ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT Année 2005 LES INOTROPES EN MEDECINE VETERINAIRE CANINE THESE Pour le DOCTORAT VETERINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL le…………… par Fanny, Eliane, Marie LAMERE Née le 24 mars 1979 à Paris XVI(Seine) JURY Président : M. Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL Membres Directeur : M. POUCHELON Titre du directeur de thèse à l’ENVA Assesseur : Mme ENRIQUEZ Titre de l’assesseur à l’ENVA LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT Directeur : M. le Professeur COTARD Jean-Pierre Directeurs honoraires : MM. les Professeurs PARODI André-Laurent, PILET Charles Professeurs honoraires: MM. BORDET Roger,BUSSIERAS Jean,LE BARS Henri, MILHAUD Guy,ROZIER Jacques,THERET Marcel,VUILLAUME Robert DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP) Chef du département : M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur - Adjoint : M. DEGUEURCE Christophe, Professeur - UNITE D’HISTOLOGIE , ANATOMIE PATHOLOGIQUE -UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES M. CRESPEAU François, Professeur * Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur* M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur M. DEGUEURCE Christophe, Professeur Mme BERNEX Florence, Maître de conférences Mlle ROBERT Céline, Maître de conférences Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Maître de conférences M. CHATEAU Henri, AERC -UNITE DE PATHOLOGIE GENERALE , MICROBIOLOGIE, IMMUNOLOGIE Mme QUINTIN-COLONNA Françoise, Professeur* M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur Mme VIALE Anne-Claire, Maître de conférences -UNITE DE PHYSIOLOGIE ET THERAPEUTIQUE M. BRUGERE Henri, Professeur * Mme COMBRISSON Hélène, Professeur M. TIRET Laurent, Maître de conférences -UNITE DE PHARMACIE ET TOXICOLOGIE Mme ENRIQUEZ Brigitte, Professeur * Mme HUYNH-DELERME, Maître de conférences contractuel M. TISSIER Renaud, Maître de conférences -UNITE DE BIOCHIMIE M. BELLIER Sylvain, Maître de conférences* M. MICHAUX Jean-Michel, Maître de conférences - UNITE DE VIROLOGIE M. ELOIT Marc, Professeur * Mme ALCON Sophie, Maître de conférences contractuel -DISCIPLINE : PHYSIQUE ET CHIMIE BIOLOGIQUES ET MEDICALES M. MOUTHON Gilbert, Professeur -DISCIPLINE : BIOLOGIE MOLECULAIRE Melle ABITBOL Marie, Maître de conférences contractuel -DISCIPLINE : ETHOLOGIE M. DEPUTTE Bertrand, Professeur DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC) Chef du département : M. FAYOLLE Pascal, Professeur - Adjointe : Mme BEGON Dominique , Professeur - UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE -UNITE DE MEDECINE M. FAYOLLE Pascal, Professeur * M. POUCHELON Jean-Louis, Professeur* M. MAILHAC Jean-Marie, Maître de conférences M. CLERC Bernard, Professeur M. MOISSONNIER Pierre, Professeur Mme CHETBOUL Valérie, Professeur Mme VIATEAU-DUVAL Véronique, Maître de conférences M. MORAILLON Robert, Professeur M. DESBOIS Christophe, Maître de conférences M. 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ARNE Pascal, Maître de conférences M. PONTER Andrew, Maître de conférences -UNITE D’HYGIENE ET INDUSTRIE DES ALIMENTS D’ORIGINE ANIMALE M. BOLNOT François, Maître de conférences * - UNITE DE PATHOLOGIE MEDICALE DU BETAIL ET DES M. CARLIER Vincent, Professeur ANIMAUX DE BASSE-COUR Mme BRUGERE-PICOUX Jeanne, Professeur M. CERF Olivier, Professeur M.MAILLARD Renaud, Maître de conférences associé Mme COLMIN Catherine, Maître de conférences M. MILLEMANN Yves, Maître de conférences* M. AUGUSTIN Jean-Christophe, Maître de conférences M. ADJOU Karim, Maître de conférences Ingénieurs Professeurs agrégés certifiés (IPAC) : Mme CONAN Muriel, Professeur d’Anglais Mme CALAGUE, Professeur d’Education Physique * Responsable de l’Unité 0 AERC : Assistant d’Enseignement et de Recherche Contractuel A Monsieur le Président, Professeur à la faculté de Médecine de Créteil, qui nous a fait l’honneur de présider notre jury de thèse. Hommage respectueux. A Monsieur Jean-Louis POUCHELON, Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, qui nous a fait l’honneur de diriger cette thèse, pour l’intérêt porté à notre travail, qu’il trouve ici le témoignage de notre sincère reconnaissance. A Madame Brigitte ENRIQUEZ, Professeur à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, qui a accepté de faire partie de notre jury de thèse, sincères remerciements. 1 A mes parents, Pour leur soutien et leur confiance de tous les instants, Qu’ils trouvent ici le témoignage de toute mon affection. A Camille et Romain, Les deux plus grands harangueurs de foule en latin jamais connus ! A mes grands-parents, A Martine, A Laurence, A toute ma famille, Qu’ils trouvent ici le témoignage de toute mon affection. A mon Nico pour tout le bonheur qu’il m’apporte. Merci à Yvon pour ces quelques heures passées avec moi devant un écran, et pour sa grande maîtrise de l’anglais. A Pauline et tous nos p’tits cafés, A Zazou et sa superbe démarche marketing, A Guigui p’tit … A Mélanie et ses boules de poils à 4 pattes pour tous les bons moments passés en Sologne, et tous ceux à venir ! A tous mes amis. 0 SOMMAIRE INTRODUCTION 4 PREMIERE PARTIE : INOTROPISME CARDIAQUE 5 A/ DEFINITION, ETUDE DE LA CONTRACTILITE 5 B/ LA CONTRACTION CARDIAQUE : BASES STRUCTURALES ET PHYSIOLOGIQUES 1) Structure et ultrastructure du muscle cardiaque a- filaments épais b- filaments fins 2) Mécanisme de la contraction a- mécanisme moléculaire b- couplage excitation-contraction 3) Régulation de la contractilité 8 8 8 9 10 10 11 13 C/ EVALUATION DE LA FONCTION INOTROPE 1) La méthode sanglante a- technique b- mesures et obtention des indices de performance ventriculaire 2) Les méthodes non sanglantes a- l’échocardiographie b- la scintigraphie myocardique 15 15 15 16 16 16 20 DEUXIEME PARTIE : LES MEDICAMENTS INOTROPES 21 A/ LES INHIBITEURS DE L’ATPase Na/K 1) Mécanisme d’action a- l’ATPase Na/K dépendante b- effet des Hétérosides Cardiotoniques sur le transport de Na+ et de K+ 2) Effets des digitaliques 3) Pharmacocinétique 4) Toxicité des digitaliques 21 22 23 24 26 26 B/ LES AGENTS SYMPATHOMIMETIQUES 1) Mécanisme d’action 2) Les agonistes α et β adrénergiques 3) Les agonistes β adrénergiques a- agonistes β1 purs b- agonistes β1 partiels 4) Les agonistes dopaminergiques 27 28 30 31 31 31 32 1 C/ LES INHIBITEURS DES PHOSPHODIESTERASES 1) Les Méthylxanthines 2) Les inhibiteurs spécifiques des Phosphodiestérases III a- dérivés de la bipyridine b- dérivés imidazolés c- un dérivé de la quinolinone : la vesnarinone 33 34 35 35 38 39 D/ LES « CALCIUM-SENSIBILISEURS » 1) Présentation 2) Le pimobendane a- mécanisme d’action b- pharmacocinétique c- effets du pimobendane chez le chien d- effets du pimobendane chez l’homme 3) Le lévosimendane 40 40 40 41 41 42 44 45 TROISIEME PARTIE : UTILISATION DES INOTROPES EN MEDECINE VETERINAIRE CANINE 47 A/ UTILISATION DES INOTROPES DANS LE TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE CARDIAQUE EN MEDECINE VETERINAIRE 1) Pathophysiologie de l’insuffisance cardiaque : rappels 2) Les inotropes en thérapeutique de l’Insuffisance Cardiaque à long terme a- digitaliques et traitement de l’Insuffisance Cardiaque à long terme b- agonistes β-adrénergiques et traitement de l’Insuffisance Cardiaque à long terme c- inhibiteurs des Phosphodiestérases et traitement de l’Insuffisance Cardiaque à long terme d- « calcium-sensibiliseurs » et traitement de l’Insuffisance Cardiaque à long terme 3) Les inotropes en thérapeutique d’urgence de la décompensation cardiaque aiguë a- agents sympathomimétiques et thérapeutique inotrope d’urgence lors d’Insuffisance Cardiaque Congestive α- la dobutamine β- la dopamine b- inhibiteurs des Phosphodiestérases et thérapeutique inotrope d’urgence lors d’Insuffisance Cardiaque Congestive c- « calcium-sensibiliseurs » et thérapeutique inotrope d’urgence lors d’Insuffisance Cardiaque Congestive 48 48 52 52 59 59 60 64 64 64 65 66 67 B/ UTILISATION DES INOTROPES EN REANIMATION ET EN ANESTHESIE 1) Utilisation des inotropes en réanimation : traitement du choc 2) Utilisation des inotropes en anesthésie 67 67 68 C/ LE TEST ECHOCARDIOGRAPHIQUE DE STRESS CARDIAQUE A LA DOBUTAMINE : DETECTION PRECOCE DE LA CARDIOMYOPATHIE DILATEE CHEZ LE CHIEN 69 2 D/ TRAITEMENTS DES TROUBLES DU RYTHME : DIGOXINE ET ADRENALINE 1) Digoxine et traitement des arythmies cardiaques supra-ventriculaires 2) Adrénaline et traitement de l’arrêt cardiaque 70 70 71 E/ CARDIOTOXICITE DES MEDICAMENTS INOTROPES 72 CONCLUSION GENERALE 75 BIBLIOGRAPHIE 76 3 INTRODUCTION Parmi les paramètres importants de la physiologie cardiaque, la contractilité ou inotropisme du myocarde est l’un des principaux. Cette faculté de contraction permet au cœur d’assurer son rôle d’organe moteur au sein de la circulation sanguine. Dans un premier chapitre consacré à l’inotropisme, nous définirons cette notion. Nous expliquerons alors le mécanisme de la contraction du muscle cardiaque avant de présenter les moyens cliniques d’exploration de la contractilité. Depuis l’introduction par Wuthering des hétérosides cardiotoniques, de nombreuses années se sont écoulées sans innovation réelle. Récemment, de nouveaux agents tonicardiaques doués de mécanismes d’action différents sont apparus. Nous nous proposons de ce fait de faire, dans un second chapitre, le bilan des connaissances actuelles sur ce point et de préciser, dans un troisième chapitre, les différentes possibilités d’utilisation de ces médicaments inotropes en médecine vétérinaire. 4 PREMIERE PARTIE : INOTROPISME CARDIAQUE A/ DEFINITIONS, ETUDE DE LA CONTRACTILITE L’inotropisme cardiaque, ou contractilité, est une notion qui se veut refléter l’état actif du cœur en tant que muscle. C’est la capacité inhérente au cœur de se contracter avec une certaine rapidité, une certaine force, indépendamment d’autres facteurs. Pour aborder cette notion, il convient de la présenter dans le cadre d’un concept plus vaste qui l’englobe, celui de la performance ventriculaire[18]. La performance du ventricule gauche est définie par sa capacité à assurer, sous une pression efficace, un débit cardiaque suffisant pour répondre aux besoins en oxygène avec un rendement optimum[18]. D’après KITTLESON et KIENLE[37] , le débit cardiaque est déterminé par au moins 4 facteurs : précharge, postcharge, contractilité et fréquence cardiaque Par conséquent, la contractilité est l’un des déterminants de la performance ventriculaire. Dans leur étude de la contraction cardiaque, KITTLESON et KIENLE[37] montrent comment les facteurs cités précédemment modifient la performance ventriculaire. Leurs critères sont : le volume de fin de diastole du ventricule gauche (Vd), le volume de fin de systole du ventricule gauche (Vs), l’épaisseur de la paroi et la capacité du ventricule à éjecter le sang dans l’aorte. Vd varie en fonction de la taille de l’animal, de la précharge, de la compliance et de la relaxation du ventricule, de son éventuelle hypertrophie. Vs est dépendant de la contractilité et de la postcharge. KITTLESON et KIENLE[37] étudient des coupes de ventricule gauche d’un animal normal d’environ 1 m² de surface corporelle (poids de 25 à 30 kg), lors d’un cycle diastole/systole. Le diamètre du ventricule gauche en fin de diastole (Dd) est de 4,3 cm. Son volume (Vd)est approximativement de 53 mL/m². Les auteurs font varier la précharge, la postcharge et la contractilité, et observent la variation des différents paramètres étudiés : Dd = 4,3 cm Vd = 53 mL/m2 Ds = 2,9 cm Vs = 16 mL/m2 FR = 33% TSV = 37 mL/m2 WTd = 1,0 cm WTs = 1,5 cm La fraction de raccourcissement (FR) représente le rapport de diamètre ventriculaire entre la diastole et la systole, soit : FR(%) = (Dd – Ds)/ Dd TSV est le volume total de sang éjecté. WTd est l’épaisseur de la paroi en diastole, WTs est l’épaisseur de la paroi en fin de systole. 5 Dans l’expérience 1, les auteurs étudient les mêmes coupes, avec une précharge augmentée par une perfusion de cristalloïde intra-veineuse. En fin de diastole, la pression intra-cavitaire a augmenté, ainsi que Vd(+ 16 mL/m²). Par contre, Vs n’est pas modifié. Ces changements produisent une amélioration de la fraction de raccourcissement (38 %) et du volume de sang éjecté dans l’aorte. Cette contraction cardiaque plus forte en réponse à une augmentation de précharge est expliquée par les lois de Starling (cf supra). Dd1 = 4,7 cm Vd1 = 69 mL/m2 Ds1 = 2,9 cm Vs1 = 16 mL/m2 FR1 = 38% TSV1 = 53 mL/m2 WTd1 = 0,9 cm WTs1 = 1,5 cm L’expérience 2 reprend le principe de la première, mais lorsque la postcharge est augmentée par l’administration d’un vasoconstricteur. La pression systolique intraventriculaire est plus importante que précédemment, ce qui nécessite une force de contraction supérieure. En conséquence, Ds a augmenté de 2,9 à 3,2 cm d’où une fraction de raccourcissement plus faible (20%). Vs est également plus important (+ 11 mL/m²), il en résulte une diminution du volume de sang éjecté lors de la contraction. Dd2 = 4,3 cm Vd2 = 53 mL/m2 Ds2 = 3,4 cm Vs2 = 27 mL/m2 FR2 = 20% TSV2 = 26 mL/m2 WTd2 = 1,0 cm WTs2 = 1,3 cm L’expérience 3 illustre les conséquences d’une augmentation de contractilité myocardique suite à l’administration d’un agent inotrope positif, la dobutamine. La contractilité, c’est la performance myocardique (force, vélocité et ampleur de la contraction), indépendamment de la précharge et de la postcharge. Ds et Vs ont diminué alors que l’épaisseur des stries est restée la même. Le ventricule se contracte plus efficacement que dans les conditions normales, malgré la même postcharge. L’inotrope positif a augmenté la force de la contraction : le volume éjecté est passé de 37 mL/m² à 43 mL/m². Le cœur développe une plus grande pression et éjecte plus de sang. Dd3 = 4,3 cm Vd3 = 53 mL/m2 Ds3 = 2,5 cm Vs3 = 10 mL/m2 FR3 = 42% TSV3 = 43 mL/m2 WTd3 = 1,0 cm WTs3 = 1,6 cm 6 Pour analyser le débit cardiaque, le diagramme reliant le volume ventriculaire gauche à la pression pendant la systole et la diastole est très employé[40]. Sur la figure 1, la surface délimitée par ces tracés correspond au débit cardiaque. Quand la précharge augmente, le diagramme s’étend vers la droite et le volume d’éjection augmente. Quand la postcharge augmente, le diagramme s’étend vers le haut et rétrécit vers la gauche, le volume d’éjection diminue. Quand la contractilité augmente, le diagramme s’étend vers le haut et la gauche, le volume d’éjection augmente et le volume résiduel est plus faible. Figure 1 : Variations de la courbe pression/volume d’après LEFRANCOIS[40] La contractilité ou inotropisme, la précharge et la postcharge influencent la force et la vélocité avec lesquelles les sarcomères se contractent. 7 B/ LA CONTRACTION PHYSIOLOGIQUES CARDIAQUE : BASES STRUCTURALES ET 1) Structure et ultrastructure du muscle cardiaque Le muscle cardiaque est constitué de cellules appelées myocytes, organisées en syncitium et connectées par des structures, les disques intercalés. Chaque myocyte est formé par : - le sarcolemme ou membrane cellulaire - de nombreux myofibrilles, unités structurales des éléments contractiles, qui représentent 50% de la masse du myocyte - le cytoplasme, réparti en "fentes" entre les myofibrilles et contenant des mitochondries (25 à 30 % de la masse du myocyte) et un réseau complexe de réticulum sarcoplasmique[40] - en général 2 noyaux. Les sarcomères (1,6 à 2,2 µm de long au repos) sont les unités fonctionnelles des éléments contractiles du muscle strié, délimitées de chaque côté par les stries Z. L’actine et la myosine, unités biochimiques des éléments contractiles, en sont les principaux composants. Les fins filaments d’actine se projettent des stries Z jusqu’au centre de la myofibrille (strie M) et viennent chevaucher les épais filaments de myosine(figure 2), formant ainsi des stries responsables de l’appellation "muscle strié "[37]. a- filaments épais Un filament épais contient environ 200 molécules de myosine. Chaque molécule de myosine comporte 2 têtes globulaires qui hydrolysent l’ATP, se lient avec l’actine et fixent le calcium, et une queue qui stabilise l’ensemble. 8 Figure 2 : Diagramme schématique de l’ultrastructure des myofibrilles et des sarcomères d’après KITTLESON[37] b- filaments fins Ils sont constitués de 3 protéines majeures : - 2 brins d’actine fibreuse, chaque brin étant une double hélice α d’actine F, ellemême constituée de nombreuses unités d’actine G (monomères) qui s’assemblent spontanément aux concentrations physiologiques d’ATP et de magnésium - la tropomyosine, qui s’étend le long de chaque brin d’actine - la troponine, protéine globulaire (3 peptides : Tn I, C et T) L’actine se lie avec les têtes globulaires de myosine pendant la contraction. La troponine et la tropomyosine sont des protéines régulatrices: la troponine C se lie au calcium et entraîne un changement de conformation de la tropomyosine, utile pour la liaison actine-myosine[37]. Elles maintiennent également les unités contractiles au repos en dehors de toute stimulation : c’est la relaxation[18]. 9 2) Mécanisme de la contraction a- mécanisme moléculaire Au repos, la tropomyosine bloque les sites de liaison de la myosine sur les filaments d’actine. La liaison de calcium à la troponine C déplace la troponine I et entraîne un changement de conformation de la tropomyosine, ce qui libère le site de liaison. L’ATP est clivé par l’ATPase de la myosine, un Pi est libéré et l’affinité de la myosine pour l’actine augmente. Les filaments se lient alors entre eux et l’énergie provenant de l’hydrolyse de l’ATP est utilisée pour générer le mouvement des molécules de myosine : les têtes deviennent rigides et fléchissent par leur base, produisant un glissement du filament fin sur le filament épais. Ce glissement produit le raccourcissement du sarcomère et finalement la contraction de la fibre[40]. Le détachement se produit quand l’ADP et le Pi sont libérés et lorsqu’un nouvel ATP est lié à la tête de myosine. Si la concentration en calcium est suffisamment importante, le cycle se répète[15]. Le mouvement produit par un seul cycle est infime et doit être répétitif pour produire un raccourcissement significatif du sarcomère. Starling a étudié la contraction musculaire et explique que l’intensité de la contraction d’un muscle est d’autant plus élevée que la longueur initiale du muscle était grande jusqu’à une valeur limite. Celle-ci correspond à un optimum de longueur initiale des fibres, c’est-à-dire à un degré optimal d’interpénétration des myofilaments. Cette contraction maximale est obtenue pour une longueur de sarcomère de 2,2 à 2,3 µm. On en déduit que le ventricule éjecte pendant la systole un volume d’autant plus grand et avec d’autant plus de force que le volume diastolique aura été plus grand, donc la précharge plus importante. Ceci n’est vrai que jusqu’à une valeur limite. Dans les conditions normales, du fait de la présence du péricarde qui limite le volume cardiaque, on se trouve toujours dans cette situation[15, 40]. La force de la contraction ainsi que le taux de raccourcissement des sarcomères dépendent du nombre de liaisons actine-myosine et par conséquent de la concentration en calcium[37]. Le calcium joue donc un rôle de premier plan dans la contraction. De ce fait, nous décomposerons notre étude du couplage excitation-contraction selon les mouvements de l’ion calcium au cours du cycle cardiaque et les facteurs pouvant modifier la concentration intracellulaire du calcium. 