La vie dans la zone intertidale

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La vie dans la zone intertidale
La zone intertidale ou zone de balancement des marées, correspond à l’étage médio-littoral et
au supra-littoral celui-ci pouvant atteint par les marées de vives-eaux, y supportant une humectation
d’embruns rythmés par la marée.
Le milieu marin y subit les plus grandes variations de ses conditions physico-chimiques. Les
bandes côtières de l'Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord passent alternativement du
domaine marin au domaine terrestre selon un rythme biquotidien auquel les espèces vivant dans cette
zone sont adaptées. La durée de l'exondation, liée à l'amplitude des marées, est le facteur majeur
agissant sur la vie dans ce milieu; elle y provoque dessication et déshydratation des organismes et en
détermine la température et la lumière. Les conditions de vie dépendent aussi de la nature du
substrat, différant sensiblement selon que celui-ci est meuble (graviers, sables, vases) ou dur
(roches).
I) Le cadre de vie
1) Un milieu dominé par la marée
a) Fondements cosmiques et physiques de la marée
Le caractère cyclique de la marée résulte de la superposition de 3 composantes rythmiques,
chacune étant déterminée par des facteurs cosmiques (positions relatives de la terre, de la lune et du
soleil)
La première composante, dite " semi-diurne régulière ", est liée au mouvement apparent de la
lune et à l'attraction qu’elle exerce sur la pellicule océanique. C’est l'élément essentiel des
oscillations, les deux autres n'apportant que des modulations à ce mouvement principal. Elle se
manifeste deux fois par jour (période=12h25 ), l'arrivée de " l'onde de marée " en provenance de
l'Atlantique provoquant sur tout le littoral une élévation du niveau de l'eau (" flot " ou marée
montante) ; après une " étale de pleine mer" qui n'excède pas une heure, la mer se retire ("jusant" ou
marée descendante) pendant six heures et le cycle recommence.
D'une marée à l'autre, la variation du niveau de la mer (amplitude, ou marnage) est
sensiblement la même, mais le mouvement se décale progressivement de jour en jour car sa
périodicité est un peu différente de celle des jours solaires (24h50 au lieu de 24 h).
Le second rythme est sensible sur une durée de plusieurs jours et sa période coïncide avec celle
du cycle lunaire. Lors de la pleine lune ou de la nouvelle lune, l'amplitude des marées est la plus
grande (marées de "vive-eau"), elle passe par un minimum (marées de "morte-eau") au voisinage du
premier ou du dernier quartier. L'augmentation de l'amplitude constitue le " revif " de la marée, le
"déchet " (ou "baisse") correspond à sa diminution dont témoigne l'étagement des laisses de mer
successives, abandonnées chaque jour un peu plus bas sur le rivage.
Le troisième rythme est saisonnier. Lors des équinoxes, les marées atteignent des niveaux
exceptionnels; aux solstices, l'amplitude varie de façon plus discrète entre deux “vive-eau”
successives.
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Les variations de l'amplitude des marées se mesurent localement par la hauteur d'eau
subsistant au-dessus du niveau des plus basses mers possibles ("zéro des cartes"); le marnage de 4 à
5m en vive-eau moyenne sur les côtes atlantiques, variant d'un lieu à un autre en fonction des
conditions locales et surtout de la configuration du bassin
On a défini, pour quantifier les variations d'amplitude, une échelle théorique dont les valeurs
ou coefficients sont comprises entre 20 (amplitude la plus faible) et 120 (amplitude exceptionnelle).
b) Conséquences écologiques de la marée
Les oscillations périodiques du niveau de la mer délimitent sur l'estran une succession de
bandes parallèles au rivage, caractérisées par l'importance relative des durées d'émersion et
d'immersion.
Les organismes littoraux étant, pour la quasi-totalité d'origine marine, ils auront d'autant plus
de mal à survivre sur l'estran qu'ils seront émergés plus longtemps, à moins qu'ils ne disposent de
mécanismes perfectionnés leur permettant de résister pendant qu'ils sont hors de l'eau.
Dans les horizons supérieurs que la mer n'atteint que très exceptionnellement (coefficients
>115), le temps d'émersion est voisin de 100% ; seuls les embruns humectent le substrat, peu
d'organismes marins peuvent supporter les conditions y régnant. C'est la frange supra-littorale,
presque nue et pauvrement peuplée.
Au-dessous des pleines mers de vive-eau (coefficients voisins de 100, temps d 'émersion <
90%) commence l'étage médio-littoral: ses horizons supérieurs sont encore soumis à des exondations
importantes, mais l'ensemble de l'étage est richement peuplé ; ses habitants supportent bien
l'émersion mais ont besoin du retour régulier de la mer. Ils subissent quotidiennement de grandes
variations de leurs conditions de vie.
En bas de plage les émersions sont de plus en plus rares et de plus en plus brèves. Les
peuplements comportent des espèces mal protégées contre la dessication. C’est l’étage infra-litorral
dont seule la frange supérieure affleure pendant les basses mers de “vive-eau”. Il va en profondeur
jusqu’à 15-20m, tant que la lumière disponible est suffisante pour le développement d'un couvert
végétal dense.
c) Conséquences biologiques de la marée
L’étagement des peuplements littoraux: bien que le niveau bathymétrique des étages puisse
varier selon les paramètres locaux (agitation ou limpidité de l'eau etc.), ils confèrent aux rivages une
physionomie caractéristique.
La marée étant un phénomène rythmique, il en résulte des rythmes biologiques ou rythmes
tidaux liés et/ou associés à d’autre, correspondant à une alternance régulière d'activité et d'inactivité.
Celle-ci repose, selon les organismes, sur une simple réponse exogène au phénomène tidal ou sur un
rythme endogène.
On distingue alors plusieurs influences de la marée :
1. Rôle des vagues de pleine mer : Chez Littorina neritoides (Gastéropode à larve
planctonique et à vie adulte à l'horizon supralittoral), ce n'est que lorsque les vagues des pleines mers
de marée sizigiale arrivent à mouiller l'horizon supralittoral que les femelles déchargent dans l'eau
leurs capsules ovulaires.
Des populations de Littorines vivant à Plymouth, sur une jetée du port, en condition
d'immersion presque continue, suivent encore un rythme tidal, ne libérant leurs oeufs dans l'eau
qu'au moment des pleines mers, ce qui montre l'existence d'un rythme tidal endogène.
2. Rôle du rythme respiratoire en relation avec les marées : Chez de nombreux animaux
intertidaux, on a démontré l'existence d'un rythme respiratoire en relation avec les marées, la
consommation d'oxygène atteint son maximum en période de pleine mer. Ce rythme peut continuer
des semaines, voire des mois, lorsque les animaux sont placés en aquarium sans marée.
3. Rythme tidal simple : Le retrait des tentacules chez Actinia aequina (Tomate de mer)
semble du à une adaptation directe au rythme tidal. Le découvrement de l'animal par l'eau entraîne la
réaction protectrice de l'animal.
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4. Rythme tidal et rythme nycthéméral : Le rythme nycthéméral d'activité chez Actinia
aequina serait de type exogène : en effet, l’animal étend ses tentacules à l'obscurité, et devient inactif
à la lumière. Ce rythme serait un phénomène général sur lequel le rythme tidal s'inscrit en tant que
phénomène secondaire.
5. Coïncidence de rythmes tidaux sur la mobilité, la consommation d'oxygène, l'expansion
des mélanophores avec maximum pendant la basse mer : Chez plusieurs espèces américaines de
Crabes dont ceux du genre Uca, actives pendant la basse mer, on a démontré ces différentes
coïncidences. Tous ces phénomènes ont un maximum en période de basse mer, mais ils s'inscrivent à
leur tour sur des rythmes nycthéméraux, dont la coïncidence positive avec le rythme tidal peut
entraîner une exagération des phénomènes, tandis que leur rencontre en phase contraire peut les
estomper.
Chez les Uca dont les mélanophores s'étalent, leur couleur devenant plus foncée au moment de
la basse mer comme sous une luminosité intense, une basse marée diurne peut les conduire à avoir
une livrée foncée, une basse mer nocturne (ou une pleine mer diurne) détermine l'établissement de
teintes claires, mais non un éclaircissement maximal tel qu'il peut se réaliser lors de la pleine mer
nocturne. Ces interrelations traduisent l'écologie de ces Crabes à activité diurne et menant une vie
semi-terrestre.
D'autres Crabes intertidaux sont au contraire nocturnes et franchement aquatiques dans leur
écologie. L'activité de Carcinus moenas (crabe vert) se déroule surtout la nuit. Elle est exaltée si la
pleine mer survient la nuit, et déprimée tant en basse mer nocturne qu'en pleine mer diurne. Il faut
des semaines de maintien en aquarium sans marée pour que s'estompe un rythme d'activité non
seulement nycthéméral, mais dérivant chaque jour de 50 minutes environ, donc d'origine nettement
tidale, même pour des Crabes venant d'un bassin fermé pratiquement soustrait au jeu de la marée.
L'espèce méditerranéenne, Carcinus mediterraneus, vivant sur des côtes où la marée est peu
appréciable, ne présente au contraire que des rythmes nycthéméraux d'activité, à période de 24 h,
sans dérivation journalière de type tidal.
6. Rythme circatidal = rythme dont la périodicité est voisine de celle de la marées : Des
traitements thermiques permettent de réactiver un rythme endogène circatidal chez des Carcinus
moenas des côtes anglaises élevés en l'absence de marée. Le résultat est le même en replaçant ces
animaux dans la zone intertidale. Les mêmes expériences réalisées sur Carcinus mediterraneus
donnent des résultats différents: seul subsiste un rythme circadien. La spéciation a modifié à la fois
la morphologie et le fonctionnement de l'horloge interne.
7. Il existe souvent une interférences entre les deux types fondamentaux de rythmes
endogènes, circadiens et circatidaux chez des animaux et végétaux des zones de marées : Les
migrations verticales de la Diatomée psammicole Hanlzschia virgala se font verticalement. Elles
remontent vers la surface par basse mer diurne, mais jamais par basse mer nocturne. Ce
comportement serait dû à l'influence réciproque des deux rythmes.
La remontée des Diatomées (et d'autres microbenthontes) à chaque marée basse est
l'expression d'un rythme circatidal. Elle serait en partie inhibée pendant la nuit à cause du blocage
des migrations phototactiques dont la rythmicité est circadienne. Les manifestations phototactiques
positives sont à l'inverse exaltées le jour, mais la rythmicité circatidale a alors des effets inhibiteurs
qui s'opposent au développement de ces manifestations en dehors des phases de basse mer.
Le mécanisme synchroniseur du rythme est moins clair pour quelques Crustacés intertidaux :
c'est notamment le cas des Amphipodes et des Isopodes, habitant de fonds sableux. Ces espèces
parcourent la zone interdidale, en suivant la marée, c'est-à-dire qu'ils regagnent la plage avec la
marée montante pour s'enfouir dans le sable et recommencent à nager librement dès que la marée
descend, ce qui leur permet d'éviter de rester à sec dans la plage découverte. L’activité motrice de
ces Crustacés présente des maximums qui coïncident avec le début de la phase de marée basse.
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8. Rôle des mouvements des vagues : Chez l'Isopode Exocirolana chiltoni, particulièrement
sensible aux stimuli mécaniques, les mouvements des vagues exerceraient une action
synchronisatrice des rythmes d'activité.
Les Amphipodes ont une barysensibilité précise, et les variations de pression hydrostatique
joueraient le rôle de synchroniseurs. Chez l'Amphipode d'eau peu profonde Corophium volutator,
une diminution de la pression provoque l'activité de nage, plus actifs par basse mer, ils peuvent plus
facilement abandonner le substrat sur le point d'être découvert.
Chez d'autres Amphipodes, la réaction est inverse, c'est l'augmentation de pression
hydrostatique qui déclenche l'activité maximale. Cette réaction, dite “régulatrice” se retrouve chez
des benthontes d'eau peu profonde, placés dans des conditions éloignées de l'optimalité écologique
dans une eau trop profonde par pleine mer.
9. Influence synchronisatrice des variations de salinité : Chez des Crevettes Penoeidoe des
côtes atlantiques américaines, on a mis en évidence l'influence synchronisatrice des variations de
salinité. Le reflux est lié à une diminution de la salinité due à l'importance des eaux douces
continentales le long des côtes, et le phénomène inverse se produit à proximité de lagunes sursalées.
Chaque stade vital a sa propre halosensibilité, parfois capable d'apprécier des variations faibles
de l'ordre de 1/1000, ce qui permet aux premiers stades post-larvaires de gagner la zone côtière et
aux stades suivants de se déplacer vers le large.
10. Rythme tidal qui porte sur le taux de filtration de l'eau (exemple des Moules Mytilus
catiornianus et Mytilus edulis : non superposé à un rythme circadien, il est indépendant de la
température et la lumière. Au laboratoire, ce rythme persiste plusieurs semaines, en phase avec le
rythme de la localité d'où sont originaires les Moules. Transportés sur une côte à formule tidale
différente, leur rythme physiologique s'y adapte. Ce comportement semble la résultante de
l'adaptabilité d'un rythme endogène indépendant aux manifestations des rythmes des facteurs
environnants.
