De l`idée de défense à la Résistance : un cheminement

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ECJS ET CNRD : QUELQUES PISTES POUR UNE EDUCATION A LA DEFENSE.
« A l’Origine du Concours les cours de Morale et d’Instruction civique ».
L’éducation à la défense n’est pas une action qui va de soi. Depuis la fin des années 1960, la guerre
n’appartient pas à l’expérience de vie des jeunes citoyens. La génération d’après guerre ne connaît la
seconde guerre mondiale qu’au travers de la mémoire familiale ou officielle. Les guerres coloniales,
dont l’Algérie, touchent les générations nées vers 1934. Enfin, avec la fin de la guerre froide, la guerre
ne s’inscrit même plus comme une perspective historique, d’autant que la construction européenne
change la perception des frontières et de l’autre. Elle devient une affaire de professionnels, voir un
scénario de film américain. Cela relativise le lien entre la défense de la Démocratie et celle de la
Nation. C’est donc un défi que de vouloir éduquer à la défense un peuple habitué à la paix, même si les
dangers se sont déplacés, d’une manière paradoxale, sur des fronts intérieurs. Autrefois défendre sa
patrie était un impératif d’ordre culturel, aujourd’hui, c’est un défi éducatif. Pourtant la relation entre
la défense et les devoirs du citoyen existe. La défense, comme la citoyenneté implique l’acceptation du
pouvoir souverain1 et un respect de l’Etat
Ce travail ne se veut qu’une proposition. Il vient d’une pratique personnelle dont l’enjeu était de
mettre en contact des acteurs et des jeunes, en un mot de rendre l’étude de l’histoire vivante.
Rapidement se mit en place la dimension civique de l’action pédagogique. Ainsi d’un certain
« hasard » est né une volonté de mettre en perspective trois activités pédagogiques, dont deux sont
inscrites dans les programmes et les instructions officielles, à savoir l’ECJS et l’Education à la
défense. Celles-ci sont fixées par le B.O Hors série, n°8 du 6 août 1998 et le B.O Hors-série N°6 du
31 août 2000.
Dans le cas de la défense, l’objectif de l’enseignant est de sensibiliser les élèves au devoir de défense
du territoire et des valeurs de la démocratie, de leur expliquer le fonctionnement des institutions en
matière de défense et les choix diplomatiques de la France contemporaine. L’ECJS, elle, doit permettre
l’Education à la citoyenneté (voir plus bas les notions). Or, souvent, en dehors du débat de société en
ECJS et des programmes d’histoire, il est nécessaire de réaliser des choix. Le CNRD apparaît comme
un outil de Mémoire au service de la formation civique des jeunes. C’est d’abord un Concours placé
sous l’autorité du ministère de l’Education nationale et du ministère de la Défense (Direction à la
mémoire, au patrimoine et aux Archives). Les thèmes sont choisis par un Jury national dont la
préoccupation est transposer dans le temps présent la signification des luttes du passé. Il permet de
transmettre des valeurs qui se rattachent aux droits de l’homme, aux principes de la démocratie, de
préparer à la vie de citoyen, d’acquérir une démarche d’historien et de rapprocher les générations.
Enfin, il permet de mettre en place une pédagogie de projet. Les liens entre les trois activités sont
multiples et permettent de gagner du temps. En fin de première, les élèves qui ont préparé le Concours
abordent plus facilement la fin du programme.
Ainsi trois activités pédagogiques, l’éducation à la défense, l’ECJS et le CNRD peuvent s’emboîter.
Ce que nous pourrons analyser dans l’étude du cheminement entre l’idée de défense et la Résistance,
puis en quoi le CNRD peut se présenter comme un lien.
De l’idée de défense à la Résistance : un cheminement
L’école a pour mission de former des citoyens.
1
http://www.cndp.fr/themadoc/defense/presentation.htm
1
A partir de 1882, l’école de Jules Ferry et ses leçons de morale, ses éphémères bataillons scolaires et
les cours de gymnastique prépara activement les jeunes français à l’idée militaire. Même si les
dirigeants de la IIIème reste prudent quant au contenu. Il ne faut effrayer l’Allemagne, ainsi le Tour de
France de deux enfants est plutôt un plaidoyer pour la reconstruction et non pour la Revanche.
Cependant la France d’avant 1914 baigne, à son insu, dans une atmosphère militarisée, préparant les
esprits. Il faut évidemment nuancer le propos car les débats sur la loi des trois ans n’invitent pas à
conclure sur un amour réel de la chose militaire.
Aujourd’hui, l’éducation à la citoyenneté intègre la notion de défense. Depuis 1997 : « à partir de la
rentrée 1998, les principes et l’organisation de la défense nationale et de la défense européenne font
l’objet d’un enseignement obligatoire dans le cadre des programmes des établissements
d’enseignement…2 ». Rappelons quelques principes fondamentaux sur la défense. La défense est
nationale dès le serment du 10 août 1789 quand les officiers sont appelés à prêter serment « à la
Nation, au Roi et à la Loi ». De fait, cette idée de défense nationale est nécessaire dans toute
démocratie et en France, elle fut longtemps attachée au service militaire. En outre, la défense est une
prérogative de l’Etat et de la NATION depuis le 10 août 1789 et « essentiellement obéissante »
depuis 1848. Progressivement, avec la loi sur les réquisitions de 1877, la défense devient globale. La
guerre de 1914 démontre et permet de compléter cette idée. Depuis 1945, la notion de défense devient
permanente. Les termes de guerre froide, de guerre idéologique, de stratégie indirecte, de représailles
économiques, de terrorisme rendent la notion de paix et de guerre très floue. Aujourd’hui, le champ de
la défense est vaste.