10 b- couplage excitation-contraction Le processus implique des flux de calcium à travers la membrane cellulaire et d’autres à l’intérieur de la cellule. ENTREE DU CALCIUM L’excitation d’une cellule myocardique est en premier lieu électrique. Une onde de dépolarisation se propage à la surface de la membrane des myocytes par conduction de proche en proche au sein du myocarde. Elle atteint le système tubulaire transverse, un réseau d’invaginations membranaires qui permet une distribution rapide de l’activité électrique vers l’ensemble du volume cellulaire. Les culs-de-sac terminaux de ces tubules sont en étroite relation avec les citernes réticulaires, qui stockent le calcium quand la cellule est au repos. La membrane cellulaire, stimulée par l’activité électrique, augmente sa conductance aux ions sodium, qui pénètrent à l’intérieur de la cellule, entraînant sa dépolarisation (figure 3(C))[15]. Ce phénomène entraîne à son tour une entrée d’ions calcium(figure 3(A)). Les canaux permettant l’entrée du calcium dans la cellule sont les récepteurs calciques de type "L" ou récepteurs à la dihydropyridine (DHPR), fermés durand la diastole[40]. Le couplage excitation-contraction (EC) débute par l’ouverture de ces canaux de type L[19, 37]. Leur structure est complexe ; ils contiennent 5 sous-unités protéiques. La sous-unité αı est la partie active dans laquelle se forme le tunnel de passage du calcium. LIBERATION DU CALCIUM Une petite quantité de calcium pénètre de l’espace extracellulaire au cytoplasme par les canaux de type L, et par l’intervention accessoire d’un échangeur Na/Ca[19] (figure 3 (B)). Elle n’est pas suffisante pour initier la contraction cellulaire mais on pense qu’elle stimule le relarguage massif de calcium par les structures intracellulaires. La principale d’entre elles est le réticulum sarcoplasmique (figure 3 (RS)). Les structures responsables du relarguage rapide du calcium au niveau du réticulum sarcoplasmique pendant la systole sont les récepteurs à la ryanodine. La concentration calcique intracellulaire augmente alors approximativement jusqu’à 10-5 M (10-7 M en diastole). CONTRACTION Ces concentrations élevées de calcium permettent sa liaison à la troponine C et la contraction du sarcomère en présence d’ATP. EXTRUSION- RECAPTAGE La relaxation est liée à l’activité de pompes calciques qui renvoient le calcium vers le réticulum, contre un gradient de concentration, tandis que l’ATPase Na/K dépendante, la pompe à sodium, permet à la membrane plasmique de retrouver son excitabilité initiale (figure 3 (D)). L’extrusion du calcium hors de la cellule s’effectue également grâce à l’entrée passive du Na+ dans la cellule par l ‘échangeur Na/Ca[8, 18]. Dans le réticulum, le calcium est lié à une protéine, la calséquestrine. Son affinité pour la liaison est faible, mais sa capacité de liaison est élevée, ce qui explique les mouvements rapides de grandes quantités de calcium sortant ou entrant du réticulum[37]. 11 Figure 3 : Echanges ioniques dans la cellule myocardique durant le couplage excitationcontraction d’après KELLY[34] Comme nous venons de le voir, le nombre de liaisons actine-myosine détermine la force de la contraction. Par ailleurs, l’étude du mode d’action du calcium dans la contraction nous montre que la concentration intracellulaire du calcium détermine le nombre de sites troponinetropomyosine modifiés donc le nombre de ponts d’accrochage possibles entre les deux types de filaments. Dans un cœur normal, on note qu’une libération de calcium par le réticulum sarcoplasmique entraîne une activation des myofilaments de seulement 10 à 25 % de leur capacité. Il serait donc apparemment possible d’augmenter cette activité. La quantité de calcium disponible à proximité des éléments contractiles peut être considérée comme le facteur majeur de la qualité de la contraction. Tout élément influençant la concentration de calcium pourra donc être considéré comme un déterminant indirect de la contractilité[18, 37]. 12 3) Régulation de la contractilité Dans ce chapitre, nous nous intéressons aux systèmes régulateurs permettant d’augmenter la [Ca2+]i pendant la contraction, donc d’augmenter la contractilité. Les principales voies sont : - accroître l’entrée du calcium dans la cellule lors du potentiel d’action - diminuer l’extrusion du calcium hors de la cellule lors de la relaxation - accroître l’accumulation du calcium dans le réticulum du myocyte Les deux déterminants majeurs permettant de modifier la [Ca2+]i par l’un de ces trois mécanismes sont l’AMP cyclique (AMPc) et la pompe Na/K/ATP dépendante. AMP cyclique L’AMPc est un messager qui modifie les flux de calcium intracellulaire. L’AMPc , produit par une adényl-cyclase, agit sur la contraction de la cellule cardiaque par deux mécanismes : - il favorise l’entrée de Ca2+ par les canaux calciques lents (type L) : en effet, la phosphorylation par l’AMPc de protéines du canal calcique permet de rendre ce dernier fonctionnel[1, 37] - il améliore la quantité de Ca2+ stockée dans le réticulum pendant la diastole, en agissant indirectement sur la pompe ATPase calcique (qui pompe activement le calcium dans le cytoplasme durant la diastole), par l’intermédiaire du phospholamban. Le phospholamban est une protéine présente en quantité équimolaire par rapport à l’ATPase calcique dans la membrane du sarcoplasme. Son action est inhibitrice sur le fonctionnement de la pompe. Or l’AMPc peut phosphoryler une des sous-unités du phospholamban et ainsi lever l’inhibition sur la pompe calcique. Notons que l’autre sous-unité du phospholamban est activée par la calmoduline, une protéine kinase elle-même activée par le calcium intracellulaire[37, 40]. Tout facteur provoquant une augmentation du taux d’AMPc possèdera alors un effet inotrope positif sur le myocarde. C’est le cas pour deux grandes familles de molécules : Les agents sympathomimétiques, par stimulation des récepteurs β-adrénergiques, stimulent l’activité d’une enzyme adényl-cyclase du sarcolemme qui transforme l’ATP en AMPc. Les catécholamines (adrénaline, épinéphrine) sont des agents sympathomimétiques[8]. Les inhibiteurs des phosphodiestérases (PDE) myoplasmiques, enzymes dégradant l’AMPc, entraînent une accumulation d’AMPc. Les méthylxanthines ainsi que l’amrinone et la milrinone sont des inhibiteurs des PDE[37]. 13 Pompe Na/K/ATP dépendante Cette pompe empêche l’invasion de la cellule par le sodium. Lorsque 3 Na+ sont rejetés, 2 K+ sont captés. Les inhibiteurs de la pompe Na/K/ATPase bloquent son mécanisme, donc en leur présence, la cellule myocardique s’enrichit en Na+ et s’appauvrit en K+. Cet effet se répercute ensuite sur l’échangeur membranaire Ca/Na. L’enrichissement de la cellule en Na+ réduit le flux entrant de Na+ et réduit donc l’échange (la sortie) de Ca2+ . La concentration en calcium augmente. Les glycosides cardiotoniques (digoxine) sont des inhibiteurs de la pompe Na/K/ATPase[8, 37]. Autres facteurs susceptibles de modifier la contractilité La sensibilité du sarcomère au calcium a été mise en évidence en étudiant l’activité ATPasique de la myosine en fonction de la concentration intracellulaire en calcium en présence d’agents inotropes positifs. Pour une quantité de calcium inchangée, la vitesse de raccourcissement du muscle cardiaque est linéairement corrélée à l’activité ATPasique de la myosine[22]. CONCLUSION L’inotropisme cardiaque est une propriété intrinsèque du myocarde. Il se définit de façon indépendante des autres déterminants de la performance ventriculaire, et présente une réalité aussi bien structurale, biochimique que physiologique à l’échelon cellulaire. Nous étudierons maintenant les diverses possibilités d’exploration de cette propriété de la fibre cardiaque et verrons par quels moyens mesurer, en clinique, l’état inotrope du cœur d’un patient. 14 C/ EVALUATION DE LA FONCTION INOTROPE Pouvoir mesurer l’inotropisme revient à pouvoir étudier la réponse du muscle cardiaque à un traitement inotrope. L’inotropisme peut être étudié in vitro ou in vivo. Les méthodes d’évaluation de l’inotropisme in vitro sont parfaitement codifiées. Ce sont les premières mises en œuvre dans le cadre de la recherche de nouveaux agents tonicardiaques. Nous ne les aborderons pas ici. Les méthodes in vivo sont celles potentiellement utilisables en clinique. Deux grandes approches sont possibles : la méthode sanglante qui utilise le cathétérisme, et les méthodes non sanglantes faisant appel à l’échographie, au doppler, voire à la scintigraphie. 1) La méthode sanglante Le cathétérisme permet la mesure directe de pressions artérielles et veineuses centrales et ainsi le calcul d’indices de performance ventriculaire gauche lors de l’utilisation d’un agent inotrope[43]. a- technique Toutes les techniques actuelles de cathétérisme sont dérivées de la technique Seldinger. Les vaisseaux cathétérisés doivent être facilement accessibles et de diamètres suffisants pour permettre le passage du matériel. Pour les mesures concernant l’inotropisme, on cathétérise l’artère carotide droite et la veine jugulaire droite, l’abord droit pour ces vaisseaux permettant un accès plus facile respectivement aux cavités cardiaques gauches et droites. Une anesthésie générale est nécessaire dans la plupart des cas. Une préparation chirurgicale du site est requise. Le cathétérisme s’effectue après extériorisation et incision du vaisseau concerné. Une aiguille et un guide d’échange sont introduits par cette incision, puis l’aiguille est retirée et le cathéter d’introduction est monté sur le guide d’échange. Une fois le cathéter d’introduction en place dans le vaisseau, le guide d’échange est retiré. On peut ensuite introduire tout le matériel d’intervention nécessaire à travers le cathéter d’introduction[5]. Pour leur étude des effets de la dobutamine sur la contractilité cardiaque, MC ENTEE et al.[43] ont travaillé sur des chiens de race Beagle. Ils introduisent une sonde de pression jusqu’à l’apex du ventricule gauche et un cathéter pédiatrique de Swan-Ganz positionné avec la partie proximale dans l’auricule droit et la partie distale dans l’artère pulmonaire principale. Il est souvent indispensable de disposer d’un appareil de radioscopie afin de suivre la procédure. Les cathétérismes s’accompagnent de traitements médicaux complémentaires tels que les anticoagulants, antiagrégants plaquettaires, thrombolytiques[5]. 15 b- mesures et obtention des indices de performance ventriculaire Pour leur étude, MC ENTEE et al.[43] enregistrent la pression ventriculaire gauche en continu et le volume ventriculaire gauche de façon continue et instantanée pendant un traitement à la dobutamine avec des doses croissantes injectées dans la veine céphalique des chiens. L’aire de la surface corporelle (BSA) est calculée pour chaque chien. De leur mesures, MC ENTEE et al.[43] ont déduit 8 indices de contractilité myocardique : - le taux maximal d’augmentation de pression ventriculaire max dP/dt (mmHg.s-1) - le ratio max dP/dt/DP (s-1) où DP est la pression développée calculée - la fraction d’éjection FE (%) - la période de pré-éjection PEP (ms) déterminée à l’aide de mesures électrocardiographiques - le temps d’éjection du ventricule gauche LVET (ms) - l’index LVET (LVET corrigé suivant la fréquence cardiaque) (ms) - le ratio PEP/LVET - le taux moyen d’éjection systolique mSER (ms-1), ratio FE/LVET Ces indices permettent de quantifier la réponse contractile du myocarde à un agent inotrope positif, ici la dobutamine. Les résultats obtenus sont très précis. Mais cette méthode sanglante est lourde à mettre en œuvre et non dénuée de risques pour le patient. Il est évident qu’elle ne peut être pratiquée que dans un cadre hospitalier. Elle semble donc peu adaptée au suivi au long cours de sujets soumis à un traitement inotrope[60, 1]. 2) Les méthodes non sanglantes Bien que plus approximatives, elles possèdent les avantages d’être plus facilement réalisables, comportent moins de risques, sont moins contraignantes et donc renouvelables. a- l’échocardiographie Utilisée en cardiologie vétérinaire depuis plusieurs années, elle a fait ses preuves comme moyen sensible et facilement reproductible d’exploration du cœur. Elle procure au clinicien une évaluation précise et non invasive de la structure et de la fonction cardiaques, ainsi que de la dynamique des flux sanguins. L’EXAMEN ECHOCARDIOGRAPHIQUE Pour apprécier la performance ventriculaire, deux techniques échographiques sont intéressantes : l’échographie unidimensionnelle ou TM et l’échographie bidimensionnelle ou 2D. Elles sont réalisées par un abord transthoracique. Les avantages de ces deux techniques se complétant, on réalise l’enregistrement TM sur lequel seront effectuées les mesures après orientation par l’examen 2D. 16 Historiquement chez l’homme, les axes de tir TM au nombre de 4 ont été pour la première fois définis par FEIGENBAUM à partir de la coupe parasternale droite grand axe 5 cavités. Chez l’animal, l’étude de l’inotropisme du myocarde s’effectue à partir des données recueillies avec l’incidence 2 (coupe TM transventriculaire). Afin d’éliminer l’influence exercée par la respiration ou les répercussions de la fréquence cardiaque sur la taille des structures cardiaques, il est conseillé de réaliser 4 à 5 mesures lors de chaque examen échocardiographique et de ne tenir compte que de leur moyenne[10]. Sur la coupe TM transventriculaire, l’axe de tir TM passe entre les deux piliers du ventricule gauche, perpendiculairement au septum interventriculaire et à la jonction cordages/mitrale (figure 4). Le faisceau traverse alors : - la paroi ventriculaire droite et la cavité ventriculaire droite - le septum interventriculaire - la cavité ventriculaire gauche - les bords libres des feuillets des valves mitrales antérieure et postérieure - la paroi libre du ventricule gauche. Pendant l’examen échocardiographique, un enregistrement ECG est réalisé, utile notamment pour les mesures ventriculaires (figure 5). Figure 4 : Vue longitudinale du cœur montrant 3 des orientations de Feigenbaum en mode 2D , d’après FOX[15] modifiée Vue A : axe de tir TM selon l’incidence 2 de Feigenbaum MESURES VENTRICULAIRES[10] Diamètre interne télédiastolique du ventricule droit (VDd) : mesure effectuée au début de QRS (ECG). Epaisseur diastolique du septum interventriculaire (SIVd) : mesure effectuée au début ou au sommet du QRS. Epaisseur diastolique de la paroi libre du ventricule gauche (PPVGd) : mesure effectuée au début ou au sommet du QRS. 17 Diamètre interne télédiastolique du ventricule gauche (Dd) : mesure effectuée au début ou au sommet du QRS. Epaisseur télésystolique de la paroi libre du ventricule droit (PVDs) : mesure effectuée en télésystole (fin de l’onde T). Epaisseur systolique du septum interventriculaire (SIVs) : mesure effectuée au nadir de l’excursion septale (fin de l’onde T). Epaisseur systolique de la paroi libre du ventricule gauche (PPVGs) : mesure effectuée au maximum de l’excursion antérieure de la paroi libre (fin de l’onde T). Diamètre interne systolique du ventricule gauche (Ds) : mesure effectuée au maximum de l’excursion antérieure de la paroi libre (fin de l’onde T). Figure 5 : (A) Représentation schématique de la coupe n°2 de Feigenbaum, d’après CHETBOUL[10] (B) Image obtenue de la coupe TM transventriculaire ou n°2 de Feigenbaum, d’après CHETBOUL[10] (A) (B) 18 INDICES D’EXPLORATION DE L’INOTROPISME Ils permettent d’explorer la fonction systolique du ventricule gauche et présentent également l’avantage d’être indépendants du poids ou de la surface corporelle. Fraction de raccourcissement FR Ce paramètre échographique évalue le rapport entre les diamètres télésystolique et télédiastolique du ventricule gauche. Il se calcule par la formule (exprimé en pourcentage) : FR= (Dd-Ds)/Dd Les diamètres sont calculés à partir de la coupe TM transventriculaire (2 de Feigenbaum)[4, 10]. Les normes habituellement admises sont 29-45% pour le chien et 39-61% pour le chat[10]. Chez le chien cependant, il a été démontré qu’il existe de grandes différences de FR entre les races : les chiens de grande taille ont en moyenne des FR plus faibles que ceux de petite taille. L’intérêt de la mesure de la FR a été démontré à la fois pour les cardiopathies congénitales et acquises. Il est fortement conseillé lors de la prescription d’adriamycine (chimiothérapie anticancéreuse) ou pour le dépistage précoce des animaux atteints de myocardiopathie dilatée notamment chez le Cocker, le Dobermann et le Terre-neuve[10, 15]. Cependant, des études ont mis en évidence des limites à l’utilisation de la FR. Lors d’insuffisance mitrale fonctionnelle ou lésionnelle, CHETBOUL et POUCHELON[56] ont démontré qu’il n’y a aucune correspondance entre le stade de l’insuffisance mitrale et la valeur de la FR. La FR, dans ce cas, ne mesure plus l’état inotrope du myocarde, elle le surévalue. En effet, lors d’insuffisance mitrale, pendant la systole ventriculaire, le ventricule gauche, dans un premier temps, éjecte dans le système à basse pression que constitue l’oreillette gauche. Ceci permet une réduction du diamètre ventriculaire car la résistance à l’éjection est faible. La FR peut donc être normale alors qu’il y a déjà altération de la contractilité myocardique [56, 15]. Face au peu d’intérêt qu’apporte la FR dans l’étude de la contractilité myocardique lors d’insuffisance mitrale et face à l’incidence élevée de cette affection chez le chien, d’autres indices fournis par l’examen échographique ont été proposés. Fraction d’éjection FE Index global du raccourcissement des fibres du ventricule gauche, la FE est une mesure de la fonction systolique du ventricule gauche très étudiée et validée chez l’homme [15]. Exprimée en pourcentage, elle se définit selon la formule : FE=(Vd-Vs)/Vd Les volumes ventriculaires diastolique et systolique sont déterminés à partir d’équations comprenant les diamètres diastolique (Dd) et systolique (Ds) du ventricule gauche, eux-mêmes mesurés au mode TM (coupe 2 de Feigenbaum)[10, 26]. 19 La méthode de Teichholz ( Vd=(7*Dd3)/(2,4 + Dd)) est une des façons de calculer le volume. Cependant l’inconvénient de ce type de formule est d’élever la moindre erreur de calcul des diamètres à la puissance 3, augmentant la marge d’erreur par rapport au simple calcul des diamètres absolus. D’autres méthodes de calcul de la FE existent, réalisés à partir des images 2D, comme la formule de Simpson, que nous ne détaillerons pas. Volume ventriculaire systolique indexé VGSI Le rapport des volumes ventriculaires (en mL) sur la surface corporelle du chien (en m2) définit des volumes ventriculaires indexés. Le volume ventriculaire systolique indexé (VGSI) correspond à l’indice qui reflète très probablement le mieux la fonction systolique du myocarde gauche. Sa valeur normale est égale à 27,6 ± 12,5 mL/m2. Une valeur supérieure est révélatrice d’une altération de la fonction myocardique systolique. D’autres indices existent, principalement utilisés dans le cadre d’études expérimentales pharmacologiques : la vitesse de raccourcissement circonférentiel (Vcf), le rapport PEP/LVET (temps de pré-éjection/temps d’éjection) [10,43]. L’échocardiographie permet par des mesures et calculs simples d’obtenir des indices (FR, FE) fournissant une évaluation satisfaisante de l’inotropisme cardiaque. Récemment, CHETBOUL et al. [9] ont mis en évidence dans une étude que de grandes différences de mesures pouvaient être obtenues lors d’examens échographiques sur les mêmes animaux par des examinateurs différents et des jours différents. Ils prouvent l’importance de l’expérience de l’examinateur en échocardiographie pour obtenir des valeurs les plus fiables possibles, et l’importance que cela peut avoir dans les études scientifiques. b- La scintigraphie myocardique La scintigraphie myocardique est l’étude de la fixation d’un radio-isotope (thallium, technétium) sur le myocarde, par tomographie d’émission gamma. Les signaux recueillis au cours de cette exploration sont transmis à un ordinateur qui fournit la reconstitution des coupes de l’organe étudié dans les trois plans de l’espace. Dans leur étude, HETYEY et al. [26] comparent la scintigraphie à l’échocardiographie pour l’exploration de la fonction ventriculaire gauche. Réalisant les deux examens sur 12 chiens Beagle en bonne santé, ils mesurent avec les deux méthodes les dimensions internes du ventricule gauche et le volume en fin de systole et en fin de diastole. Les valeurs mesurées par la méthode scintigraphique sont significativement plus élevées que celles mesurées par échographie, cependant la FE est la même dans les deux méthodes. HETYEY et al. ont conclu de leur expérience que la précision des résultats obtenus par scintigraphie est plus grande que par échographie, puisque le cœur est examiné sur une centaine de cycles cardiaques. Cependant il semble impossible que la scintigraphie remplace l’échocardiographie à long terme, l’anesthésie générale étant nécessaire pendant l’examen scintigraphique, et le matériel coûteux. 