La face cachée des médicaments

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Hiver 2012
« le savoir au service du patient »
La face cachée
des médicaments
Tirer parti des bénéfices
Gérer les risques
en bref
chuv | magazine
Mais déjà on voit poindre de nouvelles questions :
l’apparition de ce que l’on nomme la médecine
personnalisée promet d’entraîner des bouleversements dont on mesure tout juste la portée.
Elle est porteuse d’une promesse, celle d’améliorer
l’innocuité et l’efficacité du traitement médical
que reçoit chaque patient, surtout en présence
de maladies mortelles comme le cancer.
La lecture du génome, impensable sur le plan
scientifique voilà vingt ans, est en passe d’être
à la portée du porte-monnaie de n’importe quel
citoyen. La tentation sera alors toujours plus
forte d’anticiper l’éventuel développement d’une
maladie en établissant son propre profil génétique
comme de pousser ses proches à le faire.
Aura-t-on les moyens scientifiques mais aussi
économiques de répondre à ces diagnostics par
des médicaments taillés sur mesure ? Ces questions
qui se profilent à très brève échéance, promettent
d’être aussi vertigineuses que passionnantes.
Philippe Gétaz
Pierre-François Leyvraz
Directeur général du CHUV
Innovation Des chercheurs de
l’Université de Californie à San Diego
sont en passe d’élaborer un vaccin
contre l’acné, grâce à une approche
innovante basée sur l’immunologie.
Le but de leurs travaux est de
parvenir à neutraliser la formation
des boutons grâce à des anticorps
spécifiques. Le groupe pharmaceutique Sanofi-Pasteur s’est récemment
associé à ces chercheurs pour
une collaboration qui permettrait,
d’ici à deux ans, de passer du stade
préclinique à un produit abouti. ▫
médicaments : tirer parti des bénéfices
05 | Reportage Une vie normale pour Clémentine
08 | Décryptage Les secrets du laboratoire de pharmacie
10 | Partenariat Une plateforme commune
aux CHUV et HUG
12 | Portraits croisés Le pharmacologue et le pharmacien
14 | Recherche L’ordinateur et la molécule
16 | Portfolio Ma pharmacie
La Suisse doit former
plus de médecins
médicaments : Gérer Les risques
18 | Focus Le CHUV lutte contre les erreurs
20 | Décryptage Quelle équipe autour du patient ?
22 | Zoom Les secrets des médicaments
24 | Eclairage La mission de l’unité de pharmacologie
26 | Evolution Le rôle du patient
28 | Interview Vincent Mooser
« Chaque médicament est un petit miracle »
30 | Soins Comment peut-on prendre un médicament ?
31 | Culture L’agenda des expositions
32 | Témoignage Le récit de Liv von Siebenthal
« Les médicaments font partie de moi »
IMPRESSUM Hiver 2012
Le CHUV | Magazine paraît quatre fois par an. Il est destiné aux
collaborateurs ainsi qu’aux patients et visiteurs du CHUV intéressés
par le cours de la vie de notre institution. Le CHUV | Magazine
est imprimé sur du papier Cyclus Print, 100% recyclé. Son sommaire
est conçu grâce aux suggestions des correspondants du Service
de la communication, qui se trouvent dans les départements,
services et hôpitaux affiliés du CHUV. Pour simplifier la lecture,
certains libellés de poste ont été rédigés au masculin.
Editeurs responsables
Pierre-François Leyvraz,
directeur général
Béatrice Schaad, responsable
de la communication
Rédaction
LargeNetwork (Benjamin Bollmann,
Camille Destraz, Séverine Géroudet,
Serge Maillard, Daniel Saraga,
Alan Vonlanthen), Pierre-François
Leyvraz (DG), Bertrand Tappy (DG),
Caroline de Watteville (DG),
Gabriella Sconfitti (DG)
Coordination et graphisme
LargeNetwork
Coordination au CHUV
Bertrand Tappy
Infographies
LargeNetwork SwissInfographics
Images
CEMCAV
Impression
SRO-Kündig
Tirage
12’000 exemplaires
Couverture
Photographe : Gilles Weber
Modèle : Stephanie Guignet
Contact
CHUV
Béatrice Schaad
Rue du Bugnon 21
CH-1011 Lausanne
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prochaine édition, reproduire
un article : merci de vous adresser
à [email protected]
ISSN 1663-0319
Textes Séverine Géroudet
Le progrès scientifique donne le tempo. Dans
des hôpitaux universitaires tels que le nôtre,
nous sommes à même de diagnostiquer des
pathologies toujours plus complexes. Pour y
répondre, la palette de médicaments s’étend à
un rythme tout aussi soutenu. Ces nouvelles
potentialités nous ont amenés à inviter, au lit
du malade, de nouveaux profils professionnels.
Les pharmacologues cliniciens, qui collaborent
désormais avec nos médecins et nos soignants,
permettent d’offrir des traitements toujours
plus précis et d’éviter au maximum les risques
d’interactions.
Photographie Bart
Un patient doit recevoir un seul médicament ?
Un médecin assistant peut s’en charger !
Un patient doit recevoir deux médicaments ?
Il faut appeler le chef de service à la rescousse.
Il doit en recevoir trois, voire même davantage ?
Dans ce cas, c’est le patron du service qui
est requis. Voilà ce que l’on avait coutume de
dire lorsque j’étais jeune médecin assistant.
Aujourd’hui, ces affirmations sont encore
plus vraies. Les risques d’interactions médicamenteuses sont tels qu’ils exigent des compétences toujours plus pointues et, dans certains
cas, seule une longue expérience permet
d’éviter les incidents.
Finis les boutons
Statistique
chuv | magazine | hiver 2012
Interactions
à hauts risques
sommaire
03
éditorial
Consommation de médicaments :
les Romands en tête
Le dernier rapport de l’Observatoire suisse de la santé (Obsan)
révèle que les Suisses romands ont davantage recours aux
médicaments que leurs voisins alémaniques et tessinois.
Les médicaments les plus prisés par les Romands, pour la plupart
achetés sur prescription médicale, sont les analgésiques.
En 2009, les médicaments pointaient au 3e rang des coûts
de l’assurance maladie obligatoire après l’hôpital et les
consultations en cabinet. Suite à ce constat l’Obsan relève
qu’un gros potentiel d’économie serait à tirer d’une réduction du
nombre de médicaments. ▫
Vaccin contre le cancer
Recherche Dans le domaine
de la lutte contre le cancer,
des chercheurs des hôpitaux
universitaires de Strasbourg
ont mis au point un vaccin
thérapeutique capable de freiner
l’évolution du cancer pulmonaire. Le vaccin produit une
protéine altérée, appelée MUC1
qui, en grande quantité, permet
de stimuler le système immunitaire pour qu’il attaque spécifi-
quement cette molécule
et entraîne la destruction des
cellules cancéreuses. Des essais
cliniques ont démontré que
chez 43% des patients ayant
reçu le vaccin, la maladie n’avait
pas progressé. Cependant,
il a été constaté que le remède
fonctionnait mieux chez les
patients qui étaient également
sous chimiothérapie. D’autres
essais sont en cours. ▫
Pénurie Pour couvrir ses besoins,
la Suisse devra former dans les vingt
prochaines années 50% de médecins
de famille de plus qu’actuellement.
Un rapport du Conseil fédéral
établi récemment révèle en effet
que les Helvètes sont de plus en plus
soignés par des médecins formés
à l’étranger. Il est donc impératif
de former plus de médecins en
Suisse. Malgré cette nécessité,
le numerus clausus pratiqué dans
plusieurs facultés de médecine de
Suisse sera maintenu, pour préserver l’engagement des étudiants et la
qualité de la formation. ▫
Un pancréas artificiel
pour les diabétiques
Recherche Une étude récente
menée en France par l’International
Artificial Pancreas Study Group a permis
de concevoir un pancréas artificiel
autonome pour les personnes diabétiques. Cet organe artificiel est muni
d’un appareil de mesure continue
du glucose situé sous la peau qui
transmet ses données au smartphone
de la personne qui le porte. L’appareil
ordonne ensuite à une pompe
portable autorégulée la quantité
d’insuline à administrer pour maintenir un taux de sucre convenable
dans le sang du patient. Ce système,
s’il est validé à l’issue des essais
cliniques en cours, permettra aux diabétiques de vivre sans plus se soucier
en permanence de leur traitement. ▫
reportage 04
L’histoire extraordinaire de la collaboration
d’un hôpital et de deux parents qui ont tout fait
pour permettre à une jeune patiente, alimentée
uniquement grâce à des poches de nutrition
« La machine à faire des gâteaux
est en panne. Moi, je dois la réparer
avant que tous les gâteaux tombent ! »
Assise sur le canapé, Clémentine
explique les règles du jeu électronique
avec lequel elle s’amuse. Comme
n’importe quelle autre fille de 9 ans.
Sauf que Clémentine n’est pas tout
à fait comme les autres enfants,
comme en témoigne l’impressionnante tour formée par le matériel
médical empilé à côté d’elle, et relié
par un long fil au corps de la petite
demoiselle chaque soir, de 18 heures
à 8 heures le lendemain.
Photographies Philippe Gétaz
Texte Bertrand Tappy
fabriquées au CHUV, de vivre chez elle.
« Dès le départ,
nous savions
que la naissance
de Clémentine
ne serait pas
sans quelques
problèmes. »
Première partie : 4-15
Médicaments :
tirer parti
des bénéfices
seconde partie : 18-30
Médicaments :
gérer les risques
Une vie à l’hôpital
« Tout a commencé durant la grossesse,
explique sa maman. Lors d’une
échographie, les médecins ont décelé
une dilatation de l’intestin. Dès le
départ, nous savions donc que la naissance de Clémentine ne serait pas
sans quelques problèmes. » De fait,
peu après la naissance de leur enfant,
les jeunes parents vont apprendre
la première d’une très longue série
de mauvaises nouvelles : Clémentine
doit subir une intervention chirurgicale pour enlever la partie atteinte
de l’intestin. Mais cela ne suffira pas
pour endiguer la maladie. Et à cela
s’ajoutent de nombreux foyers
infectieux dans son intestin malade…
Au bout d’une année, il faut se rendre
à l’évidence : il va falloir enlever la
majorité des intestins, dont l’état
ne permet plus d’espérer une amélioration et qui souffre de trop sérieux
problèmes. Clémentine devra
donc bénéficier d’une alimentation
parentérale (qui ne passe pas
par la bouche) sur le long terme.
