De nouvelles avancées pour comprendre l`autisme

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Image obtenue par la
technique du suivi du regard
(eye−tracking) chez un
patient atteint d'autisme (en
orange) et chez un individu
sain (Unité Inserm 797,
dirigée par Monica
Zylbovicius).
De nouvelles avancées pour comprendre l’autisme
Alors que le plan Autisme 2008−2012 a été présenté en mai dernier par
Roselyne Bachelot−Narquin et Valérie Létard, Inserm actualités revient sur
cette maladie pas comme les autres. Elle concerne plus d’un enfant sur 2000
et se caractérise notamment par des altérations qualitatives et quantitatives
des interactions et de la communication sociales, mais aussi par le caractère
restreint, répétitif et stéréotypé des comportements, des intérêts et des
activités. Il existe différents degrés d’autisme qu’il est important de prendre en
compte afin d’améliorer la compréhension de la maladie et, par conséquent,
sa prise en charge.
Il n’est pas si loin, le temps où l’étiologie de l’autisme était considérée
uniquement sous un angle psychanalytique. De nombreuses avancées dans
la compréhension des mécanismes de cette maladie, notamment grâce à
l’imagerie médicale et la génétique, ont permis de montrer des anomalies
anatomiques au niveau cérébral, impliquant une origine neurologique et très
probablement génétique. Il est primordial de définir des stratégies
d’exploration de la maladie, visant à mieux cerner ses premiers signes.
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Etude des connections
entre les différentes régions
du cerveau chez les
patients autistes, grâce à
l’imagerie de diffusion.
(Anne Bargiacchi, interne en
psychiatrie)
Une imagerie de pointe
L’imagerie joue un rôle important dans la compréhension de cette maladie.
Elle peut ainsi permettre de réfléchir sur des stratégies thérapeutiques plus
adéquates, et de travailler sur une rééducation plus adaptée, comme
apprendre à regarder l’autre. « On utilise de plus en plus la technique du suivi
du regard ou eye−tracking, constate Monica Zilbovicius, pour évaluer les
différences entre ce que regardent les autistes et ce que regardent les autres.
» Les résultats sont assez impressionnants : l’autiste ne regarde jamais les
yeux de l’autre.
Le projet de mise en commun des données de la génétique et de l’imagerie,
annoncé en 2006 dans Inserm Actualités n°199, va enfin voir le jour, sous le
nom AGIR (Autism Genetic Imaging Research). Comme prévu, collaborent à
ce projet Arnold Munnich, de l’unité Inserm 781 "Génétique et épigénétique
des maladies métaboliques, neurosensorielles et du développement" (hôpital
Necker, Paris), et Thomas Bourgeron (Institut Pasteur, Paris).
« Au sein du laboratoire, explique la chercheuse, une jeune chercheuse,
Anne Bargiacchi, interne en psychiatrie, travaille actuellement sur l’étude des
connections entre les différentes régions du cerveau, grâce à l’imagerie de
diffusion. Les premiers résultats, obtenus après l’étude d’une vingtaine
d’enfants, devraient être publiés dans les mois à venir. »
A noter que l’unité où travaille Monica Zilbovicius est une des rares à faire,
pour chaque cas, des images destinées à la clinique et à la recherche. Elle
dispose ainsi de plus de 300 IRM d’enfants atteints d’autisme. Elle a ainsi
constaté que 40 % des clichés montraient une anomalie visuelle. « Ce n’est
pas spécifique, souligne la chercheuse, mais c’est un bon guide pour diriger
la recherche. »
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Puce à ADN. Chaque point
représente un gène, et la
couleur indique si le gène
est sur− ou sous−exprimé
par rapport au contrôle.
(Karine Clément, U755,
Hôtel−Dieu, Paris)
La génétique au cœur de l’autisme
Alors que les techniques de biologie moléculaire sont de plus en plus
performantes dans l’identification des gènes de susceptibilité à l’autisme, le
lien de cause à effet entre ces variations génétiques et l’expression clinique
de la maladie reste assez obscur. « En fonction de la gravité de l’autisme,
souligne Marion Leboyer, responsable de l’équipe de Psychiatrie génétique
de l’U841 (Créteil), les gènes associés ne sont pas forcément les mêmes.
Il est donc important de mieux définir les caractéristiques de l’autisme sur le
plan clinique. Par ailleurs, nous devons mieux comprendre les mécanismes
neuronaux à l’origine de la maladie. »
Les équipes de recherche travaillent actuellement sur des outils et modèles
animaux et cellulaires permettant de comprendre le rôle de gènes de
vulnérabilité dans la mise en place des réseaux neuronaux. La connaissance
de ces mécanismes permettra de développer de nouveaux outils
diagnostiques, et de nouvelles thérapies. « Un des axes que nous tentons de
développer, commente Marion Leboyer, est le transfert des résultats de la
recherche génétique vers la clinique. Cette exploration génétique
standardisée, accessible à toute famille touchée par l’autisme, devrait
comprendre un caryotype standard, une analyse globale du génome par puce
à ADN, et une recherche de mutations dans les gènes déjà identifiés. C’est
une première en Europe. » En effet, il est possible d’identifier des altérations
de la structure du génome (délétions/duplications), et d’effectuer des études
d’associations génétiques grâce à un criblage systématique du génome en
utilisant les puces à ADN. Une autre méthode d’analyse génétique consiste à
identifier des mutations dans les gènes candidats par séquençage des
régions exoniques et régulatrices. Les chercheurs disposent actuellement
d’échantillons d'ADN de plus de 300 individus autistes.