20 DEUXIEME PARTIE : LES MEDICAMENTS INOTROPES Les premières substances connues pour posséder la propriété d’accroître la contractilité du myocarde ne sont plus à présenter aujourd’hui puisqu’il s’agit de la famille des Hétérosides Cardiotoniques ou "Digitaliques". Depuis des années, la littérature cardiologique humaine ou vétérinaire est riche en publications pourfendant ou au contraire défendant le bien fondé du traitement digitalique des insuffisances cardiaques en rythme sinusal. Pour autant, l’effet inotrope positif des digitaliques n’est pas remis en cause. Depuis plus de vingt ans, la classe des médicaments inotropes positifs n’en finit pas de s’agrandir. A côté des digitaliques figurent de très nombreux agents de nature et d’origine variées. Nous avons choisi le mécanisme d’action de ces agents comme critère de classification. Nous pouvons alors distinguer quatre grandes familles d’inotropes : - les inhibiteurs de l’ATPase Na/K - les agents sympathomimétiques - les inhibiteurs des phosphodiestérases (PDE) - les « calcium-sensibiliseurs » Pour chacune de ces familles, nous présenterons succinctement les caractéristiques pharmaceutiques des molécules les plus utilisées en médecine vétérinaire, puis nous détaillerons leur pharmacologie et enfin nous aborderons l’aspect toxicologique. L’aspect toxicologique spécifique des inhibiteurs de l’ATPase Na/K sera développé dans cette deuxième partie, et dans la troisième partie (paragraphe III-E/) nous présenterons une caractéristique toxicologique commune aux agents inotropes, la cardiotoxicité. A/ LES INHINITEURS DE L’ATPase Na/K Cette famille est représentée par l’ensemble des hétérosides cardiotoniques. La structure moléculaire de base de ces substances est un noyau stéroïde contenant une lactone non saturée en position C17 et un ou plusieurs résidus glycosidiques en C3[34]. Figure 6 : Structure de la digoxine d’après KELLY[34] 21 Ces substances sont trouvées dans plusieurs plantes ou plusieurs espèces de crapauds, agissant habituellement comme des venins ou des toxiques qui servent à la protection contre les prédateurs. Les principaux digitaliques utilisés en thérapeutique sont : - la digoxine - la digitoxine - l’ouabaïne Ce sont des molécules neutres à dominante liposoluble pour la digoxine et la digitoxine, et hydrosoluble pour l’ouabaïne. Ainsi, la digoxine et la digitoxine seront bien résorbées après une administration orale, d’où leur utilisation pour les traitements au long cours. En revanche, l’ouabaïne n’était utilisée en médecine humaine que pour les urgences, en injection par voie veineuse. En médecine vétérinaire la digoxine est l’hétéroside cardiotonique de choix. C’est celui pour lequel on dispose du plus grand nombre de données précises. L’utilisation de la digitoxine est moins bien codifiée, quant à l’ouabaïne, les publications vétérinaires y faisant référence sont beaucoup plus rares. La première description intelligible des hétérosides cardiotoniques dans le traitement de l’insuffisance cardiaque congestive, ainsi que dans d’autres maladies, est donnée dans une monographie de 1785 de William Withering portant sur l’efficacité thérapeutique et la toxicité des feuilles de la digitale commune, Digitalis purpurea. D’autres glycosides dont l’utilisation clinique est pertinente sont contenus dans les feuilles de Digitalis lanata, d’où proviennent la digitoxine et la digoxine, et dans les lianes de Strophanthus gratus, ,qui contiennent de l’ouabaïne[34]. Au cours des années 90, la digoxine est de loin devenue le glycoside cardiaque le plus couramment prescrit en raison de sa pharmacocinétique adaptée à une administration au long cours, et de la disponibilité de nombreuses techniques de mesure dans le sérum. 1) Mécanisme d’action Les effets des digitaliques sur la pompe ATPase Na/K de la membrane des cellules myocardiques sont à l’origine de leur propriété inotrope. a- l’ATPase Na/K dépendante Toutes les cellules maintiennent un gradient de Na+ et K+ vis-à-vis du milieu extracellulaire. L’extrusion de Na+ nécessite un transport actif contre un gradient de concentration. Ce transport est assuré par la "pompe à sodium" dont le fonctionnement permanent a comme première conséquence d’empêcher l’invasion de la cellule par Na+. En même temps, un transfert en sens inverse de K+ maintient le stock cellulaire de cet ion vis-à-vis d’un milieu extracellulaire à faible concentration potassique. Les deux processus sont couplés. Lorsque 3 Na+ sont rejetés, 2 K+ sont captés. Le système fonctionne grâce à l’enzyme ATPase Na+/K+ dépendante, mise en évidence en 1957. Cette enzyme permet de cliver l’ATP, nécessite la présence de Na+ et K+ pour son activité et est fortement inhibée par les glycosides digitaliques. 22 Toutes les cellules possèdent cette enzyme, cependant la sensibilité aux digitaliques des ATPases de différents organes n’est pas identique : elle est très marquée pour le muscle cardiaque. La structure de l’ATPase est partiellement connue. Elle comporte deux sous-unités alpha et béta. Figure 7 : Modèle de représentation de l’ATPase Na/K d’après BRUGERE[8] - Alpha, la plus grosse (95000 Daltons), porte à la fois le site de fixation de l’ATP et le site de fixation du digitalique, qui se trouve à l’endroit où normalement le K+ se fixe. - Béta, la plus petite (40000 Daltons), est indispensable à l’activité. Ces deux fractions sont assemblées par paire à raison de 2 alpha pour 2 béta[8, 15]. b- effet des Hétérosides Cardiotoniques sur les transports de Na+ et K+ Les digitaliques se lient de façon compétitive au site de fixation du K+. Ceci bloque l’activité de l’ATPase. La concentration intracellulaire en Na+ augmente alors, tandis que la concentration en K+ diminue. Cette augmentation de sodium intracellulaire réduit le gradient transmembranaire de sodium dont dépend l’expulsion du calcium intracellulaire durant la repolarisation myocytaire, au niveau de l’échangeur Ca/Na. Dès lors, la quantité de calcium stockée dans le réticulum sarcoplasmique et disponible pour les éléments contractiles durant le cycle de dépolarisation cellulaire suivant est augmentée. La contractilité du myocarde est améliorée[15, 34]. 23 Figure 8 : Effets du blocage de l’ATPase par les digitaliques sur le calcium intracellulaire d’après BRUGERE[8] 2) Effet des digitaliques Les digitaliques sont des inotropes positifs, mais ils possèdent également des propriétés tonotropes positives, chronotropes négatives, et dromotropes négatives[8]. En cas de bas débit cardiaque, en diminuant la dilatation cavitaire, ils permettent une augmentation passive de l’éjection systolique par le mécanisme de Frank-Starling (figure 9). Cet effet, associé à une réduction de la précharge, n’impose pas un surcroît de consommation d’oxygène. Cette action, dépendante de l’action inotrope, est qualifiée d’action tonotrope "apparente". Elle renforce l’action tonotrope directe. D’après GOGNY [19], les digitaliques sont d’ailleurs avant tout des tonotropes positifs, ce qui constitue tout leur intérêt. 24 Figure 9 : Le mécanisme de Frank-Starling d’après GOGNY[19] modifiée Courbe 1 : cœur sain. L’effort provoque une augmentation du retour veineux, qui induit automatiquement un accroissement de l’éjection systolique. Courbe 2 : atteinte cardiaque entraînant une chute de débit, compensée par une augmentation de la précharge et une légère dilatation cavitaire. Le débit de repos est maintenu, un effort modéré reste possible. Courbe 3 : insuffisance cardiaque : la dilatation cavitaire ne parvient pas à assurer un débit suffisant. a: action d’un inotrope pur : débit restauré, mais augmentation de précharge persiste et consommation d’oxygène augmentée. b: action d’un tonotrope : précharge diminuée Un autre effet intéressant des digitaliques est de limiter l’activation neurohumorale associée à l’insuffisance cardiaque. L’inhibition de la pompe à sodium dans les cellules neuronales, particulièrement dans les barorécepteurs, entraîne la stimulation du système parasympathique et l’inhibition de l’orthosympathique. Les digitaliques semblent inhiber directement la réponse des barorécepteurs aux modifications de la pression dans les sinus carotidiens lors d’insuffisance cardiaque. 25 Les effets indirects des digitaliques résultent donc d’une augmentation des effets du système parasympathique (tonus vagal). Ces effets sont davantage prononcés sur les fibres atriales et conductrices cardiaques et la région nodo-hissienne. Les digitaliques réduisent l’automaticité, augmentent la période réfractaire, augmentent la sensibilité des cellules myocardioques à l’excitation en dehors de la période réfractaire, et diminuent la rapidité de conduction, particulièrement dans les tissus nodaux atriaux et atrioventriculaires. L’inhibition du système orthosympathique entraîne un ralentissement de la fréquence cardiaque, particulièrement lorsque celle-ci est initialement élevée[7, 8]. Les autres effets des digitaliques ont une moindre importance clinique ; ces substances ont une action diurétique modérée et augmentent la fonction musculaire du diaphragme. Administrées aux individus sains, particulièrement par voie intra-veineuse, elles provoquent une faible vasoconstriction. Cependant, chez les insuffisants cardiaques, l’effet inhibiteur orthosympathique amène une vasodilatation et la vasoconstriction n’apparaît pas[46]. 3) Pharmacocinétique Approximativement 60 % de la dose de digoxine apportée en comprimé est absorbée après administration par voie orale, tandis que l’absorption est de 75 % si la digoxine est apportée sous forme de sirop. Le métabolisme hépatique de la digoxine étant très faible, la quasi-totalité de la digoxine absorbée se retrouve dans le sérum. 27 % de la digoxine sérique est liée à l’albumine. Chez le chien, la demi-vie de la digoxine sérique varie de 23 à 39 heures. Il existe une grande variabilité entre les individus. La digoxine peut ainsi s’accumuler lors de traitement prolongé, ce qui impose une surveillance en début de traitement. La digoxine est principalement excrétée dans l’urine par filtration glomérulaire et sécrétion rénale. 15 % sont métabolisés dans le foie. Une insuffisance rénale réduit la clairance rénale, la clairance totale corporelle et le volume de distribution, d’où une augmentation de la concentration sérique de la digoxine. La digoxine est très peu lipophile. Les concentrations sériques thérapeutiques de la digoxine se situent entre 1 et 2,5 ng/ml[15, 19]. Chez le chat, la demi-vie de la digoxine se situe entre 25 et 78 heures. 4) Toxicité des digitaliques Elle se produit en général lors de surdosage ou en cas d’insuffisance rénale sévère. Les problèmes liés à une intoxication aux digitaliques peuvent être classés en 3 catégories : - signes de dysfonctionnement gastro-intestinal - signes neurologiques - toxicité myocardique. L’anorexie et les vomissements sont probablement dus aux effets directs de la molécule sur les chémorécepteurs localisés dans l’area postrema (moelle épinière). Bien que les symptomes gastro-intestinaux lors d’une intoxication précèdent habituellement les signes de toxicité myocardique, ce n’est pas toujours le cas, en particulier lorsque le digitalique est administré par voie intra-veineuse. La digoxine peut également entraîner une dépression, une désorientation, du délire. 26 La toxicité myocardique est la complication la plus sérieuse d’intoxication aux digitaliques. Aux doses toxiques, l’activité électrique cardiaque normale est perturbée car le blocage de la pompe sodique entraîne une instabilité électrique membranaire. La conduction est ralentie et la période réfractaire altérée, l’effet bathmotrope positif expose le ventricule à des troubles du rythme, de l’extrasystole sporadique à la fibrillation mortelle[19, 15]. La toxicité des digitaliques est le principal facteur limitant de leur emploi, qui leur confère un indice thérapeutique très faible et impose un suivi électrocardiographique des animaux traités, ainsi que des dosages des concentrations plasmatiques du digitalique utilisé. B/ LES AGENTS SYMPATHOMIMETIQUES Les agents sympathomimétiques constituent la seconde grande classe d’agents inotropes positifs. Comme les digitaliques, ils développent une action inotrope positive en augmentant la quantité de calcium intracellulaire. Le mécanisme par lequel le calcium s’accumule à l’intérieur de la cellule myocardique est très différent avec les agents de cette deuxième classe puisqu’il fait intervenir les bétarécepteurs adrénergiques postsynaptiques sans mise en jeu de la Na/K ATPase dépendante. La dopamine et la dobutamine sont les deux agents sympathomimétiques les plus utilisés en médecine vétérinaire. La dopamine est un précurseur endogène de la norépinéphrine. C’est une molécule ionisable basique, très hydrosoluble (figure 10). La dobutamine est un composé de synthèse, dérivé de la dopamine, mais avec une taille moléculaire beaucoup plus élevée. C’est une molécule ionisable basique, moins hydrosoluble que la dopamine (figure 11). Figure 10 : Structure moléculaire de la dopamine, d’après BUDAVARI[45] Figure 11 : Structure moléculaire de la dobutamine, d’après BUDAVARI[45] 27 1) Mécanisme d’action L’effet inotrope positif obtenu lors de l’utilisation d’un agent sympathomimétique est la conséquence d’une stimulation par cet agent des récepteurs béta1 cardiaques. La structure du récepteur béta est aujourd’hui bien connue : il appartient à un complexe membranaire qui comprend trois unités (figure 12). La fixation d’un agoniste sur le récepteur béta1 provoque un couplage du récepteur avec sa protéine Gs régulatrice et la stimulation de l’adénylcyclase qui hydrolyse alors l’ATP en AMPc[15]. L’AMPc agit alors comme second messager en stimulant le système des protéines kinases : il se produit une phosphorylation des protéines intracellulaires, notamment du réticulum sarcoplasmique, ce qui permet la liaison de plus de calcium en diastole, et donc un relarguage de calcium plus important en systole. La contraction est alors plus importante. Tableau 1 : Récepteurs du système sympathique au niveau cardiovasculaire d’après JACOBS[30] Régulation L’effet de cette mécanique est auto-limité par le fait que la stimulation des béta-récepteurs provoque également l’activation d’une kinase (β-ARN kinase) qui a pour fonction d’éloigner le récepteur de sa protéine régulatrice (découplage) et de l’attirer vers l’intérieur de la cellule (internalisation ou séquestration du récepteur). Ainsi, le récepteur β devient non stimulable. La déphosphorylation de la dite kinase permet au récepteur β de retrouver sa position originelle à la surface cellulaire où il devient accessible à une nouvelle stimulation. C’est ainsi qu’une stimulation chronique des β-récepteurs par des substances agonistes conduit à un phénomène de tachyphylaxie (down-régulation), associé à une moindre densité membranaire en β-récepteurs (qui sont internalisés). Cet effet est d’autant plus net que l’agoniste β est pur[22, 48]. Les différentes amines sympathomimétiques peuvent stimuler également d’autres types de récepteurs adrénergiques (α, β2) au niveau cardiovasculaire. 28 Tableau 2 : Spectre d’activité pharmacologique des principales substances sympathomimétiques d’après JACOBS[30] La stimulation des β1-récepteurs cardiaques augmente : - la contractilité - la fréquence - la vitesse de conduction. Les récepteurs β2, moins nombreux, auraient aussi une action inotrope positive. Le phénomène de tachyphylaxie semble les épargner. Au niveau des vaisseaux, la stimulation β2 provoque une vasodilatation alors que les récepteurs α1 sont vasoconstricteurs. Les effets hémodynamiques qui résultent de leur action dépendent de la dose et de l’affinité relative de l’amine sympathomimétique pour le récepteur[22, 8]. Figure 12 : Mécanisme d’action des inhibiteurs des Phosphodiestérases, et représentation du récepteur béta, d’après GAILLOT[18] G protéine : protéine régulatrice ADC : adényl cyclase IPDE : inhibiteur des PDE BETA : agoniste β PDE : phosphodiestérase bêta : récepteur β 29 2) Les agonistes α et β adrénergiques L’adrénaline et la noradrénaline, deux catécholamines endogènes possèdent toutes deux une action β1 cardiaque responsable de leurs effets inotrope et chronotrope positifs, ainsi qu’une action α vasculaire. La dobutamine est une amine sympathomimétique de synthèse obtenue en 1975. Elle stimule essentiellement les récepteurs β1 avec pour conséquence une action inotrope nette dès les faibles doses proposées. Noradrénaline Son administration expose à un risque de vasoconstriction excessive avec réduction des débits sanguins coronaires, rénaux et cérébraux. Elle n’est donc pas utilisée en pratique. Adrénaline La stimulation de récepteurs α, β1 et β2 est dose-dépendante : - aux doses faibles, les effets β1 et β2 prédominent et sont responsables d’une stimulation cardiaque (effets inotrope et chronotrope positifs) et d’une vasodilatation bénéfique, essentiellement au niveau des organes vitaux (coronaires, cerveau) permettant de reperfuser rapidement le myocarde et le cerveau souffrant d’hypoxie. - aux doses moyennes, les effets α et β se complètent. La vasoconstriction modérée permet une redistribution du sang vers le cerveau et l’augmentation de pression artérielle par cardiotimulation qui se traduit par une remontée des pressions systolique et diastolique. - aux doses élevées, la prédominance de l’effet α engendre une diminution du débit cardiaque dû à la très forte augmentation de postcharge (vasoconstriction)[22]. Dobutamine C’est une substance synthétique qui est similaire à la dopamine, mais de taille moléculaire beaucoup plus élevée. Elle stimule les récepteurs β1, entrainant une augmentation de contractilité myocardique, et plus faiblement les récepteurs périphériques β2 et α1. Elle est un inotrope plus efficace que la dopamine et de plus, elle n’est pas associée à une augmentation de fréquence cardiaque à faible dose. La dobutamine n’active pas les récepteurs dopaminergiques et n’augmente pas sélectivement le flux sanguin rénal. En plus de ses effets inotropes positifs, la dobutamine agit comme un vasodilatateur en réduisant l’impédance aortique et les résistances vasculaires systémiques, améliorant ainsi le couple ventricule-vaisseaux et réduisant la post-charge[34]. La consommation myocardique d’oxygène semble être moins élevée lors d’une augmentation de contractilité par la dobutamine qu’avec les autres catécholamines. Son effet inotrope positif majeur associé à un effet chronotrope discret a rendu l’emploi de la dobutamine plus fréquent que celui de la dopamine pour le traitement des insuffisances cardiaques congestives sévères. Cependant elle est beaucoup moins efficace lors d’arrêt cardiaque[7, 22]. La dobutamine n’étant pas efficace par voie orale, elle est généralement injectée par voie intra-veineuse. Sa demi-vie plasmatique est d’environ 2 minutes : en effet, elle est rapidement métabolisée dans l’organisme par la monoamine oxydase et la catécholamine-Ométhyltransférase (COMT)[7]. Compte tenu du phénomène d’épuisement (down-régulation) qui survient au bout de quelques jours (24 à 48 h) et de sa très faible demi-vie, la dobutamine est réservée aux situations d’urgence cardiaque graves ou menaçant la vie de l’animal, en perfusion[22]. 