Et toujours aucune idée sur le nom
de la maladie. « On pense aujourd’hui
qu’il s’agit d’un problème d’ordre
génétique sur le codage des protéines
des cellules des muqueuses, explique
le Dr Jacques Cotting, chef de l’Unité
des soins intensifs médico-chirurgicaux de pédiatrie du CHUV. Mais cela
reste une supposition. »
Cette structure, faite de poussesseringues, de poches de liquides
et de tubulures, permet à Clémentine
de se nourrir depuis sa naissance.
Alors qu’elle est aujourd’hui en
3e primaire, elle n’a en effet jamais
pu digérer de nourriture prise par la
bouche à cause d’une maladie encore
Commence ensuite une longue
inconnue, qui a rendu son appareil
digestif incapable de remplir son rôle. hospitalisation de quatre ans, durant
chuv | magazine | hiver 2012
Une vie normale
pour Clémentine
05
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les bénéfices
Même dans le cadre de l’hôpital,
entre le suivi médical et les nombreux
intervenants qui entourent la petite
famille, des moments de complicité
sont possibles entre parents et enfant :
« Aux soins intensifs, les parents
sont intégrés dans le quotidien
de leur enfant, explique la maman
de Clémentine. Ils reçoivent une
petite formation et peuvent ensuite
faire eux-mêmes la toilette ou donner
certains soins. Il est normal de se
demander comment on peut devenir
parents entre les murs d’un hôpital.
Mais grâce à cette organisation,
je vous assure que c’est tout à fait
possible ! » Reste que pour le couple,
la chose est claire depuis le départ :
ils feront tout ce qui est en leur
pouvoir pour offrir à Clémentine une
vie normale. Chez eux. Chez elle.
Mais pour y parvenir, il va falloir
rencontrer de nombreux interlocuteurs : assurances maladie, AI et
même l’Office fédéral des assurances
sociales à Berne. Le cas est en effet
complexe : il s’agit de trouver une
« logique administrative » permettant
aux parents de ramener leur enfant
chez eux pour lui donner eux-mêmes
les soins quotidiens, tout en pouvant
à tout moment revenir au CHUV
en cas de pépin. Pour y arriver,
il faudra attendre trois ans. Mais en
2009, à 7 ans, Clémentine peut enfin
dormir tous les soirs dans sa chambre,
hors du centre hospitalier. Pour ses
parents, c’est un soulagement,
et les angoisses du début sont vite
estompées, comme se souvient le père
de Clémentine : « Il a fallu apprendre
à faire la distinction entre tous les
bips du matériel, et intégrer toutes
06
11’000
Depuis la naissance de Clémentine,
l’Unité de fabrication du Service de
pharmacie du CHUV a réalisé plus de
11’000 préparations (médicaments et
poches de nutrition) pour la jeune fille.
Ces produits, réalisés « sur mesure »,
les manipulations. Tout cela
en trouvant notre équilibre entre
l’exactitude médicale et les aléas
d’une vie de famille normale ! Mais
nous ne l’aurions jamais fait en
habitant trop loin du CHUV, et sans
la possibilité de joindre quelqu’un des
Soins intensifs, et ce à n’importe quel
moment du jour et de la nuit. »
Une incroyable logistique
Même en réfléchissant quelques
minutes, il est impossible de
se représenter la logistique assumée au quotidien par les parents
de Clémentine. « Même nous,
nous n’y arrivons plus, sourit
sa maman. Nous avons pris conscience
de la masse de choses à connaître
lorsque nous avons rédigé un petit
classeur pour les personnes qui
gardent Clémentine, une fois
que les perfusions sont branchées.
Mais même là, nous ne restons
éloignés que quelques heures, pour
aller au restaurant, par exemple. »
Du côté du Centre hospitalier,
Clémentine continue à être présente
préparations
(poches de nutrition
et médicaments)
comme c’est le cas pour tous les
autres patients dans la même situation,
ne peuvent être réalisés que dans
l’enceinte de l’hôpital, à cause de la
technologie et des conditions strictes
de stérilité nécessaires.
dans la tête des différents professionnels des services qu’elle a côtoyés,
même en vivant désormais ailleurs :
le Service de la pharmacie continue
à produire, en milieu stérile,
les poches de nutrition (mélange
de sucres, de lipides et de protéines
adapté à ses besoins), la Médecine
de laboratoire continue à recevoir
ses échantillons pour les examens,
et le Service de soins intensifs
prépare chaque semaine deux grands
cartons contenant les médicaments
dont la petite aura besoin. « Et chaque
mois, nous ajoutons un second
chariot contenant le matériel nécessaire, par exemple des seringues,
ou des poches, ajoute Martine
Dupasquier, ICUS à l’Unité des soins
intensifs médico-chirurgicaux
de pédiatrie et référente de Clémentine
sur le plan infirmier.
Nous recevons une commande
de la part des parents qui tiennent
à jour une liste de leurs besoins,
et nous faisons la commande comme
pour un service normal. Ce système
n’est possible que grâce à leur volonté
En 2009, à 7 ans,
Clémentine
peut enfin dormir
tous les soirs
dans sa chambre.
et leur rigueur. Sans cela, leur
petite n’aurait jamais pu sortir de
l’hôpital. C’est une collaboration
vraiment exemplaire… »
Chaque semaine, les parents de Clémentine se rendent au CHUV pour aller chercher le matériel
nécessaire au soin de leur fille.
Aujourd’hui, Clémentine va à l’école,
a des copains, joue et lit Les Schtroumpfs.
Vers 18 heures, tous les jours, ses
parents la « connectent » à sa tour
avant que toute la famille se retrouve
à la cuisine, pour le souper. Une
vie normale en somme, résultat
d’années de tractations, de préparations et d’un travail complémentaire
entre l’hôpital et cette famille,
qui a même pu partir en vacances
en France. Et le père de conclure :
« La prochaine étape, c’est de pouvoir
prendre l’avion ! » ▫
chuv | magazine | hiver 2012
laquelle les parents, secondés
par leurs proches, se relaient auprès
de leur enfant, tout en gérant
chacun une carrière professionnelle :
« Nous avions besoin d’avoir les
deux un travail, explique le papa
de Clémentine. Nous voulions pouvoir
parler d’autres choses quand nous
nous retrouvions avec mon épouse,
et garder une vie sociale pour ne pas
vivre à huis clos. Sinon nous serions
devenus fous ! »
reportage 07
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les bénéfices
Texte Bertrand Tappy
08
Chaque étape de la préparation
est enregistrée par un ordinateur
qui vérifie l’exactitude des quantités
de médicaments manipulées,
et gère les éventuels restes
de matières premières qui peuvent
ensuite être réutilisés en fonction
de leur stabilité.
Au-dessus de l’enceinte de préparation
se trouvent les commandes
permettant de modifier la pression,
l’éclairage ou la hauteur du Cytobox.
Une fois terminée, la préparation
est étiquetée à l’intérieur du Cytobox.
Elle est ensuite scellée, puis acheminée
vers les unités de soins dans des
boîtes dédiées aux chimiothérapies.
La personne ayant la lourde
responsabilité de fabriquer des
médicaments est généralement
un assistant en pharmacie qui s’est
spécialisé comme opérateur de
production. Il y a deux zones pour
la fabrication des médicaments
injectables personnalisés : un pour
les chimiothérapies par le biais
d’installations nommées Cytobox,
et un autre, aux conditions de stérilité
encore plus strictes, pour des
préparations telles que les poches
de nutrition (voir portrait pages 4 à 7).
Aptes à travailler dans les deux
espaces, ces professionnels ont pour
mission de réaliser des médicaments
dont le dosage et la forme correspondent exactement aux besoins
d’un patient donné.
Les « matières premières » et le
matériel nécessaires à la réalisation
de la chimiothérapie sont introduits
dans la zone de fabrication via
un sas d’entrée qui possède un
système de circulation d’air ultraperfectionné : durant les quelques
secondes pendant lesquelles le
matériel est enfermé dans ces sas,
l’air sera renouvelé à 15 reprises
afin d’être purifié. Le personnel, quant
à lui, pénètre cette zone de production
par une série de sas sécurisés.
Sous le Cytobox, au sol, se trouvent
trois commandes à pied, l’une
permettant de créer un vide d’air
dans une petite chambre dédiée
au remplissage de poches et les deux
autres de commander l’ouverture des
sas d’entrée et de sortie des Cytobox.
Les « matières premières » et le matériel
sont introduits dans le Cytobox via
de nouveaux sas.
Pour réaliser la préparation dans
le Cytobox, l’opérateur travaille derrière
une vitre grâce à des gants spéciaux
qui l’isolent des produits qu’il manipule.
Afin de prévenir tout accident,
un différentiel de pression est appliqué
entre l’extérieur et l’intérieur
du Cytobox, ce qui permet d’éviter
d’éventuelles projections vers
l’extérieur. Le travail, d’une précision
absolue, nécessite également
une grande endurance : certaines
préparations peuvent en effet prendre
jusqu’à soixante minutes !
chuv | magazine | hiver 2012
Au milligramme près
L’Unité de fabrication de la pharmacie du CHUV présente
ses secrets pour la réalisation de médicaments stériles
personnalisés. Merci d’essuyer vos chaussures et d’attacher
vos blouses avant d’entrer, une propreté absolue est de mise !
Photographie Patrick Dutoit
décryptage
09
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les bénéfices
partenariat
10
Centrale d’achats
commune : un duo
qui fonctionne
Une centrale d’achats commune aux CHUV
Texte Alan Vonlanthen
>10%
u budget
u CHUV
Photographie Christophe Voisin
et HUG permet entre les deux hôpitaux
une économie annuelle de 50 millions.
Cinquante millions de francs
d’économie par an rien que sur
les achats récurrents ! C’est le résultat
de la mise en place d’une centrale
d’achats commune aux HUG et
au CHUV, alors que ses promoteurs
n’attendaient qu’une réduction
de 10 millions au bout de trois ans.
Sur les seuls médicaments, l’économie en 2010 s’est chiffrée à un plus
de 3 millions pour le CHUV et
les HUG. Le CHUV à lui tout seul
a économisé 1,48 million. Comment
est-ce possible?
