Master ès Sciences en sciences infirmières Master conjoint UNIVERSITE DE LAUSANNE Faculté de biologie et de médecine, Ecole de médecine et HAUTE ECOLE SPECIALISEE DE SUISSE OCCIDENTALE Domaine santé CONNAISSANCES CONNAISSANC ES ET ATTITUDES DES INFIRMIÈRES FACE À LA DOULEUR DES PATIENTS HOSPITALISÉS EN MILIEU DE SOINS AIGUS Par Christophe GUENIAT Directrice de mémoire Prof. ass. Anne-Sylvie Anne RAMELET, PhD Septembre 2013 Composition du Jury Prof. Diane Morin, PhD Présidente du Jury de mémoire Directrice, Institut Universitaire de Formation et de Recherche en Soins, Faculté de Biologie et de Médecine, Université de Lausanne Prof. ass. Anne-Sylvie Ramelet, PhD Directrice de mémoire Professeure associée, Institut Universitaire de Formation et de Recherche en Soins, Faculté de Biologie et de Médecine, Université de Lausanne Professeure HES-S2, Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV), Lausanne Mme Yolande Bangala Experte externe Responsable du Programme institutionnel "Douleur", Service d'anesthésiologie - Centre d'Antalgie, Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne Mémoire déposé le 12 juillet 2013 Mémoire défendu le 28 août 2013 Sommaire La douleur non soulagée peut entraîner des complications physiologiques et psychologiques qui à leur tour peuvent avoir des répercussions économiques. De nombreuses études démontrent que la prise en charge de la douleur chez les patients hospitalisés n'est pas toujours optimale. De multiples facteurs peuvent contribuer à une prise en charge inappropriée, les connaissances et attitudes des infirmières en étant un. Cette étude descriptive vise à identifier le niveau de connaissances et attitudes des infirmières face à la douleur des patients hospitalisés en milieu de soins aigus. Cette étude a reçu l'approbation éthique. Après une traduction standard, le questionnaire Pain knowledge and attitudes (PAK) a été envoyé par voie électronique à toutes les infirmières qui travaillaient depuis plus de 3 mois dans quatre services de médecine et de chirurgie d'un hôpital tertiaire de Suisse romande. Des rappels ont été renvoyés automatiquement aux non-répondants à 2 et à 4 semaines après le premier message. Le PAK comprend 10 questions notées sur une échelle de type Likert à 5 points, allant de 0 «absolument d'accord» à 4 «absolument pas d’accord». Pour les analyses, les données ont été dichotomisées en réponse «juste» ou «fausse». Un taux de 80% de réponses correctes était attendu. Septante infirmières ont retourné le questionnaire dûment rempli (taux de réponse de 65,4%). Le pourcentage de réponses correctes est de 68,7. Les questions qui ont obtenu les scores les plus bas sont liées à des iii croyances autour des effets secondaires euphorisants des opiacés (30%), l’auto-évaluation de la douleur par le patient (55,7%) et la douleur évaluée par les infirmières (48,6%). Ces résultats montrent une proportion de connaissances en dessous de la norme attendue de 80%. Ils ne sont pas différents d'autres enquêtes sur le même sujet dans les pays occidentaux, reflétant le manque de reconnaissance des infirmières de l’auto-évaluation par le patient comme l'indicateur le plus fiable de la douleur. Certaines lacunes dans les connaissances relatives à la pharmacologie des opiacés et leurs effets secondaires ont aussi été mises en évidence. On observe une amélioration significative du pourcentage de réponses correctes entre les infirmières ayant effectué une formation de base traditionnelle (66,6%) et les infirmières ayant effectué une formation supérieure telle qu’une formation post diplôme ou post grade universitaire (79,2%, p = 0,017). La promotion de l’enseignement de la prise en charge de la douleur dans la formation de base et dans la formation continue est recommandée. La diffusion de guidelines de gestion de la douleur est également à promouvoir dans les services. Des recherches complémentaires sur l’adéquation des contenus des formations apportées aux infirmières selon leurs besoins et basés sur des données probantes sont des pistes à poursuivre. Summary Unrelieved pain can result in physiological and psychological complications that can have economic implications. Many studies show that pain management in inpatients is not optimal. Multiple factors can contribute to inappropriate pain management, including nurses’ attitudes and knowledge. This descriptive study aimed to identify the level of knowledge and attitudes of nurses related to pain management of patients hospitalised in acute care settings. This study obtained ethics’ approval. Following standard translation, the Pain Knowledge and Attitudes (PAK) questionnaire was sent electronically to all nurses working on a permanent contract for more than 3 months in four medical and surgical units of a tertiary hospital in Western Switzerland. Reminders were sent automatically to non-respondents 2 and 4 weeks after the first email out. The PAK includes 10 questions rated on a 5point Likert-type scale, ranging from 0 “strongly agree” to 4 “strongly disagree”. Data have been dichotomised into “correct” and “wrong” answer for analyses. An 80% rate of correct answers was expected. Seventy nurses returned the completed questionnaire (65.4% response rate). The percentage of correct answers was 68.7. Questions that were rated the lowest were related to beliefs about opiates’ side effects (30%), pain self-assessment (55.7%) and patient’s pain assessment by proxy (48.6%). v These results show a proportion of knowledge below the expected standard of 80%, which are not different to other investigations on the same subject in Western countries. This reflects nurses’ attitudes to not believe in self-assessment of pain being the gold standard. Gaps in knowledge related to opiates’ pharmacology and their side effects were also highlighted. A significant improvement in the percentage of correct answers is observed in nurses who have completed higher education (79.2%) when compared to nurses who have completed hospital-based training (66.6%, p = 0.017). Recommendations include the promotion of pain management in pre- and post-grade education as well as continuing education. Implementation of pain management guidelines is also recommended. Further research on whether nurses’ education curriculum meet nurses’ needs and evidence-based practice standards is warranted. Table des matières Composition du Jury ........................................................................................ i Sommaire ....................................................................................................... ii Summary ....................................................................................................... iv Table des matières ........................................................................................ vi Liste des tableaux .......................................................................................... xi Liste des figures ............................................................................................ xii Remerciements ............................................................................................ xiii Introduction ..................................................................................................... 1 Problématique ................................................................................................. 4 Etat des connaissances en lien avec l’importance du problème................. 6 Implications pour les soins infirmiers ........................................................ 10 But de cette étude et questions de recherche .......................................... 12 Recension des écrits..................................................................................... 13 Définition de la douleur ............................................................................. 14 Physiologie de la douleur.......................................................................... 15 Prise en charge de la douleur ................................................................... 17 Obstacles à la prise en charge de la douleur............................................ 18 Obstacles liés au patient ....................................................................... 19 Obstacles liés au système ..................................................................... 19 vii Obstacles liés aux soignants ................................................................. 21 Connaissances et attitudes en lien avec la prise en charge de la douleur 21 Théories sur les connaissances et attitudes .......................................... 21 Interprétation des questionnaires sur les connaissances et attitudes.... 24 Etudes sur les connaissances et attitudes............................................. 24 Particularités chez la personne âgée. ................................................ 35 Particularités en oncologie. ................................................................ 36 Particularités en situation de fin de vie. .............................................. 41 Assises théoriques ........................................................................................ 45 Identification d’une théorie en lien avec le phénomène d’intérêt .............. 46 Description de la théorie choisie ............................................................... 48 Ancrage de la théorie dans la discipline infirmière .................................... 51 Ancrage du modèle théorique de Craig dans le métaparadigme........... 52 La santé.............................................................................................. 52 La personne. ...................................................................................... 52 Le soin. ............................................................................................... 53 L’environnement. ................................................................................ 54 Liens avec les paradigmes et les écoles de pensée ............................. 54 Liens de la théorie avec les différents savoirs produits ......................... 55 Savoir empirique. ............................................................................... 56 viii Savoir esthétique................................................................................ 57 Savoir personnel. ............................................................................... 57 Savoir éthique. ................................................................................... 58 Savoir émancipatoire. ......................................................................... 58 Méthode ........................................................................................................ 61 Devis......................................................................................................... 62 Milieu ........................................................................................................ 62 Sélection des sujets et échantillonnage .................................................... 63 Recrutement ............................................................................................. 64 Instrument................................................................................................. 64 Description de l’instrument .................................................................... 64 Traduction inversée double ................................................................... 65 Pré-test .................................................................................................. 66 Collecte de données ................................................................................. 67 Variables mesurées .................................................................................. 68 Analyses statistiques ................................................................................ 68 Considérations éthiques ........................................................................... 71 Formulaire d’information et consentement ............................................ 72 Traitement des données personnelles .................................................. 72 Evaluation des risques .......................................................................... 73 ix Plan de financement et rétribution ......................................................... 73 Résultats ....................................................................................................... 75 Milieu et participation ................................................................................ 76 Description de l’échantillon : Caractéristiques sociodémographiques ...... 77 Connaissances et attitudes....................................................................... 80 Comparaisons selon les caractéristiques démographiques ...................... 82 Discussion .................................................................................................... 84 Mise en perspective .................................................................................. 85 Connaissances et attitudes ................................................................... 85 Comparaisons selon les caractéristiques démographiques................... 94 Niveau de formation. .......................................................................... 94 Formation continue sur la douleur. ..................................................... 96 Années de pratique infirmière et années dans le même service. ....... 98 Limites et forces ..................................................................................... 100 Recommandations pour la pratique ........................................................ 102 Recommandations pour la recherche ..................................................... 105 Conclusion .................................................................................................. 107 Références.................................................................................................. 109 Appendice A Poster d’information aux infirmières....................................... 124 Appendice B Questionnaire PAK version française .................................... 126 x Appendice C Questionnaire sur les données démographiques .................. 128 Appendice D Avis présidentiel de la Commission cantonale (VD) d’éthique de la recherche sur l’être humain…….…………..……………….130 Appendice E Formulaire d'information aux infirmières ................................ 134 Liste des tableaux Tableau 1 Récapitulatif des études reportant les taux de réponses correctes concernant les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur…………………………….42 Tableau 2 Caractéristiques sociodémographiques des participantes……..79 Tableau 3 Connaissances et attitudes : Questionnaire PAK………….……81 Tableau 4 Comparaisons des niveaux de connaissances et attitudes des participantes selon les caractéristiques démographiques…...…83 Tableau 5 Récapitulatif des études reportant le taux de réponses correctes aux questions du PAK-10 énoncés……………………………….87 Liste des figures Figure 1 [L’évaluation de la douleur en tant que transaction]………….……47 Figure 2 Diagramme de recrutement……………………………………….….77 Remerciements Mes remerciements sincères vont aux personnes suivantes : Premièrement à la Professeure associée Anne-Sylvie Ramelet, ma directrice de mémoire et ma responsable à la Haute Ecole de Santé Vaud (HESAV). Sa guidance et ses précieuses recommandations ont permis l’élaboration rigoureuse de ce mémoire. A HESAV, et sa directrice Mme Mireille Clerc, pour leur contribution à ma formation. Aux cadres du CHUV, et plus particulièrement Mme France Nicolas, infirmière cheffe de service, instigatrice de cette collaboration entre les milieux de la recherche et de la pratique. Et surtout aux infirmières et infirmiers qui ont participé à cette étude. A Fabienne Teike Lüthi pour sa collaboration fructueuse, ainsi qu’à mes autres camarades de volée. Aux bibliothécaires de HESAV pour leur assistance efficace. A ma collègue Sandra et les autres, pour leur soutien. A Stéphane et José, chacun à leur tour, pour leur présence et leur constante disponibilité à la réussite de cette épopée. A Jordi, Carolina, ma famille, mes proches et mes amis pour leurs encouragements. Au mas Mon Repos, havre de ressources, et ses hôtes toujours accueillants. Je dédie ce travail à la mémoire de mon père, qui était tellement fier que j’accomplisse des études qu’il n’avait pas eu l’occasion d’effectuer. Introduction Bien que négligée pendant longtemps, la douleur est aujourd’hui reconnue comme une problématique qui a droit de cité que ce soit en milieu hospitalier ou en contexte de soins ambulatoires. Un rapport de groupe d’experts a défini les impulsions à donner en Suisse pour l’organisation future de la médecine (Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) et al., 2004). On y retrouve le traitement adéquat de la douleur comme l’un des quatre buts de la médecine ("The goals of medicine," 1996). La douleur est un phénomène fréquemment expérimenté par les patients hospitalisés. Plusieurs études démontrent que sa prise en charge n’est pas optimale, et que la douleur non soulagée peut avoir des répercussions physiologiques et psychologiques importantes pour les patients à court et à long terme, ainsi qu’un impact économique lié aux complications générées. La sous-évaluation et le sous-traitement de la douleur sont liés à trois types d’obstacles : aux soignants, et plus particulièrement à leurs connaissances et attitudes, aux patients et au système (Borneman et al., 2011; Fox, Solomon, Raina, & Jadad, 2004). 3 En lien avec cette problématique, la présente étude vise à déterminer les connaissances et attitudes des infirmières1 face à la douleur des patients hospitalisés en milieu de soins aigus. Dans ce mémoire, les motivations à réaliser l’étude et les objectifs visés sont présentés dans la problématique. Le deuxième chapitre, la recension des écrits, traite des connaissances sur la douleur, étudie les dimensions des obstacles à la prise en charge de la douleur et des connaissances et attitudes. Le troisième chapitre explique le modèle théorique qui a servi d’assise à l’étude. Le quatrième chapitre décrit la méthode utilisée pour réaliser l’étude et les spécificités de l’échelle de mesure choisie. Les résultats obtenus, en lien avec la question de recherche, sont décrits dans le cinquième chapitre. Enfin, le sixième et dernier chapitre comporte une discussion des résultats, fait état des limites et des forces de l’étude et énonce des perspectives pour la suite à offrir à cette étude. 1 Dans la suite du mémoire, l’utilisation du féminin est effectuée sans discrimination et simplement dans le but d’alléger la lecture du texte. Problématique Ce chapitre présente la problématique de la prise en charge de la douleur chez les patients hospitalisés. Tout d’abord, un constat sur l’état des connaissances est proposé. Ensuite, les raisons qui poussent à entreprendre une étude sur le sujet sont apportées dans les implications pour les soins infirmiers. Enfin, le but visé par l’étude conclut le chapitre. Le patient qui expérimente un processus douloureux vit une expérience de santé désagréable, inconfortable, voire de souffrance. Bien que la douleur soit le motif le plus fréquent de demande d’aide aux professionnels de la santé (Watt-Watson & McGillion, 2010), la prise en charge inefficace de ce symptôme est encore souvent rapportée par les patients. Des percées importantes ont été faites dans le domaine de la douleur, et ce particulièrement grâce à des visionnaires telles que Johnson (1973), qui a mis en évidence que l’intensité du symptôme et le degré de détresse de la douleur peuvent être dissociés. Plus tard, Page (1998, cité dans Donaldson, 2000, p. 253) a démontré que la douleur peut tuer. Les travaux de cette dernière étude ont mis en évidence que la douleur post-opératoire, source d’immunosuppression, peut être responsable de complications septiques et de progressions tumorales. Ces deux exemples démontrent l’importance de la prise en charge de la douleur. 