-Rm- Certaines exceptions apparentes peuvent s'expliquer sur des bases phylogéniques. Pour le
Décapode Callinectes sapidus ayant des rythmes tidaux semi-diurnes même lorsqu'il vit sur des
côtes où la marée suit un cycle diurne, l’explication se retrouverait dans le fait que la plus grande
partie de l'habitat typique de Callinecles s'étend sur des zones à marées semi-diurnes.
-chez Ostrea virginica, on aurait une influence synchronisatrice des phases de gravitation
lunaire et non de la marée elle-même. Si le rythme originel persiste longtemps quand les Huîtres
sont éloignées de leur grève, celui-ci montre ensuite une tendance à se synchroniser avec les phases
lunaires locales, même si les animaux sont loin de la côte.
2) Autres facteurs hydrologiques
a) Les courants
Les masses d'eau déplacées au cours d'un cycle de marée sont considérables; elles engendrent
des courants littoraux alternatifs dont la puissance dépend du profil de l'estran et de la configuration
du rivage. Ils déterminent une importante dérive littorale et, dans les chenaux rétrécis (courant
d'Oléron, pertuis de Maubuisson, " passe d'Arcachon), ils sont si violents (2 m/s, soit 4 noeuds)
qu'ils déterminent une instabilité permanente des fonds sédimentaires. En revanche, ils s'étalent
paresseusement à l'abri des baies profondes.
La nature de la sédimentation côtière est déterminée par les conditions d'écoulement des
courants de marée car la mobilisation des sédiments dépend de leur énergie. Ainsi toute la côte
landaise est alimentée en sables bien calibrés provenant des alluvions de la Garonne qu'une
importante dérive littorale étale vers le sud.
En revanche, le ralentissement des courants au fur et à mesure qu'ils progressent dans le bassin
d'Arcachon s’accompagne du dépôt de sédiments de plus en plus fins vers la partie orientale.
L'affaiblissement des courants peut être provoqué par des obstacles discrets (promontoires littoraux,
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petites îles), par ramification des chenaux où remonte la marée, par la végétation du fond comme le
feuillage des Zostères). L'envasement plus ou moins important du substrat témoigne d'un
ralentissement sensible de l'écoulement des masses d'eau favorisant le dépôt.
b) Exposition aux vagues (= mode)
L'hydrodynamisme violent imprime aux peuplements des côtes exposées une caractéristique: il
est responsable d'un brassage important des eaux superficielles maintenant la température à des
niveaux assez élevés, favorisant la progression d'espèces thermophiles.
Les vents dominants poussent vers la côte des espèces pélagiques (Anatifes, Méduses,
Siphonophores, Vélelles...) s'échouant en grand nombre. Certaines, comme les Physalies,
proviennent d'eaux tropicales.
Toute réduction de l'hydrodynamisme favorise le réchauffement estival des eaux favorable à
l'ostréiculture activités ostréicoles. Le bassin d'Arcachon, la région d’Oléron sont des sites propices
au naissain.
3) Le substrat
Indépendamment de la nature lithologique ou de l'origine géologique des roches soulignant le
rivage, on distingue deux types de substrats en s'appuyant sur la nature des peuplements qui s'y
développent :
- les substrats " durs " susceptibles de supporter une flore algale et une faune fixée,
- les substrats " meubles " qui, en raison de leur structure et de leur mobilité, ne sont au
contraire pas capables de supporter une telle faune et flore.
Cette distinction s'appuie sur une évidence et souffre peu d'exceptions. Elle doit être nuancée
car les organismes vivants, en modifiant le milieu, conduisent parfois à des situations moins
manichéennes. Ainsi, la stabilisation d'un fond de graviers par les Zostères aboutit à la constitution
d'un biotope nouveau où se développe une végétation abondante attirant des Mollusques herbivores
(caractère de substrat dur), mais abritant une endofaune riche (caractère de substrat meuble).
L'estran ne présente pas une physionomie uniforme, les deux types de substrat peuvent
coexister sur une plage.
a) Les côtes rocheuses et leurs peuplements
Les conditions écologiques, liées aux marées, sont plus contraignantes pour les organismes des
zones à substrat dur. Sur les estrans rocheux, la zonation verticale de la flore et de la faune, très
marquée, dépend de la durée et de la régularité de l'exondation.
Les organismes, animaux ou végétaux, qui peuplent les estrans rocheux sont soumis à des
contraintes écologiques qu'aucune protection ne peut atténuer. Dans un 1e temps, ils supportent avec
rigueur les conséquences de l'alternance émersion-immersion. Cela entraîne donc des problèmes liés
à l'humectation, car l'eau ruisselle rapidement après le ressac.
On a de plus des problèmes liés à l'amplitude des variations thermiques pendant la marée basse
quand la température de l'eau de mer est remarquablement stable sur de longues durées. On a enfin
des problèmes liés aux variations de la salinité (pluie, évaporation...)
Les variations "en dents de scie" des conditions de vie se répercutent sur toutes les fonctions
physiologiques des animaux : respiration, économie hydrique, excrétion, possibilités de se nourrir...
La sévérité de ces contraintes, de plus en plus grande au fur et à mesure que l'on remonte l'estran, la
sélection des organismes en fonction de leurs possibilités d'adaptation aux conditions de la marée
basse, sera de plus en plus rude dans les horizons supérieurs.
En conséquence, la durée et la régularité de l’exondation conditionnent de façon très stricte la
répartition des organismes sur les estrans rocheux. Par exemple sur les côtes modérément exposées :
- la végétation souligne la variation continue des conditions d'humectation et se répartit en
horizons successifs, échelonnés de haut en bas de l’estran : lichens de la frange supra-littorale,
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ceintures d'algues brunes (Fucales) de l'étage médio-littoral, algues rouges de la frange infralittorale, Laminaires dans les niveaux les plus bas.
- Les animaux associés à ces populations végétales ont plus de souplesse dans leur répartition
bathymétrique mais n'en présentent pas moins des étagements de leurs possibilités d'adaptation aux
conditions de la marée basse.
- L'absence de protection sur les estrans rocheux rend les organismes sensibles aux conditions
hydrodynamiques (=mode). La végétation littorale, lorsqu'elle est abondante favorise certaines
espèces animales (Gastéropodes herbivores par ex.). Au contraire, elle nuit au développement
d'autres qui, microphages (Cirripèdes, Moules), se nourrissent de particules en suspension
transportées par la mer. Le mode détermine la prépondérance d'un type de peuplement par rapport à
l'autre, l'abondance de la végétation indiquant un hydrodynamisme calme alors que sa disparition au
profit des Cirripèdes est révélatrice des sites battus.
b) Les côtes à substrat meuble et leurs peuplements
Dans les substrats meubles, rares sont les espèces qui, à basse mer, restent en surface. La quasitotalité des animaux restent enfouis, en fonction de leur taille et de leur alimentation. Les espèces
léchant la surface du sédiment sont peu enfouies, celles qui en tirent la matière organique s'enfoncent
profondément. La couche sédimentaire assure une isolation efficace contre les variations des
conditions écologiques. Quand la température en surface varie de plus de 30°C, l'amplitude de la
variation est inférieure à 10°C à 10 cm de profondeur et elle est négligeable au-delà de 20 cm.
Les substrats meubles s'opposent aux rochers car les végétaux ne peuvent s'y développer. Il y a
cependant des exceptions :
- des algues vertes à croissance rapide (Enteromorpha,Ulva,Chaetomorpha) colonisent des
sédiments compacts à la belle saison. Leur action sur la biologie du milieu est non négligeable car
elle attire des Oiseaux herbivores (Bernaches cravant , Canards siffleurs,...) et héberge une faunule
dont les Oiseaux limicoles se nourrissent .
- des herbiers à Zostères (Z.nana et Z.marina) colonisent les chenaux permettant
l'implantation de peuplements particuliers de grande richesse
Pour les animaux, les substrats meubles constituent un milieu de vie très singulier dont la
colonisation nécessite des particularités adaptatives originales. La qualité "biologique " d'un
sédiment dépend de sa composition et de sa structure physique. Celle-ci détermine par la taille des
grains, leurs proportions, leur colmatage par des éléments plus fins, le "microclimat" du sédiment :
mobilité, dureté, possibilité de tassement, circulation de l'eau et de l'air, etc. Ces paramètres varient
avec l'origine, détritique ou organique, du sédiment mais, surtout, avec les conditions de son dépôt.
En réalité, c'est le régime hydrodynamique qui commande surtout la nature des peuplements
des substrats meubles. Ainsi aux zones de forts courants correspond une sédimentation grossière
(cailloutis, graviers, sables graveleux) ou, si le substrat ne fournit pas d'éléments grossiers, une
grande instabilité des fond. Au contraire, dans les zones abritées se déposent des sables vaseux, le
dépôt s'opère dans des conditions complexes.
Le tri effectué par la mer n'est pas comparable à celui d'un tamis car les interstices ménagés
entre les éléments grossiers délimitent des zones protégées où la turbulence atténuée permet le dépôt
d'éléments fins: l'analyse granulométrique fait souvent apparaître, dans un sable marin, une
composition plurimodale.
Le déferlement des vagues peut brasser le sédiment sur plusieurs cm modifiant le
granoclassement dû aux courants: il s'établit un gradient vertical, les sédiments les plus fins se
situant aux les niveaux bas, alors que la fraction grossière augmente vers le haut; les sables supralittoraux bien calibrés, généralement constitués de cette seule catégorie.
Autre élément important de la biologie des sédiments meubles: la teneur en matière organique
consommable détermine la structure et la composition des peuplements animaux. L'absence de
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production végétale locale, en dehors des herbiers, rend la vie animale tributaire des apports
maritimes donc des conditions hydrodynamiques.
La matière organique véhiculée par la mer peut être consommée sous trois formes différentes
qui ont donné lieu à trois types de comportements alimentaires spécialisés:
- consommation de débris microscopiques en suspension (microphagie): cas de nombreux
Lamellibranches, des Polychètes pourvues d'un panache de tentacules (Sabelles, Lanices...) et de
quelques Échinodermes.
- consommation de débris déposés sur le fond. Ce sont les espèces "détritivores", au sens
strict:Oursin Echinocardium cordatum, Tellines, la plupart des Crustacés psammophiles.
- consommation de la matière organique mêlée au sédiment: cas de Vers (Arénicole,
Siponcles), d'Échinodermes (Synaptes). La microfaune fouisseuse, intersticielle ou non, est assimilée
à cette catégorie de consommateurs. Elle est composée de Crustacés (Copépodes, Amphipodes,
Cumacés).
Beaucoup d'espèces se nourrissent des films bactériens proliférant aux dépens des débris
décomposés, plutôt que de ces débris eux-mêmes: cas des Hydrobies, petits Gastéropodes des vases
littorales. Leur biomasse étant importante, ils constituent un maillon majeur des réseaux trophiques
littoraux; consommées par de nombreux Oiseaux, elles participent pour une bonne part au rôle des
baies envasées dans la survie des Oiseaux migrateurs.
c) Différences biologiques entre ces deux substrats
L'absence de production végétale locale dans les substrats meubles rend les animaux tributaires
des mouvements de la mer pour s'alimenter. Par contre, le substrat meuble leur offre une possibilité
de s'enfouir pour échapper aux variations trop brutales des conditions de vie dans la zone des
marées.
Cette double série de contraintes (nécessité de se nourrir et de respirer à l'extérieur du substrat)
a sélectionné un petit nombre de "modèles" capables de s'y adapter : deux groupes zoologiques ont
particulièrement réussi dans la colonisation des substrats meubles Lamellibranches et Annélides
Polychètes) dominant largement.
À l'exception des plages battues où toute vie est précaire, la vie fouisseuse permet aux
organismes de bénéficier d'une relative stabilité de leurs conditions de vie, une couche de sédiment
de quelques centimètres d'épaisseur assurant une isolation thermique très efficace l'amplitude des
variations thermiques quotidiennes qui peut atteindre plus de 300°C en surface en été, devient nulle à
25-30 cm de profondeur.
À marée basse, les sédiments médio-littoraux restent imbibés d'eau de mer et maintiennent un
degré d'humectation important. Si des précipitations interviennent, l'eau de pluie, moins dense,
s'écoule en surface sans pénétrer dans le substrat. Aussi, les effets de la marée basse se font sentir
avec moins d'acuité et la répartition bathymétrique des espèces animales est moins stricte que sur les
estrans rocheux.
La définition des étagements intertidaux est donc plus délicate et moins caractéristique. Sur les
plages sableuses par exemple, une rupture de pente assez nette marque la limite entre les sables de
haut de plage qui s’assèchent vite, leur granulométrie grossière et leur forte pente permettant un
drainage efficace. L'eau de percolation s'écoule au niveau de la rupture de la pente ("horizon des
sources") qui souligne souvent un changement dans la qualité du sédiment.
C'est également la limite retenue pour démarquer les étages supra- et médio-littoral. Vers le bas
de l'estran, la distinction de la frange infra-littorale est moins claire car les variations des
peuplements sont plus progressives. En outre elles dépendent aussi de la qualité du sédiment, luimême tributaire des courants et de l'hydrodynamisme.