La CAIB en chiffres
200’000
commandes/an
700 mios
CHF
volume d’achats/an
Vaud/Genève
(médicaments, matériel
et équipements)
30’000
articles à gérer
1200
fournisseurs
actifs
(> 1 commande/an)
60 mios
économies annuelles
sur les budgets
d’investissement
(nouvelles acquisitions)
50
employés à la CAIB
(équivalents temps-pleins)
L’organisation de la Centrale d’achats
commune (CAIB) témoigne de
l’efficacité des délégués médicaux :
elle place un chef de produits « achats »
en face du chef de produits « ventes »
de chaque fournisseur. Et si les achats
sont centralisés, l’approvisionnement, en revanche, reste décentralisé.
Ainsi, Genève et Lausanne conservent
leur autonomie dans la gestion des
commandes au jour le jour. La CAIB
leur facilite la vie en négociant
pour eux les meilleures conditions
sur la base des recommandations
de commissions.
L’idée de la CAIB fut émise par
Ricardo Avvenenti en 2000, dans la
foulée du projet Rhuso qui proposait
de fusionner les hôpitaux de Vaud
et de Genève. Rhuso fut balayé par
le peuple genevois mais la centrale
d’achats commune survécut.
En effet, harmoniser les choix de
médicaments entre services simplifie
la poursuite du traitement par les
patients lors des transferts.
Pour Ricardo Avvenenti, directeur
de la CAIB, le modèle est aussi
un succès dans le rapprochement
des deux institutions. « Au début,
les chefs de service assis à la même
table se regardaient parfois en chiens
de faïence ; la collaboration n’a pas
toujours été aussi fructueuse qu’aujourd’hui. Mais le soutien des deux
directions générales et les montants
importants rapidement économisés
par les services ont favorisé l’adoption
du modèle. »
La CAIB se bat désormais pour
faire valoir les benchmarks européens
auprès des fournisseurs suisses :
« Le niveau de vie justifie certes une
50 mios
petite différence dans le prix des
économies annuelles
sur les budgets
médicaments et des équipements,
Harmoniser
les choix
d’exploitation
Pour
les médicaments,
c’est la Cocomed indique Ricardo Avvenenti, mais nous
(achats
récurrents)
constatons parfois des écarts de plus
(Bureau Vaud-Genève des commissions des médicaments) qui coordonne de 50% par rapport aux prix de nos
voisins, ce qui est indéfendable. Nous
les travaux de Lausanne et Genève
continuerons à nous battre ; c’est notre
et émet des recommandations sur des
contribution à la maîtrise des coûts
critères avant tout pharmacologiques
de la santé. » Cette interface privé(efficacité, ratios risque/bénéfice,
public est plus utile que jamais. ▫
coût/utilité) et organisationnels.
Une année au Service de pharmacie du CHUV, c’est...
276’375
produits médicamenteux envoyés
dans les services de soins, soit en
moyenne 757 par jour. Ils proviennent
d’un stock comprenant plus de 1’700
sortes de médicaments.
9640
chimiothérapies préparées,
soit en moyenne 26 par jour.
400’000 kg
de médicaments de perfusion
reçus des fournisseurs externes sur
plus de 1’300 palettes, soit le poids
de 80 éléphants !
Le marché suisse des médicaments
4,8
milliards de francs par an
623 kg
de paracétamol (antidouleur) utilisés,
soit l’équivalent de 77’875 boîtes de
Dafalgan 500 mg à 16 comprimés.
7033
médicaments « personnalisés »
fabriqués, soit en moyenne 19 par jour.
21,2%
26,3%
52,5%
Hôpitaux
Drogueries et médecins
de cabinet
Pharmacies traditionnelles
chuv | magazine | hiver 2012
11
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les bénéfices
12
chef de la pharmacologie
clinique Thierry Buclin,
a lui-même testé des
médicaments en tant
Textes Camille Destraz
que volontaire.
« Je suis à 100% un produit CHUV ! »
Nommé en août dernier à la tête
de la division de pharmacologie
clinique, le médecin-chef
Thierry Buclin œuvre
à l'hôpital depuis le début
de sa carrière profession-
nelle. Tester les médicaments,
connaître leurs effets sur l’homme,
détecter les risques, c’est son quotidien : « Nous sommes responsables
des premières administrations d’un
médicament chez l’homme. Cela
nécessite d’être à l’affût de tout. »
Le prof. Thierry Buclin est une
référence en la matière, régulièrement
demandé pour des éclairages dans
la presse et parfois sollicité par les
instances juridiques lorsqu’il s’agit,
par exemple, de déterminer quels sont
les liens entre une prise de médicaments et un acte criminel.
Issu d’une famille de juristes,
le prof. Thierry Buclin a toujours
eu un penchant marqué pour les
sciences et la pensée humaniste.
Il se souvient de son premier déclic :
« Durant mes études de médecine,
j’avais peu de moyens. Pour financer
mon cursus, je me suis lancé
dans des veilles de nuit. Cela
a été ma première confrontation
avec le monde du travail. J’ai
découvert l’attention vis-à-vis
du patient. A côté de ça,
je me portais volontaire
pour des études cliniques.
Je testais différents
médicaments. Cela m’a
initié à la recherche
clinique de l’intérieur. »
Envisageant de devenir
médecin généraliste après
ses études, il découvre
la pharmacologie
grâce aux cours
dispensés par des
professeurs
passionnés.
Puis il se
dirige vers
la médecine interne, fait quelques
incursions en neurologie et en psychiatrie. Jusqu’au jour où il apprend
que la pharmacologie du CHUV engage
un assistant.
Le chef de la pharmacie
« A cette occasion, j’ai rencontré
Jérôme Biollaz, qui allait reprendre
cette division. Il m’a confié beaucoup
d’essais cliniques et a été très à l’écoute
de ma créativité. Je suis parvenu
à le convaincre qu’il fallait augmenter
le nombre de nos consultations,
et ne pas se contenter de faire des
études dans notre coin. »
L’occasion de revenir
« Les risques
et les effets des
médicaments
me fascinent. »
Passionné par les effets métaboliques
et cardiovasculaires, le prof. Thierry
Buclin a également réalisé des études
touchant aux aspects psycho-pharmacologiques. « Là, on a l’impression de
toucher à la biologie de l’âme ! »
En 2008, poussé par un intérêt pour
la culture anglaise, il passe six mois à
Oxford pour des travaux sur le monitoring thérapeutique avec l'épidémiologue
Paul Glasziou et le pharmacologue Jeff
Aronson. Une belle transition avant
de reprendre les rênes de la division de
pharmacologie clinique où il y a, selon
lui, « de réelles valeurs à défendre avec
finesse et intelligence ».
Sa manière à lui de se « rincer l’esprit » ?
Tester les randonnées en montagne et
expérimenter les variations de sa voix
en chantant dans un chœur ! ▫
Voir aussi en page 24
quittera bientôt son poste
pour travailler dans
les vignes valaisannes.
sur un parcours dont le
maître-mot est diversité.
Le prof. André Pannatier quittera
la pharmacie en mars 2013 pour
un virage professionnel radical.
Aujourd’hui à la tête d’une équipe
de plus de 70 personnes, professeur
associé à l’Ecole de pharmacie GenèveLausanne, membre de nombreuses
commissions, André Pannatier se
retrouvera bientôt en pleine nature,
dans le vignoble valaisan de son frère,
à faire renaître et vivre les ceps porteurs
de fruits « à la chimie bien plus complexe que celle des médicaments ».
« Cette passion pour la vigne est née
tardivement, précise-t-il. Je travaillerai
aux côtés de mon frère, qui est propriétaire d’un vignoble, et avec lequel je
suis très complice. »
Arrivé au CHUV à 30 ans, en 1980,
nommé chef de service de la pharmacie
en 1984, le prof. André Pannatier
a pourtant bien failli ne jamais œuvrer
dans ce secteur, la faute à des tests
d’orientation durant l’année de sa
maturité. « J’hésitais entre médecine,
médecine vétérinaire et pharmacie,
alors que l’on me recommandait les
lettres. » Mais décidément trop attiré
par « l’approche chimique de la vie »,
il finit par suivre son instinct.
Après l’obtention de son diplôme
en 1976, sa thèse de doctorat en 1979
suivie d’une année de post-doctorat,
il se met en quête d’un poste dans
un hôpital aux Etats-Unis. Mais une
annonce attire son attention : le CHUV
cherche un pharmacien adjoint.
Dilemme ! « J’ai un peu joué à pile ou
face ! » rigole celui qui, depuis son
engagement, est resté dans le même
secteur après avoir rapidement repris
les rênes du service.
En trente ans, il aura notamment
mené à bien le projet de l'intégration
de la pharmacie de Cery, puis des autres
unités de soins. Ce sont des exemples
parmi d’autres. Il a également
mis sur pied un service d’assistance
pharmaceutique et de pharmacie
clinique exercée par des pharmaciens
présents dans les unités de soins
(voir pp. 20-21).
« Après trente ans
au CHUV, je vais
travailler dans
les vignes »
La centralisation de la préparation
de médicaments anticancéreux l’a
également tenu en haleine. « Tous
les cytostatiques administrés au CHUV
sont maintenant préparés ici à la
pharmacie. » Il a modernisé la fabrication dans sa globalité pour répondre
aux exigences les plus pointues.
« Nous nous sommes lancés dans des
démarches très lourdes, avec, à la clé,
une inspection de Swissmedic en août
dernier. Ce matin (9 novembre 2011),
j’ai reçu l’annonce de Swissmedic
nous octroyant l’autorisation de
fabrication, de commerce de gros et
d’exportation des médicaments prêts
à l’emploi. C’est une grande victoire,
une victoire d’équipe. »
Comment ce passionné, qui apprécie
tant « la diversité et la richesse » de son
travail, imagine-t-il son virage ?
« Pour l’instant, je suis pleinement au
CHUV. Mais c’est tellement extraordinaire de se retrouver dans la nature,
à vivre et guider la renaissance d’un cep
de vigne ! Je pense que je vais y arriver
sans trop de difficulté. » ▫
chuv | magazine | hiver 2012
Thierry Buclin et André Pannatier connaissent
le mode d’emploi pour aller au bo ut de leurs passions
Le nouveau médecin-
Photographies Eric Déroze
portraits croisés
13
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les bénéfices
Des médicaments
nés sur ordinateur
La technologie informatique permet d’identifier de nouvelles molécules.
Une accélération de la recherche médicale qui offre une arme de plus dans
Texte Daniel Saraga
Photographie Heïdi Diaz
la lutte contre le cancer.