6 Etat des connaissances en lien avec l’importance du problème Plusieurs études montrent que la prise en charge de la douleur n’est pas optimale. Une gestion efficace de la douleur en postopératoire est rapportée dans seulement 12% des cas observés (Manias, Bucknall, & Botti, 2005). Le soulagement de ce symptôme s’avère être un problème en raison de l’absence de standards clairs de prise en charge de la douleur, des difficultés à l’évaluer et à gérer les prescriptions en réserve, et de la peur de l’addiction de la part des patients (Adriaansen, van Achterberg, & Borm, 2005). Des travaux montrent que les patients reçoivent moins d’antalgiques que prescrits (Manias, 2003; Murnion, Gnjidic, & Hilmer, 2010). Selon Mathey-Doret-Berthoud (2004), 76% des opioïdes prescrits à intervalles fixes et en réserve ne sont pas administrés en postopératoire le jour de l’intervention ; il en est de même pour 50% des prescriptions de paracétamol et 56% des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Par la suite, seuls 14% des patients ayant reçu une antalgie bénéficient d’une réévaluation de la douleur par les infirmières (Bucknall, Manias, & Botti, 2007). Les personnes âgées, population représentant les deux tiers des patients hospitalisés dans les pays développés (Prowse, 2007), ont encore souvent des douleurs considérées par les professionnels de la santé comme normales vu leur âge et donc souvent ignorées par les soignants (Brown, Kirkpatrick, Swanson, & McKenzie, 2011; Fox et al., 2004). Ceci est en partie expliqué par leurs croyances et un manque de connaissances. De plus, les soignants démontrent une crainte plus importante à utiliser des opioïdes chez les 7 personnes âgées que chez les autres patients, ce qui peut résulter à un sous-traitement de la douleur (Auret & Schug, 2005). La sous-évaluation de la douleur a été relevée pour la première fois en 1973 (Marks & Sachar), dans une recherche qui signalait que 73% des patients hospitalisés dans un service de médecine souffraient de douleurs modérées à sévères. Depuis, de nombreuses études démontrent que la douleur est un phénomène fréquemment expérimenté par les patients hospitalisés. Dans une étude multicentrique, 91% des patients hospitalisés rapportent de la douleur, parmi ceux-ci 46,6% expérimentent des douleurs sévères (Visentin, Zanolin, Trentin, Sartori, & de Marco, 2005). Une recherche menée dans un hôpital universitaire (Gerbershagen et al., 2009) relève que 84% des patients déclarent avoir vécu une expérience douloureuse dans les 3 mois précédant l’hospitalisation, et que pour 64% de ces patients, la douleur était le motif d’hospitalisation. Une enquête (Sawyer, Haslam, Daines, & Stilos, 2010) rapporte la même prévalence de la douleur (84%) avec 51% des patients expérimentant des douleurs d'intensité modérée à sévère (supérieure ou égale à 4 sur 10). Dans les dernières 24 heures, près de 26% des patients avaient eu des douleurs en moyenne sévères. Une autre recherche menée dans un hôpital universitaire relève que 63% des patients rapportent de la douleur dans les dernières 24 heures d’hospitalisation (Strohbuecker, Mayer, Evers, & Sabatowski, 2005). Une revue de la littérature récente (Sinatra, 2010) rapporte que plus de 80% des patients expérimentent une douleur modérée à sévère en post-opératoire. La 8 prévalence de la douleur chez les patients souffrant de démence avancée (Husebo, Strand, Moe-Nilssen, Husebo, & Ljunggren, 2010) peut atteindre jusqu’à 81%. Enfin, chez les patients oncologiques, une prévalence de la douleur entre 30 et 90% est signalée selon les stades de la maladie et des traitements (Brink-Huis, van Achterberg, & Schoonhoven, 2008). En Suisse, une enquête de satisfaction d’un hôpital tertiaire réalisée en 2008 (ESOPE, UES, & Institut Universitaire de Médecine Sociale et Préventive, 2008) révèle que plus de 53% des patients déclarent avoir eu des douleurs durant leur séjour hospitalier et que celles-ci étaient modérées (45%) à fortes (47%). Il s’agit donc, sans contredit, d’une problématique importante pour les soins. Cependant, ce type d’enquête donne un aperçu de la qualité de la prise en charge de la douleur, plutôt qu’une vue d’ensemble de la problématique (Gordon et al., 2005; Wells, Pasero, & McCaffery, 2008). La douleur, si elle n’est pas prise en charge correctement, peut avoir des interférences sur les activités (Sawyer, Haslam, Daines, & Stilos, 2010), ainsi que des conséquences importantes. Ces conséquences sont d’abord physiologiques. En effet, le stress généré par une douleur aiguë postopératoire non contrôlée, s’accompagne d’une augmentation de la sécrétion de catécholamines entrainant une tachycardie, une augmentation de la pression artérielle, une consommation d’oxygène plus importante du muscle cardiaque et une hypercoagulabilité (Brink-Huis et al., 2008). Les risques encourus vont de la thrombose veineuse à l’infarctus du myocarde. De même, des perturbations de la sécrétion d’insuline et de cortisol peuvent 9 entrainer des hyperglycémies, et l’immunosuppression peut générer des complications post-opératoires infectieuses. Les observations de ces derniers auteurs mettent aussi en évidence des conséquences physiques, comme la diminution de certains mouvements, entrainant une limitation de l’amplitude respiratoire et de la toux, provoquant ainsi des atélectasies et des infections pulmonaires. Enfin, la douleur non traitée peut provoquer un retard de reprise de la fonction gastro-intestinale et être responsable d’iléus. La douleur est reconnue par les auteurs comme la cause la plus importante de réadmission post-opératoire. Les douleurs non contrôlées peuvent encore avoir un effet délétère sur le sommeil et la capacité fonctionnelle, retardant ainsi la rééducation ou la convalescence. Une corrélation positive existe entre une douleur incontrôlée et une diminution de la qualité de vie (Sinatra, 2010). Des problèmes d’isolement social, d’altération des relations, de diminution des plaisirs dans la vie et de dépression sont également décrits (Brown et al., 2011; Sawyer et al., 2010). A long terme, la douleur peut entrainer des modification neuronales et devenir chronique (Dunwoody, Krenzischek, Pasero, Rathmell, & Polomano, 2008). Enfin, la douleur insuffisamment soulagée est reconnue comme un signe de baisse de performance des hôpitaux (Wells et al., 2008). L’augmentation des coûts de la santé liée aux complications, aux prolongations des séjours hospitaliers ou aux ré-hospitalisations, est estimée 10 à plusieurs milliards de dollars par an aux Etats-Unis (Duignan & Dunn, 2009). Implications pour les soins infirmiers Le confort du patient est un droit (Joint Commission, 2001) et représente une mesure de la qualité des soins (Association Suisse des Infirmières et infirmiers, 2007). Les infirmières ont donc une responsabilité professionnelle et éthique face à la problématique de la douleur restant trop souvent non soulagée (Hazard Vallerand, Musto, & Polomano, 2011; Salinas & Abdolrasulnia, 2011; Van Niekerk & Martin, 2003). Chez les patients hospitalisés et en particulier dans la population vieillissante, les infirmières représentent un pilier essentiel pour le soulagement de la douleur puisque sa prise en charge est inextricablement liée au jugement clinique et au processus décisionnel infirmier. Bien que la prise en charge globale de la douleur soit une responsabilité de l’équipe multidisciplinaire, l’infirmière assume une grande part de cette responsabilité (Al-Shaer, Hill, & Anderson, 2011; Conseil International des Infirmières, 2006), notamment en ce qui concerne l’évaluation, la documentation, l’administration d’antalgie prescrite, et la transmission aux divers acteurs de l’équipe multidisciplinaire (Bergeron, Leduc, Marchand, & Bourgault, 2011; Cronenwett et al., 2007). L’évaluation de la douleur est sous la responsabilité de l’infirmière et doit se faire de manière systématique, avec les outils appropriés et validés (Watt-Watson & McGillion, 2010; Wells et al., 2008). Une étude rapporte que la documentation de l’intensité de la douleur est 11 absente dans 51% des dossiers de patients ayant des douleurs (Vallano, Malouf, Payrulet, & Banos, 2006). Les infirmières sous-estiment la douleur chez les patients (Gunningberg & Idvall, 2007). Un manque de connaissances des équipes soignantes en lien avec la douleur a également déjà été perçu et relevé par les patients (Sawyer et al., 2010). En améliorant les connaissances et attitudes des infirmières, on peut espérer une meilleure prise en charge de la douleur pour les patients. Les défis de plus en plus importants au vu des variations complexes de la demande en soins de santé, les projections démographiques avec le nombre croissant de personnes âgées, la progression du nombre de patients multimorbides et chroniquement malades, l’évolution rapide des connaissances scientifiques et des technologies, plaident pour l’importance de connaissances adaptées des infirmières pour une prise en charge de qualité des patients (Département fédéral de l'économie (DFE), 2010; Imhof et al., 2010; Kérouac & Salette, 2011). De ce fait, un véritable mouvement de réflexion dans les milieux de soins, quant aux compétences requises pour relever ces défis auxquels sont confrontés les systèmes de santé et donc les infirmières, ont mené, entre autres, à la tertiarisation de la formation en soins infirmiers en Suisse. Ces filières d’études visent à préparer le personnel soignant à accomplir des tâches exigeantes, en obligeant l’infirmière à prendre appui sur un jugement clinique fondé sur des connaissances scientifiques. Une optimisation des compétences transférées dans la 12 pratique devrait renforcer significativement la qualité et la sécurité des soins prodigués (Département fédéral de l'économie (DFE), 2010; Kérouac & Salette, 2011). Le temps semble donc opportun d’examiner les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur. But de cette étude et questions de recherche Le but de cette étude est d’identifier le niveau de connaissances et attitudes des infirmières face à la douleur des patients hospitalisés en milieu de soins aigus2. Les questions de recherche spécifiques à ce travail sont : • Quel est le niveau de connaissances et attitudes des infirmières face à la douleur des patients hospitalisés en milieu de soins aigus ? • Est-ce que les caractéristiques démographiques des infirmières corrèlent leur niveau de connaissances et attitudes en lien avec la prise en charge de la douleur ? Après l’exposition de la problématique soulevée par la douleur ainsi que la présentation de l’objectif de l’étude et de la question de recherche, le prochain chapitre précise l’état actuel des connaissances en rapport avec ce sujet. 2 Ce travail se déroule conjointement à un autre travail de mémoire qui les deux visent globalement à identifier les obstacles et émettre des recommandations pour l’amélioration de la prise en charge et le confort des personnes vivant l’expérience de la douleur. Recension des écrits Afin de mieux comprendre le phénomène de la prise en charge de la douleur, ce chapitre présente l’état des connaissances sur le sujet. Il débute par une définition de la douleur, pour ensuite aborder des notions de physiologie de la douleur. Les obstacles à la prise en charge de la douleur sont ensuite abordés. Les connaissances et attitudes en lien avec la prise en charge de la douleur en général et chez les populations vulnérables, comme les personnes âgées et celles atteintes de cancer et en fin de vie, terminent ce chapitre. Définition de la douleur Ce concept possède une définition reconnue de tous, celle de l’International Association for the Study of Pain (International Association for the Study of Pain, 1994) qui présente la douleur comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en des termes évoquant une telle lésion » (Société Française d'Etude et de Traitement de la Douleur, 2011). Cette définition met en perspective des éléments importants comme la subjectivité du ressenti, permettant de comprendre l’aspect individuel de chaque expérience douloureuse. Elle aborde aussi l’aspect multidimensionnel de ce phénomène, ainsi que la dissociation de l’objectivation de l’origine douloureuse par rapport à son intensité, et son impact sur la qualité de vie de la personne. La douleur est donc plus qu’un stimulus délétère, et l’évaluation 15 multidimensionnelle de ce symptôme doit être réalisée afin de pouvoir comprendre au mieux le ressenti du patient (Watt-Watson & McGillion, 2010). La douleur fait également partie des diagnostics infirmiers, démontrant l’importance de sa prise en charge par les infirmières. Carpenito (1995) évoque une situation qui génère une sensation de malaise ou de souffrance intense, et propose des interventions dont le but est de chercher, avec la personne, des moyens de diminuer voire de supprimer cette douleur, y compris par l’administration d’antalgiques. Physiologie de la douleur La définition proposée a été rédigée sur la base de la théorie du portillon, ou gate control (Melzack & Wall, 1965). La douleur n’est pas qu’une expérience sensorielle, mais l’intégration de dimensions sensorielles, affectives et cognitives complexes (Watt-Watson & McGillion, 2010). Selon cette théorie, les informations nociceptives sont modulées dès leur entrée au niveau de la corne dorsale de la moelle (la zone du portillon). L'intégration médullaire des messages excitateurs et inhibiteurs s'achemine ensuite vers les cellules localisées concernées, ce qui génère une antalgie locale (Melzack & Wall, 1965). On sait aujourd’hui que d’autres zones du système nerveux périphérique et central entrent également en matière dans la modulation de la douleur, surtout lorsque celle-ci se prolonge, mais cette découverte initiale a permis de comprendre que la perception de la douleur, 16 tout comme la réponse au stimulus, est variable et non-prédictible à cause de ces mécanismes inhibiteurs. La douleur est faite de plusieurs composantes (Boccard & Deymier, 2006). La composante sensori-discriminative, qui correspond aux mécanismes neurophysiologiques et permet de donner des informations sur la localisation, l’intensité, la durée et la qualité du message douloureux. La composante affectivo-émotionnelle qui représente les facteurs liés à l’environnement qui vont influencer le vécu de l’expérience, et lui donner sa tonalité ainsi que son côté supportable ou non. Cet aspect émotionnel fait partie intégrante du phénomène et peut avoir un impact délétère sur l’individu par l’anxiété et la dépression que cela peut entraîner. La composante cognitive qui évoque les processus mentaux donnant du sens à une perception et capables de l’influencer (stratégies de diversion, anticipation, mémorisation). C’est dans cette composante qu’intervient la maîtrise du langage pour nommer le ressenti de l’expérience douloureuse et ainsi pouvoir la transmettre à autrui. Enfin, la composante comportementale intègre les manifestations verbales et non verbales du vécu douloureux, ainsi que les réponses végétatives et réflexes. L’origine d’une douleur peut être nociceptive, neuropathique ou mixte (Boccard & Deymier, 2006). Les douleurs par excès de nociception sont dues à des lésions tissulaires provoquant une libération de médiateurs inflammatoires qui, par stimulation des nocicepteurs, vont générer un message douloureux. Les douleurs neuropathiques sont, quant à elles, le fruit de lésions (pression, blessure, 17 dégénération) de structures nerveuses du système somato-sensoriel. Les douleurs mixtes sont causées par les deux lésions. La douleur est aussi classifiée par sa durée. On parle de douleur aiguë lorsqu’elle est ressentie durant une période inférieure à trois mois, et de douleur chronique lorsqu’elle s’étend au-delà de trois à six mois. Si la douleur aiguë a un rôle d’alarme pour l’organisme, la douleur chronique n’a pas de fonction protectrice physiologique (Boccard & Deymier, 2006; Spitz, 2002). Prise en charge de la douleur Comme explicité dans le chapitre précédent, les conséquences de la douleur non traitée ont des répercussions graves. Il est donc primordial que les professionnels de la santé s’attachent à y répondre de manière efficace, et d’autant plus les infirmières qui constituent le plus grand groupe professionnel dans le système de santé suisse (Imhof et al., 2010). Une prise en charge optimale de la douleur inclut le suivi de recommandations de prévention et de contrôle de la douleur délivrées dans les guidelines (Gordon et al., 2005; Wells et al., 2008). Afin d’assurer un soulagement adéquat de la douleur, les recommandations portent principalement sur la sécurité du patient, l’utilisation d’instruments valides pour l’évaluation de la douleur, l’antalgie multimodale ou balancée, l’usage sécuritaire des opiacés, et l’utilisation de thérapies non-médicamenteuses (Wells et al., 2008). Quality and Safety Education for Nurses propose des énoncés de connaissances, d’habiletés et d’attitudes pour le développement des compétences 18 infirmières, et notamment des concepts de gestion de la douleur (Cronenwett et al., 2007). Les variations complexes des besoins de santé de la population, la prévalence et l’importance de la chronicité, l’évolution rapide des connaissances scientifiques et technologiques, requièrent des compétences appropriées (Kérouac & Salette, 2011). La formation de base, le perfectionnement et la formation continue des professionnels de la santé doivent donc s’adapter en permanence aux exigences changeantes (Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) et al., 2004). Les infirmières détenant un grade universitaire participent à des bénéfices financiers, liés aux coûts médicaux et hospitaliers directs imputables à une diminution des erreurs, accidents, complications et mortalité, et des bénéfices indirects, comme par exemple une meilleure gestion de la douleur (Dall, Chen, Seifert, Maddox, & Hogan, 2009). Toutefois, des obstacles à une prise en charge optimale de la douleur ont été identifiés. Obstacles à la prise en charge de la douleur Les obstacles et barrières au soulagement de la douleur ont été classifiés en trois catégories : liés 1) au patient, 2) au système, et 3) aux soignants, et plus particulièrement à leurs connaissances et attitudes (Borneman et al., 2011). 