Droit d`auteur et copyright

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I / Les fondements du droit d’auteur
Un héritage philosophique et politique
Le droit d’auteur est à la fois un droit de la personnalité dans sa
dimension de droit moral (inégalement présente selon les pays)
et un droit de propriété pour l’aspect patrimonial. La composante économique consiste à accorder à l’auteur, puis à ses héritiers, pour une période déterminée, un monopole d’exploitation
de l’œuvre qui prend la forme de droits pécuniaires cessibles et
bornés dans le temps. La construction de cette catégorie juridique et la légitimation à laquelle elle a donné lieu sur le terrain
économique n’ont cessé d’évoluer.
L’opposition entre droit naturel et conception utilitariste
de la propriété intellectuelle
Les premiers débats d’envergure sur les fondements des droits
d’auteur prennent source dans l’opposition entre deux
approches philosophiques de la propriété, l’une développée par
John Locke à la fin du XVIIe siècle, l’autre par Jeremy Bentham,
précurseur de l’utilitarisme, un siècle plus tard. John Locke étend
la propriété naturelle de l’individu sur son corps à la propriété
naturelle de l’auteur sur son œuvre, parce qu’elle est le fruit de
son travail (Essay Concerning Human Understanding, 1689). Son
influence sur le législateur du XVIIIe siècle est importante puisque
le principe lockéen de droit naturel inspire ceux qui justifient
la propriété intellectuelle par l’acte de création de l’auteur.
À l’opposé de la tradition lockéenne se développe une
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DROIT
D’AUTEUR
ET
COPYRIGHT
conception utilitariste aux termes de laquelle la propriété intellectuelle tire sa légitimité de son efficacité économique.
Les débats sur le bien-fondé et l’application du droit d’auteur
se prolongent tout au long du XIXe siècle. L’économiste libéral
Frédéric Bastiat préconise un droit de propriété perpétuel inspiré
de la conception lockéenne : parce que l’auteur est le propriétaire
naturel de son œuvre, le droit d’auteur est un droit de propriété
total qui doit pouvoir se vendre ou s’hériter sans obstacle, comme
c’est le cas pour d’autres titres de propriété. Cette idée, popularisée
dès 1844 par Jean-Baptiste Jobard sous l’appellation « monautopole » (monopole perpétuel de l’auteur), donne lieu en 1859 à un
ouvrage collectif de disciples de Bastiat [Sagot-Duvauroux, 2002].
Aucun pays n’a jamais repris cette idée en matière de droits patrimoniaux ; en revanche, le système français s’en inspire en partie
en consacrant un droit moral perpétuel.
Défendue par Jules Dupuit ou Léon Walras contre la plupart
des économistes libéraux de l’époque, la conception utilitariste,
quant à elle, imprègne en grande partie la législation américaine.
Selon Dupuit, la propriété est une construction dont l’origine
doit être recherchée dans son utilité sociale. Pour ce précurseur
de l’économie du bien-être, l’important est d’évaluer en termes
d’efficience les avantages et les inconvénients d’un système de
propriété intellectuelle. L’octroi d’un monopole peut être un
moyen de stimuler la création, mais il ne peut s’agir que d’une
protection limitée dans le temps.
Les prémisses du débat sur le domaine public
Séverine Dusollier [2005] voit une autre justification du droit
d’auteur dans un courant particulier, issu notamment de la
pensée d’Emmanuel Kant, celui de la publicité du discours. Dans
l’Europe des Lumières du XVIIIe siècle, émerge un espace public de
discussion, élément décisif de la démocratie naissante. Constitué
du rassemblement de personnes privées, qui usent du principe
de publicité tel que Kant le définit (usage public de la raison),
il est un moyen d’opposition au pouvoir. L’émergence de cette
sphère publique renvoie au développement de la production
culturelle et littéraire de l’époque. Au lendemain de la Révolution et de l’abolition des privilèges, l’œuvre change de statut : de
sacrée, elle devient un bien suscitant la discussion, et l’artiste,
certes libéré du bon vouloir des souverains, est désormais soumis
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