Par la variabilité de nombreux paramètres et la valeur extrême pris par certains d’entre eux au
moment de l’exondation, la zone intertidale correspond à la définition d’un milieu extrême.
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II) Vie et peuplements de l’estran
La zone intertidale est un écosystème biologique d'interface ou échotone, lieu de transfert de
matières minérales et organiques du système terrestre au système marin littoral. Les organismes y
vivant sont classés en trois catégories :
- organismes terrestres qui peuplent le supralittoral ou qui, à basse mer, peuvent occuper
transitoirement le médiolittoral : ce sont des Insectes, Oiseaux et Vertébrés sans adaptations
particulières.
- organismes peu habitués aux variations de l'environnement car, piégés à la basse mer, la
plupart d'entre eux se protègent sous les algues en place ou en épave, dans les anfractuosités, ou
demeurent dans les mares d'eau permanentes et les cuvettes. La faune de ces enclaves est riche en
espèces nageuses, crevettes et poissons.
- organismes permanents de la zone, adaptés aux variations du milieu; ils sont eurythermes et
euryhalins, tolérant de larges variations de température et de salinité. Ils supportent la
déminéralisation et sont des espèces osmorégulatrices. Ces qualités, rares chez les organismes
marins physiologiquement mal adaptés aux variations de salinité, seules quelques espèces subsistent
dans le supralittoral, le médiolittoral supérieur et les estuaires.
2) Les côtes sableuses
Mer et vent peuvent provoquer le dépôt et le façonnage d’édifices de sables littoraux: étalés
sur les côtes par la dérive littorale, les sédiments ont été transportés et sculptés par le vent en
d'immenses cordons dunaires dont la vie végétale s'est emparée.
La physionomie des plages sableuses contraste avec celle des dunes auxquelles elles sont
adossées surtout si elles sont exposées. Dans les secteurs abrités, leur faune s'enrichit et les
peuplements psammicoles sont sensibles à de faibles variations des conditions, d’où une diversité
locale. Sur les plages ouvertes aux vents et a la houle, la zone intertidale est peu peuplée mais les
accumulations de débris végétaux du haut de plage ont une faune originale.
a) Les sables médio et infra-littoraux
La composition faunistique des peuplements est plus tributaire de la structure du sédiment
(granulométrie, drainage) conditionnée aussi par l'agitation de l'eau, que du niveau bathymétrique.
Les niveaux inférieurs de la plage sont mieux protégés des effets de l'hydrodynamisme, étant
immergés plus souvent, l'influence des deux facteurs dans la répartition des animaux n'est pas facile
à déterminer.
Le gradient granulométrique établi en fonction du niveau bathymétrique (sables de plus en plus
fins vers le large) a des effets comparables à celui qui, à un niveau donné, s'établit en fonction du
mode (sables plus fins quand le site est abrité). Des espèces reléguées dans les horizons plus bas sur
une plage battue, voire au-delà de l'estran s’observent, à des niveaux plus élevés sur un estran moins
exposé.
Quel que soit ce régime, on distingue deux ensembles de peuplements sur une plage sableuse:
les peuplements médio-littoraux, à proximité de l'horizon de drainage des sables du haut de plage
("horizon des sources"), et les peuplements des sables infra-littoraux, plus fins et mal drainés.
1. Les premiers abritent des Polychètes tolérantes vis-à-vis des variations de salinité (Nerine
cirratulus, Ophelia bicornis) mais sensibles à une dessalure trop importante et, par conséquent,
absentes des estuaires. Quelques Crustacés hantent également les sables médio-littoraux, surtout en
mode agité. Les plus fréquents sont certains Amphipodes (Haustorius arenarius) qui évite les
sédiments trop fins car il filtre l'eau interstitielle pour en recueillir les particules organiques en
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suspension. L'Isopode Eurydicepulchra sort du sable la nuit pour chercher sa nourriture ; c'est un
nageur actif migrant vers l'étage infra-littoral pour se reproduire.
2. La partie exondable de l'étage infra-littoral, à pente faible, abrite des peuplements
composites où la zonation des espèces est progressive. Dans sa partie supérieure, l'endofaune est peu
diversifiée: domaine des Donax et des Tellines.
Plus bas, où le sédiment est toujours fin, les espèces sont plus nombreuses, dominées par les
Mollusques Mactra corallina, Spisula subtruncata, Tellina fabula et leur prédateurs (Natica catena,
Etoiles de mer...). Les sables très fins du bas de plage hébergent des Couteaux quelques
Lamellibranche Pandora aibida, l'Ophiure Acrocnida brachiata, un Crustacé fouisseur (Callianassa
laticauda), etc.
En mode battu, les Annélides des sables infra-littoraux sont peu diversifiées, la faune
s'appauvrit, la plupart des espèces trouvées en épave provenant des fonds non exondables les plus
proches. Dans les cas extrêmes, aucune zonation n’apparaît et certains sables semblent azoïques.
Sur les plages ouvertes et abritées, la mer disperse des débris divers dont se nourrissent des
espèces vagabondes, Crustacés (Crevette grise), un Pagure agité (Diogenes pugilator), un crabe
(Platyonychus latipes), etc. Quand les algues d'épave abondent, la faune des détritivores change,
dominée par les Idotées et divers Amphipodes.
b) Le haut de plage = le supra-littoral
Les sables supra-littoraux seraient dépourvus de vie si la mer n'y déposait une masse
importante de débris végétaux qui enrichit un horizon assez démuni, à l'humectation par la mer
parcimonieuse et à substrat assez instable. Une communauté vivante s’y développe.Deux types de
dépôts s'accumulent dans le haut des plages, les "laisses de me " et les bois échoués.
Les laisses de mer forment une frange plus ou moins continue de débris végétaux à la limite
supérieure des marées. Lorsque des fonds rocheux sont proches, les laisses sont constituées d'algues
en épaves ; essentiellement des feuilles de Zostera marina, provenant des herbiers. Les laisses de
mer constituent un habitat instable qui peut se dessécher en quelques jours ; les dépôts permanents
existant abritent une faune riche dont les populations prospèrent dans ce milieu humide, à
température constante.
La faune des laisses est d'origine mixte, marine et continentale. L'apport maritime est limité à
des Crustacés fouisseurs (Amphipodes Talitridés). Le Talitre ou "Puce de mer" est le Crustacé
caractéristique des laisses où il peut être abondant; bien adapté à la vie supra-littorale, il ne supporte
pas une immersion prolongée et fuit devant le flot lors des grandes marées. Il est mêlé à d'autres
espèces, moins communes et plus localisées.
Les Talitres se nourrissent d'algues en décomposition qu'ils entraînent dans leurs terriers. Ils
sont consommés par des Insectes et des Oiseaux. Un autre Crustacé hantant le haut de plage est un
Isopode appartenant à une famille inféodée aux rivages de toutes les mers chaudes ou tempérées; ce
gros Cloporte dépigmenté s'enterre le jour dans une courte galerie verticale où il est roulé en boule;
la nuit, il chasse les Talitres dans les laisses.
La faune terrestre diversifiée est dominée par des Insectes, Diptères et Coléoptères. De
nombreux Diptères pullulent sur les laisses. Grâce à un cycle biologique court, beaucoup d'espèces
parviennent à se développer dans ce milieu riche en nourriture mais temporaire : Fucellia maritima
ressemble à une mouche domestique, c’est l'espèce la plus commune. D'autres ont été signalées dans
les laisses; ce sont de piètres voiliers bondissant: Bibio, Chersodromia, Coelopa, Leptocera zostera.
Leurs larves participent à la dégradation de la laisse.
Les prédateurs sont des Diptères (Asilide Philoniscus albiceps par ex.), surtout des
Coléoptères, Cicindèle maritime (Cylindrera trisignata), petit Carabe de couleur ivoire, aux élytres
tachées de noir (Eunebria complanata). Un grand perce-oreille, Labidura riparia, festoie aux dépens
des détritivores, pour la plupart des Coléoptères.
Le peuplement des bois échoués varie avec le degré d'altération et d'enfouissement des épaves.
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Les bois superficiels recouvrent souvent un sable sec, mais la protection qu'ils offrent atténue
les variations thermiques au niveau du substrat. La différence par rapport à la température du sable
nu est de l'ordre de 5°C à 80°C en été. Malgré la précarité de cet abri, une faunule particulière
d'Arthropodes bien adaptés à la vie sabulicole et à la sécheresse s'y dissimule la journée:
Coléoptères Ténébrionides, au régime détritivore notamment.
Les bois à demi enfouis constituent un micro-habitat riche et diversifié. Ils recouvrent un sable
humide, leur degré d'hydratation est voisin de 2% du poids sec; à leur niveau, les variations
thermiques sont atténuées (amplitude maximum entre mars et novembre, entre 15°C et 25°C). Ce
peuplement est dominé par les détritivores de deux groupes: les consommateurs de débris végétaux,
(Amphipodes Talitrus saltator) un petit Cloporte dépigmenté (Armadillîdium album), les asticots
d’une Mouche (Fucellia maritima) et des xylophages surtout Coléoptères (Ténébrionides et
Charançons).
Les Insectes prédateurs sont semblables à ceux des laisses de mer (Coléoptères et
Dermaptères). Il y a un Mille-pattes jaunâtre, de 5 à 6 cm (Pachymerium ferrugineum) et le Crapaud
des joncs (Bufo calamita), hôte habituel des dunes littorales du Midi, terré sous ce type d'abri.
Les bois enfouis se dégradent vite sous l'action des moisissures et de larves d'insectes
xylophages. C’est un habitat assez stable, servant de refuge à de nombreuses espèces détritivores ou
prédatrices. Certaines d'entre elles semblent particulièrement inféodées à ce biotope singulier, le
Cloporte Armadillidium album, la larve du Hanneton Callicnemis latreille et l'Amphipode Orchestia
microphthalma.
c) Les côtes envasées bassins et estuaires
Les conditions hydrologiques qui président à l'envasement peuvent être différentes, se
traduisant par des peuplements différents, au moins pour ce qui concerne la faune.
• Flore et végétation des vases salées
Les peuplements de végétaux supérieurs atteints périodiquement par la mer sont ceux des
vases salées ou saumâtres. (les rochers battus par les vagues n'offrent pas prise aux racines des
jeunes plantes à fleurs, et les sables de l'estran sont trop mobiles pour permettre l'installation de la
moindre végétation).
Quant elle n'est atteinte que par les grandes marées, la vase, matériau riche en argile, peut se
consolider offrant ainsi un substrat assez stable, quoique pénétrable aux racines; seuls existent des
halophytes capables de résister au sel, et surtout aux considérables variations de concentration du
milieu (forte en période sèche, susceptible de s'abaisser brutale-ment à la suite d'une pluie d'orage...).
A la différence des côtes plus septentrionales, les peuplements d'halophytes sont localisés à
quelques secteurs peu étendus de notre littoral : côte orientale d'Oléron, bassin d'Arcachon et marge
de quelques estuaires : Gironde, Bidassoa...
Si l’amplitude des marées est faible, l'étagement des groupements d'halophytes est peu distinct
et l'opposition classique entre la slikke et le schorre correspond plutôt aux phases de colonisation des
sédiments, selon leur dépôt ou leurs remaniements :
1. La slikke : c'est dans son ensemble une étendue de vase gorgée d'eau, nappée d'une
pellicule brun-jaune de Diatomées, à végétation supérieure pauvre à l'exclusion, de
Monocotylédones marines non ou rarement émergées, les Zostères. Localement, apparaissent des
colonies de Fucus lutanus, Algue brune adaptée à ce milieu et à la fixation de la vase
La haute-slikke voit apparaître des touffes éparses de plantes dressées:Des Chénopodiacées
dont les Salicornes, plantes charnues dépourvues de feuilles, annuelles et à développement
automnal.Un autre stade du peuplement végétal est marqué par les colonies dispersées ou réunis,
d'une Graminée vivace, la Spartine maritime. Elle peut-être concurrencée, voire éliminée par la
Spartine de Townsend, robuste et " agressive ".D’autres Spartines (S. marina et S. alterniflora )
coexistent au Pays basque...
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Même peu accusée, l'alternance des marées de morte et de vive-eau influe sur la répartition de
ces plantes, surtout parce qu'elle règle les apports d'eau douce: il en résulte des variations de la
teneur du substrat en argile et en sable et des variations de salinité auxquelles les halophytes
réagissent inégalement.
2. Le schorre: il correspond à l'apparition d'une couverture végétale continue. Le schorre est
plus élevé, en raison de la fixation des sédiments par des halophytes vivaces, solidement enracinés. Il
y a peu d’espèces annuelles (Salicornes, Sueda maritima, Salsola soda...) qui peuvent abonder le
long des chenaux (marigots) ou au creux des légères vasques rompant l'uniformité topographique du
schorre.
Au-dessus de ces peuplements bas se dressent les buissons de la Salicorne ligneuse et les
alignements de la Soude arbustive, concurrencée par le Séneçon en arbre, ou "cotonnier " dans le
Sud-Ouest pour ses fruits à aigrettes.
La dessalure progressive du milieu aux points d'arrivée des eaux douces continentales, est
marquée par divers Scirpes et par le roseau commun, lequel ne survit que s’ il est alimenté en eau
douce. Ces espèces sont développées en marge de l'estran vaseux, de moins en moins salé vers
l'amont, et fortement érodé par la violence des courants.