En France, le fait militaire est une ligne de force de l’histoire politique française. Outre l’histoire
monarchique où la gloire militaire appartient à l’hagiographie royale. Le Roi est un Chef de guerre. La
République naissante triomphe à Valmy le 20 septembre 1792 et donne naissance au mythe de la
Nation en armes. Certes les Monarchies censitaires et l’Empire ne renouent pas totalement avec l’idée
d’une armée nationale, mais ne l’oublient pas complètement et la conscription par tirage au sort
impose sur le siècle, l’idée du devoir militaire. La IIIème république institue la conscription et l’armée
devient «l’arche sainte », berceau de la nation et de l’égalité devant la loi. Les «hussards noirs » de la
République sont chargés de former les gros bataillons de la Revanche. Même si Hussard noir et
Revanche sont des expressions littéraire et politique issue d’un Péguy ou d’un Déroulède. L’éducation
militaire, puis sportive, entre progressivement dans les programmes scolaires. Le fait militaire est
national. Il imprègne progressivement les paysages de la France républicaine ; tant le phénomène
militaire est intrinsèquement lié à l’idée d’une participation de tous à la défense. Le langage militaire
et l’armée ont été un creuset de la Nation.
Entre 1939 et 1945, l’armée est battue. Un des symboles de la République s’effondre et un «vieux »
Maréchal met fin à la République. Or la faillite du système militaire français a laissé les citoyens
devant un choix cruel. Il fallait ou se rallier à un vieux Maréchal, incarnant une armée sacralisée et
républicaine ou suivre un général condamné à mort par contumace et réfugié à Londres pour un
combat sans gloire et anonyme. La réaction de quelques-uns uns qui composeront la Résistance,
inaugure une autre forme de participation à la défense.
La Résistance apparaît être un anachronisme et une exception. Il fallait rejeter les cadres
traditionnels ou interpréter le patriotisme. D’autres ont collaboré par patriotisme. Résister devient
lourd de sens. Il supposait de désobéir, contester, contrecarrer, protester, refuser, réagir, se rebeller, se
rebiffer, s'opposer. Lucie Aubrac donne la mesure du geste : "Nous sommes décidément de drôles
d'individus. Ingénieurs, dessinateurs, professeurs, bourgeois ou ouvriers, nous sommes tous entrés
dans le monde de la tricherie et des mensonges, avec la plus parfaite sérénité. Nous sommes nombreux
à considérer que notre action nous conduit très naturellement à inverser notre morale. Combien
2
Loi du 28 octobre 1997, portant réforme du service national. J.O. 8 novembre 1997.
2
serons nous, une fois la guerre finie, à retrouver le respect de la légalité". La Résistance n’est pas
conventionnelle. Pour entrer en révolte, il fallait des motivations. Celles-ci pouvaient être multiples et
différentes en fonction de chaque individu. Il n'y a pas toujours des explications rationnelles. Le fait
d'entrer en résistance était lui-même ambigu comme le dit Anise Postel-Vinay : "Cette question de
savoir comment on est entré en Résistance, pour nous, c'est une drôle de question parce qu'en fait, on
n'entrait pas dans la Résistance. D'ailleurs le mot "résistance", tout au moins jusqu'à mon arrestation
le 15 août 1942, n'existait pas. Quand on cherchait à faire quelque chose, pour nous gaullistes, on
disait qu'on travaillait pour les Anglais et pour les communistes qui n'avaient pas exactement le même
genre d'activités que nous, ils disaient simplement qu'ils entraient en clandestinité". Certains l'ont fait
par défi ou goût de l'aventure. D'autres au contraire mêlaient patriotisme, antigermanisme et
antifascisme. La liaison avec l’ECJS ne va pas de soi pour autant. Cependant l’idée de défense de la
République, ou tout simplement d’antivychisme permet une réflexion sur les valeurs.
L’Education civique, juridique et sociale.
L’enseignement de l’Education Civique, Juridique et sociale est fixé par le B.O. du 5 août 1999. Cet
enseignement est majoritairement confié à des enseignants d’histoire et de géographie. Les objectifs
sont axés sur la formation des citoyens. Les programmes insistent sur la nécessité de définir le
citoyen. Celui-ci est « celui qui participe à une communauté publique donnée. La société française,
comme les autres sociétés démocratiques, organise les formes de cette participation. Pour cela, elle
élabore un certain nombre de règles qui définissent les droits et les devoirs de chacun, garantissant
ainsi l’exercice de la liberté de tous 3 ». Cependant le programme n’est pas une contrainte puisqu’il est
défini en terme d’objectifs à définir. Ce qui laisse un large champ d’investigation devant nous.
Plusieurs sujets peuvent être traités et analysés dans la vie sociale, dans l’actualité et sur la nécessaire
réactivité des citoyens face à un monde confronté à la mondialisation et aux innovations
technologiques.
La notion de défense fait partie des objectifs de la classe de première en ECJS. Ce qui permet un pont
avec le programme d’histoire puisque la seconde guerre mondiale est traitée en fin d’année. Même si,
sur plusieurs points, il est possible d’analyser la mise en application de valeurs diverses. Ici, il convient
d’être prudent, car si l’histoire, en elle-même, est porteuse de leçons. L’utilisation de la Mémoire n’est
pas non plus sans risque pour le citoyen. Celle-ci peut-être confisquée ou instrumentalisée au profit
d’un groupe de pression. D’autant que Mémoire et Histoire sont souvent antagonistes.
Le Concours de la Résistance et de la Déportation, acte citoyen en lui-même, trouve sa place dans le
cadre de l’ECJS et dans l’éducation à la défense. Chaque année, il est proposé aux élèves des classes
de lycée et de troisième des collèges. Il invite à réfléchir sur un aspect de la lutte des femmes et des
hommes pour la justice, la liberté et les droits de l’homme. Il permet de travailler sur les valeurs de la
Résistance et sur les leçons à tirer du génocide nazi. Il permet, en outre, de faire comprendre que tout
combat suppose qu’on soit investi de certaines valeurs, sans compter qu’il permet de donner un sens de
plus à l’ECJS. A l’origine, sa création était liée à l’instruction civique. Il s’agirait, en quelques sortes
d’un retour aux sources. Afin d’éclairer cet aspect, reprenons la genèse du Concours.
