O Les plus beaux PÉRAS du monde PHOTOGRAPHIES GUILLAUME DE LAUBIER TEXTES ANTOINE PECQUEUR © 2013, Éditions de La Martinière, une marque de La Martinière Groupe, Paris. Retrouvez-nous sur : www.editionsdelamartinieregroupe.fr www.facebook.com/editionsdelamartiniere Conception graphique et réalisation : Éléonore Gerbier ISBN : 978-2-7324-5698-0 O Les plus beaux PÉRAS du monde TEXTES ANTOINE PECQUEUR PHOTOGRAPHIES GUILLAUME DE LAUBIER SOMMAIRE AVANT-PROPOS 6 L’ARCHITECTURE DES OPÉRAS AU FIL DES SIÈCLES 8 AALTO-MUSIKTHEATER BOLCHOÏ MOSCOU 19 CHICAGO LONDRES CUVILLIÉS-THEATER 37 ROYAUME-UNI MUNICH 45 ALLEMAGNE OSLO DET KONGELIGE TEATER, Gamle Scene FESTSPIELHAUS GRAND THÉÂTRE COPENHAGUE DANEMARK COPENHAGUE 61 81 ALLEMAGNE BORDEAUX MARKGRÄFLICHES OPERNHAUS 91 SUÈDE BUDAPEST METROPOLITAN OPERA HOUSE 89 FRANCE STOCKHOLM MAGYAR ÁLLAMI OPERAHÁZ DANEMARK 55 71 ITALIE BAYREUTH KUNGLIGA OPERAN 47 NORVÈGE DET KONGELIGE TEATER, Operaen Store Scene VENISE 29 ÉTATS-UNIS DEN NORSKE OPERA & BALLETT LA FENICE 11 ALLEMAGNE RUSSIE CIVIC OPERA HOUSE COLISEUM ESSEN HONGRIE BAYREUTH NEW YORK NEW NATIONAL THEATRE, TOKYO TOKYO ALLEMAGNE ÉTATS-UNIS JAPON 99 107 109 117 OPÉRA ROYAL VERSAILLES PALAIS GARNIER PARIS 125 FRANCE 135 FRANCE PALAU DE LES ARTS REINA SOFÍA VALENCE ROYAL OPERA HOUSE DE COVENT GARDEN SEMPEROPER DRESDE SLOTTSTEATER STAATSOPER TEATRO OLIMPICO SYDNEY PARME TEATRO DI SAN CARLO MILAN THÉÂTRE DU CHÂTEAU THÉÂTRE DE LA REINE 173 182 AUSTRALIE 185 CHIMAY 199 ITALIE 201 211 BELGIQUE VERSAILLES 215 FRANCE BRUXELLES BELGIQUE Î ZÁMECKÉ BAROKNÍ DIVADLO 193 ITALIE THÉÂTRE ROYAL DE LA MONNAIE BIBLIOGRAPHIE 163 SUÈDE ITALIE NAPLES 153 155 ITALIE VICENCE TEATRO ALLA SCALA ROYAUME-UNI AUTRICHE SYDNEY OPERA HOUSE TEATRO FARNESE LONDRES ALLEMAGNE DROTTNINGHOLM VIENNE 145 ESPAGNE CESKÝ KRUMLOV RÉPUBLIQUE TCHÈQUE 223 231 239 INTRODUCTION L’architecture des opéras au fil des siècles Avec son Euridice, Jacopo Peri aurait composé en 1600 le premier opéra de l’histoire. Le genre va ensuite rapidement se développer avec Claudio Monteverdi, à qui l’on doit notamment L’Orfeo (1607), Le Retour d’Ulysse dans sa patrie (1640) et Le Couronnement de Poppée (1642). C’est naturellement à la même époque, en Italie, que se construisent les premiers théâtres susceptibles d’accueillir des représentations lyriques. De Palladio à Aleotti, les architectes s’inspirent alors des formes antiques, l’amphithéâtre, certes, mais aussi le stade olympique. Avec une différence notable, cependant : contrairement à ceux de la période gréco-romaine, les édifices sont désormais couverts ; ils sont construits à l’intérieur des palais et non plus en plein air. Ces théâtres sont dans un premier temps privés, le plus souvent réservés à la cour. En 1637 est inauguré le premier théâtre public, le San Cassiano, dans la démocratique République de Venise. L’architecture de l’opéra connaît une évolution majeure avec l’arrivée des salles en fer à cheval : la première, celle du Teatro Santi Giovanni e Paolo (1654), est également construite à Venise. Des spécificités géographiques apparaissent ensuite : en Italie se développent les théâtres avec loges, tandis qu’en France les balcons sont ouverts, en galerie, comme au Grand Théâtre de Bordeaux (1780). Dans un cas, les spectateurs se retrouvent entre eux pour pouvoir intriguer, politiquement ou sentimentalement, à l’abri des regards. Dans l’autre, la représentation s’apparente à un événement mondain, où il faut être vu et voir ses voisins. Les théâtres deviennent également de plus en plus grands, avec une mention spéciale pour le San Carlo de Naples qui, en 1737, peut déjà réunir