Sur l’écran, des formes colorées
de rouge et de bleu s’animent. Elles
représentent une nouvelle molécule
découverte par l’équipe du prof. Olivier
Michielin. Elle deviendra peut-être
un médicament candidat contre le
mélanome, le cancer de la peau
le plus agressif. Oncologue au CHUV,
le chercheur de l’Université de Lausanne
est un spécialiste de la simulation
informatique des molécules, une
méthode en plein essor à même
d’identifier rapidement de nouveaux
médicaments prometteurs.
L’équipe du prof.Olivier Michielin
a découvert une molécule capable
de contrecarrer un moyen utilisé par
certaines cellules cancéreuses pour
échapper au système immunitaire :
les tumeurs produisent un enzyme
nocif qui affaiblit les capacités de
défense des globules blancs. « Il détruit
un acide aminé essentiel aux globules
blancs, explique le médecin. Pour
empêcher l’action de cet enzyme,
il faut trouver une molécule qui puisse
se fixer sur lui. Nos simulations sur
ordinateur nous ont permis d’identifier
des nouvelles entités qui épousent
parfaitement la forme de l’agent nocif
et peuvent ainsi le neutraliser. » Les
premiers composés chimiques ont été
testés avec succès sur des souris.
In vivo, in vitro, in silico
Cette nouvelle chimie informatique
complète les approches « in vivo », qui
consistent à tester des composés sur
des êtres vivants, et « in vitro », où des
cultures cellulaires sont étudiées dans
des éprouvettes. Surnommée « in
silico » en référence au silicium contenu
dans les puces informatiques, cette
approche exige de rassembler médecins, informaticiens, chimistes et
physiciens. Le prof. Olivier Michielin
a d’ailleurs suivi une double formation
de médecin à l’UNIL et de physicien
à l’EPFL. De nombreux mécanismes
biologiques passent par l’emboîtement
de deux molécules et la conception
informatique de médicaments revient
souvent à trouver une « clé » correspondant le mieux possible à une « serrure ».
Mais découvrir de nouvelles molécules
n’est pas une tâche aisée – le nombre
de combinaisons est virtuellement
infini. L’équipe lausannoise utilise les
ordinateurs de Vital-IT, une infrastructure informatique consacrée aux
sciences de la vie mise sur pied par
les Universités de Lausanne et de
Genève et par l’EPFL. Les chercheurs
vont également pouvoir utiliser
le super-ordinateur IBM Blue Gene
de la plateforme lémanique Cadmos,
un monstre de puissance capable
d’effectuer 56'000 milliards d’opérations par seconde (soit 10’000 fois plus
qu’un ordinateur de bureau standard).
L’avantage de la simulation numérique est de pouvoir découvrir très
rapidement de nouveaux composés
sans passer par d’innombrables essais
chimiques, souligne le chercheur :
« Il est important de disposer de
plusieurs familles de molécules avant
de passer aux essais cliniques sur les
humains, car il arrive que des composés
chimiques soient mal absorbés par
l’organisme ou s’avèrent toxiques. »
Améliorer les protéines
Un second projet du prof. Olivier
Michielin vise à aider les globules
blancs à reconnaître les cellules
cancéreuses et surtout à mieux s’y
fixer, car c’est ainsi qu’ils peuvent les
détruire. « Nous sommes partis de la
protéine naturellement présente sur
les globules blancs, poursuit le chercheur. L’efficacité de ce récepteur
n’est pas optimale, car il ne colle pas
parfaitement aux marqueurs situés
à la surface des cellules tumorales.
Nous l’avons donc amélioré sur ordinateur et trouvé la forme qui correspond le mieux au marqueur. »
Un traitement consisterait à faire
fabriquer cette protéine améliorée par
les globules blancs. L’idée est d’insérer
le bout d’ADN codant le récepteur dans
des globules blancs extraits du patient
et cultivés in vitro. Une fois multipliés,
ces derniers sont réinjectés dans le
corps afin de lutter contre la maladie,
une approche inspirée de la thérapie
génique (voir encadré).
Mais si ces approches ont déjà démontré
leur efficacité en labo, le prof. Olivier
Michielin rappelle une dure réalité de la
recherche biomédicale : « Nous sommes
capables de guérir pratiquement tous
les cancers, mais seulement sur des
cultures cellulaires ou des souris. » Pour
le chercheur, l’ordinateur n’est qu’un
outil : son objectif est de soigner les
patients. Plus de 50% de son activité est
d’ailleurs dédiée à la prise en charge
des patients en oncologie : « Traiter des
patients m’aide à voir directement
l’efficacité des nouveaux traitements,
mais cela me confronte également
aux situations où les options thérapeutiques sont insuffisantes. C’est une
grande source de motivation pour faire
avancer nos projets au laboratoire. » ▫
A l’aide de son équipe, le prof. Olivier Michielin, spécialiste de la simulation informatique des molécules, a identifié des entités capables de neutraliser
des cellules cancéreuses.
La thérapie génique s’attaque à la maladie de Huntington
La chorée de Huntington est une maladie
rare qui se manifeste par des mouvements
incontrôlés et des changements de
personnalité et qui conduit inexorablement
à la mort une quinzaine d’années après
l’apparition des symptômes.
La nouvelle professeure associée de l’UNIL
et cheffe du Laboratoire de neuro-thérapies
cellulaires et moléculaires du Département
des neurosciences cliniques du CHUV,
Nicole Deglon, est sur une piste pour
trouver un traitement.
« Nous savons que la maladie est causée
par la mutation d’un gène spécifique.
Il fabrique des protéines anormales
qui occasionnent la mort de cellules
nerveuses situées dans le striatum, une
zone du cerveau responsable du contrôle
des mouvements. Notre idée consiste
à utiliser un virus désactivé pour insérer
dans les cellules malades un segment
de code génétique capables de bloquer
la fabrication des protéines anormales. »
Cette approche entièrement nouvelle
de la thérapie génique est basée sur les
« ARN interférents », dont la découverte
fut récompensée en 2006 par un Prix
Nobel de médecine.
chuv | magazine | hiver 2012
14
recherche
15
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les bénéfices
16
chuv | magazine | hiver 2012
Pour cette édition du CHUV I Magazine,
le photographe Philippe Gétaz
a immortalisé sa pharmacie de quartier,
située au centre-ville de Lausanne.
Gérée par Rached et Isabelle Sghaier
depuis vingt-deux ans, la Pharmacie
Chauderon possède une ambiance
particulière, avec ses meubles centenaires
qui servaient autrefois dans une pharmacie
située quelques maisons plus loin.
Devenue un véritable lieu de rencontre
pour les habitants du quartier, la Pharmacie
Chauderon a rapidement séduit l’œil
de notre photographe, qui a également
réalisé une série sur les autres commerçants
situés près de son domicile.
Photographie Philippe Gétaz
portfolio
17
chuv | magazine | hiver 2012
Ma pharmacie
portfolio
Sécurité électronique
Chaque perfusion requiert une
préparation spécifique. Le médicament stocké sous forme de concentré
doit être dilué dans une seringue,
qui dans un second temps est branchée au système de perfusion. « Entre
six et 18 solutions injectables sont
préparées par jour et par infirmière,
explique Laurent Gattlen. Ce processus
se déroule souvent dans le stress,
dans un local bruyant et mouvementé. » Dès lors, l’équipe des soins
intensifs a minutieusement étudié
puis optimisé l’ergonomie du poste
de préparation. Elle a également mis
au point un système d’étiquettes
pré-imprimées, à coller sur les seringues avant même de commencer la
dilution. Chaque médicament 4.
possède
son propre modèle, avec une couleur
spécifique et des indications claires
sur la préparation et le dosage.
seconde partie : 18-30
Médicaments :
gérer les risques
Une manipulation
sous haute surveillance
Des erreurs peuvent se produire lors de l’administration
de médicaments. Zoom sur les moyens mis en œuvre
Texte Benjamin Bollmann
Infographie LargeNetwork SwissInfographics
pour garantir la sécurité du patient aux soins intensifs.
1.
« L’état de nos patients peut
basculer d’une minute à l’autre.
Pour les stabiliser, nous leur injectons
des médicaments qui agissent très
rapidement. » Laurent Gattlen,
infirmier au Service de médecine
intensive adulte du CHUV, est responsable de la logistique et des équipements de perfusion. Couramment
employé, ce mode d’administration
peut se révéler particulièrement
dangereux s’il n’est pas correctement
manipulé. « Une erreur de dosage ou
dePrescription:
vitesse d’injection
potentieldoublepeut
validation
lement
avoir entre
de graves
conséquences,
Le médecin
les données
du
patient dans un logiciel, qui calcule
les dosages et établit l’ordonnance.
Un deuxième médecin la valide.
2.
précurseur
en matière de prévention
des erreurs. Il a mis en place une série
de mesures pour sécuriser le circuit
des perfusions. Première étape :
Pire, dans l’urgence, un professionnel la prescription du médecin. « Celle-ci
est rédigée sur une feuille pré-remplie,
pourrait faire un mauvais mélange,
afin de minimiser les risques de se
se tromper de produit, voire même
tromper lors de la relecture, explique
de patient. « Le risque d’erreur
Laurent Gattlen. De plus, la procédure
concerne toutes les étapes de la vie
veut que l’infirmière la relise avec
d’un médicament, du moment de
sa prescription à celui de son adminis- le médecin, avant de la recopier dans
le dossier informatique du patient.
tration », prévient l’infirmier.
Il s’agit d’un logiciel jouant un rôle clé
le suivi de
AuTransmission
CHUV, le Service
de médecine
à l’unité
de fabrication dans la planification
Sélection deset«ingrédients»:
intensive
adulte
fait figure
Le service
de pharmacie
du de
CHUV reçoit la médication. »
double validation
la prescription nécessaire à la fabrication
Un logiciel calcule automatiquement
de la chimiothérapie.
les volumes de médicament à utiliser.
Deux opérateurs les vérifient.
explique le spécialiste. Les médicaments passent tout de suite dans
l’ensemble de la circulation sanguine. »
Circuit de fabrication des chimiothérapies : sécurité maximale
3.
« A toutes ces mesures s’ajoute un
contrôle visuel des appareils à chaque
changement d’équipe. »
Autre facteur décisif : le travail du
pharmacien clinicien, qui régulièrement se trouve aux côtés de l’équipe
soignante lors des visites médicales.
