loyale et
appropriée, et d’essayer d’inciter la patiente à l’arrêt complet du tabac.
Tout d’abord, le tabac entraîne une diminution de la fertilité et serait responsable d’environ
35% des grossesses extra-utérines. Il multiplie le risque de fausse couche spontanée du 1er
trimestre par 3 et est aussi la cause d’accouchement prématuré, le risque étant dosedépendant. Une relation entre l’incidence d’un hématome rétro-placentaire (HRP) et tabagisme
maternel est établie, avec une effet-dose associé à la carboxyhémoglobinémie (HbCO). Les
placentas bas insérés sont aussi plus fréquents (multipliés par deux environ), en cas de tabagisme
maternel.
De plus, le tabagisme actif pendant la grossesse présente aussi des dangers pour le fœtus,
dont la toxicité est dose-dépendante. Le risque majeur étant le retard de croissance intra-utérin.
Un arrêt du tabagisme maternel dans la 1ère partie de la grossesse permet d’améliorer le poids de
naissance. La croissance post-natale des enfants ne semble pas affectée par le tabagisme
maternel en cours de grossesse.
Un risque légèrement accru de mort fœtale in-utéro est aussi observé.
Cependant, le tabac n’a pas d’effet tératogène. Après de nombreuses études sur le risque
tératogène du tabac, portant sur des milliers de grossesse, il est admis qu’aucune augmentation
du risque global des malformations n’est à mettre sur le compte du tabagisme au cours de la
grossesse.
Quant à la question du risque de l’allaitement maternel chez une mère fumeuse, il faut savoir
que la nicotine, ses dérivés et d’autres toxiques inhalés passent dans le lait maternel et peuvent
s’y concentrer. La fréquence des pathologies respiratoires est augmentée chez les enfants
exposés à la fumée de tabac, mais de façon moindre chez les enfants allaités. Cependant, il est
recommandé de toujours favoriser l’allaitement quand cela est possible. Les paramètres du
développement de l’enfant allaité (croissance, acquisitions) ne semblent pas modifiés par le
tabagisme maternel.
b. Conduite à tenir pendant la grossesse
Lorsqu’une femme enceinte fumeuse se présente en consultation, le rôle du médecin
est d’essayer d’évaluer sa volonté d’arrêter ou de diminuer sa consommation tabagique et
de lui proposer des moyens pour y parvenir.
En premier lieu, les approches psychologiques et comportementales sont toujours à
privilégier.
Si elles s’avèrent insuffisantes, les substituts nicotiniques (gommes, patchs…) sont
autorisés pendant la grossesse, sous contrôle médical.
Il est à noter que le Bupropion LP (Zymban R) et la Varénicline (Champix R) ne sont
pas recommandés chez la femme enceinte ou allaitante.
Après la naissance de l’enfant, toutes les mesures de nature à éviter une
imprégnation tabagique de l’enfant sont utiles (diminuer voire arrêter le tabac, ménager un
espace sans fumée dans l’habitation, allaiter au moins deux heures et demi après la dernière
cigarette…).
Afin d’aider les femmes enceintes à se sevrer en tabac, la Sécurité Sociale leur alloue
en 2014 un forfait de 150 euros pour se faire rembourser leur substitution nicotinique (plutôt
que 50 euros/année civile et par bénéficiaire de manière générale). Les règles de prescription
sont particulières : l’ordonnance doit être consacrée exclusivement à ces produits, aucun
autre traitement de doit figurer sur l’ordonnance. De plus, il n’y a pas de dispense d’avance
des frais (tiers payant) dans ce dispositif. Le remboursement ne se fait que dans un second
temps.
En conclusion, il est bien évident que l’idéal est d’arriver à ce que la patiente
fumeuse arrête le tabac avant d’être enceinte. Mais si la patiente est déjà enceinte, il faut
bien insister sur le fait que l’arrêt sera toujours bénéfique à n’importe quel moment de la
grossesse. Il n’est donc JAMAIS TROP TARD pour arrêter de fumer.