30 3) Les agonistes β adrénergiques a- agonistes β1 purs L’isoprénaline est un puissant agoniste β-adrénergique non sélectif avec une très faible affinité pour les récepteurs α-adrénergiques. Par conséquent, l’isoprénaline a des effets importants sur tous les récepteurs β et presque nuls sur les récepteurs α [20]. Elle possède un effet inotrope β1 cardiaque ainsi qu’une action vasodilatatrice β2 périphérique : une perfusion intraveineuse d’isoprénaline abaisse la résistance vasculaire périphérique, en premier lieu au niveau du lit vasculaire des muscles squelettiques mais aussi au niveau rénal et mésentérique. La pression diastolique diminue. La pression systolique peut rester inchangée ou s’élever, bien que normalement, la pression artérielle moyenne s’abaisse. Le débit cardiaque augmente en raison des effets inotropes et chronotropes positifs du médicament et grâce à la diminution de la résistance vasculaire périphérique[20]. Cependant, ses effets dromotropes, chronotropes et bathmotropes positifs très importants risquent de provoquer la survenue d’une arythmie ventriculaire et une consommation excessive d’O2 qui résulte de la cardio-stimulation. A forte dose, ce médicament peut être à l’origine de nécrose myocardique chez l’animal [20]. L’isoprénaline est bien absorbée après administration parentérale ou en aérosol. Elle est principalement métabolisée au niveau du foie et d’autres tissus par la COMT. Bien qu’utilisée en médecine humaine d’urgence, notamment pour le traitement de certaines détresses cardio-circulatoires, son utilisation en médecine vétérinaire en tant qu’inotrope positif n’est pas envisageable. Elle ne peut, en effet, être administrée par voie orale, mais surtout en raison des effets secondaires néfastes non négligeables, non contrôlables, qu’elle produit lors d’administration intraveineuse. b- agonistes β1 partiels Ils sont représentés par le prénaltérol et le xamotérol. Face aux effets cardiovasculaires très puissants, mais parfois difficiles à maîtriser avec les composés précédents et à cause du phénomène de tachyphylaxie qui interdit l’administration orale au long cours, la recherche de substances bloquant partiellement les récepteurs β1 (blocage de l’activité sympathomimétique endogène cardiaque),figeant à un niveau stable le degré de stimulation adrénergique des β-récepteurs cardiaques, est en cours. Compte tenu du rôle néfaste de l’hypertonie noradrénergique endogène excessive , rencontrée dans la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque congestive, l’administration de βbloquants aurait pour objectif de provoquer une "up-régulation", c’est-à-dire restaurer une densité membranaire en β-récepteurs normale afin que le myocarde défaillant puisse à nouveau répondre à une décharge catécholergique aiguë. Chez l’homme, les β-bloquants améliorent la relaxation ventriculaire gauche et optimisent ainsi le remplissage diastolique, diminuent la quantité d’énergie nécessaire à la contraction et exercent un effet protecteur contre les lésions de la fibre myocardique liées aux décharges de catécholamines[22]. Cependant, leur action fortement inotrope négative interdit leur utilisation dans bon nombre d’insuffisances cardiaques. L’idéal serait donc de disposer d’une substance mettant le myocarde à l’abri d’une stimulation β-adrénergique excessive et possédant une légère action inotrope positive intrinsèque afin de prévenir une éventuelle décompensation ventriculaire. Les agonistes β-partiels semblent répondre exactement à ces critères. 31 Le principal représentant, le xamotérol, est prometteur dans le traitement d’insuffisance cardiaque. Au repos, lorsque le tonus sympathique est bas, il se comporte comme un agoniste (effet inotrope positif modéré) tandis qu’à l’effort où le tonus sympathique est élevé, il exerce un effet β-bloquant classique sur la tachycardie mais sans dépression de l’inotropisme. Ainsi, l’existence d’une activité agoniste partielle en n’entraînant pas de tachyphylaxie ni les inconvénients des β-bloquants, autoriserait le maintien de l’efficacité à long terme, y compris par voie orale[18]. 4) Les agonistes dopaminergiques La dopamine est un précurseur endogène de la synthèse de la noradrénaline (norépinéphrine) qui agit sur les récepteurs post-synaptiques β1 myocardiques, mais aussi sur les récepteurs β2, α et dopaminergiques vasculaires. Ses effets inotropes positifs sont dus à la stimulation des récepteurs β1 cardiaques. Elle agit de façon dose-dépendante : - à faible dose (<10 µg/kg/min), ses effets s’exercent de façon prédominante sur les récepteurs β1 et dopa. Ils sont responsables, d’une part, d’une augmentation bénéfique du volume d’éjection, du débit cardiaque, et d’autre part, de la stimulation des récepteurs dopaminergiques rénaux, ce qui entraîne une vasodilatation des territoires rénaux avec, en corollaire, une augmentation du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire (augmentation de la natriurèse). - à plus forte dose (>10 µg/kg/min), l’effet α domine. Il est à l’origine d’une vasoconstriction dont l’intérêt est majeur en présence d’une hypotension artérielle. Cependant, la vasoconstriction touche également le secteur veineux[22]. En médecine vétérinaire, la dopamine est administrée généralement en perfusion, pour le traitement des insuffisances rénales aiguës à faibles doses (<3 µg/kg/min), et en cas de choc cardiovasculaire à forte doses (>5 µg/kg/min)[17, 34]. Cependant, les fortes doses ne sont pas recommandées à long terme à cause de la vasoconstriction périphérique observée due aux effets α de la dopamine : il peut en résulter un œdème pulmonaire et de plus, la dopamine peut aggraver l’ischémie myocardique car elle augmente la consommation en oxygène du myocarde tout en réduisant les apports artériels coronariens en oxygène[22]. Dans leur étude conduite sur des chiens, FURUKAWA et al. [17] observent une augmentation marquée du flux sanguin rénal à 3 µg/kg/min. A 10 µg/kg/min, en plus d’une augmentation satisfaisante du débit cardiaque, le flux sanguin rénal reste augmenté. Entre 10 et 20 µg/kg/min, le débit cardiaque et la contraction cardiaque sont augmentés, tandis que la résistance périphérique reste globalement diminuée. Ce n’est qu’à 20 µg/kg/min qu’ils détectent une augmentation de la consommation cardiaque en oxygène, des arythmies et une diminution de la perfusion rénale. Ils en concluent que la dopamine peut être utilisée avec sûreté même à des doses moyennement élevées (<20/kg/min). L’absorption de la dopamine après administration par voie orale est mauvaise. Elle est rapidement métabolisée par la MAO et la COMT et sa demi-vie est de moins de 2 minutes. Elle est le plus souvent préparée en solution, et administrée par voie intraveineuse en perfusion[7]. De par sa voie d’administration et son efficacité limitée dans le temps, auxquels s’ajoute son effet vasoconstricteur tachycardisant[7], la dopamine n’a pas sa place dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique. 32 Plusieurs analogues de la dopamine administrables par voie orale ont été développés, parmi lesquels la lévodopa et l’ibopamine. Après administration per os, l’ibopamine est rapidement métabolisée en N-méthyl-dopamine ou épinine, dont les facultés d’action inotrope positive et vasodilatatrice directe la qualifient d’inodilatateur : - l’inotropisme résulte de la stimulation des récepteurs β1 et accessoirement α myocardiques - elle induit une vasodilatation périphérique directe d’une part par activation des récepteurs dopaminergiques1 et β2 post-synaptiques vasculaires, d’autre part des récepteurs ganglionnaires pré-synaptiques dopaminergiques2 et α2. Ainsi, la diversité des récepteurs activés et la pluralité des actions pharmacologiques, en atténuant le phénomène de tachyphylaxie, pourraient autoriser l’emploi de cette molécule à long terme aux bénéfices hémodynamiques et cliniques tout à fait adaptés au traitement de l’insuffisance cardiaque chronique. Pour le moment, l’ibopamine et la lévodopa n’ont pas été soumises à un examen rigoureux dans des essais larges et prospectifs en association au traitement standard. Leur sécurité et leur efficacité devront être confirmées dans de nouveaux essais cliniques[34]. C/ LES INHIBITEURS DES PHOSPHODIESTERASES (PDE) L’action pharmacologique des inotropes positifs qui augmentent la concentration intracellulaire d’AMPc dans la cellule myocardique repose sur deux grandes modalités : - soit, comme nous l’avons vu, en activant la synthèse d’AMPc par stimulation des β récepteurs myocardiques via l’adényl-cyclase : ce sont les amines sympathomimétiques - soit en inhibant l’hydrolyse en AMP inactif de ce second messager (AMPc) qui est sous la dépendance des phosphodiestérases : ce sont les inhibiteurs des phosphodiestérases (IPDE). La classe enzymatique des PDE compte nombre de représentants, lesquels peuvent être regroupés en familles d’isoenzymes qui constituent des sous-classes de PDE. Le mode d’action et de régulation propre à chaque sous-classe est extrêmement complexe mais relativement homogène pour chaque famille ; la spécificité des effets pharmacodynamiques produits trouve son origine dans le gène codant pour l’isoenzyme. La distribution tissulaire et cellulaire des isoenzymes et des PDE peuvent varier d’une espèce à l’autre. Plusieurs organes, notamment le muscle cardiaque, contiennent certaines familles d’isoenzymes bien connues de PDE[34]. Bien que des inhibiteurs des PDE non spécifiques, comme la théophylline et la caféine, aient été identifiés il y a plus de 30 ans, ce n’est qu’à partir des années 1980 qu’un certain nombre d’inhibiteurs spécifiques d’une sous-classe enzymatique sont devenus disponibles. Les inhibiteurs des PDE III sont ceux qui nous intéressent en cardiologie. Après avoir abordé brièvement les IPDE non spécifiques que sont les bases xanthiques, nous nous intéresserons à la famille des IPDE III. 33 1) Les Méthylxanthines Les dérivés méthylés de la Xanthine constituent une classe particulière du fait de la pluralité de leurs actions et de la pluralité des mécanismes impliqués. L’élévation du taux d’AMPc par inhibition de la PDE constitue le mécanisme de base. Les représentants de cette famille sont la caféine, la théophylline et la théobromine. Les effets de ces molécules sont complexes car elles ont une grande variété d’actions pharmacologiques. En plus de leur effet sur le cœur, elles agissent sur le système nerveux central, les reins et les muscles lisses. Elles ont des propriétés : - diurétiques - relaxantes de la musculature lisse bronchique - relaxantes du muscle lisse en général - stimulantes du muscle strié squelettique. Mécanismes d’action : Inhibition des PDE On notera que la sensibilité des PDE des différents tissus n’est pas exactement identique. La théophylline est la méthylxanthine la plus active vis-à-vis de la PDE cardiaque. La caféine a une activité importante vis-à-vis de la PDE cérébrale. Accroissement du pool calcique libre de la cellule Les méthylxanthines provoquent une libération de calcium à partir de sites intracellulaires, le réticulum sarcoplasmique et les mitochondries. Actions systémiques Les méthylxanthines possèdent quelques actions générales, synergiques vis-à-vis des actions cellulaires : une libération accrue de catécholamines et un renforcement de la calcémie par potentialisation des effets de la parathormone et inhibition des effets de la calcitonine. Inhibition des récepteurs de l’adénosine Les méthylxanthines ont donc des effets antagonistes de l’adénosine : effets inotrope positif, chronotrope positif, augmentation de la durée du potentiel d’action, vasoconstriction, effets sur le système nerveux central (hyperexcitabilité, perturbations sensorielles, agitation) [8, 7]. Les méthylxanthines ont été autrefois utilisées dans le traitement de l’insuffisance cardiaque dans des conditions très codifiées. Mais le nombre des effets secondaires possibles et surtout l’existence d’un effet tachycardisant conduisent actuellement à les prohiber fortement. L’originalité des nouveaux inhibiteurs des PDE par rapport aux traditionnels réside dans leur inhibition sélective de la PDE III. 34 2) Les inhibiteurs spécifiques des Phosphodiestérases III Le blocage de la PDE III produit une augmentation du taux cellulaire d’AMPc comme l’aurait fait un agoniste β à la différence près que l’action est ici intracellulaire sans intervention des β-récepteurs. Le phénomène d’échappement thérapeutique lié à une "down regulation" n’est de ce fait pas observé[12]. Pour KITTLESON [35], les IPDE III agissent également en inhibant la protéine G inhibitrice associée au récepteur β. Il en résulte une stimulation de l’adényl-cyclase, ce qui conduit à une augmentation de la contractilité par la stimulation d’une protéine kinase et la phosphorylation du réticulum sarcoplasmique. Ainsi, durant la diastole, une quantité plus importante de calcium est captée d’où un relarguage plus important en systole et une meilleure contractilité[35, 33]. L’absence de stricte spécificité des IPDE pour la cellule cardiaque explique qu’ils aient aussi une action vasculaire. Alors qu’elle favorise la contraction des myofibrilles au niveau des cardiomyocytes, l’augmentation d’AMPc dans le muscle lisse favorise la relaxation par phosphorylation de la kinase de la chaîne légère de la myosine[19] : il s’ensuit une vasodilatation. A la fois inotropes positifs et vasodilatateurs, ces IPDE III sont appelés inodilatateurs en pratique. Cette récente classe d’agents inotropes ne renferme que des composés de synthèse qui n’en finissent pas d’être nouveaux. Nous présenterons ici trois familles comprenant les molécules les plus intéressantes : les dérivés de la bipyridine, les benzimidazolés et un dérivé de la quinolinone, la vesnarinone. a- dérivés de la bipyridine Les deux représentants principaux sont l’amrinone et la milrinone. Ces composés entraînent une vasodilatation qui a comme conséquence une diminution des résistances vasculaires systémiques, et augmentent à la fois la force de contraction et la vitesse de relaxation du muscle cardiaque. Ce sont des composés de synthèse, à dominante liposoluble. Leurs structures de base sont proches (figures 13 et 14). Elles sont bien absorbées lors d’administration orale, mais elles ne sont disponibles que sous forme de sels en solution destinés à la voie veineuse : amrinone lactate et milrinone lactate. Figure 13 : Structure moléculaire de l’amrinone, d’après BUDAVARI[45] Figure 14 : Structure moléculaire de la milrinone, d’après BUDAVARI[45] 35 L’amrinone est administrable par voie intraveineuse et par voie orale avec dans ce cas une efficacité maximale en une à deux heures. Chez le chien en bonne santé anesthésié, un bolus intraveineux d’amrinone (1 à 3 mg/kg) augmente la contractilité myocardique de 60 à 100 %, diminue la pression artérielle systémique de 10 à 30 % et augmente la fréquence cardiaque de 5 à 10 %. L’augmentation maximale de contractilité se produit 5 minutes après l’injection[15]. Les effets sont dosedépendants. Les effets de l’amrinone chez le chien insuffisant cardiaque sont majorés et sa demi-vie est doublée, si bien que son utilisation doit se faire à des doses plus faibles[34, 15]. Les inconvénients majeurs de l’amrinone sont liés à une exacerbation des arythmies ventriculaires et à un effet thrombopéniant réversible à l’arrêt du traitement, observé dans quelques études sur des humains (10 % des patients recevant le traitement) mais non sur les chiens[34, 15]. Les effets des dérivés de la bipyridine sont très variables d’une espèce à l’autre car la distribution cellulaire et tissulaire des PDE est elle-même différente selon les espèces. Il est donc difficile d’extrapoler les résultats d’une étude sur les humains à l’espèce canine et vice versa[35]. La milrinone est un composé de synthèse très proche de l’amrinone. Elle est approximativement 10 fois plus puissante que l’amrinone et présente des effets pharmacologiques et hémodynamiques similaires sans effet thrombopéniant[15]. Elle combine une action inotrope positive, lusitrope (amélioration de la fonction diastolique) et un effet vasodilatateur systémique à la fois artériel et veineux. La résultante de ces propriétés contribue ainsi à améliorer l’hémodynamique. Elle agit efficacement sur le débit cardiaque qu’elle augmente par amélioration de la fraction d’éjection, diminution des pressions de remplissage du ventricule et réduction des résistances vasculaires systémiques. Elle augmente le débit cardiaque jusqu’à 55 % au-dessus de la valeur de base sur des chiens atteints de cardiomyopathie dilatée[35]. En raison de sa plus grande sélectivité pour les isoenzymes des PDE III, et de ses moindres effets indésirables, la milrinone semble être la molécule de choix parmi les IPDE couramment disponibles pour le traitement de l’insuffisance cardiaque sévère[34]. Pour KELLY et SMITH[34], cependant, les essais prospectifs à long terme utilisant des formes orales montrent que la milrinone cause le plus souvent des effets indésirables intolérables, présente une efficacité minimale à long terme et, pour les doses utilisées, entraîne une augmentation de la mortalité des patients en insuffisance cardiaque. En effet, les études chez l’homme à long terme semblent plutôt décourager l’utilisation de la milrinone[34, 58] : • En 1989, DI BIANCO et al. [11] comparent, dans un essai court de 12 semaines, la milrinone par voie orale à la digoxine et au placebo. 230 patients insuffisants cardiaques avec un rythme cardiaque sinusal reçoivent un traitement composé : - de diurétiques seuls (placebo) - de diurétiques et de digoxine (0,125 à 0,5 mg par jour) - de diurétiques et de milrinone (10 mg 4 fois par jour) - de diurétiques, de digoxine et de milrinone. Les patients traités avec un inotrope augmentent de façon significative leur résistance à l’effort (augmentation du temps de course sur un tapis roulant) par rapport aux patients recevant le placebo. Le traitement réduit également la fréquence de 36 décompensation cardiaque de 47 % avec le placebo à 34 % avec la milrinone et 15 % avec la digoxine. Cependant, l’état clinique de 20 % des patients recevant la milrinone s’aggrave 2 semaines après le début du traitement, alors que cela se produit pour seulement 3 % des patients traités avec la digoxine. La fraction d’éjection ventriculaire gauche n’est pas modifiée par la milrinone, tandis qu’elle est augmentée par la digoxine (+ 1,7 %) et diminuée pour le groupe placebo (- 2 %). Dans le groupe traité avec la milrinone, on observe une augmentation de l’apparition d’arythmies ventriculaires par rapport aux patients qui n’en reçoivent pas (18 % vs 4 %). Les auteurs ont donc conclu que la milrinone augmente la tolérance à l’exercice et diminue la fréquence de décompensation cardiaque, cependant, dans la population observée, la milrinone ou la combinaison milrinone/digoxine n’apporte pas de meilleurs résultats que la digoxine seule. De plus, la milrinone semble exacerber l’apparition d’arythmies ventriculaires. • En 1991, PACKER et al. [52] mettent en œuvre un essai plus long sur la milrinone appelé PROMISE : Prospective Randomized Milrinone Survival Evaluation. Cet essai doit être arrêté prématurément en raison de l’augmentation de 53 % de la mortalité chez les patients en insuffisance cardiaque de classe IV recevant la milrinone. De plus, les patients présentant une insuffisance cardiaque modérée aussi bien que sévère nécessitent vraisemblablement d’avantage d’hospitalisation et présentent des effets indésirables plus sévères (hypotension ou syncope) que les patients recevant le placebo. D’autres essais utilisant la milrinone à court terme chez l’homme ont montré des résultats plutôt positifs. • En 1985, SIMONTON et al. [61] étudient 37 patients insuffisants cardiaques graves. 