• Faune aquatique
De nombreux facteurs sont déterminants : ainsi, la vase des estuaires et des marais côtiers
impose à ses habitants des conditions écologiques plus draconniennes que le sable des estrans. Les
problèmes liés à la vie dans le sédiment y prennent une forme aiguë car l'extrême finesse des dépôts
interdit pratiquement toute circulation d'eau et rend le milieu asphyxique.
Sous les quelques mm de la pellicule superficielle où prolifèrent Bactéries, Cyanophycées et
Diatomées, toute vie aérobie devient impossible. Dans ce milieu privé d'oxygène, des Bactéries
chimiotrophes tirent leur énergie de la réduction de composés soufrés elles provoquent ainsi le dépôt
de sulfures qui donnent à la vase une teinte noir bleuté et une odeur fétide caractéristique. Les
animaux fouisseurs doivent impérativement rester en contact avec le milieu extérieur pour respirer et
se nourrir : toute vie interstitielle étant impossible, seuls quelques éléments de la macrofaune
subsistent dans la vase.
La composition faunistique des substrats envasés varie surtout en fonction de l'importance de
leur fraction grossière : au fur et à mesure que le sédiment s'appauvrit en éléments sableux, la
diversité faunistique s'amenuise pouvant être réduite à quelques espèces : Lamellibranches,
Gastéropodes Hydrobudés, Nereis diversicolor, des Crustacés fouisseurs.
La colonisation des vasières est également conditionnée par les facteurs hydrologiques.
L'envasement des plages peut être lié à la remise en circulation de vases fossiles (flandriennes ?)
affleurant en divers endroits. L'hydrodynamisme très atténué, soit par la topographie locale, soit par
le développement d'importants herbiers de Zostères, permettant leur dépôt. Elles se plaquent sur le
substrat sableux dans lequel elles finissent par s'incorporer. La faune y est donc une faune marine
psammicole, supportant un l'envasement (Synaptes, Polychètes Aphroditidés et Eunicidés, Nasses,
Couteaux,...).
La vase des estuaires a une origine continentale, apportée par les cours d'eau. Leur dépôt
s'apparente à une précipitation sous l'influence des brusques variations d'équilibre ionique qui se
produisent dans la zone de mélange des eaux douces et marines. Un estuaire est une zone
écologiquement complexe, tant sur le plan hydrodynamique que sur celui de la qualité des eaux.
Dans le milieu estuarien, la nature du sédiment, la turbidité des eaux liée au régime des crues et
la salinité sont des facteurs déterminants pour la vie animale.
En ce qui concerne la salinité, il s'établit d'aval en amont un gradient décroissant et, en un point
donné, la concentration ionique de l'eau varie suivant les marées dans des limites considérables. En
fonction de l'amplitude des variations de la salinité, trois zones successives respectivement qualifiées
de polyhaline (salinité comprise entre 30 et 18%.), mésohaline (18-5%.) et oligohaline (5-0,5%). AuCours de Marie Gillon
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delà de cette limite, la marée se fait encore sentir sur le plan hydrodynamique mais l'intrusion saline
est imperceptible, la faune est typiquement dulcicole.
Ainsi, la vie dans les estuaires ajoute aux difficultés liées à une sédimentation fine et
abondante, des variations de la concentration saline répétées et importante. Les organismes
aquatiques, d'origine marine ou continentale, ne disposent pas de mécanismes de régulation capables
de contrebalancer les effets physiologiques des variations de la salinité.
Que ce soit à travers leurs branchies, leur tégument ou leurs reins, les espèces d'eau douce se
déshydratent en eau saumâtre et les espèces marines s'y déminéralisent. Les eaux saumâtres
constituent donc, sur le plan écologique, une barrière efficace au mélange des faunes et leur
peuplement est pauvre en espèces permanentes.
Les secteurs envasés contiennent une très grande quantité de matière organique (débris
végétaux d'origine locale ou apportés par les cours d'eau). La faune euryhaline qui peuple les eaux
saumâtres dispose donc d'une nourriture pratiquement inépuisable et ses représentants peuvent
proliférer sans limite puisque la concurrence interspécifique s'exerce peu. Pauvres en espèces, mais à
biomasse relativement énorme, les vasières et les marais littoraux sont des lieux de très haute
productivité
On considère que la faune des eaux saumâtres est répartie en trois ensembles indépendants
1. La faune du schorre présente un caractère supra-littoral très marqué : l'élément
caractéristique est un Amphipode , Orchestia gammarella, pullulant aux dépens des laisses de mer.
Sauf quelques Crabes (Pachygrapsus, jeunes Carcinus), peu d'animaux marins fréquentent le schorre
où se développe une faune d'Insectes: Collembole Anurida marina bleuté, Coléoptères Carabiques et
Staphylinides, Punaises etc.
2. La slikke est essentiellement habitée par des Mollusques et des Polychètes : on y trouve
des Lamellibranches aptes à coloniser la vase molle, peu diversifiés. Les espèces sont toujours les
mêmes: Myes, Tellines, Scrobiculaires, toutes pourvues de très longs siphons. L'Annélide Nereis
diversicolor creusant dans la SLIKKE des galeries dont l'orifice extérieur repéré grâce à ses
prolongements "en pétales" rayonnant, l’espèce la plus spectaculaire des vases littorales.
Une abondante faunule de Gastéropodes (Hydrobudés) raclant en surface la pellicule de microorganismes qui se développent aux dépens de la matière organique décomposée. Des Crustacés,
Corophium, creusent des galeries peu profondes en U.
3. La faune des eaux saumâtres : pour les eaux saumâtres libres, elle diffère de façon sensible
selon que l'on analyse celle des chenaux ou celle des berges où sont creusés des marigots ou des
bassins artificiels à l'eau stagnante.
La faune des chenaux est constituée d'espèces marines euryhalines pénétrant plus ou moins
loin vers l'amont selon les conditions hydrodynamiques en fonction de leur résistance à la dessalure.
La faune bentho-démersale (du fond) compte trois types de représentants:
- des espèces marines euryhalines : Carrelets, Muges, jeunes Bars, un Syngnathe, le Crabe vert,
la Crevette grise etc.
- des espèces migratrices : Éperlans , Aloses, Anguilles
- des espèces dites "endémiques" car elles ne fréquentent que des eaux à salinité variable,
comme un petit Gobie (Potamoschistus minutus) et une Crevette proche du Bouquet.
Dans les eaux saumâtres stagnantes, les mêmes espèces peuvent être piégée; les espèces
"endémiques" des eaux saumâtres, sont nombreuses: Crustacés Isopodes, Amphipodes, Décapodes,
même une Balane. Des larves d'Insectes participent à la vie des eaux saumâtres (Chironomides).
• Les Oiseaux
De part leur forte productivité, les zones littorales envasées attirent beaucoup d'Oiseaux. Les
côtes atlantiques sont situées sur le trajet des voies migratoires empruntées par nombre d’espèces du
nord et du nord-est de l'Europe, voire du Groenland et du nord canadien; par centaines de milliers les
Cours de Marie Gillon
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Oiseaux d'eau passent le long des rivages landais et médocains, certains stationnant sur les zones
humides.
Au cours de leur trajet migratoire le long des côtes aquitaines, ces Oiseaux sont soumis à une
pression de chasse considérable. Aussi, de nombreuses espèces évitent de stationner (Oies en
particulier), les regroupements d'hivernants n’étant possibles que dans les zones protégées. Aussi, en
dépit de conditions écologiques favorables, les marais de la Gironde et le corridor des étangs landais
arrière-littoraux hébergent peu d’ Oiseaux.
2) Les côtes rocheuses
Les substrats durs étant propices à la fixation d’organismes littoraux, les côtes rocheuses
présentent un revêtement animal et végétal important les distinguant des plages sableuses à aspect
dénudé et monotone. La répartition des organismes sur les estrans rocheux est tributaire de l'action
de la mer: ses oscillations régulières déterminent l'étagement des peuplements, son hydrodynamisme
modifie leur composition.
L'influence de la mer s'exerce, dans la frange qualifiée d'ad-littorale, au-delà du niveau des plus
hautes marées : landes hautes ou prostrées selon les conditions climatiques ou topographiques,
pelouses aéro-halines des hauts de falaises à Fétuque rouge, Armeria, Carottes, Dactyle; les falaises
exposées aux embruns, dont la flore s'appauvrit vers l'estran, ont peu d’espèces spécialisées. La
faune et la flore de l'estran obéissent aux conditions d'exondation se répartissant selon la qualité des
mécanismes leur permettant de résister à l'émersion.
a) L'étage supra-littoral = roche nue et végétation pionnière
Humecté par les embruns lors des tempêtes ou des vives-eaux exceptionnelles, l'étage supralittoral est soumis à des conditions de vie très rudes.
L'absence de sol interdit la croissance des plantes terrestres sauf quelques halophiles aux
racines s’incrustant dans les fissures. La roche nue est lessivée par les pluies ou brûlée par le soleil:
seuls les Lichens sont capables de résister à des conditions aussi extrêmes dont plusieurs espèces se
partagent cette étroite zone de transition entre le milieu terrestre et le milieu marin.
Les contraintes sont sévères: dessication, ensoleillement, dessalure, risque d'arrachement lors
des tempêtes, etc. Mais les substrats durs offrent des niches écologiques où vivent des organismes
diversifiés, les anfractuosités bénéficiant de bonnes conditions d'humidité et d'obscurité, protégeant
contre les variations thermiques. Ces biotopes sont considérés comme des enclaves de l'infra-littoral;
les cuvettes ont une faune plutôt récoltée profondément. Les espèces y sont adaptées aux variations
de température, salinité, acidité et oxygénation.
Cet étage est caractérisé par:
- Des Littorines dont la limite d'extension vers le haut définit celle de l'étage supra-littoral,
- Des Arthropodes: un Insecte dépourvu d'ailes (Petrobius maritimus), Ligies (L. oceanica),
Cloportes amphibies .
- Si du goémon en épave s'accumule dans les fissures ou sous les galets, il entretient des
consommateurs: larves d'insecte Diptères, Crustacés Amphipodes pourchassés par des Araignées,
des Mille-pattes et des Insectes carnassiers.
b) L'étage médio-littoral: Algues brunes et Crustacés Cirripèdes
C’est la majeure partie de l'estran, recouvert chaque jour par la mer, sauf dans ses horizons
extrêmes. Sa physionomie est marquée par deux types de peuplements s'excluant plus ou moins en
fonction du mode: l'un est caractérisé par des Algues brunes (Fucales) prédominant en mode calme,
l'autre par celle des animaux fixés (Cirripèdes et Patelles) peuplant les rochers battus. L'équilibre
entre ces peuplements est indicateur des conditions hydrodynamiques locales.
On va prendre l'exemple des côtes abritées
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• La végétation
La végétation caractéristique médio-littorale en mode calme est constitué par les Fucales
s'échelonnant en ceintures successives. Chacune reflète des conditions d'émersion particulières.
- La ceinture de Pelvetia canaliculata marque la limite supérieure de l'étage Elle résiste bien
à la dessication et peut supporter des émersions de près de deux semaines consécutives; son thalle
cannelé devient alors noir et cassant, mais se réhydrate et renaît à la vie en quelques minutes.
- La ceinture de Fucus spiralis lui fait suite. Ses exigences plus grandes vis-à-vis de
l'immersion limitent son développement vers le haut au niveau des pleines mers de morte-eau.
- La ceinture de Fucus vesiculosus occupe la partie supérieure de cet étage: c'est le goémon le
plus caractéristique ne supportant pas les immersions prolongées, l'algue est absente des cuvettes
permanentes et des horizons inférieurs au-dessous des basses mers de morte-eau.
- La ceinture de Fucus serratus remplace la précédente dans la partie basse de l'estran, elle y
est concurrencée par d'autres Algues et sa limite inférieure varie selon les conditions
hydrodynamiques.
La végétation des côtes abritées se singularise par sa profusion ; aux phéophycées qui en
constituent l'élément dominant et caractéristique 5'adjoignent de très nombreuses espèces dont la
répartition bathymétrique est moins rigoureuse. Des espèces particulières connaissent en eau calme
une telle prolifération qu'elles masquent parfois l'étagement des Fucales. C'est le cas d'Ascophyllum
nodosum au thalle boursouflé d'énormes flotteurs et souvent parasité par des touffes rouge sombre de
Polysiphonia lanosa. Des Chlorophycées (Entéromorphes et Ulves) prolifèrent sur les rochers dès
qu'un apport d'eau douce est sensible (suintements, résurgences...).
La flore des cuvettes dont sont creusés certains estrans rocheux est souvent composée
d'espèces propres aux eaux calmes où se mêlent des éléments infralittoraux. Ces points d'eau
permanents servent de refuge à des espèces supportant mal l'émersion qui ne pourraient, sans cette
protection particulière, coloniser la zone des marées. La plus commune de ces algues est Bifurcaria
rotunda de couleur brun jaunâtre, dont les rameaux cylindriques se ramifient par dichotomie. Il y a
aussi des Cystoseires, Halidrys siliquosa, Laminaria saccharina,...