19 Obstacles liés au patient Une étude descriptive (Van Niekerk & Martin, 2003) met en évidence le manque de relation entre les infirmières et le patient, limitant la connaissance qu’elles peuvent avoir de ses croyances, expériences antérieures et des conseils de l’entourage qui pourraient influencer la prise en charge de la douleur. Les infirmières signalent également comme obstacle le manque d’adhérence des patients aux traitements, qui peut être en lien avec la crainte des effets secondaires (Bell & Duffy, 2009) ou avec des représentations très fortes chez certains patients que la douleur est normale dans un processus de maladie, de vieillesse, ou en post-opératoire, et qu’il faut de ce fait la supporter (Herr et al., 2004). D’autres patients craignent encore de devenir dépendant aux opioïdes (Elcigil, Maltepe, Esrefgil, & Mutafoglu, 2011). Une étude révèle également la difficulté que les patients ont à rapporter leur douleur par peur d’être perçus comme plaintifs, voire pénibles, ou également par crainte de recevoir des médicaments (Fox et al., 2004). Les obstacles suivants sont également suggérés : les troubles du langage et sensoriels, les déficits cognitifs, les difficultés à comprendre et remplir les échelles d’évaluation, et le fait que les patients se plaignent parfois au médecin mais pas aux infirmières (Coker et al., 2010). Obstacles liés au système L’obstacle prioritaire est celui du ratio patients/infirmière trop important (Elcigil et al., 2011). En effet, le fait de devoir s’occuper de nombreux patients n’offre pas la même disponibilité aux infirmières qui pourraient avoir 20 tendance à éviter les patients douloureux, par manque de temps pour leur apporter du soulagement. Dans le même sens, les fréquentes perturbations que vit l’infirmière entre la demande du patient et le moment où elle va pouvoir poser son action de soins, empêchent un traitement rapide et efficace de la douleur du patient. Parfois les activités autres que le soulagement de la douleur sont perçues comme prioritaires (par exemple le suivi des pansements, des drains ou des signes vitaux en post-opératoire) (Rejeh, Ahmadi, Mohammadi, Kazemnejad, & Anoosheh, 2009). Les difficultés relationnelles entre les médecins et les infirmières représentent aussi un obstacle à la prise en charge optimale de la douleur. Il se caractérise par : le manque de présence et de disponibilité médicale (Manias et al., 2005), la réticence des médecins à prescrire des antalgiques suffisants par peur de dépendance ou d’autres effets secondaires, le manque de connaissances de ces derniers, leur évaluation inadéquate de la situation du patient (Elcigil et al., 2011), les difficultés de collaboration entre médecin et infirmière par manque de connaissance réciproque et le fait que le médecin ne connaisse pas le patient (Van Niekerk & Martin, 2003), ou encore le manque d’autonomie laissée aux infirmières (Rejeh et al., 2009). Enfin, si l’utilisation de médicaments utilisés en réserve est devenue familière, celle-ci est remise en question car des études démontrent que les pratiques dans le choix des doses et du temps entre les doses sont dépendantes de l’infirmière, et peuvent être relevées comme une source 21 d’obstacle possible à la prise en charge de la douleur (Gordon, Pellino, Higgins, Pasero, & Murphy-Ende, 2008). Obstacles liés aux soignants La raison la plus courante d’une prise en charge inappropriée et d’un soulagement non optimal de la douleur réside dans l’évaluation inadéquate de la douleur, ainsi que des connaissances insuffisantes et des attitudes diverses en lien avec la prise en charge de la douleur (Dihle, Bjolseth, & Helseth, 2006). Connaissances et attitudes en lien avec la prise en charge de la douleur Théories sur les connaissances et attitudes Des modèles de théories d’utilisation des connaissances développés au sein de la discipline infirmière sont inspirés de la théorie de « diffusion des innovations » (Rogers, 2003). La diffusion des connaissances y est décrite comme un processus en mouvement à partir de la connaissance et de la prise de conscience de l'innovation, et passant par une décision si l'utilisation de l'innovation devrait être maintenue ou pas, selon ses avantages et ses inconvénients. Les modèles infirmiers traitent des deux composantes du processus d'utilisation de la connaissance: a) les connaissances les plus adaptées, b) la façon d'acquérir ses connaissances dans l’usage courant (Rutledge & Bookbinder, 2002) ou dans le milieu de pratique des soins en termes de savoir-faire (Benner, 1984). Les connaissances, ainsi que les compétences, ne sont pas seulement influencées par la qualité de la 22 formation en termes de théories de référence, mais également par la culture de l’environnement, le vécu de l’infirmière, ses valeurs personnelles, croyances et attitudes en milieu professionnel qui vont influer ses théories d’usage (Argyris & Schön, 1999). Les connaissances sont associées à l’un des éléments des attitudes. En effet, selon Secord et Backman (1964), les attitudes ont trois composantes : 1) cognitive, et qui se rapporte donc à la connaissance, 2) affective, et 3) comportementale. Une attitude est définie comme « une organisation relativement durable de croyances autour d'un objet ou d'une situation prédisposant une personne à réagir d'une certaine manière préférentielle » [traduction libre] (Rokeach, 1968, p. 112). Les attitudes influencent les comportements ; le comportement d’une personne serait déterminé par son intention à l’adopter. Cette intention serait donc déterminée par l’attitude de la personne et par ses normes subjectives relatives au comportement en question, décrites comme étant la perception de l’individu sur le fait que la plupart des personnes qui sont importantes pour lui, sont d’avis qu’il devrait ou ne devrait pas effectuer ledit comportement. Il s’agit là de la théorie de l’action raisonnée (Fishbein & Ajzen, 1975), qui sera plus tard améliorée en théorie du comportement planifié, ajoutant le facteur de l’auto-efficacité (concept proche de celui développé par Bandura en 1977) et des croyances sur la capacité du sujet à réussir le comportement pour décider d’accomplir ledit comportement (Ajzen, 1991). 23 De l’articulation entre connaissances et attitudes développée cidessus, il est donc possible de conclure que connaissances et attitudes sont liées. Les attitudes influencent les connaissances, et les connaissances composent en partie les attitudes. Il est donc judicieux de les traiter comme une dimension unique. Ainsi, on retrouve cette notion dans un des instruments le plus utilisé dans les soins infirmiers pour mesurer les connaissances et attitudes, le Nurses’ Knowledge and Attitudes Survey Regarding Pain (N-KASRP) développé en 1987 et qui a subi depuis de nombreuses révisions (Ferrell & McCaffery, 2012). Ses auteures ont trouvé qu’il est plus utile de ne pas distinguer les mesures des connaissances et des attitudes, mais de les considérer comme une dimension unique. Les auteurs du questionnaire utilisé dans la présente étude rejoignent cette position, élément confirmé par la validité de construit des données psychométriques de l’outil (Zanolin et al., 2007). Cependant, certains chercheurs ont séparé ces deux dimensions dans leurs travaux, n’en investiguant prioritairement qu’une seule, soit les connaissances (Wilson, 2007; Yu & Petrini, 2007), soit les attitudes (Bell & Duffy, 2009; Layman Young, Horton, & Davidhizar, 2006; Niemi-Murola et al., 2007), ou les deux distinctement (Xue, Schulman-Green, Czaplinski, Harris, & McCorkle, 2007). Ces études seront présentées plus loin dans ce chapitre. Ainsi, un manque de connaissances peut provoquer des croyances et des attitudes négatives dans la prise en charge de la douleur chez les infirmières (Edwards et al., 2001). 24 Interprétation des questionnaires sur les connaissances et attitudes Les auteurs ne s’accordent pas sur le taux attendu de réponses correctes aux questionnaires sur les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur. Cependant, un seuil d’un score moyen de réponses correctes de 80% est recommandé de manière arbitraire pour assurer un minimum requis de connaissances nécessaires à une prise en charge de la douleur de qualité (McCaffery & Robinson, 2002). Ces derniers auteurs l’argumentent par le fait que les informations contenues dans les 15 énoncés du questionnaire, sont à leurs yeux nécessaires pour fournir des soins sécuritaires et efficaces aux patients souffrant de douleur. Donc, si une infirmière échoue à plus que trois questions, sa capacité à s'occuper d'un patient souffrant de douleurs serait compromise. Ce seuil minimal de connaissances à atteindre est discuté par d’autres auteurs (Matthews & Malcolm, 2007) qui suggèrent qu’un score supérieur à 70% serait suffisant pour indiquer un niveau de connaissances haut. Pour d’autres ce seuil se situerait entre 75% et 80% (Gregory & Haigh, 2008). Etudes sur les connaissances et attitudes La stratégie de recherche bibliographique a été réalisée sur les bases de données suivantes : PubMed, CINAHL (Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature), Cochrane, JBI (Joanna Briggs Institute), et Trip Database. Les mots-clés et descripteurs utilisés sont pour la population : Nurse, Nurses, Nursing, Nursing Assessment ; pour le phénomène d’intérêt : 25 Pain, Acute Pain, Pain, Postoperative, Pain Perception, Pain Assessment, Pain Measurement, Pain Measurement/nursing, Pain Management, Analgesia, Analgesia/nursing, Analgesics/therapeutic use, Treatment Related Pain, PRN, Pro re nata ; et pour le résultat (outcome) : Knowledge, Nursing Knowledge, Nurse Attitudes, Attitude of Health Personnel, Health Knowledge, Attitudes, Practice, Barriers. La recherche documentaire a été effectuée pour les articles publiés depuis janvier 2005. Les articles concernant la néonatologie, la pédiatrie, les soins intensifs, les urgences et les soins de longue durée ont été exclus car ils ne correspondaient pas à la population étudiée. Les articles publiés en anglais et en français ont été retenus. Le système de cross-referencing a servi pour compléter la recension. Une revue systématique examinant les obstacles à une prise en charge adéquate de la douleur cancéreuse soutient que les connaissances insuffisantes des infirmières et des médecins représentent l’un des obstacles les plus fréquents à une prise en charge adéquate de la douleur (Oldenmenger, Sillevis Smitt, van Dooren, Stoter, & van der Rijt, 2009). Ces derniers relèvent également une évaluation et une gestion inadéquate de la douleur, avec entre 34% et 86% des professionnels qui surestiment le risque de dépendance ou de tolérance aux opiacés. Une autre revue systématique examinant l’efficacité des interventions infirmières pour atténuer la douleur post-opératoire relève que les lacunes dans la prise en charge de la douleur sont le résultat d’un manque de 26 connaissances ou de formation, et que les attitudes et les connaissances des infirmières détiennent toujours une part de mythes et de désinformation, sans donner plus de précisions (Crowe et al., 2008). Les connaissances et les attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur ont été investiguées dans diverses spécialités et sont non optimales. Parmi les études menées en Europe, une étude prospective comparative avec deux échantillons dans un centre orthopédique en Irlande a utilisé une version modifiée du N-KASRP. Un groupe a bénéficié d’une formation sur les connaissances et compétences en gestion de la douleur de deux heures au sujet de l’évaluation de la douleur et des différents modes d’administration des antalgiques, suivie d’une évaluation des compétences à l’aide d’un manuel. Le score total moyen de réponses correctes est de 75% pour le groupe intervention (65 infirmières) et 72,6% pour le groupe contrôle (48 infirmières, p > 0,05) (Matthews & Malcolm, 2007). Un sévère déficit de connaissances et attitudes concerne les questions relatives aux interventions non-pharmacologiques (31% de réponses correctes), la voie d’administration des opioïdes dans la douleur chronique (39,8%), et la surestimation de la douleur par les patients (17%). Une étude interventionnelle transversale a été menée dans les unités de soins aigus médicaux, chirurgicaux et d’urgence d’un hôpital universitaire suédois, avec implémentation d’un programme d’amélioration de la qualité de la gestion de la douleur. Parmi les 101 infirmières ayant participé au programme, 77,4% estiment avoir un sentiment de connaissances adéquates 27 concernant la gestion de la douleur, contre 31,9% des 86 infirmières du groupe contrôle, avec une différence statistiquement significative (p < 0,001) (Hansson, Fridlund, & Hallström, 2006). L’intervention consistait à la mise en place d’une politique de prise en charge de la douleur incluant des évaluations régulières de la douleur auprès des patients, d’une formation discutant d’études de cas, ainsi que du développement d’un site internet de support. L’utilisation d’une échelle d'évaluation de la douleur pour évaluer le patient était de 16,7% dans le groupe contrôle et 28,8% dans le groupe intervention, avec une différence statistiquement significative (p = 0,011). Cette démarche n’a pas eu d’influence sur la douleur des patients, avec une prévalence de 54% dans le groupe intervention et 55% dans le groupe contrôle, et une intensité médiane de la douleur perçue par les patients à 4,0 sur 10 (IQ = 4) dans le groupe intervention et 4,5 (IQ = 4,5) dans le groupe contrôle, mais sans différence statistiquement significative (p = 0,692). Une étude descriptive transversale pré- et post-intervention a examiné l’influence d’un programme de formation sur la douleur auprès de 19 (préintervention) et 22 infirmières (post-intervention) dans le service de chirurgie urologique d’un hôpital universitaire suédois, à l’aide d’un questionnaire développé en regard des recommandations de l’American Pain Society (Gordon et al., 2005). L’intervention incluait une formation sur la physiologie de la douleur, la pharmacologie, l'évaluation de la douleur et sa documentation, antalgiques. et L’étude certains modes rapporte que spécifiques les d’administration infirmières possèdent des des 28 connaissances théoriques sur la prise en charge de la douleur, même si celles-ci ne seront pas nécessairement implémentées avec succès dans la pratique clinique, et que les infirmières semblent souvent s’appuyer sur des jugements personnels de la douleur des patients plutôt que d'utiliser un outil d'évaluation, sans donner plus de précisions sur le niveau de connaissances et attitudes (Wickström Ene, Nordberg, Bergh, Johansson, & Sjostrom, 2008). Une enquête descriptive transversale, faite en Italie dans 20 hôpitaux, auprès de 3457 infirmières et 1348 médecins, a démontré un niveau de connaissances et attitudes bas (mesuré à l’aide du questionnaire Pain Knowledge and Attitudes (PAK)), avec un score moyen de réponses correctes de 37,2% pour les infirmières et 47,7% pour les médecins (Zanolin et al., 2007). Ce score une fois standardisé s’élève à 51,3% pour les infirmières et 56,5% pour les médecins. La version initiale du PAK contenant 21 questions, utilisée par ses auteurs en Italie, rapporte un score moyen de 47,6% de réponses correctes pour les infirmières et 57,3% pour les médecins. Il est à noter que cette version du questionnaire n’a pas été validée, les résultats doivent donc être interprétés avec prudence. Les plus mauvais scores sont attribués aux connaissances en lien avec l’interprétation erronée de l’effet placebo (24,3%), et aux deux questions sur les croyances concernant le danger d’addiction aux opioïdes respectivement, infirmières et médecins confondus). (25% et 30,2% 29 Une étude descriptive dans les services de chirurgie orthopédique et générale d’un hôpital de soins aigus britannique a examiné les connaissances et attitudes auprès de 49 infirmières et 33 médecins, avec une version abrégée du KASRP. Un score moyen de réponses correctes de 73% pour les infirmières et 69% pour les médecins a été obtenu au test de connaissances (Coulling, 2005). Des scores de connaissances et attitudes bas ont été enregistrés au sujet de jugements concernant l’auto-évaluation de la douleur par le patient (5% de réponses correctes), des dosages de morphine (45%) et de la dépression respiratoire comme effet indésirable (48%). Dans l’échantillon de cette dernière étude, les auteurs rapportent que les infirmières ont une plus grande fréquentation des formations continues sur la douleur que les médecins sans donner d’autres précisions. Une étude descriptive dans quatre unités chirurgicales d’un hôpital universitaire finlandais, auprès de 63 infirmières et utilisant un questionnaire auto-construit par deux des auteurs sur les attitudes en lien avec la prise en charge de la douleur, rapporte une moyenne de 3,52 (ET = 0,72) sur une échelle de Likert en cinq points, au sujet de la confiance qu’elles accordent à l’estimation de sa douleur par le patient lui-même (Niemi-Murola et al., 2007). Une étude descriptive qualitative, dans des unités chirurgicales de deux hôpitaux suédois auprès de neuf infirmières, comportant des séquences d’observations semi-structurées des interventions infirmières suivies par des entretiens herméneutiques de leurs réflexions, décrit un fossé entre ce qui est dit et ce qui est fait (Dihle et al., 2006). Les résultats 30 montrent un transfert inadapté dans l’action de connaissances superficielles, inadéquates ou non intégrées et sans réflexivité. Sur le continent américain, les connaissances et attitudes des infirmières ont été investiguées dans une étude descriptive dans 10 unités médico-chirurgicales d’un hôpital métropolitain aux Etats-Unis, auprès de 129 infirmières, avec une version modifiée du N-KASRP. Les résultats démontrent une proportion de 25,9 réponses correctes sur 32 (Al-Shaer et al., 2011). A fin de comparaison avec les autres études présentées ici, ce résultat correspond à une moyenne de 80,9% de réponse correctes. Les lacunes en lien avec les connaissances et attitudes concernent les interventions pharmacologiques (jusqu’à 76% de réponses incorrectes), et seulement 10% de réponses correctes à une question faisant référence aux patients qui surestiment leur douleur, bien que 100% des infirmières considèrent l’auto-évaluation du patient comme l’indicateur le plus fiable de la douleur. On trouve une différence significative des connaissances et attitudes entre les infirmières ayant plus de 16 années de pratique au sein de la même unité (M = 27,2, ET = 2,3) et celles en ayant entre une et cinq (M = 25,0, ET = 2,5, p = 0,012), mais pas de différence significative concernant le niveau de formation bachelor (M = 26,4, ET = 2,6), diplôme (M = 26,0, ET = 1,7), ou degré associé (associate degree, M = 25,7, ET = 2,5, p > 0,05). Au Canada, une étude descriptive conduite dans un hôpital tertiaire urbain auprès de 324 infirmières a démontré un score moyen de réponses correctes de 79% d’une version abrégée du questionnaire KASRP 31 (Lewthwaite et al., 2011). La majorité des participantes (95%) désiraient en apprendre d’avantage sur la gestion de la douleur. Les moins bonnes réponses concernaient les questions de pharmacologie. Les auteurs rapportent des scores statistiquement plus élevés chez les infirmières de niveau bachelor et master que chez celles qui ont un niveau de diplôme (p < 0,001), sans donner de valeurs plus détaillées. Les infirmières avec cinq ans d’expérience ou moins obtiennent un score médian significativement plus élevé que les infirmières de 6 à 15 ans ou plus de 25 années d’expérience (p < 0,02). En l’absence de précisions, l’interprétation de ces résultats doit se faire avec prudence. Dans une étude d’assurance qualité investiguant les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur, réalisée dans le service de chirurgie générale d’un hôpital universitaire de l’Ohio aux USA, 23 infirmières ont obtenu un score moyen de réponses correctes de 69,4% en répondant à une version modifiée du KASRP (Tapp & Kropp, 2005). Un besoin de formation au sujet de la pharmacologie des antalgiques a été identifié (7,6 questions sur 15 répondues correctement concernant les traitements pharmacologiques, ce qui représente un pourcentage de réponses correctes de 50,7). Une étude dans deux hôpitaux aux Etats-Unis, l’un centre médical académique et l’autre multisite chirurgical, utilisant un questionnaire autoconstruit par les investigateurs et basé sur des vignettes pour examiner les opinions de 602 infirmières sur leurs pratiques d'administration des 32 antalgiques, relève un score moyen total de 3,64 sur 6 (ET = 1,11) (Gordon et al., 2008). A fin de comparaison avec les autres études présentées, ce résultat correspond à un score moyen total de 60,7% de réponse correctes. Des variétés d’intentions de pratique sont observées dans l’administration des opioïdes où on retrouve 21% d’infirmières qui donneraient moins que la dose d’opioïde prescrite chez un patient qui ne présente pas d’effets secondaires, et ceci sans contacter le médecin. Les réponses aux vignettes utilisées dans le KASRP permettent d’ailleurs de conclure que beaucoup de douleurs de patients demeurent sous-traitées, et que l'une des causes est la mauvaise compréhension des infirmières des doses d'opioïdes sûres et efficaces (McCaffery, Pasero, & Ferrell, 2007). Les auteurs rapportent qu’il n’y a pas de différence significative des scores de connaissances et attitudes selon les années de pratique, le suivi de formation continue sur la douleur, ou le niveau de formation, même si les infirmières de niveau master ont tendance à obtenir un score plus élevé, sans donner plus de détails (Gordon et al., 2008). Une étude qualitative sur les attitudes et croyances des infirmières en lien avec l’évaluation et la gestion de la douleur auprès de 52 infirmières dans un hôpital communautaire aux Etats-Unis, à l’aide de questions ouvertes conçues pour l’enquête, décrit les attitudes négatives à l’égard des instruments d’évaluation de la douleur comme une barrière (Layman Young et al., 2006). Les années d’expérience ne sont pas liées à des attitudes plus positives entre les infirmières de moins de cinq années de pratique (M = 6,3), 33 5 à 10 ans (M = 11,7), et plus de 10 ans de pratique (M = 8,2). Par contre, les heures de formation continue ont un effet bénéfique sur les scores des attitudes et croyances entre les infirmières ayant suivi de 1 à 3 heures de formation continue (M = 7), de 5 à 10 heures (M = 7), et plus de 10 heures de formation continue (M = 9) dans les deux années précédentes. En Asie, une étude quasi-expérimentale randomisée utilisant une version chinoise du questionnaire N-KASRP, avec 105 infirmières dans le groupe intervention et 82 infirmières dans le groupe contrôle, dans des unités de chirurgie, de médecine, et d’oncologie de deux hôpitaux chinois, rapporte un score moyen de réponses correctes de respectivement 40,2% dans le groupe intervention et 39% dans le groupe contrôle (p = 0,389) avant l’intervention. Les connaissances et attitudes se sont améliorées de manière significative un mois après l’intervention entre le groupe expérimental (67%) et le groupe contrôle (36,6%, p < 0,001). A trois mois post-intervention, les scores ont augmenté à 90,1% dans le groupe intervention et 38,3% dans le groupe contrôle (p < 0,001) (Zhang et al., 2008). L’intervention consistait en un programme de formation sur la douleur de trois heures reprenant des connaissances de base sur la douleur, les tendances actuelles en matière de prise en charge de la douleur, l'évaluation de la douleur, et les interventions pharmacologiques et non pharmacologiques, ainsi qu’une démonstration clinique afin d’implémenter une évaluation quotidienne de la douleur chez les patients. 