La genèse du concours : un acte citoyen.
3
Gracia Dorel Ferré, IPR-IA Méthode de l’éducation civique au Lycée,
http://crdp.acreims.fr/ressources/brochures/blphg/bul20/e-clyc.htm
3
La création du concours est une réaction citoyenne contre l’utilisation abusive de la Mémoire de la
Résistance. Une circulaire du 11 avril 1961 institue une souscription nationale associant les Lycées,
collèges et écoles publiques. Les sommes recueillies furent centralisées par les inspections
académiques et versées au comité national pour l’édification à Paris d’un monument du souvenir à la
mémoire des héros et des martyrs de la déportation.
Parallèlement, le ministre Lucien PAYE souhaite que des « causeries » sur la Résistance et la
Déportation soient faites durant les cours de Morale et d’Instruction civique. Les enfants doivent
comprendre la portée et les raisons de leurs gestes. La démarche est prolongée par l’ouverture d’un
concours sur l’histoire de la Résistance et de la Déportation. Celui-ci est ouvert le 12 mai 1961
( voir le texte en annexe).
L’idée de ce concours remonte aux années 1950. De nombreuses associations de Résistants et de
Déportés éprouvent un sentiment de désillusion face à l’instrumentalisation politicienne de la
Résistance et de la Déportation. Les inquiétudes devant le retour d’anciens fonctionnaires de Vichy et
la dénonciation d’Anciens Résistants et Déportés amènent les C.V.R, l’UNADIF et le Réseau du
Souvenir à demander une intégration de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale dans les
programmes scolaires. En novembre 1955,
la Confédération nationale des Combattants
Volontaires de la Résistance adopte une motion pour inciter les pouvoirs publics à prendre les
mesures nécessaires et inciter les Unions départementales à créer dans les départements des «Prix de
la Résistance ». Il s’agit d’aller au-delà des cours d’instruction civique et morale. Il faut attendre 1957
( appliqué en 1962) pour que les programmes scolaires intègrent l’histoire de la Seconde Guerre
mondiale. Pour conserver à cet enseignement une dimension particulière, la Confédération nationale
des Combattants Volontaires de la Résistance crée les « prix de la Résistance » fondés sur
l’exemple. Le prix national sera demandé par la CNCVR lors de son deuxième congrès en mai 1956.
Henri Bailly demande le patronage du ministère tout en s’adressant directement aux établissements
scolaires. Puis l’organisation se met en place.
Aujourd’hui, le sujet est établi par un jury national et adressé aux inspecteurs d’Académie qui le
transmettent aux Chefs d’établissement qui en font la demande. Les épreuves du Concours se
déroulent dans les établissements scolaires. C’est un jury départemental constitué et présidé par M.
l’Inspecteur d’Académie et composé d’anciens résistants, déportés et enseignants d’histoire et
géographie qui sélectionnent les meilleures réalisations. Les lauréats sont récompensés au niveau
départemental puis le jury national opère une deuxième sélection et récompense les lauréats nationaux.
Le jury national est constitué de 5 représentants de l’administration (Inspecteurs généraux,
d’Académies et délégués à la Mémoire et à l’information historique), de 7 représentants de
l’enseignement, de la recherche et de la mémoire (Universitaire, représentants du secondaire et
secrétaire général de l‘association des professeurs d’histoire et géographie), de 2 représentants de
l’association nationale des lauréats du concours, de 4 personnalités de la Résistance et de la
Déportation, de 10 représentants des associations de la Résistance et de la Déportation. Le CNRD est
donc un élément du cours d’ECJS et par son contenu peut être une étude de cas pour l’éducation à la
défense.
Le Concours : un premier pas vers l’ECJS.
Le CNRD est à la charnière de la Mémoire et de la citoyenneté. Il interpelle un certain nombre de
valeurs issues de la Résistance. Trop souvent ces valeurs apparaissent comme des idées surfaites sur
lesquelles un consensus de conformité s’établit. Parfois, un silence gêné et réprobateur s’impose chez
les jeunes et les adultes (enseignants ou non) tant l’histoire de la Résistance est ambiguë et complexe,
tant l’histoire de la démocratie française s’est construite depuis 1945 sur une légitimité issue de la
4
Résistance. Une mémoire sacralisée et parfois brutale s’est imposée. La seule vision des affrontements
entre les associations d’anciens résistants est significative a cet égard.
Cependant les valeurs de la Résistance existent encore. Elles ont encore une pertinence dans nos
sociétés. En effet, après une contextualisation des années 1940 et 1950 ou les mots de civisme, de paix
et de dévouement à l’intérêt général étaient différents. Plusieurs valeurs s’imposent également : la
défense des libertés, des droits de l’Homme, de la démocratie et de la justice, l’engagement, le
sacrifice, l’esprit d’initiative, le courage et l’apprentissage de la solidarité et du civisme. L’ensemble se
forge dans la douleur du combat.
Une petite enquête4 auprès de jeunes collégiens et lycéens, menée par l’Association des Etudes sur la
Résistance Intérieure (AERI), définit les valeurs significatives pour les jeunes d’une quinzaine de
classe. Les jeunes interrogés évoquent le respect, la tolérance, la solidarité, la vérité, la paix, la famille.