16 sont atteints de cardiomyopathie ischémique, 20 ont une cardiomyopathie dilatée idiopathique et 1 a une insuffisance myocardique liée à une chirurgie sur la valve mitrale. 31 de ces patients n’ont pas répondu à un traitement vasodilatateur. Tous les patients montrent une amélioration hémodynamique immédiate suivant l’administration de milrinone. 25 de ces patients survivent pour une seconde étude 37 jours plus tard. Les paramètres hémodynamiques sont remesurés à ce moment-là, avant et après une nouvelle administration unique de milrinone, et les bénéfices sont les mêmes que la première fois sur tout les patients. Chez l’homme, la milrinone est la molécule de choix parmi les inhibiteurs des PDE couramment disponibles pour le traitement à court terme de l’insuffisance cardiaque sévère. Elle doit être réservée au milieu hospitalier et semble plus efficace et moins risquée lorsqu’elle est administrée par voie intraveineuse ponctuellement. 37 Nous avons vu que les résultats dans une espèce ne sont pas appliquables à une espèce différente en ce qui concerne les IPDE. En effet, contrairement à l’homme, les études chez le chien montrent que la milrinone est un meilleur inotrope positif dans cette espèce et que ses effets secondaires sont plus négligeables [7] : • En 1990, KEISTER et al. [33] étudient les effets de la milrinone chez 29 chiens présentant des insuffisances cardiaques congestives modérées à sévères. La milrinone est administrée oralement à des doses de 0,5 à 1 mg/kg deux fois par jour. Une amélioration des paramètres échocardiographiques de la fonction systolique ventriculaire est observée après 3 jours de traitement chez 2 sujets, après 7 jours chez 2 sujets et après 21 jours chez 25 sujets. La plupart des patients montrent également une amélioration de leur état clinique, observée par les vétérinaires (72 %) et par les propriétaires (81 %). Il n’est pas observé de réactions indésirables au traitement, excepté pour 3 chiens qui présentent des arythmies ventriculaires traitées médicalement par des antiarythmiques. Pour les auteurs de cette étude, la milrinone est efficace dans le traitement des insuffisances cardiaques congestives avancées chez le chien. • En 1991, KITTLESON [35] étudie l’efficacité et la sécurité de l’utilisation de la milrinone pour traiter les insuffisances cardiaques. Il rapporte deux autres complications apparues lors d’un essai sur des chiens : la rupture de cordages (4 %) et la mort subite (13 %). Cependant dans cette étude utilisant des chiens de race Doberman Pinscher, il n’a pas été établi de relation certaine entre la mort subite et l’emploi de la milrinone. La milrinone a été étudiée dans de nombreuses situations. Chez le chien insuffisant cardiaque, la milrinone entraîne une amélioration nette de la fonction ventriculaire et des paramètres hémodynamiques à l’échocardiographie. De plus, elle améliore l’état clinique et la qualité de vie de ces patients. Le pronostic à court terme est plus favorable, et la durée de vie est augmentée. Les morts subites attribuées à la milrinone sont rares, et ses effets rapportés sur les arythmies ventriculaires peuvent généralement être évitées en réalisant des examens électrocardiographiques avant et juste après la première administration de milrinone[35, 33]. Chez l’homme, la milrinone n’est plus disponible pour les traitements par voie orale. Chez le chien, elle est actuellement toujours à l’étude mais représente, pour les auteurs des essais la concernant, un espoir de nouveau traitement palliatif oral de l’insuffisance cardiaque congestive chronique. b- dérivés imidazolés L’énoximone et la piroximone sont deux dérivés imidazolés connus pour leur propriété inodilatatrice par inhibition des PDE. Elles augmentent toutes deux la force contractile du myocarde, le débit cardiaque et réduisent les pressions de remplissage ainsi que les résistances artérielles. Ces deux molécules sont actives per os et par voie intraveineuse. Elles présentent un bénéfice hémodynamique certain à court terme. 38 Pour l’énoximone, l’administration à long terme chez l’homme n’a pas été suffisamment étudiée et les publications sont contradictoires sur certains points. Les risques de dysrythmie ventriculaire et de mort subite ainsi qu’une surconsommation d’oxygène par le myocarde sont évoqués par certains auteurs[34]. La piroximone en utilisation à long terme semble dépourvue d’action d’effet arythmogène et n’entraîne apparemment pas d’augmentation de la consommation d’oxygène par le myocarde. Cependant le développement de ces formes orales apparentées à la milrinone avait été arrêté en raison des morts subites observées dans l’étude PROMISE de PACKER et al.[52] en 1991. La piroximone est actuellement à nouveau à l’étude chez l’homme. c- un dérivé de la quinolinone : la vesnarinone La vesnarinone est un inotrope positif actif par voie orale avec une activité vasodilatatrice modérée qui semble agir par de multiples mécanismes. C’est un inhibiteur relativement sélectif de l’isoforme de la PDE III retrouvée dans le myocarde humain et le tissu rénal, mais elle inhibe dix fois moins les isoformes de la PDE III des tissus aortiques humains et des plaquettes. Il a également été démontré que la vesnarinone agit sur les canaux Na/K membranaires du sarcolemme voltage-dépendants, effet qui pourrait contribuer à l’effet inotrope positif. Elle améliore également indirectement le flux calcique à travers les canaux calciques voltage dépendants du fait de son activité inhibitrice des PDE III. La somme de ces actions aboutit à une diminution de la fréquence cardiaque et à une prolongation de la durée du potentiel d’action, effet opposé à ceux observés avec les autres classes d’IPDE III[35]. Dans une étude sur des humains de 1993 de FELDMAN et al. [13], des patients recevant déjà un traitement médical optimal ont été randomisés pour recevoir soit un placebo soit de la vesnarinone à la concentration de 60 ou 120 mg/j. Le sous-groupe de l’essai recevant la forte dose a été arrêté précocement en raison d’une augmentation de la mortalité. Comparé aux patients recevant un placebo, il y eut une diminution de plus de 50 % de la mortalité à 12 semaines chez les patients recevant 60 mg/j de vesnarinone. De plus, l’amélioration des symptômes d’insuffisance cardiaque et de la qualité de vie dans ce groupe ont confirmé les résultats existant déjà sur la vesnarinone. Les essais de suivi sont en cours pour déterminer si ces résultats peuvent être confirmés et pour mieux définir les doses optimales. La vesnarinone est en cours d’étude chez le chien, notamment atteint de cardiomyopathie dilatée[7]. Avec les inhibiteurs des PDE III, un mécanisme d’action plus "satisfaisant" que celui des sympathomimétiques a été découvert. Cependant, cette famille d’inotropes renferme de nombreux composés dont les effets secondaires rendent impossible l’utilisation au long cours. Nous retiendrons tout de même la milrinone et la vesnarinone comme agents prometteurs de cette classe. 39 D/ LES « CALCIUM-SENSIBILISEURS » 1) Présentation Alors que les agents inotropes de toutes les autres classes agissent sur le couplage excitationcontraction en augmentant la quantité de calcium disponible pour les protéines contractiles, cette dernière classe est tout-à-fait originale de par le mode d’action de ses composés. Ce sont des inhibiteurs des PDE. Cependant, il existe une divergence entre la dose produisant l’effet inotrope (dose faible) et celle entraînant l’inhibition des PDE (dose plus élevée). L’action inotrope apparaît avant que le niveau de PDE dans le myocarde ne s’élève[18]. Le mécanisme de l’action inotrope positive proposé est celui d’une augmentation de la sensibilité des myofilaments pour le calcium. On parle de ce fait de composé calciumsensibiliseur[19]. Il est donc possible d’améliorer la force de contraction du myocarde sans accroître la concentration intracellulaire en calcium. Pour les inotropes traditionnels étudiés précédemment (digitaliques, β1-agonistes ou purs IPDE III), la phase de relaxation nécessite l’expulsion du calcium hors de la cellule. Ce mécanisme exige beaucoup d’énergie et peut être défaillant lors d’insuffisance cardiaque, d’où la mauvaise réputation des inotropes classiques d’induire des arythmies, voire d’être à l’origine de mort cardiaque soudaine (milrinone chez l’homme)[64]. Les calcium-sensibiliseurs paraissent donc très attrayants. Cette classe originale d’agents très prometteurs n’augmentant pas la quantité de calcium est, bien que récente, déjà riche en composés. Nous en présenterons deux qui diffèrent par leur voie d’administration et leur indication d’utilisation : le pimobendane et le lévosimendane. 2) Le pimobendane Le pimobendane est un dérivé benzimidazole-pyridazinone qui exerce un effet inotrope positif ainsi qu’une vasodilatation périphérique. Ces deux propriétés s’expliquent par un double mode d’action : inhibiteur de la PDE III et sensibiliseur du calcium au niveau du myocarde. Le pimobendane est un composé de synthèse (figure 15). C’est une molécule liposoluble, il est utilisé par voie orale. Figure 15 : Formule chimique du pimobendane d’après GAILLOT[18] 40 a- mécanisme d’action L’inhibition de la PDE III qu’exerce le pimobendane est spécifique au cœur et aux vaisseaux sanguins. Au niveau de la musculature lisse vasculaire, l’inhibition de la PDE III génère une vasodilatation périphérique artérielle et veineuse[42]. L’augmentation de l’AMPc stimule une protéine kinase qui active les pompes calciques du sarcolemme. L’activation de ces pompes réduit la concentration intracellulaire du calcium, diminuant ainsi l’affinité de la kinase « myosine à courte chaîne » pour le complexe calcium-calmoduline. Il y a alors inactivation de la myosine et le résultat final consiste en une vasodilatation. Au niveau cardiaque, l’augmentation intracellulaire d’AMPc engendrée par l’inhibition de la PDE III active une protéine kinase qui provoque l’ouverture des canaux calciques lents du sarcolemme. Le flux des ions calciques vers le milieu intracellulaire permet une meilleure disponibilité du calcium lors de l’interaction actine-myosine. Le résultat final consiste en une augmentation de la contractilité du myocarde qui correspond à 20 à 30 % de l’effet inotrope positif total du pimobendane in vitro. Le second mode d’action inotrope positif du pimobendane consiste en une sensibilisation des cardiomyocytes au calcium. Il augmente spécifiquement l’affinité des sites de liaison de la troponine C au calcium. Cela améliore l’interaction entre les protéines contractiles donc augmente l’étendue de la contraction sans demande accrue d’énergie et sans augmentation de la consommation d’oxygène par le myocarde[23, 53]. En contraste avec d’autres agents inotropes positifs tels que la digoxine, il n’engendre aucune augmentation du taux intracytoplasmique de calcium, mais l’aptitude de la fibre musculaire à se contracter davantage en présence de la même quantité de calcium. Les inconvénients majeurs des inotropes traditionnels sont ainsi contournés, le risque d’arythmies est minimisé[64, 4]. Le pimobendane possède un effet lusitrope, c’est-à-dire qu’il améliore la relaxation du myocarde. L’augmentation de l’AMPc via l’inhibition de la PDE III active les pompes calciques du réticulum sarcoplasmique, ce qui améliore la relaxation du myocarde par un meilleur stockage du calcium entre deux contractions[28]. Il a été prouvé in vitro que le pimobendane possède également un effet anti-thrombotique par inhibition de la production de thromboxane A2 par les plaquettes [14]. Il n’est pas rare d’observer des infarctus au niveau des artères intra-murales du myocarde et des reins lors des examens post-mortem chez des chiens atteints d’insuffisance atrioventriculaire gauche ou de cardiomyopathie dilatée (CMD). Cette propriété du pimobendane est donc très intéressante puisqu’elle est susceptible d’améliorer la perfusion de zones où la microcirculation est perturbée par la formation d’un thrombus. b- pharmacocinétique Suite à l’administration orale de pimobendane, celui-ci est rapidement absorbé et distribué dans les tissus. La biodisponibilité orale du principe actif est de 60 à 63 % et sa liaison aux protéines plasmatiques est de 93 %. Au niveau du foie, le pimobendane est transformé en son métabolite actif, l’UD-CG 212, par déméthylation oxydative. Les propriétés pharmacodynamiques du pimobendane et de son métabolite actif sont comparables mais quelques études ont démontré une efficacité plus prononcée avec l’UD-CG 212 in vitro[63]. 41 La demi-vie plasmatique du pimobendane est d’environ 0,4 heure et celle de l’UD-CG 212 est de 2 heures. Les effets inotropes positifs du pimobendane suivant une dose orale unique sont maximaux une heure après l’ingestion et les effets hémodynamiques ont une durée de 8 à 12 heures. Ceci suggère un effet pharmacodynamique prolongé malgré une demi-vie relativement courte. Pour cette raison, une prise biquotidienne est recommandée. L’excrétion se fait majoritairement par les fèces. c- effet du pimobendane chez le chien De nombreuses études ont été effectuées afin de mettre en évidence les effets hémodynamiques du pimobendane. Les différentes études effectuées chez le chien ont démontré une diminution de la précharge et de la postcharge ainsi qu’une nette amélioration des performances cardiaques. Ces effets se reflètent par une diminution modérée de la pression diastolique et de la résistance vasculaire périphérique ainsi qu’une diminution marquée de la pression capillaire pulmonaire et de la pression ventriculaire gauche. En accord avec la loi de Starling, un changement minimal est observé par rapport au volume d’éjection. L’effet vasodilatateur du pimobendane améliore la perfusion rénale, splénique, coronaire, épicardique et endocardique[53]. Chez le chien, plusieurs études ont prouvé l’efficacité du pimobendane pour améliorer la qualité de vie des patients et leur classe fonctionnelle de la « New York Heart Association » (NYHA). • En 2002, FUENTES et al. [16], réalisent une étude du pimobendane sur des chiens de race Cocker Anglais et Doberman Pinscher atteints de CMD. En plus de la thérapeutique classique (furosémide, énalapril et digoxine), les chiens reçoivent soit du pimobendane (de 0,3 à 0,6 mg/kg/j), soit un placebo. Parmi les 10 animaux traités avec le pimobendane, 8 d’entre eux améliorent le statut de leur insuffisance cardiaque d’au moins 1 grade de la NYHA. De plus, le pimobendane augmente de façon significative l’espérance de vie des Doberman Pinscher, alors que le pronostic des chiens de cette race atteints de CMD et non traités au pimobendane est très sombre et leur temps de survie est de moins de 6 mois après le diagnostic. FUENTES et al. [16] ont observé un temps de survie de 329 jours pour le groupe pimobendane en comparaison avec une survie de 50 jours pour le groupe placebo. Chez le Cocker en revanche, aucune différence significative sur l’espérance de vie n’a pu être démontrée. • En 2004, O’GRADY et al. [50] étudient les effets hémodynamiques d’un traitement à long terme au pimobendane sur des Doberman Pinschers atteints de CMD. 16 chiens reçoivent soit du pimobendane (0,25 mg/kg PO 2 fois par jour), soit un placebo. Les chiens sont évalués au début du traitement et après 1 mois de traitement. Sur les 8 chiens recevant le pimobendane, 5 sont revus après un mois de traitement ; la comparaison avec le groupe placebo n’a pas été possible car seulement 1 chien de ce groupe est réévalué après un mois. Cependant, sur les 5 chiens du groupe pimobendane, les auteurs ont observés une augmentation de la fraction d’éjection et de la fraction de raccourcissement. Ils en concluent à une modeste augmentation de la contractilité dans le groupe pimobendane, mais la mortalité importante dans le groupe placebo ne permet pas de confirmer les résultats de cette étude portée sur un faible nombre d’individus. 42 L’efficacité du pimobendane a également souvent été comparée à celle des autres inotropes, notamment la digoxine. • En 1992, GAILLOT [18] réalise une étude dans laquelle les effets du pimobendane sont comparés à ceux de la digoxine sur des chiens atteints d’insuffisance cardiaque gauche. 10 chiens reçoivent 1 mg/kg/j de pimobendane per os en deux prises et parallèlement, 10 chiens reçoivent 0,017 mg/kg/j de digoxine per os en deux prises. L’étude expérimentale dure un mois, et les résultats obtenus sont tout-à-fait encourageants concernant le pimobendane. • En 1998, POULSEN NAUTRUP et al. [57] réalisent une étude sur 109 chiens atteints d’insuffisance cardiaque congestive en comparant la digoxine et le pimobendane. De manière générale, les animaux ayant reçu le pimobendane ont montré une amélioration de leur qualité de vie nettement supérieure à ceux ayant reçu la digoxine. Une amélioration de la toux, de la dyspnée et une reprise de l’appétit ont été observés. Dans le groupe pimobendane, le succès thérapeutique a été jugé « bon » dans 86,7 % des cas contre 20,4 % pour le groupe digoxine. Jusqu’en 2003, le pimobendane est commercialisé partout en Europe avec comme indication générale « insuffisance cardiaque congestive », sauf en France où les essais cliniques avaient été jugés insuffisants pour justifier de cette indication générale. En effet, dans l’essai multicentrique européen comparant l’efficacité du pimobendane chez des chiens atteints de CMD ou d’insuffisance atrio-ventriculaire gauche, seulement ¼ des chiens souffraient de valvulopathie. L’indication de l’AMM française était donc officiellement limitée au « traitement de l’insuffisance cardiaque congestive due à une CMD ». En 2004, l’AMM française du pimobendane est modifiée, ses indications devenant alors : « traitement de l’ICC due à une cardiomyopathie dilatée, ou à une endocardiose valvulaire mitrale ou tricuspidienne ». En effet, de nombreuses études récentes ont prouvé l’efficacité du pimobendane comme thérapeutique au long cours de l’insuffisance valvulaire mitrale, pathologie cardiaque acquise la plus répandue chez le chien. • En 2004, O’GRADY et al. [51] comparent la réponse hémodynamique chronique au pimobendane par rapport à celle au bénazépril, un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, chez les chiens souffrant d’insuffisance mitrale chronique. Ils n’ont pas observé de différence significative entre le groupe pimobendane et le groupe bénazépril après 4 mois de traitement. Malheureusement, la trop petite taille de leurs groupes d’individus limite la fiabilité de ces résultats. • En 2003, SMITH et al.