« Cette collaboration interdisciplinaire s’avère particulièrement bénéfique dans les services tels que les soins
intensifs, où les thérapies médicamenteuses sont complexes », explique
Pierre Voirol, qui exerce cette fonction.
Par ailleurs, la pharmacie maintient
à jour des bases de données utiles aux
soignants, comprenant des informations telles que les incompatibilités
entre les médicaments.
La PMU aussi
Vingt mille, c’est le nombre
d’ordonnances traitées chaque
année au comptoir de la pharmacie
de la Policlinique médicale
universitaire (PMU). « Avec une
telle quantité de médicaments,
il arrive que des erreurs se
produisent, comme se tromper
d’emballage, admet le prof. Olivier
Bugnon, pharmacien chef à
la PMU. Mais les incidents restent
rares et n’ont jamais eu de
conséquences graves. »
La pharmacie procède à un contrôle
systématique des ordonnances
5.
en trois étapes. L’historique du 6.
patient est d’abord comparé
Pour l’instant, les systèmes inforà la prescription par l’employé de
matiques utilisés aux soins intensifs
pharmacie. Le pharmacien vient
ne permettent pas d’étudier le taux
ensuite au comptoir pour la valider
d’erreur de manière systématique.
« Pour l’administration des médicaet s’assurer que le patient ait
« Difficile de donner une estimation,
ments, nous avons acquis du matériel
bien compris l’usage du traitement.
dit Laurent Gattlen. Seules les erreurs
de perfusion précis et doté de systèmes
« Il arrive souvent qu’il manque
détectées et celles déclarées sont docude sécurité électroniques, explique
une information sur l’ordonnance »,
mentées. » Toutefois, le service prévoit
Laurent Gattlen. Les appareils sont
révèle le prof. Olivier Bugnon.
l’informatisation intégrale des presconçus pour minimiser le risque
Enfin, un dernier contrôle de
criptions, la connexion des appareils au
d’erreur lors du réglage des paramètres
l’ordonnance et des médicaments
dossier informatique du patient, ainsi
d’injection et durant toute la perfudistribués est réalisé le lendemain,
que l’utilisation de codes-barres sur les
sion. » Pendant
le traitement,
l’état du Étiquetage
au moment
de validation
la facturation
étiquettes.
Des mesures qui devraient Transport:
Fabrication
dans une
enceinte
à l’intérieur
double
patient
est surveillé en permanence. de l’enceinte
à la caisse
maladie.
encore renforcer
stérile
(Citobox)
stérile la prévention. ▫
Une équipe
dédiée
s’occupe du
Le préparateur suit pas à pas les
Pour éviter les confusions, la
transport de la chimiothérapie au sein
instructions affichées à l’écran. Grâce
chimiothérapie sort déjà étiquetée
du CHUV. Avant de l’administrer, deux
à une balance, l’ordinateur contrôle
de l’enceinte. La préparation est
infirmières contrôlent si elle correspond
le volume prélevé à chaque étape.
ensuite contrôlée.
à la prescription.
La manipulation des chimiothérapies, des substances potentiellement dangereuses, demande de grandes précautions.
1.
Prescription: double validation
Le médecin entre les données du
patient dans un logiciel, qui calcule
les dosages et établit l’ordonnance.
Un second médecin la valide.
2.
Transmission à l’unité de fabrication
Le Service de pharmacie du CHUV
reçoit la prescription informatique
nécessaire à la fabrication de
la chimiothérapie et la valide.
3.
5.
4.
Sélection des «ingrédients»:
double validation
Un logiciel détermine automatiquement
les médicaments et leur quantité à
utiliser. Deux opérateurs les vérifient.
Fabrication dans une enceinte
stérile (Cytobox)
Le préparateur suit pas à pas les
instructions affichées à l’écran. Grâce
à une balance, l’ordinateur contrôle
le volume prélevé à chaque étape.
6.
Etiquetage à l’intérieur
de l’enceinte stérile
Pour éviter les confusions, la chimiothérapie sort déjà étiquetée de
l’enceinte. La préparation est ensuite
contrôlée.
Transport: double validation
Une équipe dédiée s’occupe du
transport de la chimiothérapie au sein
du CHUV. Avant de l’administrer,
deux infirmières contrôlent si elle
correspond à la prescription.
chuv | magazine | hiver 2012
18
focus
19
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les risques
Quelle équipe autour du patient
pour éviter l’erreur médicamenteuse ?
A l’unité des soins intensifs, les médicaments administrés
La banque nationale
de l’imagerie cérébrale
ne donnent pas droit à l’erreur. Leur nature potentiellement
dangereuse exige une marge d’erreur minime.
Le monitoring du patient
permet de surveiller ses
fonctions vitales, comme
son rythme cardiaque ou sa
tension. L’équipe peut alors
vérifier si le médicament
administré a une influence
néfaste ou positive sur les
fonctions vitales du patient
et agir en conséquence.
Texte Séverine Géroudet
Photographie Gilles Weber
Ce panneau qui s’accroche
au monitoring permet de
signifier visuellement que
le patient a une allergie
connue et qu’il ne faut
pas lui administrer
certaines substances
médicamenteuses.
Pierre Voirol, pharmacien
responsable de l’assistance
pharmaceutique pour
les soins intensifs.
Le pharmacien, présent
à 30% dans l’unité, tient
un rôle de soutien.
Il dispense des conseils
et des informations sur les
médicaments à la demande
des médecins et des
infirmiers et infirmières.
Il constitue également
une aide précieuse à
la prescription.
Les pompes servent à
administrer les médicaments
aux patients de manière
continue. C’est un outil
mécanique, automatique
et contrôlé, qui pousse
la seringue de manière
régulière. Il émet une
alarme dès qu’un problème
se produit ou lorsque
la seringue est presque vide,
afin que le changement
de seringue puisse être
anticipé. Sa marge d’erreur
est de 2%.
seconde partie : 20-34
soigner
François Mudry,
infirmier spécialisé en
soins intensifs.
C’est le rôle des infirmiers
et infirmières de préparer
et d’administrer aux
patients les médicaments
prescrits par le médecin.
A l’aide d’un système
d’étiquettes régi par
un code de couleur,
il prépare les solutions
médicamenteuses. Chaque
étiquette est pré-remplie
et présente la définition
exacte de préparation
du médicament, empêchant
toute marge de manœuvre.
Ainsi les erreurs de
préparation sont limitées.
La feuille d’ordre est
un formulaire qui contient
les prescriptions du
médecin. Le formulaire
est pré-rempli et structuré
de manière à simplifier
le travail de prescription
ainsi que la transmission
des informations
de médecin à infirmier.
Dans d’autres unités,
ce formulaire est informatisé.
C’est la prochaine étape
pour les soins intensifs,
car l’informatisation permet
de réduire davantage
la marge d’erreur.
Le dossier informatisé
du patient répertorie
les données venant
du monitoring et les informations en lien avec le
médicament administré.
Il permet un suivi spécifique
de ce dernier par des
calculs, des statistiques
et un historique.
Lise Piquilloud Imboden,
doctoresse et cheffe
de clinique.
Le médecin détermine
le médicament dont le
patient a besoin et le
prescrit. Il définit le dosage
nécessaire du médicament
et le rythme auquel il doit
être administré.
Laurent Gattlen,
responsable
des procédures
d’administration des
médicaments et du bon
fonctionnement des
appareils qui y sont liés.
Entouré de toute une
équipe, il assure un rôle de
maintenance du matériel
rattaché à la médication
ainsi qu’une permanence
logistique. En lien avec son
travail aux soins intensifs,
Laurent Gattlen a mené
plusieurs études et
rédigé de nombreuses
publications sur la sécurité
du médicament.
chuv | magazine | automne 2011
20
décryptage
21
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les risques
Pastilles vertes
et sirops roses
3 Goût
Les plus jeunes générations ont
pu échapper à l’ingestion d’huile
de foie de morue à la cuillère, grâce
à l’arrivée des gélules. Il n’en reste
pas moins que le goût des médicaments fait débat. « Je trouve personnellement que certains comprimés
effervescents ont très mauvais goût »,
dit en souriant le Dr Gregory Podilsky.
Mais il y a une bonne raison à cela :
la forme galénique la plus simple
est toujours la meilleure. « Il y a déjà
suffisamment de contraintes techniques à intégrer, et trouver de bons
agents masquant le goût n’est pas
si facile. »
Le goût, la couleur et la forme des médicaments
varient considérablement. Ils sont déterminés par
l’âge du patient, la pathologie visée ou encore le mode
d’administration le plus efficace. Explications.
Texte Serge Maillard
Photographie Chloé Pracchinetti
1 Forme
Comprimés, gels, sirops, cachets,
granules, pastilles, ou encore
dragées… Il faut faire preuve
d’imagination pour concevoir
l’aspect physique des médicaments,
leur « forme galénique », du nom
de Galien – qui est à la pharmacie
ce qu’Hippocrate est à la médecine.
« Les substances actives, qui se
présentent le plus souvent sous forme
de poudre, ne sont pas ingérables
en tant que telles, explique le prof.
André Pannatier, pharmacien-chef
au CHUV. Pour en faire un médicament, il faut ajouter des excipients,
des substances inertes permettant
de soutenir l’action du médicament. »
Un seul médicament peut ainsi
se décliner sous plusieurs formes.
Le méthotrexate, par exemple,
utilisé entre autres en oncologie,
est disponible sous forme orale
liquide ou sous forme de comprimé,
en solution injectable administrable
par voie sous-cutanée, intramusculaire, intraveineuse et même
intrathécale c’est-à-dire
par injection directe dans le dos,
entre les vertèbres.
Autre exemple d’inventivité
pharmaceutique : l’oméprazole,
qui vise à couper l’acidité gastrique.
« S’il arrive tel quel dans le milieu
acide de l’estomac, il se détruit tout
de suite, explique le docteur Grégory
Podilsky, pharmacien responsable
de l’Unité de fabrication des médica-
2 Couleurs
ments du CHUV. Or, la substance
active ingérée doit transiter
par l’estomac avant de passer dans
le sang. L’industrie a donc créé
une forme gastro-résistante,
qui peut traverser l’estomac tout
en étant protégée de l’acidité
et se libérer ensuite au niveau de
l’intestin. » On parle dans ce cas
de comprimé « enrobé ».