Mais aussi, la liberté, l’engagement et le pays. Par contre les mots changent de sens. La liberté apparaît
comme l’expression de leur identité et de l’affirmation d’eux-mêmes. La liberté est plus individuelle
que collective. L’engagement est un moyen de sortir de l’impuissance. Tandis que la famille et le pays
sont des repères psychologiques maîtrisables dans un monde au contour flou. Il faut aussi se garder de
confondre car si dans la Résistance, il y avait un ennemi parfaitement identifiable et des valeurs
autocentrées sur le quotidien français. Les jeunes d’aujourd’hui, vivent une réalité différente. Ils
côtoient des jeunes issus de l’émigration, porteur de valeurs et de traditions différentes. Les groupes
d’amis intègrent des religions diversifiées, des valeurs opposées. Ils n’ont pas toujours un regard
négatif sur l’autre et impose une nouvelle liberté de pensée. Le devoir de mémoire n’a pas le même
sens chez les jeunes d’aujourd’hui. Le «savoir-partagé 5 » qui forme le ciment d’une société se modifie
sous l’influence des nouvelles technologies de communication et des autres formes de diffusion des
connaissances. Ni l’Ecole, ni les institutions, ni les bibliothèques, ni les familles ne sont les uniques
vecteurs de la connaissance. Il est probable que les générations montantes soient plus conciliantes sur
les questions de laïcité et de droit à la différence. Ce qui, a plus d’un titre peu inquiéter. En tout cas, si
cette assertion se révèle fausse, ils imposeront tout de même une reformulation des valeurs. Enfin, pour
les lycéens, même l’Union soviétique apparaît, souvent, à égalité avec l’Empire romain. C’est
« quelque chose qui s’est passé avant… ! ». La Seconde Guerre mondiale est souvent un film en noir et
blanc et l’idée de service militaire, un vague souvenir et encore. Le quotidien des jeunes est dominé
par d’autres formes de violences, d’incivilités et de perspective de chômage qui modifient leur
perception des valeurs. La formation de la jeunesse sur les valeurs est donc un enjeu de portée
nationale et d’avenir.
Le CNRD est donc un outil pour formuler les valeurs, élaborer une prise de conscience et travailler sur
la mémoire. Au niveau de l’enseignant, c’est une entrée possible. Certes, celle-ci ne va pas de soi. Les
contraintes administratives, de programme pèsent lourdement sur les choix des enseignants. Cependant
il permet de mettre en place une pédagogie plus active, tout en donnant un but quantifiable et concret
au débat d’ECJS.
Le Concours, un lien entre l’étude de l’histoire et l’ECJS
L’histoire est inscrite dans les programmes d’ECJS
« Replacer l'événement dans une chaîne historique. La deuxième tâche consiste à insérer l'événement étudié dans son
contexte spatio-temporel. Cela suppose des recherches indispensables à la compréhension des faits, en mobilisant les
méthodes comparatives des sciences humaines et sociales. On peut ainsi contribuer à relativiser la portée affective ou
passionnelle des événements au profit d'une analyse plus rationnelle. Un des obstacles à l'étude sérieuse de l'actualité tient
4
Guy Creté, « valeurs de la Résistance, valeurs d’aujourd’hui » dans la lettre de la Fondation de la Résistance, n °37, juin
2004. Cette enquête n’a pas une valeur scientifique définitive, mais elle constitue une intéressante prospective.
5
D’après Jean-Pierre Vernant, La traversée des frontières, SEUIL, 2004.
5
à la tyrannie du présent qui chasse de la mémoire immédiate les événements précédents ; le travail de recherche permet
ainsi de limiter cet effet en replaçant les faits dans une chaîne historique.(B.O Hors série N°6 du 31 août 2000)
Toutefois, avec le concours, l’étude de la mémoire historique s’effectue dans une perspective
d’éducation à la citoyenneté. Plusieurs logiques peuvent interférer. Celles de l’Education, du rapport
histoire et mémoire et surtout de la mémoire active. Il est même possible d’insérer une dimension
européenne dans une démarche commémorative de l’Europe réconciliée. Dans tous ces cas, la
Résistance et la Déportation offrent de multiples exemples.
L’histoire de la Seconde guerre mondiale, du nazisme peuvent déboucher sur une prise de conscience
des responsabilités personnelles et collectives. Le Pasteur allemand, Martin Niemoller (texte en
annexe) fut assez clair sur ce sujet. Il va de soi que nous sommes souvent pris dans une série de
contradictions. Enseignant en histoire, nous devons être porteurs d’un projet d’enseignement clair et
objectif. Il n’est pas concevable de faire de l’histoire militante. Par contre, dans le cadre de l’ECJS,
nous sommes dans une exigence éthique différente. Les débats portent souvent sur les rapports que les
jeunes établissent avec la société et eux-mêmes. Mais l’enseignant est souvent confronté à des jeunes
dont les valeurs sont fragilisées par la toute puissance des médias et l’absence de modèles structurants.
Souvent, ils s’enferment dans des systèmes de défense ou de provocation. Cette attitude, liée à l’âge,
mais aussi de l’inquiétude sous jacente, due à la persistance des guerres et de la violence quotidienne,
fragilise leur confiance en eux alors même qu’ils sont d’une grande lucidité. Dans cette perspective, le
Concours permet un recadrage « scolaire » et rassurant. Il relate un combat pour la dignité humaine. Il
impose un enjeu de mémoire active dans une société communicante qui ne permet pas toujours de
s’élever à la conscience universelle qui fait de chacun de nous un citoyen du monde. Il permet de
comprendre que la mémoire n’est pas une propriété, tous, nous en sommes les dépositaires. Les
notions étudiées, appellent à la vigilance citoyenne tout en rappelant les exactions et les massacres.