[62] étudient l’efficacité et la sécurité de l’emploi à long terme du pimobendane sur des chiens atteints d’ICC faible à modérée causée par une endocardiose valvulaire mitrale. L’étude est menée sur 6 mois et le pimobendane est comparé au ramipril, un IECA. D’après les auteurs, le pimobendane a été très bien toléré par les chiens pendant l’étude, tout comme le ramipril. Cependant, le pimobendane a réduit le risque d’aggravation de l’ICC, de façon significative par rapport au ramipril. • En 2004, LOMBARD [41] évalue l’efficacité clinique et l’effet sur la survie d’un traitement au pimobendane sur des chiens atteints d’endocardiose valvulaire, en comparaison avec le bénazépril, dans une étude baptisée VetSCOPE. Là encore, les résultats sont en faveur du pimobendane, qui améliore l’état clinique et augmente la survie de l’animal de façon significative par rapport au bénazépril. 43 Le pimobendane démontre clairement un effet bénéfique sur les différents paramètres hémodynamiques sans augmenter les besoins en oxygène du myocarde et sans risque proarythmique important. En plus d’améliorer l’état clinique des patients, il prolonge l’espérance de vie chez des races où la mort subite survient peu de temps après le diagnostic. d- effets du pimobendane chez l’homme Chez l’homme, le pimobendane a subi des tests cliniques approfondis et s’est révélé efficace et, en règle générale, bien toléré chez les patients présentant une insuffisance cardiaque modérée à sévère. L’amélioration de la tolérance à l’exercice et de la fréquence des symptômes de l’insuffisance cardiaque paraît soutenue chez des patients recevant du pimobendane. • • • En 1992, KATZ et al. [32] étudient les effets du pimobendane sur la performance ventriculaire gauche et la résistance à l’effort chez 52 patients souffrant d’insuffisance cardiaque congestive sévère malgré les traitements classiques à base de diurétiques, digoxine et IECA. Les patients reçoivent des doses orales de pimobendane de 5 ou 10 mg par jour pendant 4 semaines. Les auteurs observent qu’une dose unique de pimobendane augmente de façon significative la performance ventriculaire et diminue la pression capillaire pulmonaire de manière dose-dépendante, alors que la fréquence cardiaque et la pression artérielle systémique ne sont pas modifiées. Les patients recevant le pimobendane augmentent petit-à-petit leur résistance à l’effort au cours du traitement. En 1994, HAGEMEIJER[23] réalise une étude de la performance hémodynamique durant un exercice sur des patients insuffisants cardiaques graves avant et après une dose unique de pimobendane (10 mg per os). Là encore, le pimobendane présente des résultats encourageants puisqu’il diminue la sévérité et le temps de dyspnée due à l’exercice et améliore les paramètres hémodynamiques. En 2000, ISHIKI et al. [28] mettent en évidence les effets bénéfiques d’une dose unique, faible (2,5 mg), de pimobendane sur des patients atteints de CMD : ils observent, à court terme, des effets inotropes et lusitropes malgré la faible dose employée. D’après eux, il pourrait exister une différence entre la dose qui procure la réponse hémodynamique la plus importante (souvent des fortes doses utilisées dans les études), et celle qui entraîne une amélioration clinique à long terme (dose faible). Cependant chez l’homme, les études réalisées à long terme sont contradictoires. Une étude rapporte une baisse de l’activité vasodilatatrice après une thérapie orale de 6 mois. A l’opposé, une autre étude démontre une diminution de la résistance vasculaire systémique et pulmonaire persistante lors d’une thérapie à long terme. Le pimobendane est utilisé avec succès dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chez l’humain au Japon, mais n’est pas autorisé pour le moment dans les autres pays. 44 3) Le lévosimendane Le lévosimendane, énantiomère actif d’un dérivé de la pyridazinone-dinitrile, le simendane, est un nouveau calcium-sensibiliseur très récent. Figure 16 : Formule chimique du lévosimendane d’après INNES[27] Ses propriétés inhibitrices des PDE III se produisent uniquement à forte dose. Le mécanisme par lequel le lévosimendane agit in vivo est relativement similaire à celui des autres calciumsensibiliseurs : il augmente la contractilité myocardique en stabilisant la liaison troponine C/calcium, sans affecter directement l’interaction actine-myosine. Cependant, à la différence des autres calcium-sensibiliseurs, l’augmentation de l’affinité du calcium pour la troponine C est calcium-dépendante et se produit uniquement en présence de concentrations intracellulaires élevées en calcium, observées durant la systole[53]. Les effets du lévosimendane sont dose-dépendants. Après administration, il est massivement métabolisé en son métabolite actif, OR-1896. Les demi-vies d’élimination du lévosimendane et de OR-1896 sont respectivement de 0,6 à 1,4 heures et de 77 à 81 heures[27]. L’élimination du lévosimendane et de son métabolite est diminuée légèrement chez les patients atteints d’insuffisance rénale modérée. Plusieurs études ont investigué l’efficacité du lévosimendane sur des patients atteints d’insuffisance cardiaque. Elles ont mis en évidence ses effets vasodilatateurs et inotropes positifs, sans altération de la relaxation cardiaque. • En 1996, PAGEL et al. [53] démontrent que le lévosimendane augmente le débit cardiaque et améliore la fonction ventriculaire gauche, et diminue les résistances vasculaires systémiques sur des chiens anesthésiés recevant des perfusions de cette molécule (0,75 ou 1,5 ou 3 µg/kg/min). Le lévosimendane augmente le flux sanguin rénal, intestinal, hépatique, cérébral, et diminue les résistances vasculaires dans ces organes. • En 2003, INNES et WAGSTAFF[27] indiquent que le lévosimendane administré par voie intraveineuse à des humains souffrant d’insuffisance cardiaque décompensée est significativement plus efficace que la dobutamine ou le placebo. Il réduit également la mortalité et le risque d’aggravation de l’insuffisance cardiaque chez ces patients. Il est beaucoup mieux toléré que la dobutamine. 45 • • En 2004, LABRIOLA et al. [39] étudient les effets hémodynamiques du lévosimendane sur des humains présentant une insuffisance cardiaque avec un faible débit suite à une chirurgie cardiaque. Administré en intraveineux, le lévosimendane améliore les conditions hémodynamiques de 73 % des patients, dans les 3 heures suivant le début de la perfusion : l’index cardiaque et le volume éjecté sont augmentés, alors que la pression artérielle moyenne, l’index de résistance vasculaire systémique, la pression pulmonaire moyenne, la pression de l’atrium droit et la pression pulmonaire capillaire sont diminués. En 2004, KAHEINEN et al. [31] montrent que le lévosimendane exerce un effet inotrope positif sans augmenter la consommation en oxygène par le myocarde. Chez l’homme, le lévosimendane est utilisé par voie intraveineuse pour le traitement à court terme des insuffisances cardiaques sévères lors de décompensation aigüe. Il est administré en perfusion à raison de : une dose de 12 à 24 µg/kg suivie de 0,1 à 0,2 µg/kg/min pendant 24 heures. Ces doses sont ajustées selon la réponse et la tolérance du patient. Le débit cardiaque augmente de 30 % et la pression capillaire pulmonaire ainsi que les résistances vasculaires systémiques diminuent de 17 à 29 % chez ces patients. Le lévosimendane est généralement bien toléré. Les effets secondaires les plus courants sont les troubles du rythme et les maux de tête. A forte dose, certaines études rapportent quelques cas de tachycardie sinusale[27]. Le lévosimendane n’est pas encore utilisé chez le chien et peu d’études de cette molécule ont été réalisées dans cette espèce. CONCLUSION L’étude spécifique que nous venons de présenter montre à quel point la famille des agents tonicardiaques est vaste et, encore aujourd’hui, florissante. L’agent inotrope idéal devrait pouvoir améliorer la contractilité myocardique, augmenter l’apport d’oxygène aux tissus, diminuer la surcharge pulmonaire sans provoquer de troubles du rythme ni de surconsommation d’oxygène par le muscle cardiaque. Il devrait par ailleurs être actif per os et par voie intraveineuse, garder son efficacité à long terme tout en augmentant le confort et la morbi-mortalité des patients. Il y a une dizaine d’années, un tel agent inotrope n’existait pas encore. Les digitaliques étaient les seuls agents inotropes commercialisés en tant que tels et utilisables dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique. Aujourd’hui, de nouvelles molécules sont apparues et se rapprochent en théorie de l’agent inotrope idéal : ce sont les calcium-sensibiliseurs. En pratique, leurs effets sont encore à l’étude et nous n’avons que peu de recul sur leur efficacité au long cours. Le pimobendane possède toutefois une AMM en médecine vétérinaire en France à l’heure actuelle, pour le traitement des CMD et des endocardioses valvulaires chez le chien, et il semble très prometteur. Cependant la variété des situations cliniques en cardiologie vétérinaire fait que, pour le moment, il n’existe pas une thérapeutique inotrope unique mais plusieurs médicaments inotropes, avec divers effets et donc des indications différentes. Ce sont ces indications que nous allons maintenant étudier dans notre dernière partie. 46 TROISIEME PARTIE : UTILISATION DES INOTROPES EN MEDECINE VETERINAIRE CANINE Le cœur représente un organe fondamental au sein de l’organisme et sans doute le plus complexe de par sa fonction de véritable pompe musculaire, ses répercussions sur la circulation sanguine périphérique et ses interrelations avec d’autres organes vitaux (rein, poumons, foie…). Dans le système cardio-vasculaire, le paramètre régulé est la pression artérielle et non l’activité cardiaque ; ainsi, lorsque les capacités d’adaptations physiologiques sont dépassées, les tentatives de préservation de perfusion tissulaire se font aux dépens de l’intégrité du cœur. Lorsque les réserves cardiaques atteignent un certain seuil d’épuisement, un mécanisme physiopathologique s’installe de façon inexorablement évolutive vers l’insuffisance cardiaque. Ce syndrome manifesté par son caractère invalidant et son pronostic grave, est une affection multifactorielle. Celle-ci est fréquemment rencontrée chez le chien, et dans une moindre mesure chez le chat, relativement âgés. Selon son stade de gravité, elle se traduit par des signes cliniques spécifiques et par une diminution de l’espérance de vie. Malheureusement, le traitement étiologique n’est réalisable que pour une minorité de cas d’insuffisance cardiaque, si bien que le plus souvent, le clinicien devra s’orienter vers une thérapeutique symptomatique, voire palliative, incluant la thérapeutique inotrope positive. Désormais, l’apport de l’échocardiographie et l’apparition de nouvelles molécules représentent une avancée considérable en cardiologie vétérinaire et rendent nécessaire une réactualisation de la notion d’insuffisance cardiaque et de sa thérapeutique inotrope. Ainsi, notre troisième partie présentera, après un rappel de la notion d’insuffisance cardiaque, les bases du traitement inotrope de cette pathologie, lors de traitements longs ou en cas de décompensation brutale de l’animal. Nous aborderons également les autres utilisations possibles des inotropes en médecine vétérinaire, en particulier lors de chocs, en réanimation, en anesthésiologie ou encore comme thérapeutique anti-arythmique. Enfin, nous étudierons la cardiotoxicité potentielle des médicaments inotropes. 47 A/ UTILISATION DES INOTROPES DANS LE TRAITEMENT L’INSUFFISANCE CARDIAQUE EN MEDECINE VETERINAIRE DE 1) Physiopathologie de l’insuffisance cardiaque : rappels L’insuffisance cardiaque est l’incapacité du cœur à assurer un débit suffisant correspondant aux besoins tissulaires. Cette définition classique est ambiguë : la fonction du myocarde peut être largement altérée mais grâce à certains effets compensateurs, le débit cardiaque peut rester suffisant. Il semble donc préférable de parler d’insuffisance cardiaque lorsqu’il existe une diminution de la valeur fonctionnelle de la pompe cardiaque, qui peut se manifester par des anomalies cliniques, anatomiques ou même hémodynamiques, et une insuffisance circulatoire connue pour son retentissement viscéral. Il ne faut donc pas confondre l’insuffisance cardiaque et l’altération de la capacité intrinsèque du myocarde à se contracter : en effet, il n’y a jamais d’insuffisance cardiaque sans altération de la contractilité cardiaque, alors qu’il peut exister une altération de la fonction myocardique sans insuffisance cardiaque [55]. L’insuffisance cardiaque est une notion essentiellement clinique, fondée sur des signes ou des symptômes cliniques. La figure 17 [29] montre les principales étapes de la physiopathologie de l’insuffisance cardiaque congestive. Initialement, certaines conditions vont compromettre la fonction ventriculaire gauche ou réduire le débit cardiaque. De telles conditions incluent les cardiomyopathies dilatées ou les surcharges volumiques chroniques dues par exemple à une insuffisance valvulaire mitrale. Ceci entraîne une diminution de la pression artérielle systémique. La perfusion des tissus et des organes est compromise et la réponse des barorécepteurs et de l’appareil juxtaglomérulaire est une augmentation de l’activité nerveuse orthosympathique. La fréquence cardiaque augmente alors pour élever le débit cardiaque, et l’augmentation de tension des muscles lisses vasculaires provoque une vasoconstriction veineuse et artérielle. La pression veineuse augmente alors d’où une élévation de précharge pour le cœur. En accord avec les lois de Frank-Starling, une augmentation de précharge entraîne une augmentation du volume éjecté. La vasoconstriction artérielle augmente la résistance vasculaire systémique, ou postcharge, qui oppose une résistance à l’effort cardiaque pour l’éjection du sang. La postcharge élevée participe cependant au maintien de la pression artérielle et de la perfusion tissulaire[29]. D’autres mécanismes, plus lents, participent au mécanisme de l’insuffisance cardiaque. La baisse de perfusion rénale stimule le système rénine-angiotensine-aldostérone. 48 Figure 17 : Physiopathologie de l’insuffisance cardiaque congestive : les mécanismes compensateurs, d’après JACOBS[29] 49 En résumé, lorsque l’organisme est face à une fonction ventriculaire gauche défaillante, une baisse du débit cardiaque, et une faible pression artérielle, des mécanismes compensateurs sont activés. Ces mécanismes apportent des bénéfices : l’augmentation de précharge permet de maintenir un débit cardiaque correct, et l’augmentation des résistances périphériques vasculaires participe au maintien de la pression artérielle pour préserver l’apport d’oxygène aux organes vitaux. Cependant il y a également des inconvénients à l’activation de ces mécanismes compensateurs : suite à l’élévation de la fréquence cardiaque et des résistances vasculaires systémiques, le cœur, déjà altéré dans sa fonction par la pathologie existante, doit travailler encore plus. De plus, l’élévation de la fréquence cardiaque implique une diastole plus courte, d’où une détérioration de la perfusion coronarienne. Ces facteurs ne font qu’aggraver la détérioration progressive de la fonction cardiaque. Les mécanismes compensateurs contribuent à l’apparition des symptômes et à la progression de l’insuffisance cardiaque congestive (ICC). L’insuffisance cardiaque est toujours une affection grave, puisqu’il n’y a pas de traitement permettant de faire disparaître l’hypocontractilité myocardique. Il est donc logique que le traitement de l’ICC soit basé sur l’atténuation des mécanismes compensateurs en modifiant les déterminants de la performance cardiovasculaire. En d’autres termes, le but du traitement de l’ICC est de maintenir le débit cardiaque et la pression artérielle, mais avec une précharge et une postcharge diminuées. La stratégie de ce traitement comprend donc 6 points importants : - diminuer le travail cardiaque - identifier et éliminer les facteurs précipitant l’ICC - contrôler les arythmies cardiaques si nécessaire - diminuer la précharge - augmenter la contractilité - diminuer la postcharge. Ces 6 points ne doivent pas forcément être appliqués dès le départ à n’importe quel patient, il est nécessaire d’établir une stratégie thérapeutique adaptée pour chaque patient, en fonction de la nature de sa pathologie cardiaque, de son état clinique, de l’évolution de ses symptômes. En effet, les affections pouvant conduire à l’insuffisance cardiaque sont nombreuses. Il est commode de distinguer les surcharges mécaniques qui augmentent le travail du cœur, des atteintes de la fibre myocardique qui altèrent globalement le fonctionnement cardiaque. Les surcharges mécaniques comprennent : - les cardiopathies valvulaires, très fréquentes en médecine vétérinaire, qui constituent la plus grosse source d’IC. Elles résultent d’anomalies congénitales, de dégénérescence (endocardiose), d’inflammation (endocardites). L’endocardiose mitrale et tricuspidienne sont particulièrement fréquentes chez le chien après l’âge de 5 ans. - les cardiopathies congénitales - les affections parasitaires cardiaques - les tumeurs - les obstacles vasculaires 50 Les atteintes de la fibre myocardique peuvent être causées par : - des maladies infectieuses ou des toxi-infections - des intoxications - des maladies métaboliques - des cardiomyopathies, fréquentes chez le chat (cardiomyopathie hypertrophique) et le chien de grande taille (cardiomyopathie dilatée) [55]. Il existe plusieurs méthodes pour évaluer la sévérité d’une insuffisance cardiaque en se basant sur les symptômes de l’animal. La plus utilisée est la classification fonctionnelle de la NYHA (New York Heart Association)[49]: - Classe I: signes objectifs de maladie cardiaque mais pas de symptômes d’insuffisance cardiaque - Classe II : signes objectifs de maladie cardiaque avec symptômes d’IC à l’effort uniquement - Classe III : Symptômes d’IC au moindre effort, même léger, ou la nuit (toux, orthopnée) - Classe IV : Symptômes d’IC en permanence. Il y a quelques années, une autre classification fonctionnelle est présentée, l’ISACHC (International Small Animal Cardiac Health Classification) : - ISACHC I : signes d’insuffisance cardiaque (auscultation) sans symptôme apparent I-a : radiographie : silhouette cardiaque normale I-b : radiographie : modification de taille de la silhouette cardiaque - ISACHC II : symptômes discrets d’IC : diminution de la tolérance à l’effort (avec dyspnée, toux), augmentation fréquente de la fréquence respiratoire au repos. - ISACHC III : Dyspnée et toux au repos, grave intolérance à l’effort, modification de taille importante de la silhouette cardiaque à la radiographie, et images d’oedeme pulmonaire III-a : traitement médical possible à domicile III-b : hospitalisation indispensable à la stabilisation de l’état clinique Les inotropes forment une classe pharmacologique hétérogène, avec pour la plupart des effets secondaires non négligeables : leurs indications et leurs conditions d’emploi sont donc bien ciblées. Actuellement, le traitement le plus couramment rencontré lors d’ICC chronique comprend un diurétique, souvent le furosémide, et un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), souvent l’énalapril ou le bénazépril. Les inotropes restent malgré tout incontournables dans certaines conditions, car ils sont les seuls à pouvoir