• La faune
Une faune très riche existe grâce au développement de la végétation médio-littorale qui la
nourrit et l’abrite. Consommateurs directs ou indirects, les Gastéropodes et les Crustacés sont
tributaires du couvert végétal. Les premiers en raison du régime herbivore de la plupart des espèces
sont abondants sur les côtes où la végétation est bien développée.
Deux familles de brouteurs se partagent l'estran: Trochidés ou Gibbules et Littorinidés ou
Bigorneaux. Leurs représentants exploitent sur l'estran des horizons différents, mais leur répartition
n'est pas déterminée uniquement par des facteurs bathymétriques. Gibbules et Littorines peuvent
proliférer en l'absence d'un couvert végétal abondant car leurs talents de brouteurs s'exercent
également aux dépens d'une "flore" très discrète, composée de Cyanophycées et de Diatomées.
III) Adaptations anatomo-physiologiques des organismes
 Les problèmes
La durée relative des phases d’émersion et d’immersion dépend du niveau bathymétrique
occupé par les espèces, celles qui fréquentent les horizons supérieurs de l'estran subissant des
émersions plus longues et plus fréquentes.
Lors de l’exondation, les animaux sont principalement confrontés à des phénomènes de
déshydratation par simple manque d’eau. Ils sont de plus sujets à de nombreuses variations,
notamment à des variations thermiques (dans les basses ou hautes températures selon la saison et la
Cours de Marie Gillon
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durée de l’exondation, influant aussi sur la dessication) et à des variations de la salinité. Ils vont
enfin rencontrer des problèmes face à la résistance à l’arrachement, à l’absence ou à la raréfaction de
l’oxygène “aquatique”, donc à un problème respiratoire et à l’évacuation des produits du catabolisme
azoté.
Ces phénomènes sont susceptibles d’affecter leur survie organique par le bouleversement de
leur physiologie et aussi leur survie en tant qu’espèce par les problèmes posés au bon déroulement
de la reproduction.
2) Les solutions
a) Lutte conte la déshydratation
Ce sont surtout des adaptations permettant d'éviter la déshydratation du tégument, principale
surface d'échanges respiratoires : vie endogée ou lithoclasique, présence d'un exosquelette ou d'un
test, etc. Les plus mobiles d'entre eux et ceux qui flottent librement ou passivement suivent l'eau
dans son reflux et ne sont pas exposés aux risques de déshydratation en milieu découvert.
Ceux qui restent à marée basse dans la zone intertidale sont au contraire placés d'une manière
cyclique dans les conditions de la vie terrestre suivant des durées plus ou moins longues selon les
phases de la marée et leur exposition sur le substrat.
Ils sont émergés deux fois par jour; les organismes des niveaux supérieurs de la zone intertidale
peuvent rester plusieurs jours exposés à l'air en période de morte-eau (marées de quadrature ou de
morte-eau) jusqu'à ce que la marée atteigne à nouveau son amplitude maximale (marées syzygiales =
de vive-eau).
La survie des organismes d'origine marine (Littorines, Chtamales, Lygies adultes, etc.) de la
zone supralittorale, située entre les niveaux supérieurs de la zone intertidale et les niveaux vraiment
terrestres, est plus aléatoire. Les moyens par lesquels les organismes échappent aux dangers de la vie
terrestre peuvent se réduire schématiquement aux suivants:
1. Refuge dans les flaques de marée (type 1) : ces flaques subsistent dans les creux de
rochers, dans les dépressions des grèves sablonneuses, parfois même dans des cavités de dimensions
réduites (objets abandonnés sur la grève, grandes coquilles, galets). Les plantes et les animaux de ces
flaques maintiennent une certaine activité même par basse mer, mais leur milieu, limité en surface et
en profondeur, diffère néanmoins de la mer ouverte, car il est plus directement soumis aux facteurs
du climat aérien (vents, soleil, pluies), et peut varier considérablement en température, salinité,
oxygénation ).
2. Pénétration dans le substratum (type 2) : les animaux vont s'enfoncer dans le fond vaseux
on sableux, pénétrer dans des fentes ou des anfractuosités des rochers, sous des galets ou d'autres
corps opaques, dans les masses d'algues tidales, etc.
C'est un ensemble de réactions communes à la plupart des animaux de marée, réactions qui
répondent à une recherche de l'eau ou au moins d'une atmosphère saturée d'humidité. Les organismes
n'échappent ainsi qu'en partie aux influences du milieu aérien examinées plus haut. De plus, dans des
substrats cohérents, l'oxygénation est souvent bien inférieure à celle de l'eau de mer. Une réduction
plus ou moins importante de l'activité physiologique est donc liée à ce type de réaction.
 Maintien sur place et réduction de la surface d'évaporation (type 3) : On citera la
fermeture des coquilles et des exosquelettes durs, la rétraction des tentacules et appendices,
l'acquisition de postures ramassées et pelotonnées.
D'autres organismes se déplacent vers des surfaces exposées à l'air, mais plus fraîches,
d'orientation Nord-ouest par exemple, où ils s'immobilisent en attendant la pleine mer.
Ce sont les seules réactions permises aux animaux du benthos fixe ou peu mobile.
Les Algues, Fucacées ont leurs surfaces exposées au soleil, presque sèches, alors que les thalles
sous-jacents restent humectés. La déshydratation de la partie superficielle du tapis d'Algues permet
aux thalles sous-jacents de réduire leurs pertes en eau et de constituer une zone de refuge efficace.
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Par basse mer, il y a souvent des Poissons (Blennidés, sur nos côtes). Hygroscopiques, les Algues se
réhydratent ensuite rapidement
Le maintien forcé sur place entraîne normalement une réduction du taux métabolique et
s'accompagne souvent d'une certaine possibilité d'utilisation de l'oxygène de l'air pour la respiration.
Cette propriété est commune à bien des organismes intertidaux, mais seuls des animaux porteurs
d'un exosquelette imperméable peuvent supporter des périodes prolongées de déshydratation. Ils
peuvent alors présenter un métabolisme anaérobie (Moules, Chtamales).
Il existe d'innombrables transitions et même des possibilités de choix entre les divers moyens
de défense adoptés par la faune interdidale, tels que nous venons de les schématiser. Ainsi, le
benthos fixe ou peu mobile, plutôt lié aux mécanismes de résistance du type 3, peut manifester une
certaine tendance aux adaptations de type 1 et 2.
La rugophilie (tendance des formes larvaires libres à se fixer dans des fentes, des dépressions, à
l'abri d'objets faisant saillie, etc.), qui répond d'une manière générale à la recherche d'un habitat
moins exposé à la violence des vagues, permet au benthos fixe de la zone de marées de s'implanter
dans des stations qui sont à la fois moins directement exposées au plein air, à la déshydratation et
aux excès thermiques.
b) Lutte contre les variations thermiques
• Lutte contre l’hyperthermie
La 1e méthode consiste à se soustraire au rayonnement direct du soleil : c'est une stratégie de
nombreux ectothermes. Ainsi, on peut observer l'adoption d’une vie active crépusculaire et nocturne
(voir rythmes tidaux plus haut)., mais aussi un enfouissement possible pour les formes sédentaires
quand le substrat est meuble.
On peut supposer que la localisation sur l’estran dépend de la résistance intrinsèque des
organismes à l’hyperthermie. Les animaux fixés ou peu mobiles tels que les Crustacés cirripèdes et
Mollusques intertidaux ne peuvent se soustraire au rayonnement solaire à la marée basse. Leurs
températures létales sont d’autant plus hautes que leur niveau bathymétrique est plus élevé.Ce fait
est corrélé à la répartition géographique des espèces:
- le Cirripèdes Chtamalus, situé à un horizon élevé en Manche ne dépasse pas le Cotentin au
nord. C’est une espèce thermophile répandue jusqu’au sud méditerranéen à température létale élevée
- Un autre Cirripède Balanus balanoïdes, espèce boréarctique à large répartition
septentrionale, ne dépasse pas les rivages méridionaux bretons à température létale basse.
La 2e grande méthode consiste à réaliser une évaporation d’eau assurant le refroidissement du
corps. C’est un processus utilisé par les Ligies, Crustacés Isopodes de la zone supra-littorale. Elles se
terrent le jour dans les anfractuosités des rochers où l’humidité relative est voisine de 100%; audessus de 25°C, la thermorégulation est nécessaire: les Ligies sortent et s’exposent à l’air extérieur
sec, l’évaporation de leur eau corporelle assurant leur refroidissement.
• Lutte contre les basses températures
On peut avoir un enfouissement possible pour les formes sédentaires au début de l’exondation
quand le substrat est meuble. Par ailleurs, la congélation est possible pendant plusieurs semaines
pour les Crustacés cirripèdes et les Mollusques.
-Rm- D'une manière générale, le métabolisme de repos semble moins sensible aux variations
thermiques que le métabolisme de l’état actif : c'est ce qu'on appelle la compensation métabolique, et
on la retrouve chez des Invertébrés littoraux, Littorines et Balanes
c) Variations de salinité et les problèmes d’osmo-régulation
Ces variations peuvent être très élevées, au point de devenir un facteur limitant pour la survie :
les mares temporaires laissées par la marée (surtout celles situées à un haut niveau bathymétrique),
sont soumises à une telle évaporation que le sel peut y cristalliser l’été.
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On retrouve tout de même une faune d’espèces euryhalines à mécanismes osmo-régulateurs
efficaces jusqu’à une concentration de 50g.l-1. C'est le cas du Polychètes Nereis diversicolor,
Gastéropodes Hydrbiidés, Lamellibranches et quelques Crustacés dont le crabe vert Carcinus
moenas, Carcinus mediterraneus...
Cette concentration saline est une limite que peu d’espèces peuvent franchir. Ainsi les animaux
des niveaux supérieurs de la zone intertidale s'adaptent aussi bien à une certaine dessalure provoquée
par la pluie qu'à une sursalure provoquée par une forte évaporation non compensée. Sous une pluie
modérée, ils peuvent parfois reprendre une certaine activité. Ces adaptations s'observent tant chez les
organismes du groupe 1 que chez ceux du groupe 2 (voir plus haut); elles confirment le caractère
"saumâtre" de la faune de marée.
Ces variations parfois de grande amplitude peuvent entraîner des problèmes de budget
hydrique. Chez des crabes intertidaux et sub-terrestres, le maintien de la concentration du milieu
intérieur est possible parce que l’animal évite de se déshydrater (ou récupère de l’eau). Ce problème
peut cependant être aggravé par un stress hyperthermique, pour lequel la seule solution est de se
refroidir par évaporation. La régulation de l'osmolarité sera donc liée à de nombreux facteurs dont la
température.
d) Résistance à l’arrachement
Les organismes foreurs, tels les Pholades et les Oursins, s'abritent à l'intérieur des roches
calcaires. D'autres espèces, comme les Tarets et des Crustacés Isopodes, creusent des terriers dans
les piliers de bois des jetées et des ports.
Les Cirripèdes ou Balanes, ainsi que les Patelles, résistent également à l'arrachement : leur
forme conique ou le fait d'être doté, comme les balanes, d'une plaque calcaire qui fixe au substrat,
assurent leur maintien aux rochers lors des tempêtes. Quand la mer descend, les patelles reviennent
toujours au même emplacement (phénomène appelé "homing"): leur coquille, en grandissant, a
épousé les irrégularités du support auquel elle se fixe.
Beaucoup d’adaptations liés au maintien dans le milieu sont aussi celles associés à la lutte
contre la déshydratation, les excès de température, à la nature du substrat etc.(voir plus haut et/ou
plus bas)
e) Périodes de vie active, croissance et reproduction
• Cas des animaux d’origine aquatique
Les organismes tidaux, dont l'optimum d'activité correspond aux phases de vie aquatique, ont
souvent, dans nos pays, des rythmes d'activité nycthémérale à sommet nocturne (voir plus haut).
Ceci favorise une réduction de leur activité par basse mer diurne, quand les dangers du rayonnement
solaire direct et de l'assèchement sont particulièrement graves.
Des temps d'émersion trop prolongés peuvent cependant gêner ou retarder le cycle biologique
normal des animaux de marée. Ainsi, il a été souvent constaté que les animaux occupant les niveaux
les plus élevés ou les endroits les plus calmes et par conséquent les moins arrosés par les embruns,
atteignent souvent des tailles moins importantes et des épaisseurs d'exosquelettes non optimales. De
plus, leur cycle reproductif est plus ou moins décalé par rapport aux populations de la même espèce
à des niveaux inférieurs, mieux arroses et plus frais.
Des réactions complémentaires se produisent chez les animaux si bien adaptés aux conditions
de la marée basse qu'ils deviennent moins actifs au retour du flux : c'est le cas des Crabes tropicaux
du genre Uca (voir plus loin).
Nombre de réactions manifestées d'une manière rythmique par les animaux de la zone tidale
rappellent donc les réactions saisonnières de la faune terrestre la plus hygrophile; on pourrait ainsi
affirmer, un peu paradoxalement, que les organismes des zones de marée endurent, deux fois par
jour, une brève, mais radicale saison sèche (on revient à la notion de milieu extrême).