C’est une invitation, par l’histoire, à perfectionner les armes du dialogue, à privilégier la réflexion au
réflexe, à écouter plutôt que rétorquer, à rendre des comptes plutôt que les régler, à échanger des
arguments plutôt que des anathèmes et des invectives6 . C’est ici que le concours dépasse la mémoire
historique. Celle-ci est souvent en décalage avec le monde dans lequel nous vivons. Analyser la
Résistance et la Déportation sous l’angle de l’ECJS, permet de dépasser une vision passéiste et passive
de la Mémoire. Le lycéen construit lui-même son savoir en diversifiant les sources pour démontrer la
véracité des faits. Il replace l'événement dans une chaîne historique et insère l’événement dans son
contexte. Il peut, ainsi, identifier toutes les interprétations et mettre en valeur les notions du
programme. L’historien repère les interactions entre les faits et les évènements et évite les dérives
sélectives de la mémoire. L’éducateur à la citoyenneté conduit le jeune à donner du sens à partir des
enseignements de l’histoire, mais aussi à prendre conscience qu’à son niveau, il est un acteur de la
société donc de l’histoire. Certes l’histoire de la Résistance n’est pas exclusive mais elle porte encore
pour quelques temps l’avantage d’être vivante et d’avoir suscité en 1945 une reconstruction politique
et sociale de la France contemporaine. Le programme du Conseil National de la Résistance est
significatif a cet égard. Enfin, autour des formations politiques, des associations et des Fondations, des
réflexions fondamentales sur l’avenir de l’homme virent le jour.
Le Concours permet de passer au-dessus des difficultés de l’enseignant d’histoire sur les sujets
difficiles et chargés d’une obligation morale. Il existe une tension réelle entre mémoire et histoire,
entre la transmission réelle, le devoir de mémoire et le devoir d’histoire. Pour le phénomène
concentrationnaire nazi, l’enjeu émotionnel imprime la démarche pédagogique et se double d’une
obligation morale. Eric Mesnard le dit clairement : comment passer de la mémoire à l’histoire, de
l’émotion à l’analyse, du silence à l’enseignement ? Il semble que le recours aux témoins et les visites
6
Robert Badinier, « la bataille de la mémoire, enjeu de citoyenneté » dans la lettre de la Fondation de la Résistance, n°25,
juin 2001.
6
dans les camps, permettent de répondre à ces questions. Au-delà, une réflexion sur la mémoire est
nécessaire. La mémoire n’est pas une action humaine qui se définit simplement. Comme le dit JeanPierre Vernant, il y a plusieurs activités mentales qui se recoupent sous ce vocable. Il peut s’agir des
savoirs impersonnels, de textes connus par cœur, d’évènements du passé ou de souvenirs privés. Il y a
au moins trois formes de mémoire, à savoir celle qui est individuelle, mais aussi sociale et historienne
donc « avoir une bonne mémoire » n’implique pas la Mémoire, c’est un mot aux multiples facettes
qu’il convient de définir. La mémoire s’acquière, se façonne et oriente l’esprit. Elle est différente selon
les cultures.
L’ECJS reste dominante.
Nous l’avons vu plus haut, la notion de défense est présente dans les objectifs des classes de
premières. Les notions de sécurité pour les classes de terminales, mais aussi la notion d’éducation à la
défense qui est un projet transversal, s’imposent et permettent différentes entrées. Ainsi, Exercice de
la citoyenneté et devoirs du citoyen : « Le devoir de défense, depuis la suspension de la conscription
et l'instauration de l'Appel de préparation à la défense (APD), ainsi que la mise en place du parcours
citoyen, exigent que l'école soit partie prenante d'une réflexion critique sur les moyens de préserver
les valeurs de civilisation et de liberté fondatrices de notre démocratie, sur la sécurité collective
des citoyens , sur le devoir d'ingérence lorsque les droits de l'homme ou le droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes sont outrageusement bafoués, sur les engagements humanitaires, et tout
particulièrement sur le rôle et l'usage des forces armées dans ces contextes. »
Il n’est pas souhaitable que toute une classe travaille sur le Concours National de la Résistance et de la
Déportation. Les objectifs d’ECJS doivent privilégier les débats sur les faits d’actualité et la vie
sociale. Cependant : « Le premier moment étudie les circonstances et les conditions de l'invention de
la règle ou de l'institution. On a trop tendance à oublier l'origine et l'histoire d'une règle. Sa genèse
doit être mise au jour. Ainsi, dans la famille, les règles qui guident l'autorité parentale à laquelle tout
enfant est soumis ont subi une transformation à travers le temps, particulièrement au cours des trois
dernières décennies, qui détermine son exercice actuel. De même, les règles qui déterminent les
relations du travail ne peuvent être comprises qu'en connaissant les contextes et conflits qui, depuis un
siècle, ont construit et construisent encore le droit du travail. L'histoire est donc ici très
particulièrement mobilisée ; étudier les conditions de naissance d'une règle, en montrant qu'elle est
une production historique et non un a priori absolu, contribue à humaniser la règle de droit : ce n'est
plus un dogme mais une règle de vie. L'institution scolaire peut aussi servir d'objet d'étude : ainsi, le
règlement intérieur du lycée peut être analysé et étudié quant à ses origines et son actualité, ce qui
assure le lien avec les enseignements du collège (B.O sommaire Hors série N°7 vol 4 et vol 5 du 31
août 2000) » De fait, en fonction des thèmes et notions choisies, il n’est pas inintéressant qu’un ou
plusieurs groupes de travail abordent les combats de la Résistance et le drame de la Déportation. Dans
nombre de cas, ces combats permettent de contextualiser les grandes notions des programmes. A
savoir pour les classes de lycée :
?? Civilité, Intégration, Nationalité, Droit, Droits de l'homme et du citoyen, Droits civils et
politiques, Droits sociaux et économiques (seconde)
?? Pouvoir, Représentation, Légitimité, État de droit, République,
Démocratie, Défense
(première)
?? Liberté, égalité, souveraineté, justice, intérêt général, sécurité, responsabilité, éthique
(terminale)
7
La Résistance et la Déportation permettent de prendre en compte le devoir du citoyen.
Incontestablement, la Résistance porte un héritage 7 . Celui-ci est multiple. Certes l’aspect militaire est à
nuancer tant l’efficacité militaire apparaît comme marginale. La Résistance est une forme de défense
civile. Cependant un certain nombre d’idéaux ont poussé des individus à entrer dans la clandestinité, à
se battre et à risquer leur vie. C’est l’essentiel. Les idéaux portent le combattant autant que
l’armement. Or les idées déjà vues plus haut de la Résistance ne sont pas forcément nouvelles. Très
souvent, il s’agit de restaurer la Démocratie et la République, de libérer le territoire et de moderniser le
pays avec une large inspiration issue de la Révolution française et des traditions jacobines. Si pendant
le combat, les résistants pensaient rentrer chez eux, il apparaît qu’ils sont nombreux à avoir pris part à
la vie de la cité. La Résistance est devenue source de légitimité politique et a contribué a de profondes
réformes de structures dont le programme du Conseil national de la Résistance est un des fondements.