rendre au cœur sa fonction de pompe lorsqu’elle ne permet plus de couvrir les besoins tissulaires. En médecine vétérinaire, les inotropes sont employés dans certains traitements au long cours de l’ICC chronique, mais aussi en thérapeutique d’urgence, lors de décompensation aiguë d’ICC. 51 2) Les inotropes en thérapeutique de l’insuffisance cardiaque à long terme Les cardiopathies accompagnées d’une perte nette de la contractilité ne dominent pas la pathologie cardiaque chronique des carnivores. Les cardiomyopathies dilatées, chez les chiens de races de grande taille, sont quasiment les seules affections pour lesquelles un traitement inotrope sensu stricto apporte un bénéfice réel. L’insuffisance mitrale s’accompagne d’un déficit contractile tardivement au cours de son évolution. En conséquence, l’association d’un inotrope au traitement doit être pesée en termes de rapport risques/bénéfices. Malgré tout, la digoxine reste largement employée[19]. Les inotropes sont contre-indiqués dans toutes les pathologies cardiaques où la fonction diastolique est compromise, comme les cardiomyopathies hypertrophiques. a- digitaliques et traitement de l’insuffisance cardiaque à long terme Ancestralement, les cliniciens débutaient le traitement digitalique parallèlement aux diurétiques dès les premiers signes d’IC (stade II), avant l’utilisation des vasodilatateurs. Depuis, leur emploi systématique a été remis en question suite à plusieurs constatations[19] : - leur efficacité toute relative sur la fonction ventriculaire et l’hémodynamique : une étude[36] montre que les digitaliques ne donnent pas de résultats satisfaisants pour 40% des chiens atteints de CMD : leur survie n’est que de quelques semaines ; pour ceux qui répondent favorablement, la durée de vie prolongée atteint seulement quelques mois. - leur toxicité intrinsèque - l’amélioration de l’état clinique de nombreux patients suite à l’arrêt d’une longue période de digitalisation ; une étude a montré qu’un lot de chiens traités par placebo-diurétiques avait une meilleure survie que ceux sous digitalo-diurétiques [34]. Cependant, GAILLOT[18] montre, dans un essai comparatif, qu’il n’existe pas de différences significatives entre deux lots d’animaux insuffisants cardiaques traités les uns avec les digitaliques, les autres avec le pimobendane. De plus, au cours de la dernière décennie, les résultats de plusieurs essais contrôlés randomisés ont confirmé l’intérêt de l’utilisation de la digoxine seule ou en association à des vasodilatateurs chez des patients en IC due à une insuffisance ventriculaire gauche systolique prédominante[34, 38]. En définitive, les digitaliques ont des effets cardio-vasculaires globalement favorables dans le traitement de fond de l’IC, notamment en association avec d’autres classes thérapeutiques. L’appréciation clinique de leur efficacité dans le cadre d’une polythérapie ne peut s’apprécier que si elle est obtenue après l’addition du digitalique au traitement diurétique et vasodilatateur devenu insuffisant. Ce cas de figure est souvent observé dans les stades évolués d’insuffisance mitrale. Les digitaliques ont donc bien un intérêt mais ils doivent être réservés à certains stades, selon le type de cardiopathie en cause, et surtout appréciés au cas par cas. Par exemple, la mesure échocardiographique de la fraction de raccourcissement révèle que nombres d’insuffisances cardiaques ne s’accompagnent pas d’une diminution de contractilité myocardique ; c’est le cas fréquent dans les premiers stades d’insuffisance valvulaire[46]. Par ailleurs, augmenter la contractilité en cas d’insuffisance auriculo-ventriculaire revient à accroître la régurgitation et donc à aggraver l’IC à partir du moment où elle est compensée[46, 7]. 52 Pour ces raisons, il est préférable de différer la prescription des digitaliques aux stades III ou IV selon les cas, lorsque les diurétiques et vasodilatateurs ne contrôlent plus les signes cliniques d’ICC. INDICATIONS - - anti-arythmiques supra-ventriculaires (cf : partie C/) insuffisance de contractilité myocardique dans l’ICC, droite, gauche ou globale, généralement au stade III quelque soit son origine (régurgitation mitrale, CMD, canal artériel avec shunt gauche-droite, dirofilariose, sténose de la valvule pulmonaire non compliquée de shunt droitegauche). La digoxine semble plus efficace lorsque l’IC est liée à un dysfonctionnement chronique important de la systole ventriculaire notamment avec cardiomégalie ; le signe le plus fiable est la présence d’un troisième bruit cardiaque[46, 34]. CMD : perte idiopathique d’inotropisme (forme Cocker) et perte de tonotropisme (formes classiques) chez le chat, déficience myocardique associée à une carence en taurine[7] MODALITES D’UTILISATION Choix du glycoside cardiotonique [34,38,48,22,7] La connaissance pharmacologique des principaux représentants utilisés en médecine vétérinaire permet leur emploi de façon rationnelle, adaptée au cas par cas, et d’éviter ainsi les troubles liés à une toxicité ou à une utilisation non justifiée. Tableau 3 : Pharmacologie comparée de la digoxine et de la digitoxine, d’après GUYOT[22] 53 Dans l’ensemble, l’utilisation de la digoxine doit être préférée à celle de la digitoxine : - la digoxine procure un effet thérapeutique pour des concentrations sériques très inférieures à celles de la digitoxine ; malgré sa plus grande toxicité, la digoxine est beaucoup plus active que la digitoxine, cette dernière doit donc être prescrite à des doses beaucoup plus élevées (de l’ordre de 0,1 mg/kg)[7,22]. - les comprimés de digoxine sont sécables, ce qui est préférable pour le chat d’autant plus qu’il supporte mal l’élixir (salivation excessive). - la demi-vie de la digitoxine est variable et très longue (>100 h) chez le chat ; la digitoxine ne doit donc pas être utilisée dans cette espèce[7,22]. - irrégularité d’obtention d’un taux sérique efficace (35 nmol/ml) avec la digitoxine. En médecine vétérinaire, la digoxine est le glycoside cardiotonique de choix ; elle est préférée à la digitoxine pour une digitalisation à long terme sous forme de comprimés sécables[7]. Détermination de la posologie Compte tenu du faible indice thérapeutique, la détermination de la posologie devra être très précise de façon à maintenir des concentrations plasmatiques stables dans l’intervalle thérapeutique (0,8 à 2,4 µg/l) pour la digoxine, sans toutefois atteindre la toxicité. Elle peut se manifester pour une digoxinémie >2,5 µg/l [46]. La détermination de la posologie devra également tenir compte des facteurs de variations : - l’espèce : la dose moyenne d’entretien orale recommandée pour la digoxine est de : 0,01 à 0,02 mg/kg/j chez le chien 0,01 mg/kg/j chez le chat - le poids et la surface corporelle[25,46,38] : la digoxine ne diffuse pas dans le tissu adipeux, par conséquent le dosage doit être basé sur la masse maigre corporelle. Chez un sujet normalement conformé, la masse adipeuse représente environ 15% de la masse totale ; une correction de la posologie à la baisse s’impose sur les animaux obèses, sinon on s’expose à un risque de surdosage et donc de toxicité. D’une façon générale, il est préférable de se référer à la surface corporelle lorsque l’on administre un médicament à IT faible (digitaliques, chimiothérapie anticancéreuse…), notamment pour les grandes races de chiens où le rapport entre surface corporelle et masse corporelle est proportionnellement inférieur à celui des petites races. Pour le moment, cette méthode semble la meilleure même si elle admet certaines limites. Pour la digoxine, la posologie recommandée devient[46] : 0,22 mg/m2 2 fois par jour Une étude portant sur la digitalisation de 10 chiens atteints d’ICC a montré une diminution significative de prévalence d’intoxications à la digoxine en établissant la posologie d’après le calcul de la surface corporelle plutôt que proportionnelle au poids[7]. - l’âge : compte-tenu du vieillissement organique, d’une plus grande fréquence d’hypokaliémie et d’une plus grande sensibilité des récepteurs myocardiques aux digitaliques, les doses d’attaque et d’entretien doivent être diminuées chez le sujet âgé. - pharmacocinétique : la demi-vie conditionne le rythme d’administration ; bien que celle de la digoxine soit supérieure à 12 heures en moyenne, il est préférable de répartir la posologie quotidienne en deux prises à 12 heures d’intervalle de façon à éviter que le pic sérique atteigne le seuil de toxicité. La posologie de la digoxine devra être réduite à raison de 10 % si une analyse biochimique révèle une insuffisance hépatique. L’élimination est rénale à 90 % pour la digoxine : il convient de diviser de moitié la posologie théorique calculée en cas d’insuffisance rénale pour chaque augmentation de 18 mmol/l de la créatinine. - forme galénique : la biodisponibilité d’un élixir étant supérieure à celle d’un comprimé, il est préférable de réduire de 15 % sa dose[7] (25% selon MERRETT [45]). 54 - associations médicamenteuses : un certain nombre de médicaments potentialisent les effets pharmacologiques et toxiques des digitaliques et requièrent une adaptation particulière de la posologie[7] : le vérapamil, la quinidine, l’amiodarone, la spironolactone et toutes les substances qui diminuent la kaliémie (insuline, corticoïdes, glucose, laxatifs…) ou qui augmentent le Ca2+ : il convient d’éviter l’association orale avec les anti-acides, kaolin, pectines, néomycine, qui inhibent l’absorption des digitaliques. Les anti-cholinergiques ont un effet inverse[46,48]. - compte-tenu de la relative hydrosolubilité de la digoxine, il convient de réduire la dose en cas d’ascite de 10 à 40 % selon la gravité de l’épanchement[46, 25]. Il faut redoubler de vigilance en cas d’association aux diurétiques : en réduisant les volumes liquidiens, ils augmentent leur concentration en digitaliques, par conséquent, ils conduisent à une concentration tissulaire plus importante, notamment si le diurétique utilisé est puissant (furosémide) dans le but de résorber efficacement l’œdème. - réduire la dose en cas d’hypothyroïdie car elle réduit l’excrétion des digitaliques ou en cas d’hyperthyroïdie qui augmente la sensibilité aux digitaliques des cellules myocardiques et du réseau de Purkinje[46]. Modalités de la digitalisation - utilisation d’une dose de charge : Elle correspond au traitement d’attaque, réalisable de façon rapide ou lente selon le rythme et l’importance quantitative de la dose utilisée. Cette méthode désuète permet d’atteindre rapidement les concentrations plasmatiques thérapeutiques de façon à ce que les effets pharmacodynamiques puissent avoir des répercussions cliniques immédiates (diminution de toux, dyspnée, fatigue…) et permettant de juger rapidement des chances de succès de cette classe thérapeutique pour un animal donné. Le protocole digoxine classique utilisé chez le chien est de débuter avec une dose d’attaque de 0,02 et 0,04 mg/kg toutes les 12 heures pendant 48 heures. Le traitement est poursuivi par une dose d’entretien quotidienne déterminée selon la réponse clinique. Des travaux sur la mesure des concentrations plasmatiques de digoxine avec et sans utilisation d’une dose de charge ont conduit à abandonner les digitaliques dans les urgences cardiocirculatoires[46] ; en effet, l’utilisation initiale d’une dose journalière constante permet d’obtenir au bout de quelques jours des taux sériques équivalents à ceux de la méthode employant des doses importantes en début de traitement (dose de charge) et ce, sans risque d’intoxication[38, 34]. - digitalisation progressive : A l’inverse, ATKINS et al. [3] pensent qu’il est moins risqué, notamment sur des sujets âgés, des chiens de grande race, et chez le chat, de débuter avec une dose minimale et de l’augmenter progressivement jusqu’à ce que les effets attendus se produisent. On utilise la digoxine à la dose de 0,01 à 0,02 mg/kg/j en deux prises. La dose d’entretien est dictée par l’effet obtenu, ce qui nécessite de revoir l’animal tous les 2 à 4 jours. - dose d’entretien : Suite à l’utilisation d’une dose de charge, 3 à 4 demi-vies sont nécessaires pour que les concentrations sériques de digoxine soient stabilisées à 90 % à la dose d’entretien ; en d’autres mots, il faut au minimum 4 à 5 jours pour que la digoxine parvienne à des niveaux thérapeutiques sériques constants et non toxiques. Cela est obtenu pour la digoxine à raison de : 0,015 mg/kg/j en 2 prises chez le chien 0,007 à 0,01 mg/kg/j en 2 prises chez le chat Cette dose d’entretien correspond à la dose quotidienne nécessaire pour maintenir l’effet thérapeutique. Elle varie entre le dixième et le cinquième de la dose totale de charge[49]. 55 La digitalisation continue donne de bons résultats et s’avère d’un emploi aisé en clientèle puisque ne nécessite pas d’hospitalisation de l’animal. En commençant d’emblée le traitement avec une dose d’entretien de 0,01 mg/kg 2 fois par jour à 12 heures d’intervalle, il n’existe pas d’intoxication due aux doses de charge. En revanche, plusieurs jours de traitement sont nécessaires pour que le médicament s’accumule et atteigne le taux d’efficacité thérapeutique : après avoir fixé une dose quotidienne dès le début du traitement, si la réponse est favorable au bout de 10 jours, on modifie la dose en conséquence et une nouvelle période d’observation de10 jours est instaurée. Il faut donc 3 à 4 semaines pour établir la dose thérapeutique convenable. Usuellement, elle est de : 0,017 à 0,02 mg/kg/j. La préférence actuelle est donc à la digitalisation continue : simple, efficace, et peu risquée, elle nécessite cependant une surveillance attentive de l’animal par son propriétaire. CONDUITE A TENIR FACE AU RISQUE DE TOXICITE La pharmacologie des digitaliques est dominée par la notion d’accumulation progressive. Celle-ci est d’autant plus à craindre que les doses sont élevées et que la qualité des voies d’élimination est altérée. Dosage de la digoxinémie La connaissance de la concentration plasmatique du digitalique utilisé fait partie intégrante du suivi thérapeutique. Ce dosage a été un progrès important mais a des limites car il est difficile ; il doit donc être réservé à quelques laboratoires spécialisés. Une première prise de sang réalisée 8 heures après la dernière prise orale s’impose au terme d’une semaine à 10 jours[46] de digitalisation de façon à quantifier et situer la concentration plasmatique du principe actif et vérifier qu’on est dans la fourchette thérapeutique, aussi étroite soit-elle. Le taux sérique correspondant à une concentration thérapeutique efficace se situe dans un intervalle restreint compris entre 0,9 et 2,0 ng/ml. Une concentration inférieure à 1 ng/ml est inefficace alors que le seuil de toxicité est atteint à 2,5 ng/ml[46]. Le renouvellement périodique de cette analyse (tous les 6 mois) est souhaitable à divers titres : il permet un réduction notoire de l’incidence des manifestations toxiques, de diagnostiquer une intoxication et d’adapter la posologie à l’échelon individuel[48]. Analyses biochimiques La détermination des taux sériques en urée-créatinine, K+, Mg2+, Na+ avant même le début du traitement permet de s’assurer qu’il n’y a pas de contre-indication relative à une insuffisance rénale, une hypokaliémie… auquel cas, il convient de réduire la dose ou de corriger au préalable les éventuels déséquilibres électrochimiques : il semble que l’apparition d’intoxication aux digitaliques soit plus probable lors d’hypomagnésiémie. L’hypokaliémie augmente la pénétration des digitaliques dans le myocarde et potentialise le risque de toxicité. En cas d’insuffisance rénale sévère, il est dangereux de prescrire la digoxine, lui préférer la digitoxine[46,48,34]. 56 Signes cliniques Il est indispensable d’assurer un suivi régulier de la réponse clinique de l’animal en terme d’amélioration (diminution de la fatigabilité et autres signes d’ICC) ou d’apparition des signes d’intoxication représentés par [38] : - fatigue, asthénie, dépression - anorexie - vomissements (fréquents entre la troisième et la sixième administration, sans gravité sauf s’ils persistent malgré la réduction de la posologie et le traitement symptomatique anti-émétique. Ces signes apparaissent précocement et représentent une alarme qui doit permettre d’intervenir avant que les troubles plus graves, notamment cardiaques, n’apparaissent. C’est la raison pour laquelle, il est tout-àfait irresponsable car dangereux de prescrire des digitaliques sans examen électrocardiographique au préalable)[25]. Suivi électrocardiographique L’étude ECG permet un suivi rigoureux des effets produits : - l’augmentation (de 0,13 à 0,9 s par exemple) trop importante de l’intervalle P-Q après une semaine de traitement est un signe de toxicité. - l’apparition de troubles du rythme doit être analysée et faire craindre une intoxication[46] ou une intolérance : * BAV1 : action dromotrope négative trop importante (intervalle R-R doublé) * bloc sino-auriculaire de type 2 Ces deux troubles se rencontrent en particulier sur des cœurs sains digitalisés. * onde S-T en cupule (rare chez le chien, fréquent chez l’homme). - effet bathmotrope positif au niveau ventriculaire, responsable de tachycardie ventriculaire grave, d’extra-systoles ventriculaires gauches de forme bigéminées ; ces troubles apparaissent particulièrement sur un myocarde endommagé. Notons qu’il est parfois difficile de différencier une arythmie consécutive à une digitalisation trop forte d’une arythmie provoquée par l’IC elle-même. En cas d’intoxication, il convient d’intervenir efficacement[46] : 1. cesser l’administration pendant au moins 24 à 48 heures ou jusqu’à régression des signes cliniques 2. mesurer la digoxinémie 3. identifier les causes favorisantes : - insuffisances rénale et/ou hépatique - surdosage - troubles électrolytiques Mesurer la kaliémie : si celle-ci est inférieure à 4 mEq/l, il convient d’administrer un complément potassique en injectant 1 à 5 ml de KCl en solution à 4 % ou par un apport de sels organiques (Kaléorid ND) à raison de 0,25 à 0,5 g/j. - amaigrissement (une insuffisance cardiaque droite est cachectisante). Le suivi du poids de l’animal permet de contrôler la dose. 57 4. faire l’interrogatoire du propriétaire (savoir si le traitement a été suivi conformément à la prescription) 5. traiter l’intoxication : lors de tachycardie ventriculaire, la phénytoïne ou la lidocaïne peuvent être administrées par voie veineuse à la dose de 1 à 3 mg/kg en 1 à 2 minutes suivies d’une perfusion au débit de 30 à 80 mg/kg/min[7]. le propranolol peut aussi être utilisé, la procainamide étant moins efficace et la quinidine contre-indiquée[7]. Des fractions purifiées d’anticorps de la digoxine ont montré une réelle efficacité comme antidotes de l’intoxication à la digoxine chez l’homme. Malheureusement ils restent très coûteux[7,46,34]. En définitive, le risque d’apparition d’effets secondaires et toxiques est tel que leur utilisation doit être raisonnée, non systématique, en s’assurant qu’il n’y ait pas de contre-indication. Dans un certain nombre de cas, il est préférable d’éviter leur administration dans la mesure où il serait plus probable d’obtenir un effet néfaste qu’une amélioration. CONTRE-INDICATIONS Relatives : - lorsque l’IC ou le déficit contractile reste bien compensé cliniquement avec un rythme sinusal inférieur à 150 batt/min[7]. - lors de tachycardie sinusale sans IC ou due à une fièvre, thyrotoxicose, péricardite…[46,48]. - insuffisances rénale avancée (digoxine) ou hépatique (digitoxine). - quand les signes pulmonaires d’ICG disparaissent avec vasodilatateurs seuls ou associés