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• Cas des animaux de marée d'origine terrestre (Arthropodes, Insectes)
Ces animaux ont 2 grandes stratégies : la 1e consiste à acquérir un mode de vie aquatique. C'est
le cas de certaines larves de Diptères ou de Coléoptères, et leurs réactions sont alors communes à
celles des animaux du contingent marin.
La 2e méthode consiste à conserver une respiration aérienne. Ils s'éloignent de la zone
intertidale à marée haute (Insectes bons voiliers) ou , s'ils sont forcés de rester sur place, ils
recherchent des micromilieux particuliers, dans les fentes des rochers, par exemple, où un peu d'air
persiste par capillarité. C'est un comportement commun à plusieurs Collemboles, Coléoptères et
Acariens des côtes européennes.
f) La respiration
Deux stratégies distinctes ont conduit à des mécanismes adaptatifs différents:
- l'animal résiste à l'anoxie pendant la marée basse parce qu'il dispose de mécanismes assurant
sa survie temporaire en anaérobiose → c'est principalement le cas d'espèces sédentaires ou fixées
- l'animal possède les structures et les mécanismes qui lui permettent de consommer l'oxygène
de l'air. Cette seconde voie a conduit quelques espèces vers la conquête de la frange continentale
sans pour autant être totalement affranchies du milieu marin.
• Résistance à l'anoxie pendant la marée basse
Chez les espèces inféodées à la partie supérieure de l'estran, l'animal dispose d'une réserve
d'eau (et donc d'oxygène dissous) insuffisante pour supporter une exondation prolongée. A marée
basse, il mène une vie ralentie et contracte en outre une " dette en oxygène " : celle-ci est payée au
cours de la phase suivante d'immersion afin de restaurer l'intégralité de ses fonctions physiologiques
essentielles.
Face à l'insuffisance de leur approvisionnement en oxygène au niveau cellulaire, tous les
animaux intertidaux ne présentent pas des mécanismes adaptatifs également efficaces. Ainsi, les
Vertébrés, les Arthropodes, les Échinodermes sont peu résistants à l'anoxie.
En revanche, les groupes qui dominent la faune intertidale manifestent une grande capacité à
survivre en conditions anaérobies (Polychètes, Sipunculides et Mollusques). Le problème qui se
pose à eux est double: d'une part, ils doivent conserver, pendant toute la durée de leur exondation,
d'autre part, ils doivent éviter de s'auto-intoxiquer en accumulant des sous-produits de la glycolyse
nocifs pour le fonctionnement de leurs cellules.
La solution à ce problème n'est pas unique, la plupart des espèces adaptées à la vie intertidale
mettent en oeuvre plusieurs solutions complémentaires: stockage d'une plus grande quantité de
substrats fermentescibles, dégradation de ces substrats par des voies produisant plus d'ATP et moins
de protons, tolérance des tissus à l'acidose métabolique (protons, produits terminaux de la glycolyse
anaérobie), recyclage ou excrétion des produits terminaux.
→ On peut étudier plus en détail le cas des Polychètes, et notamment l'exemple de l'Arénicole.
Arenicola marina est une espèce très commune dans les substrats meubles de la zone des marées de
toute la façade atlantique européenne. Elle creuse, dans l'épaisseur du sédiment, une galerie.
Pendant la marée haute elle alimente cette galerie en eau par des mouvements ventilatoires.
L'eau baignant ses branchies a des caractéristiques voisines de l'eau de surface donc bien aérée (Pp
de l'O2 voisine de 150 Torr). La circulation sanguine est très active et permet un métabolisme
aérobie. La pression partielle de l'O2 dans le sang est comprise entre 4,5 et 8,8 Torr, le taux de
saturation de l'hémoglobine dépasse 90 %.
Cette pression partielle maintient la capacitance du sang pour l'O2 à son maximum et en facilite
le transport dans le compartiment circulatoire. La concentration du sang en hémoglobine étant
forte (Cmax HbO2 = 5,7 mM), la réserve d'O2 du "pool sanguin" de l'animal étant maintenue à son
niveau le plus élevé.
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Pendant la marée basse, les conditions d'approvisionnement en oxygène sont radicalement
transformées: l'eau libre ayant disparu, la galerie n'a de relations qu'avec l'eau interstitielle qui
imbibe le sédiment et qui est fortement hypoxique. L'activité ventilatoire de l'Arénicole cesse:
l'animal est immobile, le corps appliqué contre les parois de sa galerie. Corrélativement, la
circulation sanguine est réduite, les conditions d'échanges entre les compartiments de l'organisme
(coelome, appareil circulatoire, tissus) et avec l'extérieur se modifient.
Les échanges respiratoires étant brusquement interrompus, la réserve d'O2 du "pool sanguin"
est utilisée et épuisée en quelques minutes. Une Arénicole pesant 10 g, placée dans une eau bien
aérée, contient 2,9mM d'oxygène sanguin. Dans l'hypothèse d'une consommation identique à celle
mesurée sur des animaux placés en confinement dans une eau aérée à 15° C (environ 10,4mM.h-1)
une telle réserve permet 17 minutes de métabolisme aérobie.
Malgré sa très forte affinité pour l'O2 (P50 = 2Torr), l'hémoglobine est désoxygénée (taux de
saturation > à 10%) car l'O2 contenu dans l'eau interstitielle est à une tension si basse qu'il est peu
exploitable. De plus, en raison de l'arrêt de la circulation, le sang est progressivement dilué par de
l'eau en provenance du compartiment coelomique (Cmax HbO2 = 4,95 mM.
Dans ces conditions, un métabolisme anaérobie se substitue au métabolisme aérobie de la
période de marée haute. Des sous-produits acides s'accumulent dans le sang, provoquant une acidose
à la fois métabolique (acides acétique, propionique et succinique) et respiratoire (accroissement de la
concentration totale de CO2, surtout sous forme de bicarbonates). Le pH sanguin diminue donc, mais
l'acidose demeure limitée (7,48 à 7,35).
Des mécanismes existent pour contrecarrer les conséquences de cette baisse du pH :
1. Sous sa forme désoxygénée, l'hémoglobine de l'Arénicole a un pouvoir tampon environ
quatre fois supérieur à celui de l'oxy-hémoglobine. Or, elle est placée dans des conditions de pH où
son pouvoir tampon est maximum.
2. La chute brutale du taux de saturation de l'hémoglobine n'est pas sans intérêt pour l'animal
car elle provoque une alcalose transitoire du sang, conséquence d'un effort Bohr " vertical ".
3. Une partie des sous-produits acides du métabolisme anaérobie sont susceptibles de diffuser
en même temps que l'excès de CO2 et sont excrétés dans le milieu extérieur. Mais certains composés
peuvent être recyclés : ainsi, les acides acétique et propionique, qui sont les produits terminaux du
catabolisme anaérobie (à partir de l'acide succinique), sont normalement éliminés dans le milieu
extérieur. On a montré qu'ils pouvaient être réabsorbés à partir de l'eau ambiante et réincorporés
respectivement dans la synthèse d'acide glutamique et aspartique.
4. La cessation d'activité de l'animal pendant la marée basse diminue sa demande
énergétique. Elle réduit la circulation de l'eau interstitielle au niveau du corps de l'Arénicole; or,
cette eau contient des substances toxiques (sulfures, acide sulfhydrique). Bien que son hémoglobine
confère à l'Arénicole une protection efficace contre ces substances (impossibilité de former une
sulfhémoglobine, pouvoir oxydant de l'hémoglobine saturée), leur accumulation pourrait à la longue
altérer l'efficacité de cette barrière.
La phase de résistance prend fin avec le début de la marée haute. L'activité ventilatoire reprend
rapidement, et, dans les deux ou trois heures suivant la réimmersion de la galerie, la dette en O2
contractée pendant la marée basse est payée, la réserve d'oxygène reconstituée et les déchets
accumulés (CO2 et acides non volatils) sont éliminés.
C'est donc par une adéquation des propriétés biochimiques et physiologiques de son pigment
respiratoire aux conditions imposées par le milieu que l'Arénicole peut survivre et prospérer dans un
biotope plutôt inhospitalier pour un animal à respiration aquatique.
On peut également étudier le cas des Mollusques. Les Mollusques intertidaux manifestent une
très grande résistance aux conditions anoxiques de la marée basse. La plupart d'entre eux cessent
toute activité en s'isolant dans leur coquille hermétiquement close : on assiste par exemple à la
fermeture des valves chez les Lamellibranches.
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Chez les Gastéropodes Prosobranches, on retrouve un opercule. Chez les Gastéropodes
patelliformes enfin, on a ajustement des bords de la coquille aux irrégularités du substrat : c'est le cas
chez les Patellidés, mais aussi chez les Pulmonés supra-littoraux.
Une exception a été signalée à propos des Littorines qui conservent partiellement une activité
locomotrice à marée basse et dont la consommation d'O2 est plus grande pendant l'exondation que
pendant la phase aquatique.
Les Mollusques stockent une beaucoup de substrats fermentescibles dans leurs tissus, surtout
les muscles pour couvrir leur dépense énergétique en anaérobiose, glycogène, phosphogènes, acide
aspartique et un peu d’acide malique.
Le glycogène est le principal composé énergétique de toutes les cellules animales. Chez les
Mollusques, comme chez les Annélides, il atteint cependant des concentrations inhabituelles plus de
1% du poids frais soit, chez un animal pesant 1g, environ, 60 mmoles de résidus glucose. Ces
valeurs dépassent 1,5% du poids frais chez certaines Polychètes (Arenicola marina, Nereis
diversicolor. Le glycogène est principalement localisé dans la musculature pariétale.
L'acide aspartique est aussi un composé important du métabolisme anaérobie des Mollusques.
Sa concentration est beaucoup plus faible que celle du glycogène : 0,02 à 0,2 % du poids frais (soit
1,5 à 15 mmoles pour un animal pesant 1g). Il intervient essentiellement au début de l'anaérobiose et
est épuisé en 5 à 10h au maximum.
Le métabolisme anaérobie des Mollusques est relativement complexe car les animaux peuvent
mettre en oeuvre, successivement ou simultanément, plusieurs voies de dégradation des substrats
énergétiques. Trois phases peuvent être distinguées au cours d'un cycle de marée:
1. Début de l'émersion (1 a 5 h environ) : Tant que l'animal dispose d'un approvisionnement
en oxygène adéquat, il utilise surtout du glycogène. Celui-ci est dégradé selon le processus normal
dont les termes ultimes se déroulent dans les mitochondries.
Dès que la disponibilité en O2 baisse, une partie importante du NADH formé dans le
cytoplasme n'est plus transporté dans les mitochondries où la chaîne respiratoire se " ralentit ",
mais réoxydé sur place par une enzyme du cytosol, la lactate-déshydrogénase. Le substrat utilisé est
l'acide pyruvique, composé intermédiaire de la glycolyse qui alimente, par l'intermédiaire de l'acétylCoA, le cycle des acides tricarboxyliques.
Cette réaction produit de l'acide lactique inutilisable par la cellule en conditions anaérobies.
L'accumulation d'acide lactique caractérise toutes les cellules animales en anoxie légère (au cours
d'une activité musculaire intense par ex.), elle devient vite un facteur limitant de la survie cellulaire.
Les Invertébrés marins ont en règle générale une grande résistance à l'anoxie et n'accumulent
pas d'acide lactique. L'activité de la lactate-déshydrogénase, faible ou nulle, est remplacée par
d'autres "déshydrogénases" catalysant la transformation de l'acide pyruvique en un composé
iminocarboxylique ou opine; le radical azoté est prélevé sur un acide aminé. Trois opines ont ainsi
été identifiées chez les Mollusques dont les co-substrats aminés sont l'arginine, la glycine et
l'alanine.
Un système d'amino-transférases catalyse le transfert du groupe amine de l'acide aspartique
vers l'acide pyruvique, avec formation d'alanine et d'acide oxalo-acétique. Le bilan de la réaction
s'écrit : pyruvate + 2 aspartates → 2 alanine + CO2 + oxaloacétate.
Depuis ce dernier composé, dont une partie alimente le cycle des acides tricarboxyliques, se
forme de l'acide malique progressivement transformé en acide succinique. La transformation de
l'oxaloacétate en malate est rendue possible, parce que la malate-déshydrogénase mitochondriale qui,
dans le cycle de Krebs "normal", oxyde l'acide malique en acide oxalo-acétique, catalyse la réaction
inverse en conditions anoxiques.
Cette réaction a comme avantage de transférer dans la mitochondrie une partie du NADH
cytoplasmique et de l'oxyder, améliorant ainsi la balance redox de la cellule. Le malate est ensuite
transformé en fumarate par déshydratation grâce à la fumarase, réaction aisément réversible; le
fumarate est réduit en succinate avec formation d'ATP. Chez beaucoup d’espèces, l'acide succinique
ne s'accumule pas. Si l'émersion se prolonge, il est dégradé en acide propionique, voire en acide
acétique.
Cours de Marie Gillon - 20
2. Émersion prolongée : Lorsque le stock d'acide aspartique de l'animal est épuisé (5 à 10 h au
max. après le début de l'émersion), un mécanisme nouveau de la glycolyse se met en place. Une
faible activité est maintenue par la voie "classique" des acides tricarboxyliques (persistance d’un peu
d'acide pyruvique) mais l'essentiel du flux des substrats carbonés court-circuite le cycle de Krebs et
conduit à la conversion directe de glycogène en acide succinique.