L’esprit de la Résistance est devenu une volonté de construire un nouvel avenir. Cet aspect politicien
brouille la vision de la Résistance et son combat. Pour observer la Résistance dans le domaine de la
Défense et de la citoyenneté, plusieurs approches sont possibles.
1. L’engagement. La résistance se compose de combattants, sans uniforme, engagés
pour défendre des valeurs démocratiques. De plus on dispose d’une bibliographie
abondante. On peut citer par exemple, les photos de la libération de Paris mais aussi les
pages de manuels. Egalement faire appel à des ressources documentaires variées
comme : Lucie Aubrac «Ils partiront dans l’ivresse » ou encore Sœurs de la Résistance,
un film de Maia Wechsler, vidéo 60 minutes, Red Triangle Productions, 10tribauthèque
28, rue Bouquière 33000 Bordeaux. (Le témoignage de quatre femmes, entrées en
Résistance, arrêtées, déportées. Outre le récit de leurs destins, elles expriment les
mobiles de leur engagement. Le film montre que l'on combat parfois avec ou parfois
sans uniforme mais toujours pour défendre des valeurs.). La défense est l’affaire des
soldats mais également de tous les citoyens (les hommes comme les femmes).Les
citoyens défendent des valeurs.
Il est vrai que les notions de défense et de sécurité apparaissent omniprésentes. Il faut
évidemment replacer dans le contexte. Peut-être convient-il de rappeler que les combats
de la Résistance sont issus d’une défaillance de l’armée en 1940, que le devoir de
défense de la République s’est imposé. La Résistance permet de « désolidariser » la
notion de défense de l’outil militaire. Ce qui aujourd’hui semble nécessaire dans la
mesure où la conscription obligatoire n’existe plus et où la tendance est de confier la
défense à une armée professionnalisée
2. L’intégration. Il y a quelques années, le Concours portait sur les étrangers dans la
Résistance. De même, l’histoire de la Résistance met en exergue la présence de
nombreux émigrés et étrangers. Le thème de l’intégration par le combat est possible.
La République française a su mobiliser de jeunes étrangers pour sa défense. De jeunes
italiens ont combattu le fascisme et leur pays sous la bannière d’une France de l’ombre
au nom d’un idéal vaincu. D’une manière générale, plusieurs nations et peuples
colonisés ont combattu sous les bannières de la démocratie. Le comité consultatif, puis
le GPRF, prend appui sur la ville d’Alger et l’Empire pour la renaissance de la France.
3. Le devoir de mémoire . Chaque génération a le devoir de témoigner et de transmettre
son expérience et son savoir. Les évènements de la Seconde Guerre Mondiale peuvent
7
Voir a ce sujet le Colloque international de Caen : « Pourquoi résister ? Résister pour quoi faire ? » 2, 3 et 4 décembre
2004 dont le compte rendu est publié dans la lettre de la Fondation de la Résistance, n°40, mars 2005.
8
encore faire l’objet de ce devoir pour la génération née entre 1915 et 1925. Cependant
pour les générations actives le devoir de mémoire, c’est aussi un travail. Un travail, non
pas un souvenir, mais une réflexion vigilante qui doit montrer les dangers de la
passivité citoyenne, de la passivité voire de la cupidité. Il permet de démontrer que
parfois il est nécessaire de dire non devant l’intolérable. Même si les valeurs et les
engagements évoluent, il y a encore des risques car la démocratie est un combat
permanent. Travail encore car s’il y a risque, il ne se reproduira pas sous les mêmes
formes et sous les mêmes habits. Il faut donc réagir contre toutes formes d’injustices,
d’exclusion et de barbarie. Les bourreaux, comme les héros étaient des gens ordinaires.
La Mémoire est aussi un droit pour les générations montantes. Devoir, travail et droit se
déclinent ainsi pour chaque génération. Enfin, la mémoire est un enjeu et intègre les
problématiques des programmes de terminales. Le lien est ici multiple. Pourtant,
nombre de personnalités n’ont pas la même idée du devoir de mémoire. Simone Weill,
présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, ne pense pas que le terme soit
approprié. Pour d’autres, le passé est de la responsabilité de l’historien, de l’enseignant
et du politique
4. La réactivité sociale. La Résistance est souvent le miroir d’une réalité politique8 . Le
régime nazi n’aurait jamais pu s’imposer s’il n’avait trouvé des relais et des espaces
dans la société allemande. La résignation de la population allemande s’explique par
l’exaltation d’un sentiment national et de valeurs démagogiques. Mais l’analyse
démontre que la crise allemande avait conduit la société allemande à développer des
stratégies de survie et de replie sur la sphère privée permettant au Nazi d’occuper tout
l’espace public. En Italie fasciste, la déliquescence de la monarchie explique une prise
rapide du pouvoir, tandis que la longue durée du fascisme forge une puissante
dépolitisation et l’implantation durable du pouvoir de Mussolini. Martin Malia dans
Comprendre la Révolution russe a une analyse similaire quant à la prise de pouvoir par
les Bolcheviks au lendemain de la 1er Guerre mondiale. La Révolution de 1905 ayant
éliminé la bourgeoisie constitutionnelle et la guerre de 1914 fait disparaître les élites
traditionnelles. Les régimes totalitaires se mettent en place dans des régimes en proie au
doute ou en crise, supposant une «anesthésie » de la société civile. Le régime de Vichy
se met également en place dans un pays assommé par une « étrange défaite ». La notion
de Résistance implique la notion de réactivité sociale. Ce qui implique qu’une attitude
citoyenne est le meilleur rempart de la Démocratie. Cependant tout acte de résistance
prend en compte un renforcement des valeurs et une rénovation de la société. Un
souffle de liberté porte le combat.