34 Une étude descriptive transversale dans les unités de médecine d’un hôpital public à Hong-Kong décrit que le score moyen de réponses correctes au questionnaire N-KASRP dans sa version chinoise (Tse & Chan, 2004) auprès de 143 infirmières est de 47,7% (Lui, So, & Fong, 2008). Des connaissances faibles concernent les interventions pharmacologiques (30,8% et 32,4% de réponses correctes) et non-pharmacologique (25,2%), et 71,3% des infirmières qui estiment que le juge le plus exact de l’intensité de la douleur est le patient lui-même, alors que seulement 1,4% d’entre elles pensent qu’aucun patient ne surestime sa douleur. Les années de pratique ont un effet sur les scores qui sont plus élevés (effet estimé β = 0,750, IC 95% [0,224, 1,276], p = 0,006). Au Moyen-Orient, une enquête descriptive a été conduite dans deux services chirurgicaux d’un hôpital universitaire jordanien auprès de 65 infirmières, utilisant la version initiale du PAK de 21 questions (non validé), avant et après l’implémentation d’un programme de gestion de la douleur postopératoire. Le programme consistait en des interventions ciblées sur l’évaluation, le traitement et la documentation de la douleur auprès des infirmières, à l’aide de jeux de rôle, de présentations méthodologiques de cas et leur analyse, d’un guide de poche sur la prise en charge de la douleur postopératoire, et d’un compact disc contenant une sélection d’articles de recherches récents et d’informations. Les infirmières étaient invitées à implémenter dans la pratique ce qu’elles avaient appris durant leur formation et à utiliser des échelles numériques fournies pour évaluer la douleur de 35 leurs patients. Des assistants de recherche formés étaient présents régulièrement pendant les horaires pour assurer un suivi et répondre aux questions. Les résultats de cette étude ont démontré une amélioration significative des connaissances et attitudes après l’intervention, avec un score moyen de réponses correctes de 45,7% et 75% (p < 0,05) en pré- et post-intervention respectivement (Abdalrahim, Majali, Stomberg, & Bergbom, 2011). Les questions relatives à l’usage des antalgiques pro re nata (en réserve) (15,4%), l’auto-évaluation du patient (16,9%), l’addiction aux opioïdes (18,5%) et leurs effets secondaires (21,5%) démontrent les moins bons scores de réponses correctes en pré-intervention, cependant avec des scores en amélioration en post-intervention pour ces quatre questions (dans le même ordre : 56,9%, 69,2%, 75,4% et 64,6% respectivement, p < 0,05). Il n’y a pas de différence significative des scores en fonction du niveau de formation en pré- et en post-intervention (χ² = 0,03, p = 0,85 et χ² = 1,16, p = 0,34 respectivement) et des années de pratique (χ² = 2,66, p = 0,75 et χ² = 8,33, p = 0,14 respectivement). Particularités chez la personne âgée. Les personnes âgées (≥ 65 ans) représentent jusqu’à deux tiers des patients hospitalisés dans les pays développés (Prowse, 2007). Une revue de littérature de la douleur postopératoire chez la personne âgée conclut à une déficience de la formation des professionnels de la santé au sujet de la douleur des patients âgés. 36 En Europe, une étude descriptive dans un service de médecine aiguë d’un hôpital général de district britannique auprès de professionnels de la santé prenant en charge des personnes âgées dont 42 infirmières et six médecins, a utilisé une version modifiée du questionnaire KASRP. Un score moyen de 72,6% de réponses correctes est rapporté pour les infirmières et 82,5% pour les médecins (Gregory & Haigh, 2008). Certaines méconnaissances en pharmacologie sont relevées, avec 38% de réponses correctes à une question d’action des anti-inflammatoires non stéroïdiens pour les infirmières, et 33% pour les médecins. En Asie, une étude descriptive sur les connaissances auprès de 621 infirmières de trois hôpitaux urbains chinois, utilisant le questionnaire Pain in the Elderly (Sloman, Ahern, Wright, & Brown, 2001) décrit un score moyen de réponses correctes de 41,2% (Yu & Petrini, 2007). On retrouve des scores bas aux questions concernent l’utilisation des antalgiques (13,5% de réponses correctes), les effets secondaires dépresseurs respiratoires des opiacés (12,9%) et le risque d’addiction (11%). Une différence significative a été trouvée en fonction des années d’expérience (p < 0,05). Particularités en oncologie. Beaucoup de patients souffrant de cancer ne sont pas systématiquement hospitalisés dans des services spécialisés en oncologie, et se retrouvent dans des services de médecine générale ou de chirurgie après une intervention spécifique en lien avec leur cancer. Néanmoins, la 37 douleur expérimentée par les personnes atteintes de cancer est spécifique et nécessite des connaissances adaptées. La section suivante décrit les études qui concernent cette population. Parmi les études menées en Europe, une étude descriptive et inférentielle britannique avec deux groupes de 37 infirmières expertes (avec un minimum de trois ans d’expérience) généralistes de santé publique et 35 infirmières expertes spécialistes en soins palliatifs et oncologie, utilisant une version révisée du questionnaire KASRP (Hamilton & Edgar, 1992) démontre une différence statistiquement significative sur le score total moyen de réponses correctes concernant les connaissances de 79,4% pour les infirmières spécialistes, et de 64,9% pour les infirmières généralistes (p = 0,01) (Wilson, 2007). Les divergences se concentrent principalement sur les connaissances de base en relation avec les aspects de physiologie et de pharmacologie dans la prise en charge de la douleur, sans donner plus de détails. Il n’y a pas de relation entre les années d’expérience et les scores chez les infirmières spécialistes (rho de Spearman = 0,491, p non significatif), contrairement aux infirmières généralistes (rho de Spearman = 0,578, p = 0,01). Une étude descriptive nationale dans 21 unités d’oncologie de différents hôpitaux en Italie auprès de 287 infirmières d’oncologie, utilisant une version traduite en italien du questionnaire N-KASRP, décrit un score moyen de réponses correctes de 55% (ET 25,9) (Bernardi, Catania, Lambert, Tridello, & Luzzani, 2007). Les auteurs rapportent que plus de 50% des 38 infirmières sous-estiment la douleur du patient et ne la traiteraient pas correctement. Une auto-évaluation de leurs connaissances en lien avec la prise en charge de la douleur est rapportée comme erronée. Une différence significative est observée chez les infirmières ayant suivi un seul cours de formation continue (Mdn = 21 sur 39), deux à trois cours (Mdn = 23), et plus de trois cours (Mdn = 29, p = 0,004) sur la gestion de la douleur. Sur le continent américain, une étude à groupe unique pré- et postintervention a été menée auprès de 42 infirmières de services d’oncologie médicale et chirurgicale d’un institut national du cancer aux Etats-Unis, comprenant un feedback individuel des infirmières concernant leurs performances en lien avec la douleur et des études de cas supervisées et à l’aide de guidelines. Utilisant une version antérieure du N-KASRP, un score moyen de réponse correctes de 71,1% (ET = 15,1) est rapporté dans la phase pré-intervention, augmenté à 76,2% (ET = 12,6) en post-intervention, avec une différence statistiquement significative (p = 0,001) (Smith Idell, Grant, & Kirk, 2007). Un changement dans les habitudes de pratique concernant la réévaluation post-intervention a été noté. En pré- et postintervention, les infirmières obtiennent des scores en amélioration avec l’augmentation du nombre d’années de pratique entre 1 à 6 ans (70% et 73% respectivement), 7 à 14 (71% et 77% respectivement), et 15 à 25 ans d’expérience (79% et 80% respectivement), sauf pour la tranche de 26 à 41 années d’expérience (62% et 69% respectivement). Cependant, c’est les infirmières de cette dernière catégorie d’années d’expérience qui réalisent la 39 meilleure amélioration post-intervention avec une augmentation de 7%. Les scores pré- et post-intervention sont également différents selon le niveau de formation diplôme (56% et 57% respectivement), grade associé (71% et 74% respectivement), et bachelor (72% et 79% respectivement). Une étude descriptive dans un hôpital universitaire urbain des EtatsUnis, auprès de 26 infirmières d’oncologie médicale et 24 infirmières d’oncologie gynécologique, utilisant le questionnaire Cancer Pain Role Model Program of the Wisconsin Pain Initiative (Weissman, Dahl, & Beasley, 1993) dissociant les attitudes et les connaissances dans son analyse mais dont les données psychométriques n’ont pas été étudiées, rapporte des attitudes généralement positives en lien avec la gestion de la douleur. Un score moyen de réponses correctes concernant les connaissances de presque 60% est décrit chez les infirmières d’oncologie médicale, et respectivement d’environ 50% chez les infirmières d’oncologie gynécologique (Xue et al., 2007). Des besoins d’amélioration en connaissances pharmacologiques, notamment concernant les incidences d’addiction aux opiacés dans la douleur sévère (13% de réponses correctes) et les thérapies médicamenteuses en réponse à la douleur cancéreuse sévère et chronique (12%) ont été identifiés. En Asie, une étude descriptive auprès de 68 infirmières d’oncologie et d’hématologie d’un hôpital universitaire turc, utilisant une version modifiée traduite en turc du questionnaire N-KASRP, rapporte un score moyen de réponses correctes de 35,4% (Yildirim, Cicek, & Uyar, 2008). Un 40 pourcentage plus élevé de réponses incorrectes concerne les questions sur l’effet placebo (8,8% de réponses correctes), la voie d’administration recommandée pour la douleur prolongée (5,9%), la surestimation de la douleur (2,9%), les risques d’addiction aux opioïdes (8,8%), et un manque de capacités d'analyse et d'intégration dans la prise de décisions cliniques en lien avec la prise en charge de la douleur (10,3%). Il n’y a pas de différence significative des scores en fonction du niveau de formation (p = 0,55) et des années de pratique totale (p = 0,70), mais une différence est observée en corrélation avec les années d’expérience au sein du service d’oncologie (ρ = 0,263, p < 0,05). Une étude descriptive multicentrique a été menée auprès de 927 infirmières dans sept hôpitaux universitaires coréens tous services confondus, par l’intermédiaire d’un questionnaire conçu par les auteurs d’après d’autres questionnaires trouvés dans la littérature, dont le N-KASRP. La peur d’addiction du patient aux opioïdes de la part des infirmières représente l’obstacle le plus important dans une prise en charge efficace de la douleur cancéreuse, et seulement 27,4% des infirmières recommandent une dose maximale d’opiacés chaque fois que cela est nécessaire. La politique asiatique contre l’abus historique et culturel d’opium, le manque de formation continue sur la douleur et le développement tardif des soins palliatifs en Corée y sont liés (Chang et al., 2005). 41 Particularités en situation de fin de vie. Une étude descriptive multidisciplinaire relève les connaissances de 381 professionnels de la santé d’un centre médical académique californien, dont 250 infirmières et 64 médecins, concernant les connaissances et attitudes comme obstacles dans la prise en soins des patients en fin de vie. Un questionnaire développé par les auteurs autour de scénarios cliniques et en lien avec la politique institutionnelle de prise en charge de la douleur réfractaire rapporte une moyenne de réponses correctes de 5,1 sur 7 pour les infirmières (72,9% à fin de comparaison) et 5,6 sur 7 pour les médecins (80%, p = 0.025 pour la différence entre les infirmières et les médecins) au sujet des connaissances en lien avec l’administration non restrictive d’opiacés pour soulager la douleur et la souffrance en fin de vie (Cohen Fineberg, Wenger, & Brown-Saltzman, 2006). Les auteurs concluent à un manque de connaissances et également une préoccupation concernant les attitudes sur le sujet. Le Tableau 1 présente un récapitulatif des études et reporte les taux de réponses correctes aux questionnaires concernant les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur. 42 Tableau 1 Récapitulatif des études reportant les taux de réponses correctes concernant les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur Questionnaires Auteurs, Année N-KARSP1 Al-Shaer et al., 2011 1 Wilson, 2007 Taux de réussite recommandé : 80% Lewthwaite et al., 2011 Matthews & Malcolm, 2007 Coulling, 2005 Gregory & Haigh, 2008 Europe Pays GrandeBretagne % de réponses correctes Irlande 73,8% GrandeBretagne GrandeBretagne 73,0% PAK-10 énoncés PAK-21 énoncés Autres questionnaires Xue et al., 2007 Yu & Petrini, 2007 Italie Canada 79,0% EtatsUnis EtatsUnis 71,1% 72,6% Tapp & Kropp, 2005 Italie Asie & Moyen-Orient Pays % de réponses correctes 79,4% inf. onco. 64,9% inf. gén. Smith Idell et al., 2007 Bernardi et al., 2007 Lui et al., 2008 Zhang et al., 2008 Yildirim et al., 2008 Zanolin et al., 2007 Abdalrahim et al., 2011 Cohen Fineberg et al., 2006 Gordon et al., 2008 Amérique du Nord Pays % de réponses correctes Etats80,9% Unis 69,4% 55,0% Chine Chine Turquie 47,7% 40,2% 35,4% Jordanie 45,7% Chine 41,2% 37,2% EtatsUnis EtatsUnis EtatsUnis 72,9% 60,7% 60,0% onco. méd. 50,0% onco. gynéco. 43 De l’exposé précédent des études recensées, il ressort globalement que les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur reflètent des connaissances insuffisantes des infirmières. Les lacunes concernent l’auto-évaluation du patient comme indicateur le plus fiable, la pharmacologie des opiacés, leurs effets secondaires et le risque d'addiction. Des différences culturelles et de formation semblent exister entre les pays anglo-saxons et scandinaves, et la partie plus orientale ou moyen-orientale du globe. En Europe, cette nuance paraît s’exprimer entre le nord et l’Italie. L’hétérogénéité des études utilisant différents instruments de mesure, avec des formations souvent non-explicitées, ainsi que des niveaux de connaissances pré-interventions disparates rendent les comparaisons difficiles. L’influence des données démographiques concernant le niveau de formation, le suivi de formation continue sur la douleur, et les années d’expérience totales ou dans le service, sur le niveau de connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur varient d’une étude à l’autre, avec des différences qui ne sont pas toujours significatives. Ce chapitre a présenté l’état des connaissances actuelles sur la douleur et sa physiologie, tout en permettant l’identification d’obstacles qui nuisent à sa prise en charge optimale. Plus particulièrement, ces obstacles ont été abordés par l’angle des connaissances et attitudes. Dans le chapitre 44 suivant, le cadre théorique utilisé dans la présente étude sera détaillé et ancré dans la discipline infirmière. Assises théoriques Ce chapitre présente les perspectives théoriques servant de fondements à l’étude. Le choix du modèle de Craig (Schiavenato & Craig, 2010) est justifié, tout en expliquant le modèle. Des liens entre le modèle et cette étude sur les connaissances et attitudes lors de la prise en charge de la douleur sont également tissés. Identification d’une théorie en lien avec le phénomène d’intérêt Caractérisé comme « évaluation de la douleur en tant que transaction » [traduction libre], le modèle conceptuel de Craig (2009; Schiavenato & Craig, 2010) éclaire la notion de douleur et son évaluation comme une transaction sociale (voir Figure 1). Il conceptualise le processus complexe soutenant l’échange social entre le patient et le clinicien, prenant en compte les facteurs qui contribuent à l’évaluation de la douleur, autant du point de vue du patient que de celui des infirmières. Le modèle a évolué depuis 2009, et il a été utilisé dans diverses études. 47 Connaissances et attitudes Figure 1. [L’évaluation de la douleur en tant que transaction]. Tiré de «Pain assessment as a social transaction. Beyond the ″gold standard″» de M. Schiavenato et K. D. Craig, 2010, Clinical Journal of Pain, 26(8), p. 672. © 2010 Lippincott Williams & Wilkins, Inc. 48 Ce modèle a été retenu car son utilisation est commune à un autre mémoire de master qui vise à investiguer les obstacles perçus par les infirmières dans la prise en charge de la douleur (Teike Lüthi, 2013). Un modèle théorique comme celui de la théorie de diffusion des innovations de Rogers (2003) ou de la théorie du comportement planifié de Ajzen (1991) cités dans le chapitre de la recension des écrits n’ont pas été retenus, car plus centrés sur les connaissances ou les attitudes, et donc moins transférables à la notion d’obstacles, dont les plus représentatifs chez le soignant sont les connaissances et attitudes investiguées dans la présente étude. De plus, il a l’avantage d’inclure non seulement le soignant mais aussi le patient dans sa représentation. Description de la théorie choisie Le modèle (Schiavenato & Craig, 2010) se compose de six étapes linéaires: • le stimulus douloureux, ou dommage tissulaire, • l’expérience de la douleur et sa signification pour le patient, • l’expression de la douleur du patient, • l’évaluation de la douleur par le clinicien, • le discernement ou jugement, et sa signification pour le clinicien, • l’intervention par le clinicien, ou la prise en charge de la douleur par le soignant. 