La plaque tournante de ce nouveau système est le phospho-énol-pyruvate, composé
normalement situé en amont par rapport à l'acide pyruvique dans la cascade de réactions qui
constituent la phase anaérobie de la glycolyse.
Grâce à une enzyme localisée dans les muscles, la PEP-carboxykinase, le phospho-énolpyruvate est converti en oxalo-acétate. Comme dans la phase initiale de l'émersion, la transformation
de l'acide oxalo-acétique conduit à la production d'acide succinique. Celui-ci ne s'accumule pas,
est immédiatement dégradé en acide propionique, voire en acide acétique. Le produit terminal de la
glycolyse, l'acide succinique devient une étape intermédiaire dans une voie qui conduit à la synthèse
de composés solubles et diffusibles, et facilement exportés. Du fait de la quasi-disparition de l'acide
pyruvique, l'animal ne synthétise plus d'opines.
Dans cette voie métabolique, la production d'ATP est possible à trois niveaux : au cours de la
transformation du PEP en oxalo-acétate (décarboxylation du méthyl-malonyl-COA), au cours de la
réduction de l'acide fumarique en acide succinique et au cours du catabolisme de ce dernier.
3. Phase de récupération : Une caractéristique commune à tous les animaux intertidaux, est la
rapidité de leur récupération métabolique dès le retour de la mer (comme l'Arénicole). La reprise
des activités de locomotion, nutrition, mouvements ventilatoires, ajoutée aux nécessités de
reconstituer le stock des composés énergétiques (phosphagène et acide aspartique) et d'évacuer ou de
recycler les produits terminaux du catabolisme anaérobie, augmente la demande énergétique (jusqu'à
75 fois chez la plupart des Mollusques par rapport à celle consommée pendant une émersion
prolongée).
L'animal dispose à nouveau d'une eau aérée mais sa consommation d'O2 ne suffît pas à assurer
tous les processus de récupération par voie aérobie. Pendant 3 ou 4 heures, l'animal utilise un
mécanisme de glycolyse aérobie et un mécanisme anaérobie entraînant l'accumulation de dérivés de
l'acide pyruvique
• Autres modalités respiratoires pendant l’exondation
On peut étudier dans un 1e temps le cas d’espèces de la frange supra-littorale où le temps
d’exondation est plus long. Pour couvrir leur dépense énergétique en anaérobiose, les représentants
de plusieurs groupes intertidaux poursuivent une activité apparemment normale pendant la marée
basse ; leur appareil respiratoire leur permet de consommer l'O2 dissous à l’immersion et l'oxygène
de l'air en émersion.
Le degré de perfectionnement de leurs mécanismes respiratoires conditionne leur aptitude à
coloniser le lieu continental: résistance prolongée à la vie aérienne (quelques h) ou, autonomie totale
vis-à-vis du milieu aquatique.
Deux groupes d'Invertébrés illustrent principalement cette tendance: les Gastéropodes
Prosobranches dont la répartition bathymétrique sur l'estran marque la limite vers le haut du
domaine littoral, et les Crustacés Décapodes dont certaines espèces ne reviennent à la mer que pour
pondre.
On peut ensuite étudier le cas des Gastéropodes prosobranches: ils sont bien représentés dans
la zone de balancement des marées et, sur les estrans rocheux, ils constituent un élément dominant
de la faune intertidale.
Chez plusieurs familles (Trochidés, Littorinidés et Néritidés notamment), les espèces
manifestent un étagement bathymétrique qui dépend de leurs possibilités de survie à marée basse
pendant un temps plus ou moins long, disposant d'un opercule, corné ou calcifié, fixé sur la partie
postérieure du pied par lequel l'animal peut clore sa cavité palléale pendant l'exondation et y
maintenir un peu d'eau.
Cours de Marie Gillon - 21
Le problème respiratoire de ces Gastéropodes s'apparente, à marée basse, à la phase de
résistance décrite au paragraphe précédent et nécessite la mise en oeuvre de mécanismes
biochimiques comparables pour survivre en anaérobiose.
Les Littorines se distinguent des autres Gastéropodes par le fait que leur consommation d'O2 au
repos est plus grande pendant l'exondation que pendant l’immersion de leur cycle. Chez les espèces
de nos côtes l'intensité respiratoire est plus importante chez des animaux placés dans l'air; seuls les
jeunes individus de L. littorea (poids sec < 110 mg) présentent le phénomène inverse. Pour des
animaux de même poids, le rapport V02-air/V02-eau est de 1,7 chez L. littorea, 2.6 chez L. rudis et
atteint des valeurs élevées chez L. obtusata (7.9) et L. nigrolineata (8.1). Les espèces subissant des
émersions longues ont une cavité palléale modifiée.
Deux tendances se manifestent:
1. soit les branchies sont présentes et demeurent fonctionnelles pendant les brèves périodes
où l'animal est immergé (leur régression est toujours très limitée). Le plafond de la cavité palléale est
vascularisé et sert de surface respiratoire pendant la phase de vie aérienne. C'est par exemple le cas
des Littorines (Melaraphe neritoides notamment) et des Nérites.
Chez ces dernières (zone intertidale des mers tropicales) une longue membrane confine la
branchie dans la partie gauche de la cavité palléale, et lorsque l'animal est hors de l'eau, les
bandelettes musculaires qu'elle renferme se contractent et compriment les vaisseaux afférent et
efférent de la cténidie. La vascularisation branchiale étant réduite, le plafond de la cavité palléale et
la face dorsale du corps sont utilisés comme surface respiratoire accessoire.
Chez les Pilidés, Prosobranches tropicaux amphibies, le dédoublement de la paroi du manteau
délimite un "sac pulmonaire” vascularisé, indépendant de la cavité branchiale, communiquant avec
l'extérieur par un siphon propre.
2. soit il y a régression plus ou moins complète de la branchie, et la cavité palléale devient
"poumon". C'est le cas de familles supra-littorales ou inféodées au milieu estuarien (schorres,
mangrove) comme les Assiminéidés et les Truncatellidés. Elle a permis la conquête du milieu aérien
par d’autres (Cyclostomes).
On peut encore étudier le cas des Crustacés Décapodes : de nombreux Décapodes fréquentent
la zone intertidale et supportent des émersions régulières, pendant laquelle la consommation d'O2
augmente. En effet, l'activité musculaire a coût énergétique élevé (disparition de la poussée
d'Archimède), et on assiste à des ajustements métaboliques (mal connus) car l'animal est alors
soumis à d'importantes variations de ses conditions de vie (température. salinité...).
La sortie de l'eau rend de plus inefficient l'appareil branchial dans la mesure où la surface des
échangeurs régresse par accolement des lamelles les unes contre les autres. Une exondation
prolongée peut encore entraîner une dessiccation des surfaces respiratoires nuisant à la diffusion de
l'O2 à leur niveau (la constante de diffusion de ce gaz serait divisée par 30 au cours de la dessiccation
d'une surface chitineuse).
Enfin, l'émersion s'accompagne d'une élévation de la pression partielle de CO2 dans le sang (de
2,5 à 5 Torr à 15°C chez Carcinus maenas) et d'une augmentation concomitante de la concentration
en bicarbonates (de 6,8 à 14 mEq.L-1). Le pouvoir tampon du sang, lié essentiellement à la molécule
d'hémocyanine, étant très important, le pH sanguin varie peu. Mais comme l’effet Bohr reste
normal, l'affinité du pigment pour l’oxygène diminue (augmentation de la P50).
De plus, la capacité de fixation de l'O2 par les sangs à hémocyanine est faible chez les
Décapodes, elle est très variable et atteint des valeurs très basses dans la phase qui suit la mue; à ce
moment du cycle, la concentration en hémocyanine est faible alors que, en revanche, la
consommation d'O2 est la plus importante.
Différentes solutions ont été apportées face à ces différents problèmes : les Décapodes
disposent de structures et de mécanismes adaptatifs pour assumer les conséquences d'une vie
amphibie.
Sauf quelques familles affranchies de la respiration aquatique (Coenobitidés. Gécarcinidés,
Ocypodidés), la majorité des Décapodes amphibies ou supra-littoraux gardent un appareil branchial
fonctionnel de grande taille. Les plus primitifs d'entre eux respirent grâce à leurs branchies. Dans
Cours de Marie Gillon
- 22
des familles spécialisées, des surfaces respiratoires complémentaires se différencient et les branchies
tendent à régresser mais ne disparaissent jamais. Aucun Crustacé Décapode, même très adapté à la
respiration aérienne, ne se soustrait totalement à la vie aquatique : ils ne s'éloignent pas longtemps de
l'eau, leurs larves demeurant aquatiques.
Il y a trois étapes dans l'évolution des mécanismes respiratoires:
1. La respiration branchiale : en immersion, les Crabes littoraux font circuler l'eau dans leur
cavité branchiale comme tous les Décapodes: l'eau est aspirée par l'orifice inhalant situé à la base des
péréïopodes locomoteurs antérieurs et expulsée par les orifices exhalants localisés au niveau du
cadre buccal.
En exondation, ils modifient l'approvisionnement de leurs branchies en O2 selon deux
procédés : le 1e consiste en l'aération de l'eau dans la chambre branchiale. C'est un mécanisme
primitif observé chez les espèces de nos côtes (Carcinus maenas, Pachygrapsus marmoratus) et
chez des Grapsidés tropicaux. Dès que leurs orifices exhalants émergent, ils inversent les
mouvements de leurs scaphognathites : une circulation d'air en sens contraire tend à se substituer au
courant d'eau primitif d’où un “barbotage”d'air dans l'eau résiduelle de la cavité branchiale, ainsi
maintenue aérée.
Plusieurs dispositifs évitent la fuite de l'eau hors de la cavité respiratoire, au niveau des
branchies elles-mêmes : chaque branchie porte sur sa face supérieure une gouttière longitudinale
limitée, d’une part, par la paroi du vaisseau afférent et, d’autre part, par les bords des lamelles. Le
canal marginal élargi forme autour de chaque lamelle un rebord qui retient l’eau. Grâce à ces
dispositifs, ces Crabes peuvent rester longtemps exondés; en dépit de l'exiguïté de leur cavité
épibranchiale certains d'entre eux y conservent toujours de l'air, même en immersion (Grapsus
strigosus, Netograpsus Sp...).
Le 2e procédé consiste en l'aération de l’eau hors de la cavité branchiale : on parle alors de
Crabes " pompeurs”. Chez les Crabes littoraux vivant dans les mangroves, Crabes Grapsidés
(Sesarmia, Metaplax, Eriocheir) et Ocypodidés (Macrophthalmus Ilioplax), l'eau est aspirée dans la
partie postérieure du corps grâce à une fissure située entre le bord de la carapace et le tergite du
premier segment abdominal. Après avoir circulé dans les cavités branchiales, l'eau est rejetée par les
orifices exhalants antérieurs.
Les mouvements des maxillipèdes la dirigent dans des sillons creusés dans la partie latéroantérieure de la carapace d’où elle s'écoule â la surface de celle-ci en se réoxygénant; elle revient,
soit vers la fissure d'aspiration située à l'arrière, soit sur les côtés de la cavité branchiale où elle est
tamisée par des ornementations tégumentaires complexes (Sesarma smithi par ex.). L'animal peut
survivre longtemps grâce à cette respiration aérienne de secours tout en utilisant une réserve d'eau
non renouvelée, mais aérée et récupérée par la fissure postérieure.
2. La respiration tégumentaire: c'est un mécanisme d'appoint chez divers Crabes Ocypodidés
(Scopimera), mais elle est également efficace chez les Pagures supra-littoraux (Coenobtita), ce qui
compense la réduction branchiale.
Les Crabes australiens du Scopimera vivent, comme tout Ocypodidé, dans des terriers creusés
dans le sable à la limite de la pleine mer. Leurs péréiopodes ont, sur leur méropodite élargi et aplati,
une surface déprimée à cuticule amincie jouant le rôle d'une surface respiratoire d'appoint. A son
niveau la veine qui draine l'hémolymphe de la patte se capillarise en un réseau de petites lacunes
appliquées contre l'épiderme ; la diffusion d'O2 gazeux à travers ces "membranes" assure environ 60
% de l'approvisionnement de l'animal.
Le genre Coenobita (Pagure) a des espèces tropicales qui, à l'état adulte, quittent le milieu
marin et hantent les horizons supra-littoraux. L'abdomen, protégé dans une coquille de Gastéropode
terrestre, contient un peu d'eau. La respiration cutanée, localisée au niveau de la paroi antéro-dorsale
de l'abdomen suffit à assurer la survie des animaux même après l’ablation expérimentale de leurs
branchies à nombre réduit (7 paires au lieu de 13 paires).
De plus, l’organisation de l'appareil circulatoire est modifiée : la vascularisation du tégument
abdominal antérieur est très enrichie et, de plus, deux “coeurs accessoires" propulsent le sang à ce
niveau.