5. La rénovation sociale. Elle permet d’analyser les textes fondateurs. Ceux de la
Révolution française, mais aussi la fondation d’une démocratie sociale à partir du
programme du conseil national de la Résistance. Le renouveau de la République et de la
démocratie quand le général de Gaulle dit : « je prends l’engagement solennel de rendre
compte de mes actes aux représentants du peuple français, dès qu’il lui aura été
possible d’en désigner librement ». De même dans un raccourci rapide de jeunes élèves,
certains évoquent l’importance d’une manifestation dans une démocratie qui devient un
8
« Les résistances, miroirs des régimes d’oppression (Allemagne, Italie, France). Colloque international de Besançon des
24, 25 et 26 septembre 2003.
9
acte d’expression, d’impulsion de la démocratie, mais aussi de Résistance. La bonne
question reste : « Quelles valeurs avons-nous à défendre aujourd’hui ? ».
SOURCES ET ANNEXES.
ECJS
Gracia
Dorel
Ferré,
IPR-IA
Méthode
de
reims.fr/ressources/brochures/blphg/bul20/e-clyc.htm
l’éducation
civique
au
Lycée,
http ://crdp.ac-
MEMOIRE ET HISTOIRE.
Rapport de recherche de l’équipe de l’Académie de Versailles. Entre mémoire et savoir : l’enseignement de la Shoah et des
guerres de décolonisation.
RESISTANCE ET MEMOIRE
http ://www.crdp-reims.fr/cddp10/actions/CNRD
http ://crdp.ac-reims.fr/memoire/liens/se_souvenir.htm
site AERI, les valeurs de la Résistance
L’EDUCATION A LA DEFENSE.
BO : HS N°7 du 31 août 2000
http ://www.education.gouv.fr/bo/2000/hs7/vol5civ.htm
http ://www.ac-nancy-metz.fr/Citoyen/Defense/defense_docu/Bohs8-1998.htm#note98-159
http://www.ac-nantes.fr:8080/peda/disc/histgeo/citoyen/devdef.htm
Note de service n° 98-159 du 30 juillet 1998 : Prise en charge par les établissements scolaires de la loi du 28 octobre 1997,
portant réforme du service national
Loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national – J.O. n° 260 du 8 novembre 1997
Conseil constitutionnel : Décision n° 97-392 DC du 7 novembre 1997
Saisine du Conseil constitutionnel en date du 29 octobre 1997, présentée par plus de soixante sénateurs, en application de
l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 97.392 DC
http://www.cndp.fr/themadoc/defense/presentation.htm
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ANNEXES.
Circulaire du 11 avril 1961
B.O n°14 du 20 avril 1961.
Célébration du souvenir des Déportés et des Résistants
Pour exalter le sacrifice et rappeler les souffrances des héros et des martyrs de la Déportation, un monument du
souvenir sera érigé à Paris dans l’Ile de la Cité.
Pour permettre son édification et donner à chacun l’occasion de se souvenir des heures les plus pures de la gloire
française, une souscription nationales a été ouverte dans l’ensemble du pays.
Je crois indispensable d’y associer tous les élèves des lycées, collèges et écoles publiques et de centraliser
séparément les sommes recueillies dans les établissements scolaires pour mieux marquer la part prise par les jeunes dans la
célébration du souvenir de ceux qui leur ont permis de naître et de vivre libres.
C’est pourquoi je demande à MM. Les Inspecteurs d’Académie de bien vouloir organiser dans tous les
établissements d’enseignements publics de leur département, des collectes dont le produit, centralisé à l’Inspection
académique, sera ensuite versé pour le 1er juin 1961 au Comité national pour l‘édification à Paris d’un monument du
souvenir à la mémoire des héros et des martyrs de la déportation ( compte au Trésor n°800.-Paierie Générale.-C.C.P. 900003 Paris)
Je serais heureux d’être tenu informé des sommes versées au Comité par chaque département.
D’autre part, je souhaite qu’à une date aussi rapprochée que possible du 30 avril 1961, Journée des Déportés, une
causerie sur la Résistance et la Déportation soit faite aux élèves pendant les cours de morale ou d’instruction civique, pour
qu’ils comprennent la raison et la portée du geste qu’on leur demande.
Enfin, j’ai décidé qu’un concours sur un sujet tiré de l’histoire de la Résistance et de la Déportation serait
ouvert le 12 mai 1961 dans tous les départements aux élèves âgés de 15 ans au moins, désireux d’y participer. Il sera
ensuite organisé annuellement.
Cette année, le sujet établi par un jury national, sera adressé sous pli cacheté à MM. Les Inspecteurs d’Académie
chargés de le transmettre aux Chefs d’établissements qui en auront préalablement fait la demande. Les épreuves se
dérouleront dans les établissements qui en auront préalablement fait la demande. Les épreuves se dérouleront dans les
établissements scolaires et les copies seront adressées à l’Inspection académique. Un Jury départemental constitué et
présidé par l’Inspecteur d’Académie et composé de personnalités qualifiées, notamment de combattants volontaires de la
Résistance et déportés, examinera tous les envois et enverra les meilleurs d’entre eux à la Sous-Direction des Affaires
générales du ministère de l’Education Nationales, 110, rue de Grenelle à Paris (7ème ). Ils seront ensuite soumis au Jury
national. Les Lauréats, accompagnés de leur maître, seront conviés à Paris après l’inauguration du monument du souvenir
et visiteront les hauts lieux de la Résistance.