Outre le choix du mode d’administration le plus efficace, l’industrie
pharmaceutique fait aussi intervenir
une logique commerciale dans
l’aspect des médicaments. Un choix
controversé, note le Dr Grégory
Podilsky : « Très clairement, le
marketing ne va pas toujours de pair
avec la sécurité. Par exemple, la ligne
graphique utilisée pour identifier
une marque peut amener à la confusion entre plusieurs médicaments,
notamment en ce qui concerne leur
couleur (voir point no 2). »
La couleur n’est jamais le fruit
du hasard. « A des fins de marketing,
l’industrie pharmaceutique a exploité
des études sur la psychologie des
couleurs, explique le prof. André
Pannatier. Par exemple, il a été
démontré que le rouge était associé
à un effet stimulant alors que le bleu
était plutôt perçu comme exerçant un
effet tranquillisant. » Paradoxalement,
la petite pilule bleue bien connue
contre l’impuissance doit sa couleur
à celle de son fabricant, qui a fait le
choix du bleu pour son logo. La logique
commerciale n’est jamais très loin...
D’autres constantes existent.
Par exemple, la plupart des
emballages contenant des produits
à base de fer contre l’anémie sont
rouges, pour rappeler le sang.
Il n’existe cependant pas de consensus
au niveau international pour le
code couleur des médicaments.
« Il y a tellement d’associations possibles
qu’il est inconcevable d’attribuer
une couleur spécifique à chaque
médicament, note Grégory Podilsky.
Un patient peut donc très bien se
retrouver avec cinq médicaments
blancs et ronds, ce qui rend les
confusions possibles. »
Les pharmaciens du CHUV masquent
le goût en priorité lorsque le médicament doit être ingéré par un enfant.
« Par exemple, la predisone, un
dérivé de la cortisone utilisé entre
autres contre certains types d’allergie,
a un goût absolument horrible
qui peut être masqué par du chocolat. » Certains praticiens s’opposent
cependant à ce qu’on donne une saveur
trop attractive à un médicament.
Un goût désagréable peut en effet
aussi servir à limiter les abus. ▫
Le placebo, plus qu’une simple croyance
« Les médecins utilisent souvent
l’effet placebo, par exemple lorsqu’ils
prescrivent des vitamines contre un
peu de fatigue, explique Thierry Buclin,
professeur de pharmacologie clinique.
L’esprit humain étant très sensible
à la suggestion, les remèdes “à bien
plaire” étaient déjà connus dans
l’Antiquité, rappelle-t-il. L’étymologie
latine du mot placebo signifie d’ailleurs
“ je plairai ”, titre d’un psaume. »
Après la Seconde Guerre mondiale,
les Anglo-Saxons ont lancé les premiers
grands essais cliniques comparant
les effets d’un médicament comprenant
des substances actives à un produit
neutre, un placebo.
Ni le patient volontaire ni le médecin
ne savent quel est le « vrai » médicament. « L’effet placebo contient
la force de la croyance, mais aussi
celle du temps qui passe. Les statistiques nous permettent d’évaluer
l’effet réel d’un médicament, au-delà
de l’effet placebo.
chuv | magazine | hiver 2012
22
zoom
23
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les risques
Recenser et rassurer
Dans la série Dr House, l’épisode
s’achève lorsque le médecin met
un nom sur la pathologie dont
souffre le patient, comme s’il suffisait ensuite d’administrer le bon
traitement. Dans la réalité, il en va
tout autrement : « Cela ne s’arrête
pas quand l’ordonnance est signée,
confirme le prof. Thierry Buclin.
Cette représentation est symptomatique
d’une époque où l’on a des attentes
aussi nombreuses que simplistes des
médicaments. Mais il ne faut pas
oublier que « Pharmakon », le mot
grec à l’origine de « Pharmacie »
autant que de « Pharmacologie »,
désignait à la fois le médicament
et le poison ! »
Pharmacologique,
mon cher Watson
Pour le public, la différence entre pharmacie et pharmacologie
peut sembler floue. Tour d’horizon des activités cruciales
de cette unité du CHUV avec son chef, le prof. Thierry Buclin.
Si tout le monde a déjà croisé un
pharmacien dans sa vie, les pharmacologues sont un peu plus difficiles
à rencontrer hors de l’hôpital.
Mais quelle est leur mission ? « Notre
travail peut se définir parallèlement
à celui de l’infectiologue, répond
Thierry Buclin, professeur ordinaire
de l’UNIL et chef de la Division de
pharmacologie clinique du CHUV.
Nous devons comprendre et identifier
l’adversaire, avant de corriger ou
de prévenir ses méfaits. Sauf qu’au
lieu de combattre les microbes, nous
nous intéressons aux médicaments ! »
On considère qu’en moyenne
5 à 10% des personnes hospitalisées
le sont à cause de médicaments :
« Ce ne sont pas toujours des erreurs,
continue le prof. Thierry Buclin.
Parfois ce sont des effets imprévisibles, voire délibérés comme dans le
cas des chimiothérapies qui sont,
ne l’oublions pas, des produits assez
toxiques. » Ainsi, le pharmacologue
est souvent amené, dans le cadre
du diagnostic ainsi que dans le choix
du traitement, à jouer le rôle d’expert
auprès du médecin pour répondre
à des questions aussi importantes
que « faut-il arrêter ce médicament ? »,
« ces substances risquent-elles
d’interagir défavorablement ? »
ou « devrait-on ajuster le dosage
de ce produit ? ». « Bien sûr, des
spécialistes comme les cardiologues
ou les neurologues connaissent à fond
les indications des traitements qu’ils
prescrivent, ajoute le prof. Thierry
Buclin. Mais notre discipline concerne
néanmoins tout l’hôpital dans la
prévention des effets secondaires. »
En plus de son activité hospitalière,
l’Unité de pharmacologie fournit un
De fait, la pharmacovigilance
(soit l’enregistrement et l’évaluation
des effets secondaires des médicaments) fait partie des attributions
de l’unité du prof. Thierry Buclin. Mais
ses projets visent aussi à prévenir ces
problèmes grâce à une individualisation des traitements basée sur un suivi
thérapeutique précis. « Le développement du monitoring est particulièrement prometteur en Suisse, où l’on
est volontiers enclin à surveiller et
mesurer, constate le pharmacologue.
Mais cette activité implique des
remises en question et demande
des efforts de la part des médecins et
de l’industrie pharmaceutique.
Depuis les années 1990, nous réussissons progressivement à faire passer
l’idée que les patients ne sont pas
tous égaux face aux médicaments,
et que, par conséquent, dans certains
cas, le dosage unique n’est pas une
bonne chose. Nous avons mené déjà
de nombreuses recherches, notamment dans le cas des trithérapies
contre le sida et d’autres infections.
Et nous nous penchons maintenant
sur les nouveaux traitements anticancéreux. Nous sommes un petit centre,
mais nous obtenons déjà des résultats
très intéressants pour la communauté
scientifique internationale. »
La technologie offre également
de toutes nouvelles perspectives :
« Nous sommes en train de
concevoir, en collaboration avec
l’EPFL, un système de monitorage
qui pourrait, grâce à un système
miniaturisé, permettre au médecin
de connaître instantanément
la concentration de médicaments
qu’un patient a dans le sang, expose
le prof. Thierry Buclin. Cet appareil
permettrait ainsi de modifier
immédiatement les dosages selon
les besoins du patient. Nous n’en
sommes qu’au tout début ! » ▫
Photographie BZH Matth
Photographie Heïdi Diaz
24
grand nombre de prestations,
notamment auprès des médecins
installés : « Un médecin d’hôpital ou
de cabinet signe environ 4000
prescriptions par année, explique le
prof. Thierry Buclin. Cela représente
une responsabilité énorme ! Notre
unité a donc également une mission
importante de formation auprès des
professionnels, afin de promouvoir
un emploi rationnel et de prévenir
au maximum les pépins. »
chuv | magazine | hiver 2012
Texte Bertrand Tappy
éclairage
25
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les risques
La tératovigilance, ou l’ange gardien
des futures mères
S’il est bien une « population » à qui
les médicaments ferment facilement leur
porte, ce sont les femmes enceintes.
« Comme on peut l’imaginer, il est très
compliqué de faire des études auprès de
femmes enceintes volontaires, explique
le prof. Thierry Buclin. C’est pour cette
raison qu’une majorité des médicaments
sont interdits aux femmes attendant un
enfant : c’est une précaution, qui résulte
d’une incertitude sur les effets possibles. »
Mais qu’en est-il de celles qui prennent
un traitement alors qu’elles ignorent
qu’elles sont enceintes ? « Notre unité
abrite depuis maintenant quinze ans
le Swiss Teratogen Information Service
(STIS), qui offre information et soutien
au généraliste ou au gynécologue
de cabinet. Ils nous contactent pour
savoir si cette prise de médicament
représente un risque pour l’enfant
à naître, répond le pharmacologue.
Nous partageons un réseau avec
d’autres centres des pays industrialisés,
qui enregistrent chaque exposition
tout comme nous. Heureusement,
dans beaucoup des 500 cas que
nous traitons par année, nous
rassurons plutôt la patiente à propos
de la crainte de malformations.
Sinon, nous recommandons des
examens complémentaires. »
Mais surtout, le STIS récolte
le suivi des grossesses jusqu’à la
naissance. « A travers le réseau,
nous obtenons ainsi les données
anonymisées de milliers de cas,
soit une masse d’informations
irremplaçable dans ce genre de
surveillance épidémiologique. »
Sécurité à l’hôpital :
la parole aux patients
Pour prévenir les erreurs médicales, le CHUV a distribué
à 1500 patients une brochure de prévention. Un projet pilote
Texte Serge Maillard
Photographie Eric Déroze
avec un mot d’ordre : les malades ont un rôle à jouer.
Patient ne veut pas dire passif.
Durant six mois, le CHUV a participé
à une expérience pilote organisée
par la Fondation pour la sécurité
des patients, visant à inclure
les malades dans la prévention des
erreurs médicales. « Nous considérons
le patient comme un partenaire,
explique le prof. Jean-Blaise
Wasserfallen, directeur opérationnel
clinique. Non seulement nous
avons l’obligation légale de l’informer
des bénéfices et risques d’un traitement, mais nous voulons aller
plus loin, en l’incitant à interpeller
notre personnel s’il remarque quelque
chose d’anormal. »
s’il observe que la pilule qu’on lui
remet n’est plus bleue mais jaune. »
Concrètement, une brochure
intitulée Eviter les erreurs – avec votre aide
a été distribuée dans cinq services.