3. La cigarette électronique
Le marché de la cigarette électronique, ou e-cigarette, connait une croissance majeure ces
dernières années. Le chiffre d’affaire est passé de 114 millions d’euros en 2012 à 275 millions en
2013. Selon un article du Journal du Net du 8 avril 2014, le nombre de points de vente spécialisés
a explosé depuis 2010 (une dizaine alors en France) jusqu’à atteindre plus de 2500 en 2014 pour
plus de 2,5 millions de consommateurs. Ces boutiques génèrent 58% des ventes, les bureaux de
tabac 21%, Internet 9%, les pharmacies 5%, les 7% restant étant partagés entre les grandes
surfaces et les stations essences (chiffres 2013).
Mais la cigarette électronique, avec ou sans nicotine, n’est pas un produit de consommation
anodin, car, même si elle en comprend moins que la cigarette traditionnelle, elle contient aussi
des produits toxiques.
Dans l’état actuel des connaissances, elle ne fait pas partie des traitements recommandés
par la HAS pour arrêter de fumer, car il n’est pas démontré qu’elle soit sans danger, ni qu’elle
permette d’arrêter de fumer durablement.
Un avantage reconnu est que cela constitue une aide au sevrage tabagique, selon les
patients. Cependant, l’innocuité du « vapotage » n’a pas été prouvée, et les effets néfastes de la
e-cigarette sont aussi sociaux : incitation des jeunes, augmentation de l’acceptabilité de la
consommation de nicotine.
Le chiffre d’affaire des cigarettes traditionnelles régresse légèrement en valeur (15,3 milliards
d’euros en 2013 contre 15,5 en 2012), mais surtout en volume (47,5 milliards d’unité en 2013
pour 51,5 en 2012) selon l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies).
Pendant ce temps, les ventes de substituts nicotiniques reculent de 11,6%. Pour la 1ère fois depuis
2009, l’OFDT constate également que le nombre de patients « traités » diminue de 10,3%, bien
que dépassant les 2,1 millions en 2013. L’Observatoire enregistre aussi un recul de 8,5% des
consultations de tabacologie…
En conclusion, la cigarette électronique n’est pas recommandée à ce jour comme outil d’aide
à l’arrêt du tabac, car son efficacité et son innocuité n’ont pas été suffisamment évaluées à ce
jour. En 2014, la HAS considère en revanche que, du fait de sa toxicité beaucoup moins forte
d’une cigarette, son utilisation chez un fumeur qui a commencé à vapoter et qui veut arrêter de
fumer ne doit pas être découragée. La HAS recommande au fumeur d’en parler avec son
médecin traitant qui lui proposera une stratégie personnalisée et adaptée pour arrêter de fumer.
Bibliographie :
-
Site : www.tabac-info-service.fr
Site : www.ameli.fr
Site : www.lecrat.org
« Arrêt de la consommation de tabac : du dépistage individuel au maintien de l’abstinence en
premier recours », Recommandation de bonne pratique de l’HAS, octobre 2013
« Sevrage tabagique : des outils pour repérer et accompagner les patients », E. Lavie,
Webzine de la HAS, Actualités et Pratiques. N°56, février 2014
« Arrêter de fumer et ne pas rechuter : la recommandation 2014 de la HAS.
Questions/réponses : sevrage tabagique » Recommandations HAS 2014
« Grossesse et tabac », Conférence de consensus du 7 et 8 octobre 2004, Lille
« L’évaluation de la prise en charge du tabac chez la femme enceinte par les professionnels
médicaux libéraux », Diplôme d’Etat de sage-femme de Justin Papin-Groseil, mars 2010
« Les profils des fumeurs en France », article de l’INPES du 29/05/2012.
« Interdiction de la cigarette électronique : sage précaution ou alerte disproportionnée ? »,
article du 18 juillet 201, JIM, Actus Univadis
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