LES HORMONOTHÉRAPIES : CONCEPT ET MÉCANISMES D’ACTION JOURNÉE DES G4 27/02/15- N. BERTRAND (LILLE), TUTEUR : A. PLOQUIN PLAN • Hormonothérapie dans le cancer de la prostate : histoire de la première thérapie ciblée anticancéreuse • La testostérone : hormone clé • Récepteurs des androgènes et voies moléculaires • Implications thérapeutiques • L’hormonorésistance : mécanismes et nouveaux espoirs de traitement Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance • Charles B. Huggins • Prix Nobel de Médecine en 1966 Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance UNE ETUDE CLÉ • Contexte de l’époque : découverte que l’augmentation des phosphatases acides dans le serum était associée à l’augmentation du risque de métastases osseuses. Idem pour les phosphatases alcalines • Mesure de ces « marqueurs tumoraux » chez des patients sains, des patients avec hypertrophie bénigne de prostate • Sélection de 8 patients présentant un carcinome de prostate avec métastases osseuse : determination du taux d’enzyme 3 fois par semaine • Castration bilatérale chez les 8 patients • 5 ont reçu du stilbestrol ou de loestradiol benzoate • 3 ont reçu de la testostérone Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance CONCLUSION DE HUGGINS • “6. Prostatic cancer is influenced by androgenic activity in the body. At least with respect to serumphosphatases, disseminated carcinoma of the prostate is inhibited by eliminating androgens, through castration or neutralization of their activity by estrogen injection. Cancer of the prostate is activated by androgen injections.” Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance GÉNERALITÉS • La testostérone est le principal androgène circulant • Elle est produite de façon quasi-exclusive (plus de 95%) par les cellules de Leydig du testicule, situées autour et entre les tubes séminifères, qui représentent 5% du volume de la glande. (SCHULZE C, 1984) • La sécrétion globale de testostérone est de 5 à 7,5 mg/24h chez l'homme adulte normal (NISTAL M, 1986) • Des androgènes sont également synthétisés en faibles quantités par la surrénale et en quantités infinitésimales par le cerveau où l'action locale pourrait cependant être importante. (KING 2002) PRODUCTION Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance • Apparté : La DHEA et l'androstènedione sont également produits par la surrénale. Ce sont des androgènes dits faibles en raison de la modestie de leur action androgène et/ou de leur conversion possible en androgènes forts (LABRIE, 1989) • .Par exemple, moins de 1% de la testostérone sérique provient de la DHEA. • Cependant, à l'intérieur même des cellules (intracrinologie), 30 à 50% de la synthèse des androgènes proviendraient de la transformation de la DHEA, avec une formation pratiquement ubiquitaire de stéroïdes sexuels notamment dans le foie, la peau, la prostate, l'os et le cerveau qui possèdent le matériel enzymatique nécessaire à cette transformation. • La DHEA est en outre un neurostéroïde associé à des interactions avec les neurotransmetteurs cérébraux Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires RÉGULATION L’AXE HYPOTHALAMO HYPOPHYSAIRE Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance • La quantité d'androgènes du sérum utilisable par les tissus est principalement régulée par l'axe hypothalamo-hypophysaire par l'intermédiaire de l'action de la LH sur les cellules de Leydig • Les cellules gonadotropes antéhypophysaires sécrétent les gonadotrophines LH et FSH • La régulation de la sécrétion de LH fait intervenir une boucle de contrôle complexe équilibrant les actions stimulantes des sécrétions hypothalamiques et l'action frénatrice des stéroïdes sexuels Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance • L'action frénatrice (feedback négatif) des stéroïdes sexuels sur la libération des gonadotrophines s'exerce au niveau hypothalamique et hypophysaire. • La testostérone diminue l'expression de la sous-unité du gène de la LH , (WINTERS 1992 ) mais l'inhibition la plus importante est exercée par la testostérone, la DHT et l'oestradiol au niveau de l'hypothalamus en ralentissant le générateur de pulses hypothalamique et donc la libération de LH ( SANTEN, 1992 ) • La castration chirurgicale, faisant disparaître le rétro-contrôle négatif, entraîne une augmentation marquée de FSH et de LH. • Il est possible qu'une grande partie de l'action inhibitrice de la testostérone s'exerce au travers de sa bioconversion en oestradiol • La testostérone inhibe préférentiellement la sécrétion de LH, alors que les oestrogènes, dont l'action frénatrice globale est plus marquée que celle de la testostérone inhibent de façon identique la LH et la FSH. (COFFEY 1992 ) Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance • Mode d’action de la LH • La LH intervient dans la régulation de la stéroïdogenèse à deux niveaux : - transfert du cholestérol de la membrane externe vers la membrane interne de la mitochondrie faisant intervenir StAR dans un processus de régulation à court terme - activité des systèmes enzymatiques du réticulum endoplasmique assurant la transformation de la prégnénolone pour une régulation à long terme. Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance SECRETION ET TRANSPORT DES ANDROGENES • Les stéroïdes comme la prégnénolone, la progestérone et la testostérone diffusent librement à travers la membrane des cellules de Leydig et équilibrent rapidement les différents compartiments testiculaires • Dans le plasma, la testostérone circule sous 3 formes : 2% sous forme libre, seule forme utilisable directement par les tissus, 45-75% sont liés à la protéine de transport des stéroïdes sexuels appelée TeBG (testosterone binding-globulin) ou SHBG (sex hormone binding globulin) et 30 à 55% sous forme liée à l'albumine DUNN 1981 • La testostérone liée à la SHBG, à l'inverse de la fraction liée à l'albumine, se dissocie difficilement et n'est pas disponible pour l'utilisation tissulaire. • La testostérone biodisponible représente la somme de la testostérone libre et de la testostérone liée à l'albumine, soit 40 à 50% de la testostérone totale. Les protéines de liaison servent de réserve de stéroïdes qui, autrement, seraient rapidement métabolisés par le foie. Historique La testostérone : hormone clé METABOLISME DE LA TESTOSTÉRONE Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie • Transformation en dihydrotestérone • Par les 5 a-reductase dont le type2 est la plus efficace WILSON 1993 • L’affinité pour la DHT des récepteurs aux androgènes est 5 fois celle de la testostérone Les mécanismes d’hormonorésistance Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance CATABOLISME • La testostérone est convertie en androgènes faibles et inactifs : DHEA (androgène surrénalien faible), androstérone (par 5a-réduction hépatique) et étiocholanolone (par 5b-réduction hépatique) éliminés dans l'urine et la bile • Principalement par le foie, mais aussi la prostate et la peau • Cet ensemble métabolique est très actif puisque la 1/2 vie de la testostérone est de 12 minutes, ce qui implique une fabrication permanente par le testicule ROMMERTS 2004 Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance LE RECEPTEUR DES ANDROGENES Ce facteur de transcription dépendant d'un ligand (ici la testostérone ou la DHT) appartient à la superfamille des récepteurs nucléaires qui comprend le récepteur des hormones stéroïdes (récepteur aux androgènes [RA], récepteur à la progestérone [PR], récepteur aux glucocorticoïdes [GR] et récepteur aux minéralo-corticoïdes [MR]), des hormones thyroïdiennes…. MECANISME D’ACTION DU RECEPTEUR DES ANDROGENES Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance ACTION GÉNOMIQUE • Elle dépend de • La liaison Hormone-RA entraine un changement de configuration allostérique du récepteur et son homodimérisation • Coactivateurs type ARA70 ou la b-caténine, il en existe plus de 70 • facteurs de transcription, ARN polymérase 2 • En présence d'un ligand agoniste dans le site de liaison, le récepteur des androgènes se transforme spatialement, interagit avec les molécules co-activatrices et ce complexe supramoléculaire active la transcription spécifique androgéno-régulée • En présence d'un ligand antagoniste (antiandrogène pur) dans le site de liaison, le récepteur adopte une conformation spatiale qui interagit préférentiellement avec les molécules co-répresseurs avec comme conséquence l'impossibilité d'activer la transcription Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance LE ROLE DE LA MATRICE NUCLEAIRE • C'est un élément fondamental complémentaire des voies d'action génomique des hormones stéroïdiennes • La matrice nucléaire joue un rôle important dans l'organisation spatiale de l'ADN, sa réplication et la transcription • Dans la prostate, plus de 60 % de l'ensemble des récepteurs nucléaires aux androgènes sont associés à la matrice nucléaire BARRACK 1987 • Ces interactions récepteurs/matrice moléculaire peuvent être perturbées par de multiples modifications d'activation ou pertes de fonctions (mutations) des molécules interactives et être une des étapes précoces importantes de la transformation cellulaire cancéreuse. Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance VOIES D'ACTIONS NON GÉNOMIQUES DES HORMONES STÉROÏDIENNES • Actions sur les canaux membranaires ioniques et pour l'interaction directe des récepteurs avec des macromolécules des voies de signalisation ou transmission du signal intracellulaire , puis leur participation à des activités tissulaires globales intégrées telle la résorption osseuse CATO 2002 • Ces voies d'action cellulaire directes non génomiques, introduisant un concept plus global et coordonné de l'action cellulaire des stéroïdes pourraient jouer un rôle physiopathologique important mais restent mal évaluées à l'heure actuelle. Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie DE NOMBREUSES CIBLES THÉRAPEUTIQUES • Chirurgical • Chimiques Les mécanismes d’hormonorésistance Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance • L’hormonothérapie médicale utilise les approches suivantes : • les agonistes de la LHRH : ces traitements ont pour but de saturer la voie de la LHRH aboutissant progressivement à l’arrêt de production de la testostérone. Il existe un effet rebond à l’induction du traitement entraînant une élévation brutale de la testostéronémie avant son effondrement : cet effet est dit « flare up » nécessitant une co-prescription d’un anti-androgène pendant au moins 1 mois. Les molécules sont la triptoréline (Décapeptyl®), acétate de leuproréline (Eligard®), leuproréline (Enantone®) ; • les antagonistes de la LHRH : ces traitements bloquent directement la voie de la LHRH aboutissant à l’effondrement de la testostéronémie aussi rapidement qu’une castration chirurgicale (dégarelix [Firmagon®]) ; COMPRENDRE L’EFFET FLARE UP • les antiandrogènes stéroïdiens ou non stéroïdiens : leur objectif est de bloquer le récepteur des androgènes directement et parfois associé à une inhibition centrale pour les anti-androgènes stéroïdiens. Ex : • anti-androgènes stéroïdiens : acétate de cyprotérone (Androcur®), • anti-androgènes non stéroïdiens : bicatulamide (Casodex®), nicutamide (Anandron®). Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance • Les dix dernières années ont été marquées par une meilleure compréhension des bases biologiques de la progression du cancer de prostate grâce au progrès de la génomique, des mécanismes de transcription et de la protéomique. • Ces progrès portent sur • la connaissance des mécanismes concernés en cas d’androgénoindépendance, qui peuvent être divisées en deux grands groupes : • Les mécanismes passant par le récepteur aux androgènes (RA) : hypersensibilité, mutation, amplification. • Les mécanismes court-circuitant le récepteur aux androgènes . • la compréhension générale de la cancérogenèse (et plus particulièrement des mécanismes de prolifération cellulaire maligne), de l’angiogénèse (impliquée dans le développement des métastases) ainsi que les modifications immunologiques impliquées dans la progression des cancers. • Grâce à ces progrès de compréhension analytique, de nouvelles cibles thérapeutiques ont été identifiées, visant à traiter le cancer de la prostate hormonoresitant et en à améliorer son mauvais pronostic. RÔLES DES ANDROGENES Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance Ce maintien des androgènes est lié à la fois - à la surexpression des gènes convertissant des androgènes surrénaliens en testostérone - et à l’activation de la stéroïdogenèse intracrine • Il existe une augmentation de l’expression des gènes convertissant des androgènes surrénaliens en testostérone dans les cancers hormonoindépendants • . La stéroïdogenèse « intracrine » permet de contourner les niveaux bas de d’androgènes circulants. Les niveaux de testostérone et les transcripts d’enzymes de la stéroïdogenèse sont plus élevés dans les métastases de patients castrés que dans les cancers de prostate primaires de patients non castrés Montgommery et ql 2008 Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie Les mécanismes d’hormonorésistance RÔLE DES RÉCEPTEURS AUX ANDROGENES • la mutation ou l'amplification des RA Elle survient chez une minorité de patients. Une partie de ces mutations surviennent dans le domaine de fixation du ligand et altèrent la réponse du RA. • Le maintien d'une signalisation active par le RA médiée par des oncogènes comme HER2 ou HRAS, pouvant entraîner une activation du RA indépendante du ligand. Ce mécanisme s’applique à la majorité des patients n’ayant pas de mutations ou d’amplification du RA De façon similaire, des altérations survenant dans la balance entre coactivateurs et corépresseurs peuvent modifier l’activation du RA. • Le by-pass du RA Ce by-pass du RA par des voies alternes (court-circuitant les fonctions du RA sur la croissance). Néanmoins, la preuve fonctionnelle du rôle des voies alternes dans l’hormonorésistance reste à faire. • Des taux plus élevés de RA sont capables de convertir l’action des antagonistes en agonistes, conduisant parfois à l’induction seulement des gènes androgénosensibles (PSA, TMPRSS2), expliquant en clinique le syndrome de retrait des anti-androgènes. • En situation de résistance à la castration, en présence du récepteur aux androgènes, des concentrations progressivement croissantes de BICALUTAMIDE font augmenter la sécrétion de PSA, qui est donc utilisé comme un agoniste et non plus comme un antagoniste par les cellules tumorales. (Chen et Al 2004) DE NOUVELLES VOIES DE SIGNALISATION • Carver et al. (2011) et Mulholland et al. (2011) Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie DE NOUVELLES THÉRAPEUTIQUES La recherche de nouveaux traitements pour CPR se concentrent sur • la suppression des androgènes périphériques • le blocage de l’activation du RA : • et enfin les chimiothérapies Les mécanismes d’hormonorésistance Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie 1) SUPPRESSION DES ANDROGENES PERIPHERIQUES Les mécanismes d’hormonorésistance Historique La testostérone : hormone clé Récepteur des androgènes et voies moléculaires Impact en pathologie 2 : DÉVELOPPEMENT DE NOUVEAUX ANTIANDROGÈNES SANS EFFET AGONISTE : Les mécanismes d’hormonorésistance MERCI DE VOTRE ATTENTION