Elle invite le patient à communiquer ce qui lui semblerait inhabituel. « Au fond, c’est le seul
individu présent physiquement
durant chaque consultation,
examen et traitement, ajoute
le prof. Jean-Blaise Wasserfallen.
De nombreuses erreurs survenant
au lit du malade peuvent être
observées par le patient. »
Ces points incluent notamment
la réaction des patients s’ils observent
que le professionnel ne s’est pas
désinfecté les mains ou s’il le confond
avec un autre – « Nous évitons de
mettre un Perret et un Pernet dans la
même chambre », précise sur ce point
le prof. Jean-Blaise Wasserfallen.
Exemple type, abordé dans la
brochure : la confusion de médicaments. « Les infirmières vérifient
deux fois si le médicament attribué
est le bon, mais il y a toujours
une possibilité de défaillance ou
de confusion. Le patient est bien
placé pour réagir, par exemple
Osera-t-il pour autant communiquer
ses doutes ? La brochure vise précisément à briser la « barrière d’incommunicabilité » qui peut survenir entre
patient et professionnel de la santé.
« Souvent, les patients arrivent inquiets
et déstabilisés à l’hôpital, observe
le prof. Jean-Blaise Wasserfallen. Ils se
retrouvent dans un nouvel univers,
sans savoir de quelle manière ils
peuvent intervenir. La brochure
détaille cinq points pratiques où une
bonne communication peut faire
la différence. »
un nouveau rôle, plus vigilant,
sans pour autant que la responsabilité lui soit transférée.
Au risque d’éroder la relation
entre patient et soignant ? « C’est
une relation de confiance qui se
construit, mais qui se mérite aussi.
Le patient bien informé posera des
questions plus pertinentes, et sera
aussi plus exigeant vis-à-vis du
soignant », répond le prof. JeanBlaise Wasserfallen. L’inverse est
aussi vrai : si le patient ne respecte
pas les recommandations du personnel soignant, il court le risque d’être
remis à l’ordre. « La première fois que
j’ai mis à la porte un patient qui
contrevenait régulièrement à l’interdiction de fumer, mettant en danger
la santé de son voisin de chambre,
tout le monde m’a pris pour un fou ! »
raconte le directeur médical. A patient
plus attentif, médecin plus exigeant.
Les jeunes plus réactifs
Dans leur rapport avec les soignants,
Oser remettre en cause le soignant les générations se suivent et ne se
ressemblent pas. « Les jeunes adoptent
Cette approche plus approfondie
de la relation patients–professionnels plus facilement une attitude de
requiert également une sensibilisa- partenaires, car ils reçoivent plus
d’informations via internet, constate
tion de ces derniers. « Eux aussi
le prof. Jean-Blaise Wasserfallen.
doivent apprendre, par exemple,
Ils sont non seulement mieux
à accepter que le patient observe
informés, mais aussi plus exigeants.
l’écran de contrôle de leur appaLes personnes âgées ont plutôt
reil. » Le facteur déterminant pour
l’habitude d’une médecine plus
le succès du projet réside dans
paternaliste, avec un rôle moindre
la possibilité de « remise en
laissé au patient. » Le temps ferait
cause » de l’autorité médicale par
donc le jeu d’un patient plus réactif.
le patient, qui se voit attribuer
« Cette tendance ne doit toutefois
pas masquer le fait que la population
soignée est aussi constituée de
personnes rendues vulnérables par
l’âge ou la maladie, relève Nicolas
Jayet, infirmier et chargé de communication à la Direction des soins.
Nous devons donc être particulière-
ment attentifs auprès de ceux
qui ne sont pas en mesure de réagir,
de questionner ou de se positionner. »
L’étude menée a bien fonctionné :
quelque 95% des patients et 78% du
personnel soignant y ayant participé
sont tombés d’accord sur le fait que
« les hôpitaux devraient mieux
informer les patients sur la prévention d’erreurs médicales ». Cela sera
chose faite dans la nouvelle brochure
d’information remise à l’accueil,
qui comprendra un passage sur
la communication entre patients,
familles et soignants... ▫
chuv | magazine | hiver 2012
26
évolution
27
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les risques
28
pour construire la médecine de demain
et la possibilité, en occupant le poste
qu’on me proposait, de participer
à cet effort. En plus, il y avait beaucoup d’autres paramètres à prendre
en compte, notamment mon épouse
et mes enfants !
Photographie Philippe Gétaz
Mais n’y a-t-il pas de risque que
votre parcours ne vous mène vers
de futurs conflits d’intérêts ?
La chose a bien sûr été abordée durant
la procédure de recrutement. Mais
pour être vraiment sûr que ce genre
de situations ne se produise pas, je ne
fais pas partie de la commission des
médicaments du CHUV, qui choisit
les produits que l’hôpital achète.
« Chaque médicament est un petit miracle »
Récemment nommé à la tête du Département des laboratoires du CHUV et profes-
seur ordinaire à l’UNIL, Vincent Mooser a choisi de revenir en Suisse et dans le ser-
vice public après plusieurs années passées aux Etats-Unis en tant que vice-président
de l’entreprise pharmaceutique GlaxoSmithKline.
CHUV Il
est rare de voir un professionnel de la santé faire un retour
du privé vers le service public.
Quelles sont les raisons qui vous
ont amené à rejoindre Lausanne ?
Vincent Mooser J’ai passé quelques nuits
blanches pour prendre cette décision !
(Rires) Mais vous savez, cela avait
déjà été le cas en 2002, lorsque j’avais
choisi de quitter le CHUV pour partir
travailler dans l’industrie pharmaceutique à Philadelphie et de poser
le stéthoscope pour un bureau.
A l’époque, je ne savais pas grand-
chose de ce qui m’attendait. Heureusement, les choses se sont bien
passées pour moi et pour ma famille ;
et au moment où l’opportunité de
revenir au CHUV s’est présentée, j’ai
été séduit par le potentiel qu’offrait la
place lausannoise et l’Arc lémanique
Vous aimez parler des médicaments
comme des « miracles ». Pouvezvous nous en dire plus ?
Durant les années que j’ai passées au
sein de la pharma, j’ai eu la chance de
vivre en interne comment on découvre
et comment on développe un nouveau
médicament : depuis le travail en
éprouvette jusqu’à la découverte de la
molécule, suivi par le long et coûteux
travail des essais cliniques. A ce sujet,
il y a une chose dont le grand public
n’est pas conscient : pour un médicament qui arrive sur le marché, ce sont
des années de labeur et des milliers de
molécules qui ont été testées, dont la
grande majorité est arrêtée en chemin.
Tout cela a un coût immense ! Je vous
laisse imaginer la résilience qu’il faut
pour travailler dans ce milieu…
Que répondez-vous à ceux qui
disent que la recherche académique
ne sert à rien si l’industrie ne voit
pas un intérêt financier comme
dans le cas de maladies orphelines ?
L’académie et l’industrie ont des
missions différentes. L’académie doit
conduire à une augmentation de nos
connaissances et à leur transmission ;
l’industrie doit produire des nouveaux
traitements. Vous savez, depuis
deux-trois ans, l’industrie s’est rendu
compte qu’elle ne savait pas tout et
qu’elle avait tout intérêt à travailler
avec le monde académique. Il existe
un autre élément : l’industrie fait
marche arrière, après avoir longtemps
cru que l’on pouvait extrapoler
à l’homme ce qu’on avait observé chez
l’animal. D’où un intérêt soudain pour
les recherches menées sur le génome
humain par le monde académique,
qui lui permettraient d’ouvrir de
nouvelles perspectives… Quant
à l’Université, elle n’a tout simplement
ni le mandat ni les reins assez solides
financièrement pour absorber les coûts
et essuyer les risques liés au développement des médicaments. Il est donc
assez passionnant de voir les deux
mondes se rapprocher aujourd’hui.
« L’industrie
s’est rendu compte
qu’elle ne savait
pas tout. »
Quand une dose de traitement est
vendue un demi-million de francs,
est-ce que l’on ne passe pas la barrière du raisonnable ? Comment
expliquer une telle dérive ?
C’est un problème complexe. Il faut
comprendre la situation de l’industrie :
lorsqu’une molécule est synthétisée
– attention, je dis bien synthétisée et
non pas commercialisée – le laboratoire
dispose de quinze années environ
pour rentrer dans ses frais et faire du
bénéfice avant que la formule ne soit
mise à la disposition de ses concurrents. Mais sur ces quinze années,
vous devez enlever cinq ans de développement pré-clinique, et au moins cinq
ans d’essais cliniques ! Il ne reste plus
que cinq ans, quand tout va bien, pour
rentabiliser votre médicament. Pour
rembourser un milliard, c’est court !
Mais comment réagissez-vous
lorsque les hôpitaux doivent
produire eux-mêmes des traitements, parce que l’industrie
pharmaceutique refuse de le
faire par manque de rentabilité,
notamment en pédiatrie ?
Ce n’est pas uniquement une question d’argent. En pédiatrie, il y a
effectivement énormément d’inconnues. Et le contexte est très difficile
pour les chercheurs ; les coûts des
essais cliniques sont très grands,
le marché est restreint et le nombre
de cas par pathologie est vraiment
petit. Il existe toutefois des pistes
pour sortir de cette situation, notamment la possibilité de prolonger
de six mois la durée de la fameuse
patente de quinze ans, pour encourager la recherche dans le domaine
de la pharmacologie pédiatrique.
Ce genre de solutions a encouragé les
maisons pharmaceutiques à mieux
connaître l’effet et la dose optimale
des médicaments chez les enfants.
Dans ce contexte, quel est votre projet en tant que chef de département ?
Nous arrivons aujourd’hui dans
une période que nous appelons
« post-génomique » : cela fait dix ans
que le génome humain a été décrypté
pour la première fois, après des années
de travail et un budget de plusieurs
milliards de dollars. Depuis lors,
la technologie pour réaliser ce travail
a progressé de manière fantastique,
et coûte nettement moins cher ! Pour
vous donner une idée, cela revient
aujourd’hui 10’000 fois moins cher
pour décrypter les 3 milliards de paires
de base qui composent notre génome.
Et d’ici à cinq ans, on pourra probablement le faire pour 500 dollars ! Face
à ces développements, on peut adopter
deux attitudes : soit on attend de voir
déferler l’avalanche, soit on s’y prépare.
Mon choix est vite fait ! Et je ne parle
pas seulement de se préparer d’un point
de vue médical, mais aussi éthique,
informatique, légal, sociologique, etc.