Je suis certain que tous les universitaires, dont beaucoup ont pris une part active et brillante à la Résistance, auront
à cœur d’expliquer aux enfants ce qu’elle fut et ce qu’elle à donné à la France. Il ne s’agit pas de réveiller des haines, mais
d’évoquer le souvenir de sacrifices très purs et héroïques dans le combat livré pour que les jeunes Français puissent vivre
libres et fraternellement unis dans la patrie retrouvée.
Lucien PAYE
Normalien, agrégé de lettres, docteur ès lettres, Lucien Paye (1907-1972) fut ministre de l’Education nationale de février
1961 à avril 1962, haut représentant de la France au Sénégal en 1962, ambassadeur de France à Pékin de 1964 à 1969, et
premier président de la Cour des comptes. Il présida la commission de réforme du statut de l’ORTF de 1968 à 1970.
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Discours du Général De Gaulle.
Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formés un
gouvernement.
Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le
combat.
Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de
l’ennemi.
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des allemands qui nous font
reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de
les amener là où ils en sont aujourd’hui.
Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !
Croyez moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la
France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire
derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle
peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des Etats-Unis.
Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée
par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards,
toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour
écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique, nous pourrons vaincre
dans l’avenir par une force mécanique supérieur. Le destin de monde est là.
Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se
trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs
armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en
territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. Demain,
comme aujourd’hui, je parlerai à la Radio de Londres.
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Programme du Conseil national de la Résistance
(…) Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but qui est la libération
rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques groupés au sein du
C.N.R. proclament qu'ils sont décidés à rester unis après la libération :
1) Afin d'établir le gouvernement provisoire de la République formé par le Gé néral de Gaulle pour défendre
l'indépendance politique et économique de la nation (…) ;
5) Afin de promouvoir les réformes indispensables :
a) Sur le plan économique :
l'instauration d'une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités
économiques et financières de la direction de l'économie ;
une organisation rationnelle de l'économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général et
affranchie de la dictature professionnelle instaurée à l'image des Etats fascistes ;
l'intensification de la production nationale selon les lignes d'un plan arrêté par l'Etat après consultation des
représentants de tous les éléments de cette production ;
le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d'énergie,
des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurances et des grandes banques ;
le développement et le soutien des coopératives de production, d'achats et de ventes, agricoles et artisanales ;
le droit d'accès, dans le cadre de l'entreprise, aux fonctions de direction et d'administration, pour les ouvriers
possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs à la direction de l'économie.
b) Sur le plan social :
le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l'amélioration du régime contractuel du
travail ;
un rajustement important des salaires et la garantie d'un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque
travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d'une vie pleinement humaine ;
la garantie du pouvoir d'achat national pour une politique tendant à une stabilité de la monnaie ;
la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d'un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans
l'organisation de la vie économique et sociale ;
un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où
ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'État ;
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la sécurité de l'emploi, la réglementation des conditions d'embauchage et de licenciement, le rétablissement des
délégués d'atelier ;
l'élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs,
améliorant et généralisant l'expérience de l'Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les
mêmes droits qu'aux salariés de l'industrie, par un système d'assurance conte les calamités agricoles, par l'établissement
d'un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d'accession à la propriété pour les jeunes familles
paysannes et par la réalisation d'un plan d'équipement rural ;
une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
le dédommagement des sinistrés et des allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste.
c) Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales.
d) La possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l'instruction et d'accéder à la culture la plus
développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents. (…)
Martin Niemoller, interné de 1938 à 1945.
Lorsque les nazis vinrent chercher les communistes,
Je me suis tu : je n’étais pas communiste.
Lorsqu’ils ont enfermé les sociaux-démocrates,
Je me suis tu : je n’étais pas social-démocrate.
Lorsqu’ils sont venus chercher les Juifs,
Je me suis tu : je n’étais pas Juif.
Lorsqu’ils ont cherché les catholiques,
Je me suis tu : je n’étais pas catholique.
Lorsqu’ils sont venus me chercher,
Il n’y avait plus personne pour protester.
Discours d’un proviseur américain a ses enseignants. Lettre envoyée systématiquement à chaque rentrée.
Cher professeur,
Je suis un survivant des camps de concentration. Mes yeux ont vu ce qu’aucun homme ne devrait voir : des chambres à gaz
construites par des ingénieurs instruits, des nourris sons tués par des infirmières entraînées, des femmes et des bébés
exécutés et brûlés par des diplômés de l’université. Je me méfie donc de l’éducation. Ma requête est la suivante : aidez vos
élèves à devenir plus humains. Vos efforts ne doivent jamais produire des monstres éduqués, des psychopathes qualifiés,
des Eichmann instruits. La lecture, l’écriture, l’arithmétique ne sont importantes qui si elles servent à rendre nos enfants
plus humains.
Le devoir de mémoire et la loi
Septembre 1790. Création des Archives nationales.
1791. Constitution. Titre 1 « Il sera établi des fêtes nationales pour conserver le souvenir de la Révolution française. »
24 juillet 1794. Mise à disposition du public des documents de la mémoire nationale.
1873. Loi du 4 avril. L’Etat s’engage à conserver les tombes des combattants tués lors du conflit franco-prussien.
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1880. Commémoration du 14 juillet 1789. Le 14 juillet devient la fête nationale.
1915. Loi du 2 juillet. La mention « mort pour la France » figure sur les actes de décès des militaires et des civils morts
dans des circonstances de guerre.
1920. Décret qui prévoit le classement et la protection des vestiges de guerre.
1946. L’érection des monuments du souvenir est confiée aux préfets.
1954. Loi du 14 avril. Commémoration de la déportation dans les camps nazis le dernier dimanche d’avril.
1960. Création du Commissariat général aux monuments des guerres et de résistance.
1982. Création de la Déportation à la mémoire et à l’information historique. L’autorisation municipale suffit pour ériger un
monument commémoratif.
1997. Circulaire du 2 octobre : « c’est un devoir de la République que de perpétuer la mémoire des évènements qui se sont
déroulés dans notre pays entre 1939 et 1945 »
Christian Lambart.
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