près de 2 400 spectateurs. Au XVIIIe siècle, l’architecture des théâtres adopte la mode du néoclassique, frontons et colonnades sont de rigueur. La production des bâtiments devient alors esthétiquement de plus en plus standardisée. Avec, heureusement, quelques audaces, comme au théâtre de Besançon (1784), de Claude Nicolas Ledoux, construit en amphithéâtre et doté d’une fosse couverte – un concept qui sera repris par Wagner à Bayreuth. L’intérieur de ce théâtre a malheureusement été remanié. D’autres édifices jouent la carte de l’extrême. Du plus extravagant, comme le palais Garnier (1875) avec son escalier majestueux et ses fioritures néobaroques, jusqu’au plus sobre, comme le Festspielhaus de Bayreuth (1876). En cette fin du XIXe siècle, 8 . INTRODUCTION l’accent est mis sur la sécurité : après les incendies qui ont ravagé de multiples théâtres aux quatre coins de l’Europe, les architectes améliorent la gestion des flux du public en créant quantité d’escaliers. Au XXe siècle, de grands noms de l’architecture impriment un esprit novateur à la construction des opéras. À Paris, avec le théâtre des Champs-Élysées (1913), Auguste Perret réalise l’une des premières salles de spectacle en béton. Le Finlandais Alvar Aalto remporte en 1958 le concours de l’opéra d’Essen, un projet atypique, aux lignes organiques, qui ne sera construit qu’après sa mort. Au début des années 1990, à Lyon, Jean Nouvel « modernise » de façon radicale (avec l’intérieur de la salle tout en noir) un théâtre lyrique du XIXe siècle. Au-delà des frontières de l’Europe sont édifiés des bâtiments spectaculaires, hors normes. À Manaus, en pleine Amazonie, l’argent du caoutchouc permet en 1896 de construire un théâtre avec marbre de Carrare et lustres de Murano. À Buenos Aires, le Teatro Colón (1908) compte près de 2 500 places et peut se targuer de posséder l’une des meilleures acoustiques de la planète. Entre 1963 et 1973, c’est en Australie, à Sydney, que sort de terre l’un des opéras les plus emblématiques mais aussi l’un des plus controversés. Le projet de l’architecte danois Jørn Utzon, extrêmement coûteux, n’aura été réalisé qu’à moitié : dans la grande salle qui devait accueillir les opéras ne peuvent en effet être donnés que des concerts symphoniques, la cage de scène n’ayant jamais été construite. Reste un symbole mondial, qui motive toujours les villes à construire leur propre opéra, dans l’espoir secret qu’il deviendra aussi célèbre que celui du port australien : au cours des dernières années, Pékin s’est ainsi offert un opéra en forme de dôme, mêlant verre et titane, signé Paul Andreu, tandis que Canton a privilégié les lignes déconstructivistes de Zaha Hadid. Mais aujourd’hui, l’enjeu majeur est d’ordre acoustique. Après avoir révolutionné les salles de concert symphonique, notamment avec les plans en vignoble mettant le public tout autour de l’orchestre, les acousticiens explorent de nouvelles pistes dans le domaine lyrique. Toute la difficulté est d’obtenir un son qui ne soit ni trop réverbérant, pour que le texte soit intelligible, ni trop sec, afin de nourrir le grain vocal et orchestral. Sans oublier la proximité entre la scène et le public, gage de crédibilité théâtrale. L’opéra, un art total, utopique diront certains, qui ne pardonne rien. .9 AaltoMusiktheater ESSEN ALLEMAGNE Aalto-Musiktheater Dès ESSEN ALLEMAGNE le premier regard, on reconnaît le style d’Alvar Aalto : la gare d’Essen, ce nouveau vaisseau de l’art lyrique. Comme toujours les lignes sont fluides, la forme asymétrique. À l’intérieur, le spectateur chez Aalto, le lien avec la nature est primordial : l’opéra est