49 Les facteurs liés au contexte personnel et social du patient et du soignant influencent la transaction sociale de la douleur. Ceux-ci englobent les déterminants biologiques, socioculturels, développementaux et psychologiques du patient et du soignant. De plus, il est nécessaire d’ajouter les facteurs contributifs liés au soignant (Schiavenato & Craig, 2010), qui incluent l’expérience et l’empathie d’une part, et d’autre part les facteurs contextuels et situationnels. L’expérience et l’empathie sont intiment liés aux connaissances et attitudes des soignants face à la douleur, variable dépendante principale de la présente étude. Les facteurs contextuels et situationnels sont quant à eux liés aux autres obstacles. Ces facteurs interviennent à chaque niveau des cinq dernières étapes du modèle, soit l’expérience et l’expression de la douleur du patient, et l’évaluation, le jugement clinique et l’intervention par le clinicien. Entre ces cinq dernières étapes, on trouve les intervening steps, qui montrent les produits possibles du processus, le long d'un gradient de niveaux variables d'activité. Ainsi le produit de l’expérience se situe le long d'un continuum de production verbale et non verbale, liée aux différents facteurs cliniques et biophysiologiques du patient. Le produit de l'expression douloureuse par le patient est la manifestation (display), qui va de la suppression à l’exagération, avec un niveau médian approprié, et qui marque l'interface entre le patient et le clinicien. Dans le modèle, la confiance et la surveillance (scrutiny) délimitent cette frontière. Le produit de l’évaluation de la douleur par le clinicien conduit à des degrés variables de consensus entre 50 le patient et le clinicien, variant de l'accord avec le sens du patient (résonance) au désaccord avec le sens du patient (dissonance). L'efficacité de l'intervention, ou résultat, aura à son tour une série de conséquences négatives à positives, lesquelles exercent une boucle de rétroaction sur le sens de l’expérience de la douleur par le patient. Dans le cadre de ce mémoire, il s’agit principalement des facteurs contributifs à l’infirmière qui seront explorés, avec un axe central sur les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur. Schiavenato et Craig (2010) les identifient en termes d’ « Expérience/Empathie » au sein des facteurs contributifs qui fondent la transaction patient-clinicien dans l’évaluation de la douleur. Par expérience, les auteurs entendent des facteurs tels que les connaissances, et l'exposition personnelle du clinicien à la douleur. Les connaissances se réfèrent aux compétences personnelles du clinicien, aux formations spécifiques sur la thématique de la douleur qu’il aurait pu suivre, et à une bonne connaissance générale des questions d'évaluation de la douleur telles que la reconnaissance des signes et symptômes, les options de traitement et d’interventions, et la documentation. L'exposition personnelle à la douleur renvoie aux expériences répétitives antérieures avec la douleur, menant à une accoutumance ou une insensibilité à la douleur de la part du clinicien. Liée à l’expérience se trouve la notion d'empathie, qui implique une plus grande sensibilité à la douleur d'autrui fondée sur sa propre expérience de celle-ci. L'empathie est un produit intégré à la fois des sources des 51 expressions et du comportement du patient en réponse à sa douleur, et des influences des attitudes du clinicien, ses valeurs, sa formation, ses préjugés, etc. (Goubert et al., 2005). Les autres obstacles en lien avec la prise en charge de la douleur, liés aux soignants, au patient et au système, sont représentés dans le modèle en termes de facteurs contextuels et situationnels, et sont investigués dans un autre mémoire de master (Teike Lüthi, 2013). Ce modèle conceptuel intègre, dans le processus d’évaluation de la douleur, les obstacles, y compris ceux liés aux connaissances et attitudes des infirmières. Il s’agit donc d’un modèle centré sur le phénomène à l’étude, la douleur, tout en identifiant également le concept de connaissances et attitudes mis à l’étude dans ce mémoire. Ancrage de la théorie dans la discipline infirmière Le métaparadigme, élément central de la substance de la science infirmière, est défini comme les concepts globaux qui identifient les phénomènes centraux d’intérêt de la discipline, et leurs relations entre eux (Fawcett, 1984, 2005). On retrouve dans le métaparadigme infirmier: • la personne, en référence à l’être humain, l’individu, objet de la discipline infirmière selon Nadot (2009), 52 • l’environnement, c’est-à-dire les autres personnes importantes pour l’individu ainsi que son environnement physique, • la santé, processus humain dynamique, objet d’étude de la science infirmière selon Donaldson (2000), • le soin, les actions prises par les infirmières au nom ou conjointement à la personne, ainsi que les buts et résultats des actions infirmières. Ancrage du modèle théorique de Craig dans le métaparadigme La santé. Comme déjà définie auparavant, la douleur est une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en termes d’un tel dommage » (International Association for the Study of Pain, 1994). L’individu qui expérimente un processus douloureux (deuxième étape du modèle de Craig) vit une expérience de santé désagréable, de souffrance physique et psychologique, et dont les complications potentielles mettent en déséquilibre son homéostasie comme développé dans le chapitre précédent. La personne. La personne est représentée par un individu, un patient, qui va expérimenter un processus douloureux et s’exprimer (deuxième et troisième étapes du modèle de Craig). Des facteurs personnels entrent en jeu dans cette expérience de santé, comme par exemple les dispositions biologiques 53 (l’âge, le sexe, le processus de la maladie), la langue et les origines culturelles, l’histoire personnelle (les précédentes expositions à la douleur), les compétences de communication, l’adaptation, les peurs, ou le stress. Dans le cadre du processus d’évaluation de la douleur en tant que transaction entre le patient et le soignant, l’expression de la douleur par l’auto-évaluation du patient lui-même représente un « gold standard » (Craig, 2009; Hadjistavropoulos et al., 2011; Schiavenato & Craig, 2010), mais elle n’est pas suffisante dans toutes les situations, et elle doit être couplée aux mesures d’observation des manifestations et signes non-verbaux du patient par le soignant. Ce qui nous introduit au concept du soignant et du soin. Le soin. Le soin résulte du produit de l’intervention du soignant. Celui-ci va évaluer la douleur du patient et, par son jugement clinique, va décider et justifier une intervention afin de gérer la douleur du patient. Nous nous situons ici à la jonction des champs de compétence de la pratique infirmière (Centre Hospitalier Universitaire Vaudois, 2011). L’évaluation et la décision d’intervention (quatrième et cinquième étapes du modèle de Craig) se situent dans le rôle autonome ou propre. L’administration d’un antalgique (par exemple en réserve) ou d’une autre intervention non-pharmacologique (sixième étape du modèle de Craig) se situent dans le rôle propre. Ce soin nécessite un « savoir et une technicité » dans le but de répondre aux besoins du patient algique (Alcalay et al., 2010). 54 Les facteurs contributifs d’expérience et d’empathie du soignant, incluant les connaissances et attitudes, variable investiguée dans le présent travail, mais aussi les compétences, la sensibilité et les valeurs interviennent au cœur de ce concept. L’environnement. Ce concept intègre les nombreux facteurs liés au contexte et à la situation, mais aussi l’environnement social (Craig, 2009; Schiavenato & Craig, 2010). Du côté du patient on trouve les barrières de communication telles que le langage, le niveau socio-économique, l’accès aux soins. Du côté du soignant on retrouve la charge de travail, les ressources (comme la dotation en personnel, une documentation appropriée), le stress ambiant, la prise en charge de suivi du patient (dont la communication interdisciplinaire, les rencontres cliniques) (Schiavenato & Craig, 2010). En s’attardant à la fois aux facteurs intra- et inter-personnels (Craig, 2009), ce modèle étend la notion de personne comme objet de la discipline infirmière (Nadot, 2009), en l’élargissant au concept d’environnement, pour aboutir à un champ commun « personne-environnement » (Newman, Smith, Dexheimer Pharris, & Jones, 2008, p. E17). Liens avec les paradigmes et les écoles de pensée Bien que n’étant pas une théorie issue des sciences infirmières, nous pouvons insérer ce modèle conceptuel dans le paradigme de l’intégration qui reconnait la personne comme un être biopsychosocial, culturel et spirituel en 55 interaction avec son environnement (Pepin, Kérouac, & Ducharme, 2010, p. 30). Ces éléments se retrouvent dans les facteurs contributifs du modèle conceptuel (Schiavenato & Craig, 2010). Ce paradigme correspond à la période dite générative du paradigme interactif/intégratif de Newman et al. (2008). Le modèle aborde également la notion d’ « interaction de phénomènes complexes » du paradigme de la transformation (Pepin et al., 2010). De plus, ce modèle se rattache à l’école de pensée de l’interaction, où le soin est perçu comme un processus interactif, et celle des effets souhaités, où la personne et son environnement sont vus comme un système en quête d’équilibre (Pepin et al., 2010), équilibre qui pourra être trouvé dans l’évaluation de la douleur en tant que transaction et suivi de la prise en charge de la douleur du patient. Liens de la théorie avec les différents savoirs produits La syntaxe de la discipline infirmière se décline en quatre modes de savoirs fondamentaux (patterns of knowing) (Carper, 1978): • le mode empirique, en référence à la science infirmière, • le mode esthétique, l’art des soins infirmiers, • le mode personnel, qui représente la connaissance nécessaire pour s’engager dans une relation personnelle authentique, • le mode éthique, la composante d’un savoir moral en soins infirmiers. 56 Par la suite, d’autres auteurs ont introduit un cinquième mode de savoir, appelé sociopolitique chez White (1995) et émancipatoire chez Chinn et Kramer (2008). Celui-ci fait référence à la capacité humaine d’examiner de manière critique le statu quo social, culturel et politique et d’identifier la manière et pourquoi ceci est arrivé ainsi. Savoir empirique. En tant que mode de savoir représentatif de la science infirmière, nous rejoignons ici la perspective infirmière, promue par Donaldson et Crawley (1978), et mettrons l’accent sur le « domaine scientifique disciplinaire [infirmier] de la prise en charge de la douleur » [traduction libre] (Donaldson, 2000, p. 252), qui reconnait trois phases de progrès : l’importance de l’évaluation de la douleur et les processus cognitifs associés à l’expérience de la douleur (Johnson, 1973) ; la démonstration que la douleur aiguë, associée à la chirurgie et au traumatisme, augmente la morbidité et la mortalité (Page, 1998, cité dans Donaldson, 2000) ; et les différences entre les sexes dans les réponses au stimuli nociceptifs et aux conditions douloureuses (Miaskowski, 1997). L’axe principal du modèle de Craig retenu dans ce mémoire – c’est-àdire la question de recherche autour des obstacles et facteurs contributifs à la prise en charge de la douleur du patient par le soignant, dont les connaissances et attitudes – complète et conceptualise cette phase importante de l’évaluation de la douleur par l’infirmière et du jugement clinique associé. 57 Savoir esthétique. « L’empathie – qui est la capacité de participer ou d’expérimenter par procuration les sentiments des autres – est une importante modalité dans le mode de savoir esthétique » [traduction libre] (Carper, 1978, p. 17). Celle-ci est représentée dans le modèle de Craig, incluse dans les facteurs contributifs. L’empathie y est décrite à la fois comme un processus acquis (par exemple de l’expérience personnelle) et une réponse automatique réflexe. On y retrouve également les notions d’attitudes (concept à l’étude dans le travail de mémoire) et de valeurs, « ce qui représente bien cet enchevêtrement des facteurs contributifs intrapersonnels et interpersonnels » [traduction libre] (Schiavenato & Craig, 2010, p. 671). Prendre soin se mesure au-delà de la technicité du geste dans la confiance établie au sein de la relation soignant/soigné (Alcalay et al., 2010). Plus qu’un acte, il s’agit d’un art, « l’art des soins infirmiers » tel que le décrit Carper (1978). Savoir personnel. Ce mode de savoir est certainement le mode le plus essentiel pour comprendre la signification de la santé en termes de bien-être individuel. « Les soins infirmiers sont considérés comme un processus interpersonnel qui implique des interactions, des relations et des transactions entre l’infirmière et le patient-client » [traduction libre] (Carper, 1978, p. 18). 58 On retrouve dans cette interprétation les notions présentes dans le modèle de Craig : les facteurs interpersonnels, ainsi que la transaction présente dans le titre même de la figure de Schiavenato et Craig (2010), éléments constitutifs du fondement du processus de l’évaluation de la douleur. Savoir éthique. La prise en charge de la douleur, finalité de la théorie présentée dans le cadre de ce travail, est inscrite dans le Code déontologique du Conseil International des Infirmières (CII) pour la profession infirmière (2006) en tant que l’une des quatre responsabilités essentielles des infirmières, en termes de soulager la douleur. On retrouve également la notion de confort dans la position éthique de l’Association Suisse des Infirmières et infirmiers (2007), en tant que mesure de la qualité des soins en termes de résultats pour le patient. Savoir émancipatoire. Le savoir émancipatoire s’exprime à l’établissement de pratiques plus équitables et plus favorables à la santé humaine et au bien-être (Chinn & Kramer, 2008). L’International Association for the Study of Pain (IASP) recommande des stratégies nationales de prise en charge de la douleur possédant des dispositions pour les populations à risque et vulnérables, telles que les personnes non-communicantes, avec des déficits cognitifs, les personnes démentes, les enfants, les migrants, etc. (International 59 Association for the Study of Pain, 2012a, 2012b). Et « tout en reconnaissant la dignité intrinsèque de toute personne et que la retenue du traitement de la douleur est profondément erronée, conduisant à des souffrances inutiles et potentiellement néfastes» [traduction libre], la Déclaration de Montréal de l’IASP reconnait des droits humains, ainsi que des obligations pour les gouvernements, les institutions et les professionnels de la santé (International Association for the Study of Pain, 2010). Lié à la production d’un savoir émancipatoire, le modèle de Craig apporte des outils-clés à l’évaluation et à la prise en charge adéquate de la douleur du patient, afin de diminuer ses souffrances, et ce notamment auprès des patients plus vulnérables, les personnes non-communicantes verbalement. Ainsi, en identifiant les différents facteurs qui influent l’évaluation de la douleur, dont les connaissances et attitudes des infirmières investiguées dans la présente étude, le modèle de Craig permet aux soignants de les prendre en considération, et ainsi de travailler à diminuer leur incidence sur une prise en charge inadéquate de la douleur. En conclusion, nous voyons qu’à travers les concepts centraux du métaparadigme, nous avons pu apporter une perspective infirmière aux six étapes et aux différents facteurs en jeu dans le modèle d’évaluation de la douleur en tant que transaction. 60 Le chapitre suivant précise la méthode utilisée pour parvenir à la réalisation de l’étude. Méthode Ce chapitre présente le devis de recherche élaboré pour réaliser cette étude. Premièrement, le devis et le milieu d’étude sont décrits. Puis, les particularités de l’instrument de mesure sont démontrées. Le déroulement de l’étude et les analyses statistiques sont ensuite détaillés. Finalement, les différentes considérations éthiques ayant guidé l’élaboration de la méthode sont présentées. Devis Il s’agit d’une étude quantitative descriptive simple transversale (Fortin & Gagnon, 2010) qui vise à identifier les connaissances et attitudes des infirmières face à la douleur des patients hospitalisés en milieu de soins aigus. Milieu L’étude a été réalisée dans des services de chirurgie et de médecine d’un centre hospitalier universitaire de Suisse romande. Ces services comptent respectivement 58 et 69 lits, et ils ont accueilli 2250 patients en 2011 pour l’un, et plus de 1750 patients par an pour l’autre (Cadres infirmiers de l’hôpital tertiaire, communications personnelles [Courrier électronique], 2013). 63 Sélection des sujets et échantillonnage Les infirmières et infirmières-assistantes exerçant dans les services concernés de chirurgie et de médecine représentent la population visée pour répondre à l’objectif de l’étude. Les critères d’inclusion sont que les professionnelles soient actives dans les soins aux patients, aient passé leur temps d’intégration, soit trois mois, dans le service, parlent et lisent le français. Un critère d’exclusion est de faire partie du pool de remplacement de l’institution. Les assistantes en soins et santé communautaire (ASSC) ont également été exclues puisque, bien que réalisant les évaluations de la douleur auprès des patients dont elles ont la charge, elles doivent ensuite en référer aux infirmières et valider avec elles l’administration d’un traitement non prescrit d’office. Les infirmiers chefs ont fourni les listes des infirmières répondant aux critères d’inclusion à l’équipe d’investigation, qui s’est alors occupée de la distribution des questionnaires. Cinquante-quatre infirmières répondaient aux critères d’inclusion en chirurgie et 53 en médecine. Le type d’échantillonnage est non probabiliste de convenance. La taille de l’échantillon n’a pas pu être déterminée précisément puisqu’il s’agit d’une étude descriptive. Tenant compte d’un taux de réponse de 60%, il avait été estimé que la taille d’échantillon avoisinerait 74 infirmières dans l’ensemble des services concernés. 64 Recrutement Après l’avis présidentiel positif de la Commission cantonale (VD) d’éthique de la recherche sur l’être humain, des séances d’information au sujet de l’étude ont eu lieu lors des colloques d’équipe de chaque service dès mi-septembre 2012, afin de sensibiliser le maximum de personnes, susciter l’intérêt des infirmières à participer à cette étude, et leur présenter la méthode de récolte de données. Toutes les infirmières des services répondant aux critères d’inclusion ont reçu une lettre d’information dans leurs casiers-courrier, leur présentant les buts de l’étude, son déroulement et l’invitation à participer de façon volontaire. La même information a été adressée via la messagerie institutionnelle dont chaque collaborateur dispose, incluant le lien pour répondre aux questionnaires en ligne. De plus, des posters (Appendice A) ont été placés dans les services à titre d’information et de rappel. Instrument Description de l’instrument Parmi les questionnaires mesurant les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur, le Pain knowledge and attitudes (PAK) (Zanolin et al., 2007) a été retenu car, développé en Europe, il était culturellement transposable au site d’investigation. Il s’agit d’un questionnaire court (10 questions), ce qui était fondamental afin de conserver l’attention des infirmières amenées à y répondre, d’autant plus 65 qu’il était couplé à un autre questionnaire de 40 questions du travail de mémoire apparenté. Ses propriétés psychométriques ont été investiguées par ses auteurs auprès d’un échantillon de 4961 professionnels de santé dans 20 hôpitaux en Italie. La cohérence interne et l’index d’homogénéité ont été explorés et confirmés (alpha de Cronbach = 0,722 et êta de Guttman = 0,285), et il possède une très bonne validité de construit, où tous les éléments sont liés à un facteur unique sous-jacent, soit une seule dimension après l’analyse factorielle (analyse des composantes principales et rotation Varimax orthogonale, puis analyse factorielle confirmatoire). Le PAK se compose de 10 questions auxquelles un score est attribué sur une échelle de type Likert en cinq points allant de 0 « absolument d’accord » à 4 « absolument pas d’accord ». Traduction inversée double Après autorisation d’utilisation, traduction et adaptation des auteurs, l’instrument a nécessité une traduction en français selon une méthode standard de traduction simple et d’adaptation d’outils de mesures de santé (Wild et al., 2005). Neuf étapes se succèdent pour la traduction inversée double: 1) la préparation (incluant les contacts avec le développeur pour la permission d’utiliser le questionnaire ainsi que son implication), 2) la traduction de la version originale en français par un professionnel, 3) la traduction retour (dans la langue originale italienne, par un traducteur professionnel indépendant de la première traduction), 4) la révision de la traduction retour (pour s’assurer de l’équivalence conceptuelle des deux 66 versions italiennes), où il a été fait appel aux auteurs de la version originale, 5) l’harmonisation de la version pré-finale (avec la version source originale) par un groupe d’experts, 6) le débriefing cognitif (ou pré-test), 7) la revue du débriefing cognitif et finalisation de la traduction, 8) la relecture, et 9) le rapport final sur le processus. Dans la version originale, trois questions étaient formulées dans un contexte pédiatrique. Leur formulation pour une utilisation dans des services adultes a été révisée dans l’étape de l’harmonisation, en remplaçant le terme « chez l’enfant » par « chez le patient ». De plus, la notion de « pleurs » présente dans une question a été substituée par celle de « plaintes ». Pré-test La version française issue de la traduction double inversée (Appendice B) a subi, conjointement au questionnaire de l’autre mémoire de master qui traite des obstacles à la gestion de la douleur (Teike Lüthi, 2013), un pré-test sur papier auprès de 11 infirmières provenant de services apparentés à ceux investigués, au sein des mêmes départements. Le questionnaire PAK ayant été placé à la suite du questionnaire des données démographiques et du questionnaire Nurses' Perceived Obstacles to Pain Assessment and Management Practices (Coker et al., 2010) du travail de mémoire apparenté, deux infirmières ne l’ont pas rempli, et deux autres n’ont complété que sa première page. Il en ressort que seul un énoncé n’était pas clair pour une infirmière, alors que toutes les autres collègues ont validé l’intitulé de cette même question ; l’énoncé n’a donc pas été modifié. 