Les travaux, menés par l’équipe de chercheurs de Marion Leboyer en
collaboration avec le centre national de génotypage (CNG) dirigé par Mark
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Lathrop, ont permis d’identifier chez 283 autistes des altérations
chromosomiques de petite taille (1000− 2Mb) jusqu’alors impossibles à
détecter par des techniques conventionnelles de cytogénétique. « Pour
atteindre cet objectif, nous avons utilisé une nouvelle méthodologie de
génotypage à haut débit qui permet d’ « interroger » 1 million de variations
génétiques, appelées polymorphismes de simple nucléotide (SNP), réparties
sur l’ensemble du génome », explique Marion Leboyer. Un autre volet de
cette étude consistait à comparer les résultats, obtenus chez des enfants
malades, chez des sujets atteints du syndrome d’hyperactivité et de troubles
de l’attention, ainsi que chez des individus issus de la population générale.
Début mars 2008, les génotypages étaient obtenus. Les analyses sont
actuellement en cours. Cependant, une nouvelle famille de gènes a déjà été
identifiée comme étant susceptible d'altération spécifique chez les personnes
atteintes d’autisme.
Caryotype humain. Les
chromosomes, par paire,
possèdent des bandes de
coloration
caractéristiques.(Ferrera R
& Caro D, Inserm)
D’autres études ont permis, notamment grâce à l’analyse de délétions du
chromosome X associées à l’autisme, d’identifier le gène humain de la
neuroligine 4 (NLGN4), codant pour un nouveau membre de la famille des
neuroligines (molécules d'adhésion cellulaire qui jouent un rôle au niveau des
synapses). En 2007, une collaboration internationale sur la recherche
génétique de l’autisme (Autism Genome Project) a permis de mettre en
évidence une délétion d’un gène des neurexines chez deux sœurs atteintes
d’autisme, confirmant ainsi le rôle d’un dysfonctionnement des synapses chez
les autistes. Cette voie a aussi été confirmée par l’identification de mutations
de la protéine d‘échafaudage synaptique SHANK3. « Ce domaine de la
recherche est en pleine ébullition. Récemment, souligne Marion Leboyer,
nous avons identifié de nouvelles mutations SHANK3 et des mutations
SHANK1 dont nous étudions les ségrégations et les impacts fonctionnels.
Enfin, nous avons identifié le gène murin Nlgn4 et montré, chez la souris
invalidée pour ce gène, la présence de troubles des interactions sociales et
d’une baisse de vocalisation ultrasonique. L’analyse de l’effet de
l’environnement enrichi sur la synaptogenèse et le comportement des souris
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Nlgn4 est actuellement en cours au laboratoire. »
Parallèlement, des concentrations basses de mélatonine ont été rapportées
chez des individus autistes, la cause de ce déficit restant jusqu’alors
inconnue. Marion Leboyer et ses collègues ont ainsi étudié le gène ASMT,
localisé au niveau de la région pseudo−autosomique PAR1 des
chromosomes X et Y. ASMT code pour la dernière enzyme de synthèse de la
mélatonine. Des délétions de PAR1, incluant le gène ASMT, avaient déjà été
identifiées chez des sujets autistes. Les chercheurs ont ainsi découvert une
mutation modifiant l’épissage d’ASMT. « Enfin, récemment, explique la
chercheuse, nous avons identifié des mutations dans les récepteurs MTNR1A
et MTNR1B chez des personnes autistes. Certaines de ces mutations ont été
étudiées fonctionnellement : elles suppriment la liaison de la mélatonine aux
récepteurs (résultats obtenus en collaboration avec l’équipe de Ralf Jockers à
l’hôpital Cochin). »
La recherche, tant génétique qu'en imagerie médicale, a permis de
nombreuses avancées dans la compréhension des troubles et des
mécanismes de l’autisme. Il subsiste encore bien des zones d’ombre. De
nombreuses études sont en cours, offrant plusieurs lueurs d’espoir pour les
familles touchées par cette maladie. Pour en savoir plus sur l’autisme, vous
pouvez consulter le dossier consacré à ce thème dans le numéro 199
d’Inserm actualités.
•
• Une fondation pour la mise en œuvre du volet recherche du plan
Alzheimer 2008−2012
• De nouvelles avancées pour comprendre l’autisme
• Hépatites B et C : 4 000 morts par an en France
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