installé au retrouve, dans le choix des matériaux et le traitement de la lumière, milieu d’un parc, en plein centre-ville. De l’extérieur, impossible de savoir cet « humanisme architectural » qui est sans doute la qualité première qu’il s’agit d’un opéra, puisque la cage de scène se fond totalement du Finlandais. Et pourtant, l’opéra d’Essen n’a pas été directement dans le toit. La musicalité est à chercher dans les lignes du bâtiment. réalisé par Alvar Aalto… De granit gris, la façade insuffle, par ses courbes et l’emplacement de Située au cœur de la Ruhr, bastion industriel de l’Allemagne, la ville ses fenêtres, un rythme dynamique à tout l’édifice. d’Essen a été gravement endommagée pendant la Seconde Guerre À l’intérieur, l’architecte utilise ses matériaux fétiches, le bois et le marbre. mondiale. À l’issue du conflit, il faut reconstruire, vite et à moindre On remarquera que chez Aalto l’emploi du marbre, qu’il appréciait en coût : des immeubles de béton, austères et monotones, sortent de terre. particulier pour sa capacité de conservation, n’est jamais ostentatoire Après le défi du logement, place à la culture. En 1958, la ville organise mais participe d’une sensation de pureté et de poésie. La salle adopte un concours d’architecture pour la construction d’un nouvel opéra. un plan en éventail, avec un parterre en amphithéâtre et trois balcons. L’heureux élu n’est autre qu’Alvar Aalto, dont la démarche esthétique L’intérêt de cette forme est d’offrir aux 1 125 spectateurs une sensation se démarque, par sa dimension organique, du pur fonctionnalisme des d’intimité, d’autant que les balcons supérieurs sont très proches de la années d’après-guerre. L’attente est énorme : c’est la première fois que scène. L’accord de couleurs – le bleu des murs avec le blanc des le Finlandais se lance dans la construction d’un théâtre lyrique. parois des balcons – ne manque pas de surprendre. Un tel plan n’est, Malheureusement, le projet va connaître un destin hasardeux. Alvar en revanche, pas exceptionnel d’un point de vue acoustique, même Aalto doit constamment retravailler sa copie afin de réduire les coûts de si des réflecteurs ont été installés pour corriger la sonorité de la construction. Il meurt en 1976 sans que la première pierre de l’édifice salle. On est heureusement loin du désastre acoustique de la salle de ait été posée. Tout laissait alors penser que cet opéra allait s’ajouter concert construite par Alvar Aalto à Helsinki, le Finlandia Hall, doté lui à la longue liste des projets abandonnés. aussi d’un plan en éventail (mais avec une débauche de marbre, d’où Mais en 1983, ultime rebondissement : la ville d’Essen souhaite voir une sonorité médiocre). Aalto voulait à tout prix que les spectateurs édifier l’opéra d’Aalto, même sans l’architecte. C’est sa veuve qui se sentent physiquement bien, à tel point qu’il en occultait le facteur supervisera la réalisation du bâtiment. Les plans et croquis initiaux acoustique. Cela tient peut-être aussi au fait que l’architecte fréquentait sont examinés en détail, et en 1988 est inauguré, à quelques pas de très peu les théâtres et les salles de concert. E N H A U T : L E S O U V E R T U R E S V I T R É E S I N S U F F L E N T U N R Y T H M E D Y N A M I Q U E À L A FA Ç A D E . EN BAS : LA PURETÉ DU BLANC DES BALCONS. PA G E S 1 4 - 1 5 : L A S A L L E E N É V E N TA I L FA I T A LT E R N E R L E B L E U E T L E B L A N C . 12 . Bolchoï MOSCOU RUSSIE Bolchoï P L U S Q U E L’ O P É R A , C ’ E S T L A D A N S E Q U I A T O U J O U R S É T É À L’ H O N N E U R A U B O L C H O Ï . 24 . MOSCOU RUSSIE Bolchoï MOSCOU RUSSIE . 25