67 La version en ligne du questionnaire a également été pré-testée par deux infirmières expertes et externes à l’échantillon étudié afin de s’assurer de sa faisabilité et de son confort d’utilisation. Des commentaires sur sa mise en page ont été pris en considération. La cohérence interne de cette version traduite du PAK a été testée (alpha de Cronbach = 0,673). Cet alpha de Cronbach, sans être idéal, est cependant proche de celui de la version originale italienne du PAK. Collecte de données Les questionnaires ont été mis en ligne par l’intermédiaire du module Déclic de la plateforme SphinxOnline Manager® (SphinxOnline Manager, 2012) mis à disposition par l’Institut Universitaire de Médecine Sociale et Préventive du CHUV. Pour le questionnaire PAK, la plateforme SphinxOnline Manager® permet d’introduire une réponse obligatoire à chaque question, sous forme d’échelle, avec des contraintes d’intégrité (réponse unique) afin de s’assurer que la question sera correctement remplie. Concernant les données démographiques, la réponse est également obligatoire, avec une contrainte d’intégrité sous forme de minimum et maximum pour les questions numériques (par exemple taux de travail entre 0 et 100 en pourcents). La collecte de données a eu lieu du 31 octobre au 5 décembre 2012. Deux messages de relance ont été envoyés à 14 et 26 jours via la messagerie institutionnelle aux personnes qui n’avaient pas encore répondu, 68 par l’intermédiaire de la plateforme du serveur permettant la mise en œuvre d’enquêtes. Le temps estimé pour répondre aux questionnaires est d’environ 30 minutes. Afin de ne pas s’approprier le temps destiné aux soins des patients et d’entente avec les cadres infirmiers (directrice/directeur de département et infirmière/infirmier chef-fe de service), ce temps leur a été accordé au besoin s’il ne leur était pas possible de le faire pendant leur horaire de travail. Variables mesurées En préambule au questionnaire PAK, les infirmières ont complété des données démographiques (Appendice C), incluant le sexe, l’année de naissance, les années ou mois de pratique depuis l’obtention du diplôme et au sein du service, le pourcentage de travail actuel, le niveau de formation (infirmière assistante ou infirmière diplômée, infirmière spécialisée – clinicienne, soins intensifs ou anesthésie –, infirmière de pratique avancée – clinicienne spécialisée ou praticienne). De plus, le suivi de cours de formation continue (post formation de base) sur la douleur ainsi que la date où ils ont été suivis a été répertorié. Ces variables ont été définies par les étudiants master et leur directrice de mémoire. Analyses statistiques Les données provenant du questionnaire en ligne intégré dans le module Déclic de la plateforme SphinxOnline Manager® ont été exportées dans un fichier XLS de Microsoft Office Excel 2010 (Microsoft Office 2010, 69 2010), puis transférées dans le programme informatique Stata (Stata, 2011) pour analyses. Un test d’absence d’erreur sur les bases de données a été réalisé en analysant la distribution des fréquences, des minima et des maxima, ainsi qu’en vérifiant l’absence de données aberrantes pour les variables quantitatives, conjointement avec l’autre étudiante master pour les variables démographiques. Une comparaison entre l’âge et les années de pratique a été effectuée, ainsi qu’entre les années de pratique, le temps d’exercice dans le service et le suivi de cours de formation continue. Pour procéder comme les auteurs du questionnaire original (Zanolin et al., 2007), les réponses au questionnaire PAK sous forme d’échelle de Likert en cinq points ont été recodées et dichotomisées en réponse juste pour les réponses « absolument pas d’accord » et « pas d’accord », lui donnant un score de 1, et réponse fausse pour les réponses « absolument d’accord », « d’accord » et « ni d’accord ni pas d’accord », avec un score de 0. En additionnant les 10 réponses du questionnaire, on obtient ainsi un score total de réponses correctes d’un maximum de 10. Le score de chaque participante a ensuite été divisé par le score maximal et multiplié par 100 pour donner un pourcentage total, « considérant 100% comme le meilleur niveau de connaissance de prise en charge de la douleur » (Zanolin et al., 2007, p. 727). Comme explicité en page 24 du chapitre de la recension des écrits, un seuil de réponses correctes est attendu pour assurer un minimum requis de 70 connaissances nécessaires à une prise en charge de la douleur de qualité. Certes, le questionnaire utilisé par ces auteures est différent de celui utilisé dans la présente étude. On peut toutefois considérer un taux de réponses correctes aux questionnaires indépendamment des instruments de mesure utilisés. La comparaison des résultats utilisant ces taux relatifs et théoriques permettra par exemple de comparer les scores avant et après une intervention éducative ciblée sur la thématique. Ainsi, dans le but de viser une amélioration des pratiques, un seuil de réponses correctes de 80% est retenu. Compte tenu du devis de l’étude, des statistiques descriptives ont été utilisées pour traiter les données démographiques et les réponses du questionnaire. Les variables continues comme l’âge, les mois de pratique, la pratique au sein du service, le taux d’activité et le score total du questionnaire PAK sont résumées par la moyenne et l’écart-type ou, si les distributions sont asymétriques ou présentent des valeurs extrêmes, par les médianes (Mdn) et étendues interquartiles (IQ). Les variables catégorielles telles que le sexe, le niveau de formation le plus élevé, le service dans lequel pratique l’infirmière, le suivi de cours de formation continue et les réponses à chaque question du questionnaire PAK sont décrites en termes de fréquences et de pourcentages. Des comparaisons entre les données démographiques et les résultats du PAK ont été réalisées, concernant le niveau de formation, le suivi de formation continue, les années de pratique totale et dans le service, en 71 utilisant la loi de Student (t test) après comparaison d’égalité des variances (Taffé, 2011). L’âge n’a pas été retenu comme facteur d’étude, car il est hautement corrélé avec les années de pratique (Lai et al., 2003). Selon Benner, il existe dans la pratique clinique en soins infirmiers une rupture entre le niveau compétent et les niveaux performant et expert (Benner, 1984). Un nombre d’années de pratique de cinq ans a été déterminé pour représenter cet écart (Richards & Hubbert, 2007), bien que Benner ne quantifie pas le passage d’un niveau à l’autre, mais le considère comme un processus de maturation et d’acquisition de connaissances théoriques et de compétences cliniques. Considérations éthiques Ce travail s’insère dans une étude plus vaste (PréDATA) dont le but est de décrire les pratiques en lien avec la prise en charge de la douleur des patients hospitalisés dans les mêmes services de cet hôpital tertiaire, incluant : 1) une étude de prévalence de la douleur chez les patients hospitalisés, 2) la description des modes de prescription et d’administration des antalgiques en lien avec l’intensité de la douleur du patient estimée par les infirmières, et 3) l’identification des obstacles à la prise en charge de la douleur perçus par les infirmières. Cette étude s’insère dans le 3ème volet de l’étude principale et se déroule conjointement à un autre travail de mémoire de master qui lui vise à identifier les obstacles à la prise en charge de la douleur par les infirmières dans leur pratique (Teike Lüthi, 2013). Le protocole conjoint no 326/12 a donc été adressé à la Commission cantonale 72 (VD) d’éthique de la recherche sur l’être humain, et celui-ci a reçu un avis présidentiel positif en date du 10 août 2012 (Appendice D). Formulaire d’information et consentement Un formulaire d’information (Appendice E) a été distribué aux infirmières, leur rappelant l’intérêt de cette étude, les consignes pour remplir les questionnaires, et la personne de référence en cas de besoin d’informations complémentaires, De plus, les équipes infirmières ont été préalablement informées lors de colloques d’équipe en septembre et octobre. Par le retour du questionnaire, elles ont consenti à participer à ce projet. Traitement des données personnelles Les investigateurs sont tenus au secret professionnel en matière de recherche médicale selon le Code pénal suisse article 321bis289 (1937). Toutes les données recueillies par l’étudiant master ont été traitées confidentiellement (Fortin & Gagnon, 2010; Loi relative à la recherche sur l'être humain (LRH), 2011). Les données électroniques, auxquelles seuls l’étudiant master et sa directrice de mémoire ont eu accès, sont protégées par un login personnel et un mot de passe, et les données sont hébergées sur le serveur de l’institution. Lors de l’envoi automatique selon la liste d’adresses introduite, le module Déclic génère une adresse « url » unique qui a été transmise à chaque infirmière, mais qui demeure inconnue pour les investigateurs. Ainsi, la plateforme informatique SphinxOnline Manager® permet de suivre le retour des questionnaires de manière anonyme, et 73 génère à la demande des rappels ciblés automatiques sans qu’il soit possible d’identifier les personnes recevant ces rappels. Les cadres infirmiers n’ont donc pas pu avoir accès aux listes des participantes ayant répondu ou non. Les résultats sont présentés sous forme agrégée. Aucune participante ne sera identifiée dans toute présentation ou publication dans une revue scientifique ou professionnelle. Selon l’Ordonnance sur les essais cliniques de produits thérapeutiques (OClin) (2001), tous les documents en lien avec cette étude seront archivés pendant 10 ans. Passé cette période, les données seront détruites conformément aux lignes directrices de la commission d’éthique. Evaluation des risques Vu la nature descriptive de cette étude impliquant uniquement les infirmières, il n’existe pas de risque connu ni pour ses participantes ni pour les patients qu’elles ont en charge. Il n’a donc pas été nécessaire de contracter une couverture d’assurance (Loi sur la santé publique (LSP), 1985). Plan de financement et rétribution Le projet de recherche PréDATA dans lequel s’insère cette étude a reçu le soutien de HESAV et un soutien financier de Mundipharma Medical Company. La présente étude entre dans le cadre du programme Master ès sciences en sciences infirmières de l’Institut Universitaire de Formation et de 74 Recherche en Soins. Aucun financement n’a été octroyé pour ce projet de master. Il n’y a pas eu de rétribution des participantes à l’étude. Ce chapitre a présenté les différentes étapes de la méthode et de l’opérationnalisation de l’étude, l’échantillonnage, l’instrument de mesure utilisé, les opérations statistiques prévues et les considérations éthiques. Le prochain chapitre présente les résultats obtenus par les questionnaires, ainsi que l’analyse de ces mêmes données. Résultats Le chapitre qui suit présente les résultats des analyses statistiques réalisées dans le cadre de l’étude. Il comprend en premier lieu un résumé des données sociodémographiques des participantes à l’étude. La seconde partie présente les résultats du questionnaire soumis aux infirmières. Milieu et participation Les listes des infirmières des services de chirurgie et de médecine ont été fournies par les infirmiers chefs de service à l’équipe d’investigation. Neuf infirmières ne répondaient pas aux critères d’inclusion, six n’avaient pas achevé leur temps d’intégration de trois mois dans le service, et trois n’étaient pas actives régulièrement dans les soins directs aux patients. Cent sept infirmières ont reçu par mail le lien pour accéder aux questionnaires. Une infirmière spécialisée a écrit aux étudiants ne pas avoir répondu aux questionnaires car occupant un poste qui se « situe en deuxième ligne » selon ses termes. Septante sept infirmières ont commencé à répondre aux questionnaires en ligne ; sept d’entre elles n’ont pas été jusqu’au bout, et leurs données n’ont donc pas été transmises par l’intermédiaire de la plateforme SphinxOnline Manager®. Au final, un total de 70 infirmières ont complété le questionnaire PAK dans sa totalité, ce qui correspond à un taux de participation qui s’élève à 65,4% (voir Figure 2). 77 Evalués pour éligibilité (n = 116) Exclus (n = 9) : • N’avaient pas achevé leur temps d’intégration de trois mois dans le service (n = 6) • Pas actives régulièrement dans les soins directs aux patients (n = 3) Ont reçu le questionnaire (n = 107) • A décliné l’offre de participation (n = 1) • N’ont pas répondu aux questionnaires jusqu’au bout (n = 7) • N’ont pas répondu du tout (n = 29) Analysés (N = 70) Figure 2. Diagramme de recrutement. Description de l’échantillon : Caractéristiques sociodémographiques Les participantes incluses dans cette étude sont majoritairement des femmes (n = 56, 80,0%). Les participantes, les deux sexes confondus (N = 70) ont un âge médian de 30 ans (IQ = 11), avec un test de non normalité significatif (Prob > χ² = 0,025). Une minorité de participantes a effectué une 78 spécialisation après sa formation de base (n = 8, 11,4%) ou une formation post-grade universitaire (n = 4, 5,7%). Les participantes ont une durée de pratique médiane égale à 54,5 mois (IQ = 117), et de 36 mois (IQ = 41) au sein du même service au moment de l’étude. Elles travaillent à un taux d’activité médian de 100% (IQ = 10). La plupart des participantes n’ont pas suivi de cours de formation continue sur la douleur depuis leur formation de base (n = 43, 61,4%). Parmi les 27 participantes qui ont suivi une formation continue, la majorité l’on fait lors des deux dernières années (n = 25, 92,6%) et les deux restantes (7,4%) dans un délai maximum de cinq ans auparavant. Ces caractéristiques sociodémographiques sont présentées dans le Tableau 2. 79 Tableau 2 Caractéristiques sociodémographiques des participantes N = 70 Caractéristiques n % 56 14 80,0 20,0 Service A B C D 46 7 7 10 65,7 10,0 10,0 14,3 Formation De base Post diplôme Post grade universitaire 58 8 4 82,9 11,4 5,7 Formation continue Oui Non 27 43 38,6 61,4 Nombre d’années depuis la formation continue >1 an 1-2 ans 3-5 ans 7 18 2 25,9 66,7 7,4 Mdn (IQ) Etendue Age (ans) 30 (11) 23-54 Taux d’activité 100 (10) 30-100 Nombre de mois de pratique Total Dans le service 54,5 (117) 36 (41) 10-396 4-312 Sexe Femme Homme 80 Connaissances et attitudes Toutes les réponses correctes aux questions du PAK étaient les énoncés correspondant à « pas d’accord » et « absolument pas d’accord » sur l’échelle de Likert. Les trois autres réponses, y compris l’énoncé « ni d’accord ni pas d’accord » sont considérées comme des réponses fausses (Zanolin et al., 2007). Le Tableau 3 présente par ordre chronologique les pourcentages totaux de réponses correctes aux 10 énoncés du questionnaire PAK. La moyenne du total des proportions de réponses correctes est de 68,7%. Les pourcentages de réponses correctes les plus élevés ont été obtenus pour la question 5 (88,6%) traitant des effets secondaires dépresseurs respiratoires des opiacés, la question 1 (87,1%) au sujet des délais d’attente avant la prochaine dose d’antalgique, et la question 7 (80,0%) sur l’utilité des placebos pour évaluer la réalité de la douleur du patient. Les moins bons pourcentages de réponses correctes ont été obtenus pour la question 9 (30,0%) traitant des effets secondaires euphorisants des opiacés, la question 4 (48,6%) au sujet de l’hétéro-évaluation par les soignants, et la question 8 (55,7%) au sujet de la fiabilité de l’hétéroévaluation par rapport à l’auto-évaluation. 81 Tableau 3 Connaissances et attitudes : Questionnaire PAK Réponses correctes Enoncés du questionnaire n % Les opioïdes peuvent entraîner une dépression respiratoire et ne doivent donc pas être utilisés. 62 88,6 Il faut attendre que le patient se plaigne de douleurs avant de lui donner une autre dose d’antalgique. 61 87,1 Il est souvent utile de donner un placebo à un patient souffrant de douleurs pour en évaluer la réalité. 56 80,0 La voie d’administration intramusculaire des opioïdes est préférable. 55 78,6 Lorsqu’un patient demande des quantités toujours plus importantes d’antalgiques pour contrôler la douleur, cela signifie qu’il en devient psychologiquement dépendant. 54 77,1 Lorsque les patients se plaignent, il est plus indiqué de leur proposer des activités qui peuvent les distraire plutôt que de leur administrer purement et simplement des antalgiques. 50 71,4 25% des patients qui reçoivent des antalgiques à heure fixe deviennent pharmacodépendants. 49 70,0 L’évaluation de la douleur par le médecin ou l’infirmier est une mesure d’appréciation de la douleur ressentie par le patient autant valable qu’une autoévaluation du patient. 39 55,7 Le personnel hospitalier est toujours en mesure de détecter les signes de douleur chez le patient. 34 48,6 Si le patient (ou un membre de sa famille) rapporte une sensation d’euphorie causée par un antalgique, il faut réduire la posologie du traitement. 21 30,0 Score total moyen 68,7 82 Comparaisons selon les caractéristiques démographiques Dans le Tableau 4, des tests de différences de moyennes entre les scores et les variables démographiques ont été appliqués. Les infirmières ayant suivi une formation post diplôme ou post grade universitaire ont obtenu un pourcentage significativement plus élevé que celles ayant suivi une formation de base uniquement (79,2% et 66,6% respectivement, p = 0,017). Les infirmières ayant suivi une ou des formations continues sur la douleur présentent un score sensiblement plus élevé mais non significatif comparé au score de celles n’en ayant pas suivi (73,0% et 66,0% respectivement, p = 0,095). Les infirmières performantes et expertes ayant cinq ans de pratique ou plus ont obtenu un score proche de leurs collègues qui ont moins d’années de pratiques (68,2% et 69,2% respectivement, p = 0,805). Les infirmières ayant cinq ans de pratique ou plus au sein du même service présentent un score sensiblement plus élevé mais non significatif que leurs collègues ayant moins d’années de pratique au sein du même service (73,8% et 67,2% respectivement, p = 0,18). 