Et le CHUV a une carte à jouer
selon vous ?
Je considère qu’un hôpital universitaire
a la responsabilité d’anticiper ces
changements, qui vont indubitablement modifier la pratique de la
médecine et qui nous dirigent vers
une prise en charge individualisée
du patient. L’Arc lémanique a tous les
atouts pour jouer un rôle dans cette
révolution. C’est donc dans cette
voie que je compte créer de nouveaux
projets, dont notamment une banque
d’ADN couplée, de façon codée, aux
dossiers des patients du CHUV, et nous
sommes actuellement en discussion
avec l’UNIL et l’EPFL. ▫
chuv | magazine | hiver 2012
Texte Bertrand Tappy
interview
29
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les risques
Pour pallier ce problème, l’injection périodique du médicament est utilisée
en psychiatrie, ainsi que les consultations personnalisées auprès des
pharmaciens pour les maladies chroniques.
matin
midi
Le prof. Hans-Jürg Leisinger,
qui a été pendant plusieurs années
membre de la Commission d’animation culturelle du CHUV, a fait don
à l’institution de 24 œuvres d’art
réalisées par des artistes provenant de
différents pays. Parmi eux, Yves Dana
et Kurt von Ballmoos déjà présents
dans la Collection du CHUV, Thomas
Müllenbach qui a exposé au CHUV
en 2007, et des artistes à découvrir,
entre autres l’Américain Fred Reich-
Texte Caroline de Watteville
L’oubli ou le refus du patient de suivre le traitement prescrit est courant.
Le prof. Hans-Jürg Leisinger fait don
au CHUV de 24 œuvres d’art !
chuv | magazine | hiver 2012
« Docteur, j’ai oublié
de prendre mon médicament »
Photographies Jonathan Cretton et Chloé Pracchinetti,
30
culture chuv
31
chuv | magazine | hiver 2012
médicaments : les risques
man avec la toile Little Summer Music.
Ce don constitue un enrichissement
remarquable de notre collection d’art
contemporain, laquelle a justement
pour but de permettre la présence
de l’art dans les services hospitaliers.
soir
Espace CHUV, de septembre à octobre 2011 : Vernissage de l’exposition Danse ! 25 ans de la Cie Philippe Saire ; Fabien Ruf, chef du Service de la culture
de la Ville de Lausanne, avec la journaliste Rachel Barbezat. Concert Poésie sonore, Vincent Barras et Jacques Demierre. Vernissage de l’exposition
Florian Javet, lauréat de la Bourse Alice Bailly 2011 : les prof. Michel Glauser et Pierre Vogt, membres du conseil de Fondation.
Depuis plusieurs années, Chin Eap,
professeur associé au centre des
neurosciences psychiatriques,
est confronté au même problème :
l’arrêt ou la mauvaise prise des
médicaments par les patients.
Un phénomène qui atteint des
dimensions considérables : « Après
trois mois en moyenne, la moitié
des patients qui doivent prendre un
traitement médicamenteux par voie
orale ne respecte plus le traitement
prescrit par le médecin. »
La « non-observance » médicamenteuse s’avère particulièrement
problématique sur le long terme dans
le traitement de certaines pathologies
psychiatriques, comme la schizophrénie. « Après un premier épisode aigu
et une rémission complète, il faut
encore compter douze à vingt-quatre
mois de traitement par la suite »,
explique le prof. Chin Eap.
Une solution de substitution
à la forme orale des médicaments
permet de pallier les écarts, conscients
ou non, des patients atteints de
troubles psychiatriques : les injections
de forme dépôt. Au lieu de prendre
un médicament quotidien par voie
orale, les patients peuvent choisir une
injection mensuelle ou bimensuelle.
« Ce processus se fait d’entente
avec le patient. Il permet notamment
d’éviter d’oublier de prendre les
antipsychotiques utilisés dans le
traitement de la schizophrénie. »
« Après trois mois,
la moitié des patients
ne respecte plus
le traitement. »
La forme dépôt doit néanmoins
être appliquée avec vigilance :
« S’il y a un problème d’effet secondaire, le médicament reste plus
longtemps dans l’organisme. C’est
pourquoi nous initions toujours
un traitement antipsychotique par
la voie orale, avant de passer à la
forme dépôt. »
« Désamorcer les croyances »
Autre solution : depuis 2003,
la pharmacie de la Policlinique
médicale universitaire (PMU)
propose des consultations d’« adhésion
thérapeutique » afin d’accompagner
les patients dans l’intégration
de leur traitement. « Nous sollicitons
les patients qui éprouvent des difficultés à prendre des médicaments
sur une longue durée, par exemple
dans le cas d’une maladie cardiovasculaire, explique la Dresse Marie
Schneider, pharmacienne responsable de la consultation. Nous
les amenons à trouver des solutions
par eux-mêmes. »
Les séances, qui peuvent s’étirer
sur plus de six mois, portent leurs
fruits : « Par exemple, une patiente
hypertendue pensait qu’elle devait
prendre ses deux médicaments
à deux moments différents,
et elle oubliait souvent de prendre
le second. Nous lui avons expliqué
qu’elle pouvait les ingérer en même
temps. Nous tentons de désamorcer
les croyances. » Quelque 150 patients
sont actuellement suivis par la
pharmacie, en étroite collaboration
avec les médecins prescripteurs
et les infirmières. ▫
Calendrier des expositions
De janvier à avril 2012
Espace CHUV hall principal
Espace ERGASIA
BÂTIMENT DE LIAISON
Le Prix de Lausanne
en 40 ans d’affiches
Bobo en bulles
Prix du public de l’exposition de
Noël des collaborateurs du CHUV
du 12 janvier au 1er mars 2012
Vernissage le 11 janvier à 18h30
19h Concert de l’HEMU
Solistes des classes de chant
Luc Aubort
Du 8 mars au 25 avril 2012
Vernissage le 7 mars à 18h
du 12 janvier au 3 mars 2012
Activités communautaires :
collage, peinture et sculpture
du 8 mars au 14 avril 2012
Route de Cery, 1008 Prilly
Contact : [email protected]
Du 12 janvier au 16 février 2012
Bâtiment de liaison
CHUV-PMU – Niveau 08 //
Contact : caroline.de-watteville@
chuv.ch
Espace CHUV hall principal, rue du Bugnon 46, 1011 Lausanne. Programme www.chuv.ch rubrique « Patients et Familles ».
Pour tout renseignement : Caroline de Watteville, chargée des activités culturelles, T. 021 314 18 17 ou [email protected]
Consultez ou téléchargez tous les anciens numéros du CHUV | MAGAZINE
sur le site internet www.chuv.ch, sous la rubrique « CHUV en Bref ».
Eté 2010 :
L’hôpital la nuit
Automne 2010 :
Spécial formation
Hiver 2010 :
La cicatrisation
Printemps 2011 :
L’Œil
Eté 2011 :
Le cerveau
Automne 2011 :
Le sang
Eric Déroze, Patrick Dutoit
Texte Serge Maillard
LUNDI
32
chuv | magazine | hiver 2012
témoignage
Xxxxxx
Xxxxxxxxxx
Xxxxx ▫
▸▸▸ xxxx
Texte Gabriella Sconfitti
Photographie Patrick Dutoit
Exergue Exergue Exergue
« Les médicaments
font partie de moi »
Vingt comprimés par jour. C’est ce que
Liv von Siebenthal doit prendre pour
que son corps ne rejette pas ses nouveaux
poumons reçus il y a près de deux ans.
Suite au diagnostic d’une mucoviscidose
tombé à l’âge de 3 ans, la jeune femme
a dû apprendre à composer avec l’omniprésence des médicaments.
Par voie orale ou par intraveineuse, l’administration
de médicaments a toujours rythmé l’existence de Liv
von Siebenthal, 24 heures sur 24. Aujourd’hui, après
vingt ans de calvaire, même si les poumons sont neufs
grâce à la greffe, les médicaments sont toujours présents :
leur rôle consiste, entre autres, à lutter contre le rejet
du greffon, à protéger le pancréas et à amener un renfort
en calcium et en vitamines.
A 27 ans, Liv von Siebenthal mène une vie parfaitement
normale. Elle va au restaurant, part en vacances, prend
des cours de langues et pratique la marche. « Par contre,
il faut être organisée. Mais comme je le suis par nature,
c’est gérable », lâche-t-elle dans un sourire. En effet,
Liv doit chaque jour anticiper les repas à venir, et prévoir
encadre
les rations de comprimés lorsqu’elle ne rentre pas chez
elle,
en respectant les intervalles nécessaires entre les
Xxxxx
prises. « Une fois, je me suis réveillée en pleine nuit et
je ne savais plus si j’avais pris mes médicaments la veille !
C’était devenu tellement automatique que je ne m’en
souvenais tout simplement plus… C’est la seule fois
où j’ai un peu paniqué. »
Malgré ces contraintes, la jeune femme accepte
la prise de médicaments avec sérénité. Au regard de
sa situation précédant la greffe, sa condition actuelle
lui paraît tout à fait tolérable. « A l’époque, j’étais liée
à de l’oxygène 24 heures sur 24 pour respirer, se souvient
Liv. Le branchement à une machine vingt heures par
jour aidait à évacuer le gaz carbonique en excès de mes
poumons. Et en plus de la prise de dizaines de comprimés
quotidiens, il fallait subir des cures d’antibiotiques
par intraveineuse durant quinze jours sans interruption,
deux fois par an ! Les derniers temps, ce n’était plus
une vie. A ce moment-là, j’étais vraiment en lutte contre
la maladie, contre ce qu’elle me faisait endurer. »
Lorsqu’on lui demande ce qui est le plus dur aujourd’hui,
Liv répond avec humour : « Je dois prendre un sirop amer
absolument horrible ! » Le caractère positif de la jeune
femme lui permet de supporter les migraines, un des
effets secondaires possibles, qui surviennent régulièrement. Et une fois par mois, elle doit pratiquer des examens
de contrôle visant à éventuellement réajuster les doses.
« Au moment de tester mon souffle, je me réjouis toujours
“ d’exploser la machine ” ! »
Sa seule inquiétude quand elle pense à l’avenir est
l’influence que son traitement pourrait avoir sur une
éventuelle grossesse. Mais Liv garde espoir. « Je sais que
des solutions existent, conclut-elle. J’ai confiance. » ▫
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