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3. La respiration pulmonaire : Quand ils mènent une vie plus terrestre, les Décapodes
présentent une réduction du nombre (chez les Pagures) et du volume (chez les Crabes) de leur
branchies, ou une diminution de la surface de leurs échangeurs respiratoires originels. Chez les
espèces très adaptées, les organes respiratoires de substitution sont localisés dans la chambre
branchiale, transformée en "poumon" d’où 4 modifications de divers niveaux de perfectionnement:
Le branchiostégite se bombe dorsalement en une cavité épibranchiale vaste. Le compartiment
"pulmonaire" tend à s'isoler du compartiment branchial (qui ne régresse pas totalement) grâce au
développement d'un repli situé dans la partie inférieure et distale du branchiostégite.
C'est toujours la face interne du branchiostégite qui acquiert un rôle respiratoire, des
complications structurales complexes plus ou moins profondes peuvent l'affecter, ce qui accroît la
surface d'échanges.
La surface la plus simple existe chez les Pagures Coenobita et chez les Crabes Arcinidés. Elle
se plisse (Cardisoma), se hérisse de villosités (Ocypodidés) qui s'enchevêtrent et lui confèrent un
aspect spongieux ("Crabe des cocotiers, g. Birgus). Elle peut être creusée d'alvéoles à parois digitées
communiquant avec la cavité "pulmonaire" par des orifices propres.
La vascularisation de la nouvelle surface respiratoire implique une modification importante de
l'appareil circulatoire car sa position est dorsale par rapport au sinus qui collecte le sang "prébranchial". L'anatomie des troncs afférents et efférents varie selon les espèces, mais la circulation
"pulmonaire " constitue une dérivation importante par rapport au schéma de base des Décapodes. La
paroi du poumon est creusée de nombreuses et vastes lacunes qui peuvent s'organiser en plusieurs
réseaux (Cardisoma).
La ventilation pulmonaire est assurée par les mouvements du scaphognathite ; son rôle est
restreint, car son ablation expérimentale ne semble pas affecter la survie de l'animal. Le rôle
ventilatoire essentiel est joué par la musculature puissante et développée du branchiostégite; elle
soulève les parois latérales ou postérieures de la cavité et provoque ainsi un appel d'air frais évacué
par les orifices antérieurs (cadre buccal, base des péréïopodes).Chez le " Crabe des cocotiers”, le
plafond de la cavité pulmonaire est soulevé par la dernière paire de péréïopodes modifiée.
On peut enfin étudier le cas des Poissons téléostéens intertidaux: dans ce cas, on a utilisation
de la respiration tégumentaire associée à la respiration branchiale et à des adaptations concernant la
limitation des pertes d’eau.
Le Tégument est riche en mucus hydraté, ce qui constitue une bonne protection hydrique
autour de l’organisme. On a de plus maintien de la queue en immersion, dont l’épithélium est
richement vascularisé
Chez les Périophtalmes des plages et mangroves de l’Océan indien, la fermeture de l’opercule
est poussée, maintenant de l’eau où baignent les branchies. Celles-ci, cantonnées postérieurement
dans la cavité pharyngienne tendant à régresser. La cavité bucco-pharyngée est hérissée de papilles
entre lesquelles l’eau ou l’air circulent.
g) Évacuation des produits azotés : les types d’excrétion azotée
Il y a trois types principaux d’excrétion azotée : ammoniotélie, uréotélie uricotélie en relation
avec le milieu de vie. Les organismes de la zone intertidale, confrontés au système mer-terre
complexe ont adoptés diverses solutions.
La solution adoptée par les Prosobranches intertidaux consiste en des variations tidales de
l’excrétion azotée. C’est le cas des Littorines : l’acide urique est la voie principale de l’excrétion
azotée mais, elle varie qualitativement et quantitativement en fonction du cycle de marée. Ces
espèces dégradent l’acide urique, la chaîne enzymatique de l’uricolyse étant complète. A marée
basse, excrétion d’acide urique à 95% et d’urée à 5%. (enzymes de l’uricolyse inactives).
Quand la mer monte, la quantité d’azote excrétée augmente de 40% et les enzymes de
l’uricolyse fonctionnent (uricase et uréase). De plus, l’allantoïne et l’ammoniaque apparaissent en
abondance. Il y a donc mixité de types d’excrétion selon le cycle tidal. Chez Littorina neritoides,
exondée en permanence, il n’y a ni uricolyse ni ammoniotélie mais uniquement uricotélie.
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La solution des Isopodes est la conservation de l’ammoniotélie : les Isopodes tels que la Lygie
menant une vie amphibie ou terrestre selon le cycle tidal, ont conservé l’ammoniotélie primitive,
mais ils éliminent l’ammoniac sous forme gazeuse NH3, non sous forme ionisée NH4+ (aquatique)
La solution des Gastéropodes littoraux est la constance de l’uricotélie. Des Gastéropodes
littoraux tels que Trochidés ou Gibbules présentent une grande stabilité de l’excrétion azotée; que
l’animal soit ou non immergé, ils pratiquent toujours l’uricotélie.
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FIGURES ET LÉGENDES
Fig.1 - Écosystèmes aquatiques marins: facteurs abiotiques.
A: Régions topographiques et écologiques marines.
B: Absorption de la lumière par les pigments des algues et des bactéries.
C: Activité natatoire de la méduse Aurelia aurita dans des populations séparées.
D: Variations annuelles des températures et de salinité (estuaire et mer).
Fig.2 - Écosystèmes aquatiques marins: facteurs abiotiques.
A: Salinité, transparence et température.
B: d’une manière nette à une rythmicité lunaire ou tidale Écran trouble sur couche de saut de
densité.
C: Courant marin et migration des anguille.
D: Modifications de pression et des comportements.
E: Pression hydrostatique et croissance.
Fig.3 - Écosystèmes aquatiques marins: côte rocheuse, récif de corail. A: zonation des plantes et
animaux des côtes rocheuses atlantiques européennes. B: Récif corallien de l’espace indo-pacifique.
Fig.4 - Écosystèmes aquatiques marins: flore et faune des bas-fonds.
A: Zonation végétale des prés-salés et zone d’atterissement.
B: Zonation de la faune de l’eulittoral (bas-fonds).
C: Zone de peuplement d’une grande faille.
Fig.5 - Variations du niveau de la mer au cours d’un demi- mois lunaire
Fig.6 - Rythme tidal ou lunaire chez le crabe appelant, Uca pugnax: enregistrement de l’activité
locomotrice moyenne chez deux groupes indépendants (C et D) soumis pendant une semaine à des
conditions constantes. La dérive journalière des courbes d’activité par rapport au temps solaire
correspond d’une manière nette à une rythmicité lunaire.
Fig.7 - Fréquences des capsules ovulaires de Littorina neritoides en relation avec les facteurs
écologiques qui influencent le niveau de la marée et l’humidité de la zone des embruns. (Les phases
lunaires sont indiqués en-haut de la figure; cercles blans=pleine lune, cercles noirs=nouvelle lune).
Les histogrammes en hachures et en noir correspondent à des stations différentes. Les flèches
indiquent la direction et la force du vent soufflant de la terre vers la mer, celles orientées vers le haut
indiquent la direction opposée; les flèches doubles représentent des vents très forts.
Fig.8 - Interactions entre un rythme circadien et un rythme circatidal dans le déterminisme des
migrations verticales de la Diatomée psammicole Hantzschia virgata.
Fig.9 - Rythme saisonnier de consommation d’O2 chez le Mollusque Ancylastrum fluviatile, élevé à
température constante pendant une année.
Fig.10 - Coupe synthétique d'une plage montrant la succession des principaux peuplements
conditionnés par le degré d'humectation).
Fig.11 - Peuplements d'une côte rocheuse dans une mer tempérée (Manche) en mode calme
Fig.12 - Végétation et flore de l'estran argilo-sableux (ex bassin d'Arcachon).
A - Coupe schématique 1. niveau supérieur moyen des marées de morte-eau 2. niveau supérieur
lors des faibles marées de vive-eau 3. niveau atteint durant les plus fortes marées. De gauche à
droite: Zm: chenaux avec Zostère marine, Zn:herbiers à petite Zostère, Sa:Salicornes annuelles,
Sm:colonies de Spartine maritime marquant la limite slikke-schorre, S:schorre dense (Obione
dominante), coupé de vasques à Salicornes (Sa) et de marigots (m), Sp:peuplements locaux de
Spartina juncea, F: niveau à Frankénie, souvent détruit par les laisses de haute mer ou par les
buissons de Soude arbustive (Sv), A: contact avec les sables (avec surtout des Chiendents).
B - Quelques espèces des vases nues: S:Salicornes annuelles, Sm:Sueda maritima (Chénopodiacée),
du schorre ouvert, Hp: Halimione portulacoides (Obione,Pourpier de mer, Chénopodiacée),
Puccinellia maritima (Glycérie marine, Graminée), Spergularia marina (Caryophyllacée), du
schorre saumâtre; J:Juncus gerardi, (Joncacées), Pm:Plantago maritima (Plantaginacées),
Tm,Triglochin maritima (Juncaginacées) limite supérieure du schorre, A: A triplex (Chénopodiacée),
Ap: Agropyron pungens (Chien-dent piquant, Graminée).
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Fig.13 - Les deux Spartines se relayant sur nos côtes: à gauche Spartina maritima, à droite Spartina
towsendi .
Fig.14 - Quelques algues communes sur les côtes atlantiques: Algues vertes (Chlorophycées)
Cladophora rupestris (C.r.), Enteromorpha Sp. (Ent.) Ulva lactuca (Ulv.); Algues brunes
(Phéophycées) Ascophyllum nodosum (Asc.), Bifurcaria rotunda (Bif.), Cladostephys spongiosus
(C.s.), Fucus serratus (F.sr.), Fucus spiralis (F.sp.), Fucus vesiculosus (F.v.).
Fig.15 - Quelques algues rouges (Rhodophycées) des côtes atlantiques Calliblepharis SP. (Cal.) ;
Chon drus crispus (Ch.) ; Gigartina stellata (Gig.) ; Gracilaria verrucosa (Gr.) Laurencia
pinnatifida (Laur.) ; Phodymenia palmata (Rh.)
Fig.16 - Gastéropodes brouteurs médio-littoraux:
A. Littorinidés (L. iliforea). - B. Trochidés (Gibbu/a magus). - En bas et à droite sont figurés les
opercules de ces deux animaux
Fig.17 - Crustacés détritivores communs sur tout le littoral:
Isopodes: A. Idothée (estrans rocheux avec algues en épaves; B. Ligie (" Cloporte " amphibie des
rochers supra-littoraux); C. Sphérome (suivant les espèces, sous les pierres, dans le sable ou en eau
saumâtre); D. Eurydice (sables médio ou infra-littoraux).
Amphipodes: E. Gammare (suivant les espèces, estrans rocheux, eaux saumâtres ou eaux douces); F.
Corophium (vase des estuaires et des marais saumâtres); G: Caprelle (sur les Hydraires ou les
Bryozoaires infra-littoraux).
Cumacés: H. Diastylis (sables infra-littoraux).
Fig.18 - Cirripèdes operculés les plus communs dans la zone intertidale: A. Balanus crenatus ; B. B.
pedoratus ; C. Chtamalus stellatus ; D. Elminlus modestus.
Fig.19 - Crustacés décapodes communs sur la côte atlantique: Callianasse, C. laticauda (Cal.)
creuse des terriers dans les sables fins ou envasés du bas de l'estran et dans les herbiers; Crabes
chinois, Eriocheir sinensis (Er.): dans les eaux saumâtres et douces, remonte assez loin en Gironde;
Galathée..., squamifera (Gla.) et Porcellane, P. Iongicornis (Por.): sous les pierres, dans les niveaux
médio-littoraux inférieurs; Pachygrapsus marmoratus (Pac.): trés commun dans tes rochers, jusque
dans l'étage supra-littoral.
Fig.20 - Crabes communs sur les côtes atlantiques: Carcinus maenas ou Crabe vert (Ca) très
commun partou; Corystes cassivelaunus (Co): sables infra-littoraux dessalées dans le Golfe de
Gascogne, fréquemment relégué dans les eaux; Macropipus puber ou Étrille (P.p): côtes rocheuses;
Macropodia rostrata (M.r.): Araignée de mer des rochers infra-littoraux et des herbiers; Pisa
Sp.(Pi): autre Araignée fréquentant les mêmes biotopes; Platycarcinus pagurus ou Tourteau (Pi);
Xantho Sp. (Xa), parfois appelé "dormeur" ou “crabe de pierre”.
Fig.21 - Différentes voies du catabolisme glucidique chez les Mollusques littoraux en fonction des
conditions du milieu .
Fig.22 - Répartition bathymétrique des Litorrinidés et des Trochidés dans la zone intertidale des
côtes de la Manche. BM et PM : niveaux de la basse et de la plein mer; VE et ME: marées de viveeau ou de morte-eau, moyennes (moy.) ou exceptionnelles (exc.).
Fig.23 - Crabe Ocypodidé (Scopimera inflata) des plages australiennes, possédant sur ses
péréiopodes, une fenêtre respiratoire ovoïde dont le tégument aminci recouvre un réseau important
de lacunes sanguines anastomosées en "système porte" (A. le système porte).
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