83 Tableau 4 Comparaisons des niveaux de connaissances et attitudes des participantes selon les caractéristiques démographiques N = 70 Caractéristiques n moyenne du total des pourcentages IC 95% p Formation De base Supérieure 58 12 66,6 79,2 [62,2, 70,9] [69,6, 88,7] 0,017 Formation continue Non Oui 43 27 66,0 73,0 [60,7, 71,4] [67,0, 79,0] 0,095 Pratique < 5 ans ≥ 5 ans 37 33 69,2 68,2 [63,8, 74,5] [61,8, 74,5] 0,805 Pratique dans le même service < 5 ans ≥ 5 ans 54 16 67,2 73,8 [62,7, 71,8] [64,6, 82,9] 0,175 Ce chapitre a présenté les résultats qui répondent à la question de recherche posée dans la problématique. Le chapitre suivant présente une discussion de ces résultats obtenus en lien avec la recension de la littérature des écrits scientifiques retenus au sujet des connaissances et attitudes des infirmières face à la douleur des patients hospitalisés en milieu de soins aigus. Discussion Après la présentation des résultats, il est nécessaire de les mettre en perspective avec les connaissances déjà établies et relevées dans la recension des écrits. Ce chapitre mettra donc tout d’abord en relation les nouvelles informations fournies en regard du corpus des savoirs sur les connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur. Les limites et les forces de l’étude seront ensuite abordées. Enfin, la portée des résultats sera discutée en fonction non seulement de son utilité et de son implication pour la pratique clinique infirmière, mais aussi pour de futures recherches. Mise en perspective Connaissances et attitudes Les scores obtenus aux différents questionnaires sur le niveau de connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur peuvent varier fortement d’une étude à l’autre. Les résultats obtenus dans cette étude démontrent un score moyen de réponses correctes de 68,7%. L’étude utilisant le questionnaire PAK dans sa version initiale italienne de 21 questions, auprès d’infirmières dans plusieurs hôpitaux italiens, a rapporté un score moyen de 37,2% de réponses correctes (Zanolin et al., 2007). Les autres projets récents recensés depuis janvier 2005, utilisant principalement d’autres instruments de mesure, démontrent des 86 scores moyens de réponses correctes s’échelonnant entre 35,4% dans une étude turque auprès d’infirmières d’oncologie et d’hématologie d’un hôpital universitaire (Yildirim et al., 2008), et 80,9% dans des unités médicochirurgicales d’un hôpital métropolitain aux Etats-Unis (Al-Shaer et al., 2011). Néanmoins, un seuil d’un score moyen de réponses correctes de 80% est recommandé pour assurer un minimum requis de connaissances nécessaires à une prise en charge de la douleur de qualité (McCaffery & Robinson, 2002). Ce seuil minimal de connaissances à atteindre est discuté par d’autres auteurs qui suggèrent qu’un score supérieur à 70% (Matthews & Malcolm, 2007) indique un haut niveau de connaissances et pour d’autres ce seuil se situe entre 75% et 80% (Gregory & Haigh, 2008). Les résultats de la présente étude se situent en-dessous du seuil minimal recommandé. Pour tenter d’apporter une explication, certains énoncés du questionnaire sont discutés séparément, et comparés aux résultats des études comportant les mêmes questions dans le Tableau 5. 87 Tableau 5 Récapitulatif des études reportant le taux de réponses correctes aux questions du PAK-10 énoncés % de réponses correctes Auteurs, Année Zanolin et al., 2007 % de réponses correctes 88,6 37,2 29,2 87,1 45,2 46,2 80,0 24,3 33,9 78,6 55,8 49,0 77,1 37,8 20,0 71,4 45,5 20,0 70,0 30,2 38,0 55,7 46,2 16,9 48,6 46,4 23,1 30,0 31,3 21,5 Gueniat, 2013 Enoncés du PAK-10 Les opioïdes peuvent entraîner une dépression respiratoire et ne doivent donc pas être utilisés. Il faut attendre que le patient se plaigne de douleurs avant de lui donner une autre dose d’antalgique. Il est souvent utile de donner un placebo à un patient souffrant de douleurs pour en évaluer la réalité. La voie d’administration intramusculaire des opioïdes est préférable. Lorsqu’un patient demande des quantités toujours plus importantes d’antalgiques pour contrôler la douleur, cela signifie qu’il en devient psychologiquement dépendant. Lorsque les patients se plaignent, il est plus indiqué de leur proposer des activités qui peuvent les distraire plutôt que de leur administrer purement et simplement des antalgiques. 25% des patients qui reçoivent des antalgiques à heure fixe deviennent pharmacodépendants. L’évaluation de la douleur par le médecin ou l’infirmier est une mesure d’appréciation de la douleur ressentie par le patient autant valable qu’une auto-évaluation du patient. Le personnel hospitalier est toujours en mesure de détecter les signes de douleur chez le patient. Si le patient (ou un membre de sa famille) rapporte une sensation d’euphorie causée par un antalgique, il faut réduire la posologie du traitement. 1 Cette étude a utilisé le PAK-21 énoncés. Abdalrahim et al., 20111 % de réponses correctes 88 Dans la présente étude, la question ayant obtenu le meilleur score de réponses correctes (88,6%) se réfère aux connaissances en lien avec les effets secondaires dépresseurs respiratoires des opiacés. Ces résultats sont meilleurs que ceux reportés dans la littérature. En Europe, dans l’étude italienne utilisant la version initiale du questionnaire PAK comprenant 21 questions, la question relative aux connaissances des effets secondaires respiratoires des opiacés a recueilli 37,2% de réponses correctes de la part des infirmières et médecins confondus (Zanolin et al., 2007), ce qui est clairement en-dessous des résultats de notre étude. Des scores de connaissances bas ont également été relevés au sujet des effets secondaires reliés à la dépression respiratoire dans une étude britannique auprès d’infirmières et de médecins de chirurgie orthopédique et générale d’un hôpital de soins aigus, avec 48% de réponses correctes (Coulling, 2005). En Asie, toujours concernant les effets secondaires dépresseurs respiratoires, une étude chinoise auprès d’infirmières prenant en charge des personnes âgées dans des hôpitaux urbains rapporte 12,9% de réponses correctes (Yu & Petrini, 2007). Au Moyen-Orient, dans une étude jordanienne, utilisant la version initiale de 21 questions du questionnaire PAK auprès d’infirmières dans des services chirurgicaux d’un hôpital universitaire, on retrouve un pourcentage de réponses correctes de 29,2% et 78,5% respectivement en pré- et post-intervention d’un programme de gestion de la douleur postopératoire pour le même énoncé (Abdalrahim et al., 2011). Ce qui démontre l’efficacité de l’intervention. La même appréhension concernant les craintes de dépression respiratoire du patient est rapportée dans une 89 étude descriptive australienne auprès d’infirmières d’un hôpital tertiaire de soins aigus, sans donner plus de détails (Horbury, Henderson, & Bromley, 2005). En ce qui concerne nos résultats, il est possible de présumer que la culture institutionnelle de l’hôpital tertiaire, qui possède un centre d’antalgie assurant la formation interne pour améliorer la gestion de la douleur et transmettre le savoir aux professionnels de la santé, explique en partie que les scores rapportés dans la présente étude soient plus élevés que dans les autres études présentées, ainsi que l’usage plus routinier des opiacés en milieu universitaire dans la prise en charge de la douleur. Une différence culturelle concernant les résultats les plus bas reportés dans les études effectuées dans les pays asiatiques, qui ont connu une politique restrictive contre l’abus historique et culturel d’opium, pourrait également permettre d’expliquer les différences de scores avec la présente étude (Chang et al., 2005). L’énoncé avec le plus mauvais score dans la présente étude (30,0%) considère l’attitude à adopter en cas d’effets secondaires euphorisants. La même question relative aux effets secondaires euphorisants a obtenu un score proche de nos résultats de 31,3% auprès des infirmières et médecins confondus dans l’étude italienne utilisant la version initiale du questionnaire PAK comprenant 21 questions (Zanolin et al., 2007). Dans l’étude jordanienne utilisant la version initiale de 21 questions du questionnaire PAK, on retrouve pour ce même énoncé un score de réponses correctes de 21,5% et 64,6% respectivement auprès des infirmières en pré- et post-intervention 90 d’un programme de gestion de la douleur postopératoire (Abdalrahim et al., 2011). La question sur les délais d’attente avant la prochaine dose d’antalgique a démontré dans cette étude le second meilleur score de réponses correctes (87,1%), alors que dans l’étude italienne utilisant la version initiale avec 21 énoncés du questionnaire PAK, on observe un score de réponses correctes de 45,2% infirmières et médecins confondus à la même question (Zanolin et al., 2007). Pour le même énoncé, l’étude jordanienne auprès des infirmières en pré- et post-intervention d’un programme de gestion de la douleur postopératoire relève des scores de 46,2% et 83,1% respectivement (Abdalrahim et al., 2011). Le score de la présente recherche qui est supérieur aux autres études rapportées pourrait s’expliquer par la prescription d’office ou en réserve d’antalgiques qui est relativement standard dans un centre universitaire. Ainsi, associé à leur jugement clinique, cette modalité rappelle aux infirmières qu’elles disposent de moyens pour anticiper la plainte de douleurs provenant du patient. Cependant, l’énoncé de la question traite de l’intention d’administrer un antalgique, et son application de manière adéquate dans la pratique resterait encore à démontrer. Par contre, la question concernant l’utilité des placebos pour évaluer la réalité de la douleur du patient qui a obtenu le troisième meilleur score de réponses correctes (80,0%) dans la présente étude, est celle qui a obtenu le plus mauvais score (24,3%) dans l’étude italienne utilisant la version initiale 91 du questionnaire PAK à 21 questions, infirmières et médecins confondus (Zanolin et al., 2007), et 33,9% et 80% respectivement en pré- et postintervention d’un programme de gestion de la douleur postopératoire dans l’étude jordanienne utilisant la version initiale avec 21 questions du questionnaire PAK (Abdalrahim et al., 2011). Une question sur l’effet placebo a reçu un score de réponses correctes de 8,8% dans l’étude turque auprès d’infirmières d’oncologie et d’hématologie d’un hôpital universitaire (Yildirim et al., 2008). Les deux autres questions ayant obtenu les plus mauvais scores dans cette étude concernent l’évaluation de la douleur, avec la fiabilité de l’hétéroévaluation des soignants (48,6%) en regard de l’auto-évaluation du patient (55,7%). En Europe, dans l’étude italienne utilisant la version initiale du questionnaire PAK comprenant 21 questions, ces questions ont démontré des scores proches de ceux de notre étude soit de 46,4% (hétéro-évaluation) et 46,2% (auto-évaluation) respectivement, infirmières et médecins confondus (Zanolin et al., 2007). On retrouve des scores de réponses correctes bas concernant l’auto-évaluation par le patient avec 5% dans l’étude britannique auprès d’infirmières et de médecins de chirurgie orthopédique et générale d’un hôpital de soins aigus (Coulling, 2005), et 43,9% dans une étude italienne auprès d’infirmières d’oncologie de différents hôpitaux (Bernardi et al., 2007). La croyance auprès des infirmières de la surestimation de la douleur par les patients obtient 17% de réponses correctes dans une étude irlandaise auprès d’infirmières d’un centre 92 orthopédique (Matthews & Malcolm, 2007). L’auto-évaluation est considérée comme une mesure fiable de la douleur du patient à 70,4% par les infirmières d’unités chirurgicales d’un hôpital universitaire dans une étude finlandaise (Niemi-Murola et al., 2007). Sur le continent américain, la croyance auprès des infirmières de la surestimation de la douleur par les patients obtient 10% de réponses correctes dans l’étude américaine qui a obtenu le meilleur score total moyen de réponses correctes auprès d’infirmières d’unités médico-chirurgicales d’un hôpital métropolitain (AlShaer et al., 2011). En Asie, des scores de 2,9% concernant le même sujet de la croyance auprès des infirmières de la surestimation de la douleur par les patients sont relevés dans l’étude turque auprès d’infirmières d’oncologie et d’hématologie d’un hôpital universitaire (Yildirim et al., 2008), et 1,4% dans une étude chinoise auprès d’infirmières des unités de médecine d’un hôpital public (Lui et al., 2008). Au Moyen-Orient, dans l’étude jordanienne utilisant la version avec 21 questions du questionnaire PAK, on retrouve des scores de réponses correctes de 23,1% (hétéro-évaluation de la douleur par les infirmières) et 16,9% (auto-évaluation par le patient) respectivement en préintervention d’un programme de gestion de la douleur postopératoire, et 75,4% (hétéro-évaluation) et 69,2% (auto-évaluation) respectivement en post-intervention (Abdalrahim et al., 2011). Pour l’évaluation de la douleur auprès des patients, une étude suédoise auprès d’infirmières d’un service de chirurgie urologique d’un hôpital universitaire relève que celles-ci ont tendance à avoir recours à leur jugement personnel de la douleur des patients plutôt que d’utiliser un outil d’évaluation, avec 40% d’infirmières qui 93 n’en emploient pas (Wickström Ene et al., 2008). Cette pratique est à l’encontre des recommandations internationales car, comme la douleur est une expérience subjective, lorsque le patient a la capacité de s’exprimer et est capable de discernement, le gold standard demeure l’auto-évaluation (Schiavenato & Craig, 2010; Wells et al., 2008). Il est donc nécessaire que les infirmières « acceptent ce que le patient dit » en laissant de côté leurs propres opinions subjectives sur la douleur, qui peuvent interférer comme biais dans l’évaluation de la douleur (Richards & Hubbert, 2007, p. 22). D’où l’importance d’utiliser des outils d’auto-évaluation adaptés à la population. De cette explication au sujet des énoncés du questionnaire, effectuons un retour sur le cadre théorique utilisé dans la présente étude. Bien que les connaissances et attitudes du PAK aient été confirmée par les analyses psychométriques comme une dimension unique, ses auteurs ont tout de même identifié théoriquement des questions se référant aux connaissances liées aux antalgiques, alors que d’autres se réfèrent aux attitudes lors de leur utilisation ou en regard de la perception de la douleur du patient (Zanolin et al., 2007). Les résultats de cette étude présentent ainsi des scores élevés pour toutes les questions se référant aux connaissances et à la mobilisation du savoir empirique, et des moins bons scores pour les questions qui se réfèrent aux attitudes et à l’évaluation de la douleur. L’empathie et les valeurs, modalités du savoir esthétique, et qui se retrouvent dans les facteurs contributifs du modèle théorique (Schiavenato & Craig, 2010), appellent à un travail sur les représentations des infirmières. L’empathie peut mener à une 94 attitude plus positive envers la douleur de l’autre. Bien que les savoirs infirmiers soient interreliés et interdépendants, il apparait qu’à l’interface de la prise en charge de la douleur des patients par les soignants décrite dans le modèle conceptuel, la mobilisation du savoir esthétique (Carper, 1978) est davantage problématique. Comparaisons selon les caractéristiques démographiques Niveau de formation. Dans cette étude, on observe une amélioration significative du score moyen de réponses correctes entre les infirmières ayant effectué une formation de base traditionnelle, et les infirmières ayant effectué une formation supérieure telle qu’une formation post diplôme ou post grade universitaire. Similairement, sur le continent américain, on retrouve des scores moyens plus élevés dans une étude américaine auprès d’infirmières de services d’oncologie médicale et chirurgicale d’un institut national du cancer, en pré- et post-intervention sur les performances en lien avec la douleur par des études de cas et à l’aide de guidelines. On observe une différence entre les infirmières de niveau diplôme (56% et 57% en pré- et post-intervention respectivement), les infirmières de niveau degré associé (71% et 74% respectivement), et les infirmières de niveau bachelor (72% et 79% respectivement) (Smith Idell et al., 2007). Une différence se retrouve également dans une étude canadienne auprès d’infirmières dans un hôpital tertiaire urbain, où les infirmières de niveau bachelor et master ont obtenu des scores moyens de réponses correctes plus élevés que les infirmières de 95 niveau diplôme (Lewthwaite et al., 2011). Il est possible de supposer que les compétences développées lors des études en sciences infirmières, compétences à des niveaux de complexité croissants dans les trois cycles de Bologne (bachelor, master et doctorat) selon le projet Tuning (Gonzalez, Isaacs, Sticchi-Damiani, & Wagenaar, 2007), permettent d’améliorer la prise en charge globale des patients, à un niveau en progression à chaque niveau de cycle d’études. Dans le référentiel de compétences du plan d’études cadre bachelor 2012 (Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale (HESSO), 2012) le rôle central d’experte en soins infirmiers souligne la responsabilité d’« évaluer, de manière systématique et rigoureuse, l’état de santé physique et mental de la personne », d’« élaborer un projet de soins infirmiers, en partenariat avec la/le patient-e et les proches, tenant compte des besoins des individus et s’appuyant sur un jugement professionnel », et de « réaliser ou déléguer les soins et en évaluer systématiquement les résultats en respectant les critères de qualité ». Les habiletés cliniques développées incluent l’examen clinique en lien avec la douleur, et les méthodes, démarches et outils professionnels comprennent l’utilisation de grilles d’évaluation de la douleur. Aux Etats-Unis, aucune différence significative des scores selon le niveau de formation n’est rapportée dans une étude américaine auprès d’infirmières d’unités médico-chirurgicales d’un hôpital métropolitain (AlShaer et al., 2011). De même dans une autre étude américaine auprès d’infirmières de deux hôpitaux, l’un centre médical académique et l’autre 96 multisite chirurgical (Gordon et al., 2008). En Asie, une étude turque auprès d’infirmières d’oncologie et d’hématologie d’un hôpital universitaire ne relève pas de différence (Yildirim et al., 2008). Au Moyen-Orient, on retrouve les mêmes conclusions dans une étude jordanienne auprès d’infirmières de services chirurgicaux d’un hôpital universitaire en pré- et en post-intervention d’un programme de gestion de la douleur postopératoire (Abdalrahim et al., 2011). Il serait nécessaire de consulter et comparer le cursus et le contenu de la formation des infirmières à chaque niveau ou cycle d’étude dans chacun de ces pays pour pouvoir expliquer ces différences. De plus, le niveau de formation de base ne constitue pas le seul facteur démographique dans la présente l’étude, et il est donc nécessaire de l’articuler parallèlement à la formation continue et l’expertise clinique, développées ci-dessous et plus loin. Formation continue sur la douleur. L’étude présentée ici rapporte une légère amélioration, toutefois sans démontrer de différence statistiquement significative, dans les scores moyens en fonction du suivi de cours de formation continue sur la douleur ou non, néanmoins sans plus de précisions sur le contenu de la ou les formations continues suivies. Une telle constatation est rapportée dans l’étude américaine auprès d’infirmières d’un centre médical académique et d’un centre chirurgical, également sans détails sur le contenu de la ou les formations continues antérieures (Gordon et al., 2008). 97 Cependant, une différence est constatée dans une étude italienne auprès d’infirmières d’oncologie dans différents hôpitaux en fonction du nombre de cours de formation continue sur la douleur suivis, soit un (Mdn = 21 sur 39), deux à trois (Mdn = 23), et plus de trois cours (Mdn = 29, p = 0,004) (Bernardi et al., 2007). On retrouve également un effet bénéfique en lien avec les heures de formation continue suivies dans une étude américaine auprès d’infirmières d’un hôpital communautaire (Layman Young et al., 2006). Ces deux dernières études ne donnent pas de détails sur le contenu de la ou les formations continues suivies antérieurement. Il est cependant difficile de tirer des conclusions sur ce sujet, puisque aucune des études rapportées ne présente de détails sur le contenu de la ou des formations continues suivies antérieurement à l’étude par les infirmières. Une étude irlandaise, qui proposait une intervention basée sur une formation de deux heures sur les connaissances et compétences en gestion de la douleur au sujet de l’évaluation de la douleur et des différents modes d’administration des antalgiques, n’a d’ailleurs pas démontré de différence significative sur les scores totaux moyen de réponses correctes en postintervention entre le groupe intervention et le groupe contrôle (75% et 72,6% respectivement, p > 0,05) (Matthews & Malcolm, 2007). Alors qu’une étude chinoise rapporte une différence significative entre les scores totaux en préet post-intervention d’un programme de formation sur la douleur de trois heures reprenant des connaissances de base sur la douleur, les tendances actuelles en matière de prise en charge de la douleur, l’évaluation de la 98 douleur, et les interventions pharmacologiques et non pharmacologiques. Les scores de connaissances et attitudes présentent une amélioration significative entre le groupe intervention et le groupe contrôle à un mois postintervention (67% et 36,6% respectivement, p < 0,001) et à trois mois postintervention (90,1% et 38,3% respectivement, p < 0,001), alors qu’on ne constatait pas de différence significative en pré-intervention (40,2% et 39% respectivement, p = 0,389) (Zhang et al., 2008). Années de pratique infirmière et années dans le même service. Dans cette étude, on ne trouve pas de différence significative entre le niveau de connaissances et attitudes des infirmières ayant cinq ans de pratique ou plus et les connaissances de celles ayant moins de cinq ans de pratique. On ne trouve pas non plus de différence significative entre le niveau de connaissances des infirmières ayant cinq ans de pratique ou plus au sein du même service et les connaissances de celles ayant moins de cinq ans de pratique au sein du même service. En Europe, concernant les années de pratique totale, on retrouve les mêmes conclusions dans une étude britannique auprès d’infirmières expertes généralistes de santé publique et expertes spécialistes en soins palliatifs et oncologie, mais uniquement au sujet des infirmières spécialistes en soins palliatifs et oncologie (Wilson, 2007). Aux Etats-Unis, on ne rapporte pas de différence entre les scores selon les années de pratique totale dans l’étude américaine auprès d’infirmières d’un centre médical académique et d’un centre multisite chirurgical (Gordon et al., 2008), ainsi que dans l’étude américaine auprès 99 d’infirmières d’un hôpital communautaire (Layman Young et al., 2006). En Asie, on ne retrouve pas non plus de différence entre les scores selon les années de pratique dans l’étude turque en oncologie et en hématologie (Yildirim et al., 2008). Au Moyen-Orient, la même constatation est rapportée dans l’étude jordanienne utilisant la version initiale du questionnaire PAK comprenant 21 questions (Abdalrahim et al., 2011). Toutefois, en Europe, on retrouve une amélioration des scores en fonction des années de pratique dans l’étude britannique auprès d’infirmières expertes généralistes de santé publique et expertes spécialistes en soins palliatifs et oncologie mais uniquement concernant les infirmières généralistes de santé publique (ρ = 0,578, p = 0,01) (Wilson, 2007). Aux Etats-Unis, des scores moyens en amélioration avec l’augmentation des années de pratique totale se retrouvent également en pré- et postintervention sur les performances en lien avec la douleur par des études de cas et à l’aide de guidelines, dans l’étude américaine des services d’oncologie médicale et chirurgicale d’un institut national du cancer chez les infirmières qui ont jusqu’à 25 années d’expérience (70% et 73% respectivement de 1 à 6 ans de pratique, 71% et 77% respectivement de 7 à 14, et 79% et 80% respectivement de 15 à 25 années de pratique), mais néanmoins avec des moins bons scores pour la tranche de 26 à 41 ans de pratique (62% et 69% respectivement) (Smith Idell et al., 2007). En Asie, les années de pratique totale ont un effet positif sur les scores qui sont plus élevés dans une étude chinoise auprès d’infirmières des unités de médecine 100 d’un hôpital public (Lui et al., 2008). Une différence significative en fonction des années d’expérience a été constatée dans une autre étude chinoise auprès d’infirmières prenant en charge des personnes âgées dans trois hôpitaux urbains (Yu & Petrini, 2007). Au sujet des années de pratique au sein du même service, une augmentation significative des scores moyens de réponses correctes avec les années de pratique infirmière est rapportée dans l’étude américaine des unités médico-chirurgicales d’un hôpital métropolitain entre les infirmières ayant plus de 16 années de pratique dans la même unité et celles avec une expérience professionnelle se situant entre 1 et 5 ans (Al-Shaer et al., 2011). On observe également dans l’étude turque en oncologie et en hématologie une corrélation positive entre les scores et le nombre d’années de pratique au sein du même service pour les infirmières qui travaillent dans le service d’oncologie (ρ = 0,263, p < 0,05) (Yildirim et al., 2008). Limites et forces La présente étude se limite à investiguer les connaissances et attitudes des infirmières face à la douleur des patients hospitalisés en milieu de soins aigus, ce qui n’est le produit que d’une partie de la problématique de la prise en charge de la douleur. Les autres obstacles liés au patient, au système et aux soignants sont investigués dans un autre travail de master (Teike Lüthi, 2013). Il serait également pertinent d’examiner en parallèle les pratiques (Lui et al., 2008), ce qui représente l’un des objectifs de l’étude (PréDATA) dans laquelle s’insère la présente recherche. 101 Il est possible de spéculer que les infirmières les plus impliquées et éclairées sur le sujet de la douleur répondent plus facilement aux questionnaires que les infirmières avec moins d’intérêts et potentiellement moins de connaissances (Matthews & Malcolm, 2007; Templeton, Deehan, Taylor, Drummond, & Strang, 1997). Ce biais potentiel de réponse aurait pour conséquence de produire des résultats faussement hauts par rapport à la population générale d’infirmières. Afin de minimiser ce risque de biais, l’anonymat des répondantes était assuré par l’utilisation automatisée de la plateforme informatique SphinxOnline Manager® et rappelé aux participantes lors des informations écrites et orales distribuées lors de l’étude. La taille de l’échantillon de convenance avec un recrutement dans un seul centre hospitalier était correcte pour le devis descriptif de l’étude, mais ne permet pas de généraliser les résultats (Lui et al., 2008; Manias et al., 2005; Murnion et al., 2010; Yu & Petrini, 2007). Le temps estimé pour répondre aux questionnaires était d’environ 30 minutes. Toutefois, les infirmières argumentent le manque de temps comme un obstacle important à la mauvaise prise en charge de la douleur (Pena, Estrada, Soniat, Taylor, & Burton, 2012; Rejeh et al., 2009; Tapp & Kropp, 2005). De prendre en plus du temps supplémentaire pour répondre aux questionnaires peut représenter une limite pour les infirmières qui estiment justement en manquer. Cependant, le soutien des directions de soins de département et des cadres dans ce projet a représenté une ressource 102 importante pour répondre à cette problématique temporelle puisque, dans la mesure des disponibilités, les infirmières bénéficiaient de temps à disposition pour remplir les questionnaires pendant leur horaire de travail. Mais si cela s’avérait impossible, il leur a été proposé de le faire en dehors de leurs heures de travail avec la possibilité de comptabiliser le temps nécessaire en minutes supplémentaires. Recommandations pour la pratique Les résultats de cette étude indiquent un niveau de connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur insuffisant concernant l’auto-évaluation de la douleur par le patient en regard de la douleur évaluée par les infirmières, ainsi que certaines lacunes dans les connaissances relatives à la pharmacologie et aux effets secondaires des opiacés. Une formation continue adaptée avec des objectifs ciblés sur ces manques permettrait d’améliorer les connaissances et attitudes et de maximiser la prise en charge de la douleur par les infirmières (International Association for the Study of Pain, 2012b; Maryland Board of Nursing). Les infirmières ont un rôle propre clé d’advocacy plaidant pour un confort optimal des patients dans la prise en charge de leurs douleurs (Grant, Ferrell, Hanson, Sun, & Uman, 2011). Les résultats de cette étude corroborent avec ceux d’autres études citées plus haut et ont permis d’identifier certains domaines de connaissances à améliorer comme la pharmacologie et les effets secondaires des opiacés, et l’évaluation de la douleur. En accroissant la confiance, les connaissances et attitudes, et les compétences des 103 infirmières, il est ainsi souhaité de pouvoir améliorer la prise en charge de la douleur par celles-ci (Holley, McMillan, Hagan, Palacios, & Rosenberg, 2005). Les recommandations politiques formulées en Suisse en matière de soins de santé concernent d’ailleurs principalement le développement des connaissances et la promotion de la formation de base et de la formation continue (Imhof et al., 2010). Cependant, bien que l’évaluation de la douleur soit formellement citée dans les contenus minimaux de la formation théorique du plan d’études cadre bachelor 2012 (Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale (HESSO), 2012), il serait pertinent d’investiguer dans quelle mesure la douleur est raisonnablement enseignée dans les programmes de la formation de base (Bernardi et al., 2007; Lui et al., 2008; Yildirim et al., 2008). Il convient de renforcer ces connaissances puisque la formation de base de niveau universitaire, encore non consensuelle en Suisse et dans plusieurs pays de la Francophonie, augmente le niveau de connaissances et attitudes face à la douleur des patients (Smith Idell et al., 2007). Des meilleurs résultats pour les patients sont également rapportés avec une prise en charge par des infirmières de niveau bachelor, par exemple en termes de diminution de la mortalité post-chirurgicale (Aiken, Clarke, Cheung, Sloane, & Silber, 2003; Aiken, Clarke, Sloane, Lake, & Cheney, 2008). Les multiples compétences développées dans la pratique infirmière avancée (PIA) permettent de potentialiser les habiletés et compétences à évaluer et à gérer la douleur (Fontana, 2008; Hamric, Spross, & Hanson, 104 2009). La présence d’infirmières au bénéfice de titres de pratique infirmière avancée dans les équipes, en tant que personnes de référence, est donc à promouvoir. Des infirmières référentes douleur, avec une formation spécifique sur la prise en charge de la douleur, pourraient être introduites dans les services. Des rôles identiques existent déjà aux Etats-Unis depuis une vingtaine d’années et ont fait leurs preuves (Pain Resource Nurse) (Ferrell, Grant, Jo Ritchey, Ropchan, & Rivera, 1993; Grant et al., 2011; Holley et al., 2005). Ces recommandations ne devraient pas être centrées uniquement sur les connaissances et attitudes des infirmières en réponse à l’expérience et l’empathie comme facteurs contributifs à la prise en charge de la douleur présentés dans le cadre de référence théorique utilisé dans la présente étude, mais également cibler les autres facteurs en lien notamment avec le contexte (Schiavenato & Craig, 2010). Ainsi, l’éducation interprofessionnelle (Carr, Brockbank, & Barrett, 2003) concilie ces deux aspects. Un programme éducationnel destiné à tous les professionnels de la santé impliqués dans la prise en charge du patient est important pour améliorer les connaissances et attitudes et accéder à un changement dans les routines de prise en charge (Hansson et al., 2006). Le cadre théorique de référence de l’« évaluation de la douleur en tant que transaction » du modèle conceptuel de Craig peut être utilisé pertinemment dans ce sens. En effet, il développe le processus complexe soutenant l’échange social entre le patient et le clinicien en prenant en compte les facteurs qui contribuent à l’évaluation de la douleur, le 105 clinicien pouvant être assimilé à tout professionnel de la santé (Schiavenato & Craig, 2010). Une formation centrée sur les étapes de l’évaluation et du jugement clinique permettrait ainsi d’améliorer les résultats pour le patient. Une approche interdisciplinaire permet de capitaliser les forces de chaque discipline et d’améliorer la prise en charge de la douleur (Xue et al., 2007). La qualification des infirmières en tant que spécialistes de la santé responsables travaillant de concert avec les médecins comme partenaires égaux est importante (Département fédéral de l'économie (DFE), 2010). Cependant, dans la prise en charge médicamenteuse en réponse aux douleurs du patient, les infirmières demeurent dépendantes des prescriptions médicales et ces derniers ne sont pas systématiquement disponibles ou il peut parfois s’avérer difficile de joindre les chirurgiens qui sont entrain d’opérer (Pena et al., 2012; Rejeh et al., 2009). Le développement du rôle autonome des nurses practioners pourrait palier à ce problème (Fontana, 2008; Hamric et al., 2009; Kohr & Sawhney, 2005). Recommandations pour la recherche La traduction du questionnaire PAK dans la présente étude selon une méthode rigoureuse de traduction et d’adaptation d’outils de mesure (Wild et al., 2005) contribue au rayonnement de la recherche sur la prise en charge de la douleur. Cette étude et l’utilisation de la version française du questionnaire PAK pourrait à présent être répliquée ailleurs dans d’autres contextes francophones. L’instrument de mesure en français pourrait ainsi être retesté pour appuyer ses qualités psychométriques. 106 Les activités de recherche poursuivent l’élaboration de guidelines qui pourront être utilisés par les infirmières dans leur pratique (Samuels & Fetzer, 2009). La diffusion et la promotion de ces pratiques de gestion de la douleur basées sur les preuves (evidence based practice et evidence based nursing) permettra d’accroître le niveau de connaissances et attitudes des infirmières, et ainsi apporter un changement positif sur les pratiques et comportements en lien avec la prise en charge de la douleur (Titler et al., 2009). Le bénéfice attendu étant que cet accroissement de connaissances et attitudes induise une implication directe sur une diminution de la douleur chez les patients. Des recherches sur les besoins d’apprentissage des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur ont déjà été menées (Savoie & Le May, 2005, 2007). Une réflexion sur l’adéquation des contenus des formations apportées aux infirmières avec leurs besoins et avec les evidence based practice et evidence based nursing doit se poursuivre, afin d’améliorer le niveau de connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur. Ce dernier chapitre a offert une mise en perspective des résultats obtenus dans la présente étude avec les écrits déjà publiés sur la thématique. Les difficultés inhérentes à l’étude ont été abordées au travers des limites. Des propositions pour la pratique et la recherche ont été mises en avant. Le prochain chapitre du travail offre les conclusions à tirer de ce mémoire. Conclusion Les résultats de cette étude établissent que le niveau de connaissances et attitudes des infirmières en lien avec la prise en charge de la douleur n’est pas encore optimal selon les normes attendues. Cependant, bien que ceux-ci soient meilleurs que dans certaines parties orientales du globe ou méridionales de notre continent, ce constat se retrouve dans la majorité des études effectuées dans les pays occidentaux. Un accent doit être porté sur la reconnaissance de l’auto-évaluation de la douleur du patient comme un gold standard lorsque celui-ci est capable de s’exprimer, et sur la pharmacologie des opiacés et leurs effets secondaires. L’inscription de cette étude dans le modèle de l’« évaluation de la douleur en tant que transaction » de Craig permet de prendre en considérations les connaissances et attitudes des infirmières ainsi que les autres obstacles à la prise en charge de la douleur en tant que facteurs contributifs aux différentes étapes du processus d’évaluation et de prise en charge de la douleur par les infirmières. De futures études sur le contenu des formations de base et des formations continues sur le sujet de la prise en charge de la douleur, et notamment des connaissances et attitudes, sont nécessaires pour optimaliser la gestion de la douleur chez tous les patients. Références Abdalrahim, M. S., Majali, S. A., Stomberg, M. W., & Bergbom, I. (2011). The effect of postoperative pain management program on improving nurses' knowledge and attitudes toward pain. Nurse Education in Practice, 11(4), 250-255. doi: 10.1016/j.nepr.2010.11.016 Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM), Fédération des médecins suisses (FMH), Faculté de médecine de l'Université de Bâle, Faculté de médecine de l'Université de Berne, Faculté de médecine de l'Université de Genève, Faculté de médecine de l'Université de Lausanne, & Faculté de médecine de l'Université de Zurich. (2004). Projet «La médecine en Suisse demain». Buts et missions de la médecine au début du 21e siècle. Bâle: ASSM. Adriaansen, M. J. 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Répondez aux questionnaires on-line que vous avez reçus sur votre mail CHUV d’ici le 27 novembre 2012. Ces questionnaires sont anonymes, et seront relevés uniquement par les investigateurs. Les résultats vous seront transmis au printemps 2013. Fabienne Teike Lüthi Merci aux infirmier-ères, de nous accorder 20-30 minutes sur votre temps de travail pour répondre aux questionnaires sur vos connaissances et attitudes ainsi que sur les obstacles à la gestion de l’antalgie. Si vous ne pouviez pas remplir les questionnaires durant votre temps de travail, vous êtes autorisé-es à noter du temps supplémentaire, en accord avec vos DSD. Christophe Gueniat En tout temps, si vous avez des questions ou remarques, veuillez vous adresser à: [email protected] ou [email protected] Appendice B Questionnaire PAK version française Questionnaire sur les attitudes et connaissances en lien avec la douleur Veuillez s’il vous plaît lire attentivement les affirmations suivantes et indiquer à quel point vous êtes d’accord avec chacune d’entre elles en cochant la case qui reflète le mieux votre avis. Une seule réponse par question 1. Il faut attendre que le patient se plaigne de douleurs avant de lui donner une autre dose d’antalgique. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord 2. La voie d’administration intramusculaire des opioïdes est préférable. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord 3. Lorsqu’un patient demande des quantités toujours plus importantes d’antalgiques pour contrôler la douleur, cela signifie qu’il en devient psychologiquement dépendant. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord 4. Le personnel hospitalier est toujours en mesure de détecter les signes de douleur chez le patient. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord 5. Les opioïdes peuvent entraîner une dépression respiratoire et ne doivent donc pas être utilisés. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord 6. Lorsque les patients se plaignent, il est plus indiqué de leur proposer des activités qui peuvent les distraire plutôt que de leur administrer purement et simplement des antalgiques. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord 7. Il est souvent utile de donner un placebo à un patient souffrant de douleurs pour en évaluer la réalité. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord 8. L’évaluation de la douleur par le médecin ou l’infirmier est une mesure d’appréciation de la douleur ressentie par le patient autant valable qu’une auto-évaluation du patient. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord 9. Si le patient (ou un membre de sa famille) rapporte une sensation d’euphorie causée par un antalgique, il faut réduire la posologie du traitement. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord 10. 25% des patients qui reçoivent des antalgiques à heure fixe deviennent pharmacodépendants. absolument d’accord d’accord ni d’accord ni pas d’accord pas d’accord absolument pas d’accord Appendice C Questionnaire sur les données démographiques Questionnaire des données démographiques étude : Obstacles à la gestion de la douleur un homme ? 1. Etes-vous une femme ? 2. Quel est votre année de naissance ? _______________________ 3. Quel est votre niveau de formation (plusieurs réponses possibles) ? formation de base d’infirmier-ère ou d’infirmier-ère assistant-e formation post-diplôme spécialisée (soins intensifs, anesthésie, clinicien, praticien formateur) formation post-grade universitaire 4. Combien de mois/années de pratique avez-vous ? ____________________ mois ___________________ années 5. Dans quel service travaillez-vous ? Traumatologie MEBH MEDH MENH 6. Depuis combien de temps exercez-vous dans votre service ? (mois/années) ____________________ mois ___________________ années 7. Quel est votre taux d’activité actuel ? __________________% 8. Avez-vous suivi un/des cours de formation continue (hors formation de base) sur la douleur ? oui non Si oui quand : <1 an 1-2 ans 3-5 ans 6-10 ans >10 ans Appendice D Avis présidentiel de la Commission cantonale (VD) d’éthique de la recherche sur l’être humain 132 133 Appendice E Formulaire d'information aux infirmières 136