aux diurétiques. - Quand on a la preuve échocardiographique d’un inotropisme conservé (par exemple, risque de rupture de cordes tendineuses lors de régurgitation mitrale). - A chaque fois que l’on est en présence d’une ICC résultant d’une insuffisance de compliance diastolique (CMH, hypertrophie ventriculaire gauche avec fraction d’éjection conservée). - Au stade IV d’IC avancée, sujette aux ectopies ventriculaires[7,38]. La dilatation cavitaire qui suit la perte d’inotropisme et de tonotropisme dans les CMD limite l’emploi des digitaliques du fait de leur moindre action sur un cœur dilaté (cœur en besace). L’apparition de troubles du rythme ventriculaire dans les formes évoluées des CMD en contre-indique formellement l’utilisation. Absolues : - tachyarythmies ventriculaires (fibrillation, extra-systoles polymorphes…) - blocs auriculo-ventriculaires graves (aggravés par l’effet dromotrope négatif des digitaliques)[46,48] - cardiomyopathies obstructives - endocardites - myocardites aiguës - intoxication aux digitaliques auquel cas l’arrêt de leur administration, au moins ponctuel, doit être immédiat, sinon les effets délétères (troubles du rythme et hémodynamiques) conduisent rapidement à la mort de l’animal 58 Les digitaliques demeurent les seuls inotropes, tonotropes positifs et chronotropes négatifs utilisables chez l’animal de compagnie par voie orale à long terme. En raison de leur faible indice thérapeutique et des variations individuelles de leur réponse[34,65], une connaissance solide du composé employé est indispensable. Associée à la possibilité de mesurer leur concentration plasmatique, cette connaissance doit permettre d’éviter les intoxications sévères chez le chien et le chat. Malgré tout, l’utilisation raisonnée et non empirique de ces médicaments actifs ne doit pas faire craindre les accidents et conduire le clinicien à l’utilisation de doses inefficaces. b- agonistes β-adrénergiques et traitement de l’insuffisance cardiaque à long terme Le phénomène de « down-régulation » observé dans la famille des agonistes β-adrénergiques, ainsi que leurs effets sur la demande en oxygène du myocarde, limite leur utilisation au traitement de l’IC à court terme, lors de décompensation aiguë, ou en urgence (cf. partie A/3)). c- inhibiteurs des PDE et traitement de l’insuffisance cardiaque à long terme L’amrinone et la milrinone sont les deux inhibiteurs des PDE III qui sont potentiellement prometteurs dans le traitement de l’IC. La milrinone est étudiée depuis de nombreuses années comme traitement de l’IC à long terme. Pour de nombreux auteurs[29,38,7], la milrinone développe un meilleur potentiel inotrope que la digoxine et semble donc plus apte à soutenir le travail cardiaque lors d’un traitement d’une IC. De plus, son emploi est moins risqué puisque l’écart entre les concentrations sériques thérapeutiques et toxiques est plus important. Pour JACOBS [29], ses effets vasodilatateurs périphériques et inotropes améliorent réellement la performance cardiaque. Cependant, il insiste sur le fait que l’emploi de la milrinone chez les chiens atteints de cardiomyopathie grave avec éventuellement des troubles du rythme ventriculaire doit se faire sous surveillance ECG : en effet, la milrinone entraîne une hypotension qui génère une tachycardie réflexe et des arythmies peuvent apparaître. Suite à une administration orale, les effets débutent environ 30 minutes après la prise. La demi-vie chez le chien est de 2 à 3 heures mais les effets cardiovasculaires persistent de 8 à 12 heures. La dose utilisée par JACOBS[29] est de 0,5 à 1 mg/kg 2 à 3 fois par jour. D’après KNIGHT[38], la milrinone et la digoxine auraient des effets additifs. De plus, une utilisation en parallèle avec des IECA auraient des résultats bénéfiques chez le chien insuffisant cardiaque. La milrinone n’est pas encore utilisée en thérapeutique à long terme de l’IC en médecine vétérinaire. Elle semble prometteuse et efficace à long terme, même si des études sont encore nécessaires quant à son utilisation. Son emploi est toutefois risqué lors de cardiomyopathies sévères chez le chien (CMD)[7,29]. La milrinone (PrimacorND) et l’amrinone (InocorND) sont disponibles pour l’usage humain mais uniquement sous forme injectable par voie intraveineuse. Leur utilisation est donc restreinte aux traitements courts des IC aiguës en urgence (voir partie A/3))[25, 15]. L’énoximone (PerfaneND) est également disponible sous forme injectable, elle présente une bonne efficacité dans les traitements d’urgence[25]. La vesnarinone est actuellement en cours d’étude chez les chiens atteints de CMD notamment [7]. 59 d- « calcium-sensibiliseurs » et traitement de l’insuffisance cardiaque à long terme : le pimobendane La thérapeutique cardiaque s’est enrichie récemment d’une nouvelle molécule, le pimobendane, appartenant à cette nouvelle classe thérapeutique que sont les calciumsensibiliseurs. Comme nous l’avons vu dans la partie II-D/2), les effets du pimobendane sont reliés à deux modes d’actions à priori distincts : l’inhibition des PDE III au niveau de la couche musculaire lisse des vaisseaux sanguins veineux, artériels et coronaires, et la sensibilisation au calcium de la tropomyosine au niveau des fibres musculaires myocardiques. Il entraîne ainsi une vasodilatation périphérique et des effets inotrope et tonotrope positifs. C’est donc un inodilatateur. INDICATIONS La plupart des essais cliniques ont été construits chez des chiens atteints d’ICC. Ils incluent des chiens atteints de valvulopathie, les insuffisances mitrales qui constituent l’affection de loin la plus fréquente, ou de CMD, la seconde affection qui atteint surtout les chiens de grande race. L’indication de l’AMM française est donc officiellement limitée au « traitement de l’insuffisance cardiaque congestive due à une cardiomyopathie dilatée ou une endocardiose, valvulaire mitrale ou tricuspidienne, si nécessaire en association avec un diurétique ». Cette AMM est très récente, en effet, il y a encore quelques mois, elle était limitée strictement aux CMD. Mais l’efficacité du pimobendane comme thérapeutique au long cours des endocardioses valvulaires a été prouvée plus d’une fois, et encore récemment dans de nombreuses études, comme l’étude VetSCOPE menée par LOMBARD[41]. VetSCOPE compare les effets sur la survie et sur l’efficacité clinique du pimobendane et du bénazépril administrés à des chiens atteints d’endocardiose valvulaire. L’état clinique des animaux est évalué par la classification des IC de l’ISACHC. Après 56 jours de traitement, l’état clinique est amélioré chez 84 % des animaux traités par le pimobendane contre 56 % traités par le bénazépril (figure 18). Les analyses statistiques concernant la survie sur 56 jours sont également en faveur du pimobendane (figure 19). Des estimations statistiques concernant la survie, après 56 jours, des animaux ayant reçu du pimobendane par rapport à ceux n’en ayant pas reçu, ont été réalisées (figure 20). La médiane de survie des animaux recevant le pimobendane serait de 430 jours contre 228 jours pour ceux n’en recevant pas. 60 Figure 18 : Modifications de score ISACHC entre les animaux traités au pimobendane et au bénazépril, d’après LOMBARD[41] modifiée Figure 19 : Estimation statistique de la survie sur une période de 56 jours. Comparaison en double aveugle des deux groupes pimobendane/bénazépril, d’après LOMBARD[41], modifiée 61 Figure 20 : Estimation statistique de la survie à long terme. Comparaison en double aveugle entre deux groupes pimobendane/non traités, après 56 jours de traitement, d’après LOMBARD[41], modifiée. La CMD semble également être une très bonne indication au traitement par le pimobendane. Pour HERVE[25], le pimobendane , en association avec les traitements classiques (IECA, furosémide, digoxine), permet une nette amélioration du statut clinique et de l’espérance de vie chez les chiens atteints de CMD. Ces résultats ont été confirmés par FUENTES et al.[16] et O’GRADY et al.[50]. 62 MODALITES D’UTILISATION Le pimobendane est commercialisé en médecine vétérinaire sous le nom de VetmedinND et il est disponible en gélules de 1,25 ou 2,5 ou 5 mg. Le mode d’emploi du pimobendane comprend deux administrations journalières de : 0,25 mg/kg/12 h et à jeun. Il est recommandé de ne pas nourrir le chien dans l’heure suivant l’administration, car la résorption digestive du pimobendane se fait rapidement dans l’estomac, et sa biodisponibilité est nettement diminuée lors d’ingestion simultanée de nourriture. Ses effets ne se prolongent que pendant 8 à 12 heures ce qui nécessite la prise biquotidienne[64, 4]. Les modes d’action du pimobendane étant très différents de ceux des autres médicaments utilisés en cardiologie, il se combine sans interaction positive ou négative avec les IECA ou les diurétiques. L’AMM signale une diminution de l’effet inotrope en cas d’utilisation conjointe avec des antiarythmiques inotropes négatifs comme le vérapamil (inhibiteur calcique) ou des β-bloquants (propranolol). Sa combinaison avec la digoxine est surtout justifiée lors d’emploi des digitaliques comme antiarythmique[24, 64]. En outre, l’élimination est à 95 % fécale et n’est donc pas modifiée en cas d’insuffisance rénale, par exemple consécutive à une hypoperfusion rénale due à une trop forte dose de diurétique chez un chien traité par un IECA[64, 4]. EFFETS SECONDAIRES La marge de sécurité du pimobendane semble relativement élevée et les effets secondaires sont rarement observés à dose thérapeutique. Chez le chien, un effet chronotrope positif modéré et des vomissements sont survenus chez quelques rares cas lors de surdosage. Ces effets secondaires sont dose-dépendants et peuvent être évités en réduisant la dose administrée[4,19]. Au contraire de la milrinone, peu de cas d’arythmies ventriculaires ont été répertoriés en médecine humaine et le risque de mort subite n’est pas plus élevé. Par contre, une étude réalisée chez des chiens atteints d’infarctus myocardique récent a révélé une augmentation de l’incidence de fibrillation ventriculaire ischémique secondaire à l’administration intraveineuse de pimobendane. Celui-ci tend également à augmenter le risque de mortalité sur une période de 24 heures après une ischémie myocardique récente[4]. Le pimobendane n’est actuellement pas disponible sous forme injectable en médecine vétérinaire. CONTRE-INDICATIONS Le pimobendane est contre-indiqué lors de cardiomyopathie hypertrophique ou toute autre condition où une augmentation du débit cardiaque n’est pas souhaitable. Le pimobendane associé à la thérapie conventionnelle constitue une médication efficace dans le traitement au long cours de l’insuffisance cardiaque congestive chez le chien. Il démontre clairement un effet bénéfique sur les différents paramètres hémodynamiques sans augmenter les besoins en oxygène du myocarde et sans risque pro-arythmique important. L’ajout du pimobendane aux thérapies conventionnelles s’avère une option de traitement très intéressante, surtout pour des patients dont la thérapie standard ne démontre plus aucun bénéfice. Malgré des résultats encourageants, plusieurs études seront encore nécessaires afin de mieux documenter l’utilisation de cette nouvelle médication. 63 3) Les inotropes en thérapeutique d’urgence de la décompensation cardiaque aiguë L’indication générale d’un traitement inotrope d’urgence est l’insuffisance ventriculaire sévère, caractérisée par un faible débit cardiaque, une pression artérielle basse, une mauvaise perfusion périphérique et une pression diastolique augmentée. Les symptômes d’une insuffisance ventriculaire sévère sont typiques : le même animal présente des signes évidents d’ICC sur la radiographie thoracique (oedeme pulmonaire) et d’IC à faible débit (pouls fémoral faible, muqueuses pales, syncopes, abattement, hypothermie, extrémités froides)[29]. Lorsque l’insuffisance cardiaque est sévère et menace la vie du patient à court terme, le traitement d’urgence est symptomatique. L’instabilité hémodynamique extrême de l’animal à ce moment nécessite en général l’hospitalisation, une surveillance accrue, et une réévaluation fréquente des paramètres hémodynamiques : dans ce contexte, l’utilisation de médicaments à action rapide mais courte et que l’on administre à la demande est nécessaire. a- agonistes sympathomimétiques et thérapeutique inotrope d’urgence lors d’insuffisance cardiaque congestive La dopamine et la dobutamine sont les médicaments de choix pour le maintien à court terme de la circulation au cours de l’insuffisance cardiaque évoluée. Leur mécanisme d’action est à peu près similaire mais la dobutamine possède moins d’effets « non β1 » que la dopamine ; elle est un inotrope plus efficace, sa marge de sécurité est plus importante et elle est moins tachycardisante et moins arythmogène. La dobutamine est donc beaucoup plus utilisée en médecine vétérinaire. α) la dobutamine En augmentant la contractilité par son action β1 cardiaque, la dobutamine augmente le débit cardiaque et diminue la dilatation cardiaque (responsable de « stress » des parois ventriculaires et atriales) sans trop accroître la demande en oxygène du myocarde. Ses faibles effets β2 favorisent la vasodilatation périphérique. Les effets de la dobutamine sont dose-dépendants. L’activation des récepteurs αdrénergiques, entraînant une vasoconstriction indésirable, ne se produit qu’à forte dose[21]. INDICATIONS L’indication majeure de la dobutamine est le traitement des insuffisances ventriculaires sévères avec oedeme pulmonaire et hypotension, les chocs cardiogéniques. Les CMD [25]et les endocardioses valvulaires graves font partie des causes majeures d’insuffisances cardiaques sévères nécessitant un support inotrope en urgence. MODALITES D’UTILISATION L’action de la dobutamine (DobutrexND) est presque immédiate, sa demi-vie est de 2 à 3 minutes. Par conséquent, elle doit être administrée en perfusion intraveineuse constante de 2 à 10 µg/kg/min [29]. Pour la plupart des patients, une dose de 4 à 6 µg/kg/min en perfusion est suffisante[21]. L’amélioration hémodynamique survient en général dans les 30 minutes suivant le début de la perfusion. Les doses peuvent être augmentées de 1 à 2 µg/kg/min toutes les 30 minutes en surveillant les effets[7]. 64 D’après KNIGHT[38], le plus sûr est d’utiliser un « pousse-seringue » calibré. Il est indispensable de suivre l’évolution clinique du patient, sa pression sanguine et ses paramètres électrocardiographiques[48]. En général, la perfusion est maintenue pendant 24 à 72 heures, en fonction de la réponse de l’animal au traitement. Il est inutile de continuer la perfusion plus longtemps en raison du phénomène de « down-régulation » observé avec les β-agonistes, qui annule leur efficacité [29,48,34,20]. L’amélioration hémodynamique peut être maintenue pendant quelques jours à quelques semaines après la perfusion[21,7]. Les animaux atteints de CHF très sévère avec une fonction myocardique vraiment faible peuvent ne pas répondre à la dobutamine car ils possèdent une réserve contractile trop faible [7,38]. EFFETS INDESIRABLES Chez certains patients, la pression sanguine et la fréquence cardiaque peuvent nettement augmenter au cours de l’administration de dobutamine ; ceci peut nécessiter une diminution de la vitesse de perfusion, voire un arrêt si la fréquence cardiaque s’élève de plus de 30 à 40% [25]. Les patients ayant des antécédents d’hypertension sont plus exposés à présenter une réponse excessive sur le plan tensionnel[20]. Chez le chat, la dobutamine peut provoquer des vomissements et des crises convulsives, elle doit être employée avec précaution à la dose de 0,5 à 2 µg/kg/min [21, 7]. CONTRE-INDICATIONS - hypertension systémique - tachyarrythmies non contrôlables En raison du rôle favorisant de la dobutamine sur la conduction auriculo-ventriculaire, les patients atteints de fibrillation auriculaire présentent un risque accru d’augmentation de la fréquence ventriculaire ; il peut être nécessaire d’administrer de la digoxine en vue de prévenir un tel risque[20]. - ectopies ventriculaires - hypokaliémie modérée à sévère[48]. Comme avec tout autre produit inotrope, la dobutamine risque potentiellement d’accroître la taille d’un infarctus myocardique en augmentant la consommation en oxygène du myocarde. Ce risque doit être pesé en tenant compte de l’état clinique du patient[20]. En général, le traitement des insuffisances cardiaques sévères avec un faible débit et un oedeme pulmonaire nécessite une thérapie additionnelle à la dobutamine : les diurétiques et les vénodilatateurs (nitroprussiate de sodium). β) la dopamine A faible dose (1 à 3 µg/kg/min), la dopamine (Dopamine NativelleND) active surtout les récepteurs dopaminergiques des vaisseaux au niveau des reins, de l’intestin, du cerveau et du cœur : elle entraîne une vasodilatation. Ceci explique que la première indication de la dopamine à faible dose est le traitement d’urgence des insuffisances rénales aiguës. 65 A des doses modérées (4 à 6 µg/kg/min), la dopamine stimule les récepteurs β et provoque une augmentation de la fréquence cardiaque associée à une augmentation de la contractilité, et à un pouvoir arythmogène important. Aux fortes doses (7 à 20 µg/kg/min), la stimulation des récepteurs α entraîne une vasoconstriction sévère. La dopamine n’est que très rarement utilisée pour le traitement des ICC sévères. b- inhibiteurs des PDE et thérapeutique inotrope d’urgence lors d’insuffisance cardiaque congestive L’amrinone (InocorND) et la milrinone (PrimacorND) sont toutes les deux disponibles sous forme injectable, commercialisées en médecine humaine, pour l’administration intraveineuse. L’amrinone semble avoir des propriétés inotropes modestes et agir principalement comme vasodilatateur. Elle peut donc provoquer une hypotension sévère chez les animaux avec un débit cardiaque faible et déjà en hypotension. La milrinone possède des effets inotropes plus puissants que ceux de l’amrinone lors d’administration intraveineuse[29]. Ces deux médicaments sont efficaces quand ils sont donnés soit en monothérapie, soit, le plus souvent, en association avec d’autres médicaments oraux et/ou intraveineux pour le traitement à court terme de patients présentant une insuffisance cardiaque sévère due à une dysfonction ventriculaire systolique droite ou gauche. Les perfusions intraveineuses de ces deux médicaments doivent être initialisées par une dose de charge suivie d’une perfusion continue[34]. Pour l’amrinone, l’injection en bolus lent est habituellement de 1 à 3 mg/kg suivie d’une perfusion de 10 à 100 µg/kg/min en contrôlant l’état clinique et l’ECG de l’animal [25]. Les effets de l’amrinone apparaissent dans les 30 minutes suivant le début de l’administration et son pic d’activité se produit environ à 45 minutes post injection[49]. La milrinone est environ dix fois plus puissante que l’amrinone et elle peut provoquer une exacerbation des arythmies ventriculaires[15]. HERVE[25] conseille l’utilisation de l’amrinone en cas d’insuffisance cardiaque contractile réfractaire lors de CMD, et à défaut des autres molécules précédemment étudiées (dobutamine). HERVE[25] indique également l’intérêt d’utiliser l’énoximone (PerfaneND), IPDE de la famille des imidazoles, lors des oedèmes aigus du poumon dans la forme de CMD dite « dobermann ». Elle est administrée en bolus initial de 0,5 à 1 mg/kg, suivi d’une perfusion de 10 µg/kg/min. 66 c- « calcium-sensibiliseurs » et thérapeutique inotrope d’urgence lors d’insuffisance cardiaque congestive GOGNY [19] indique que le pimobendane peut éventuellement être utilisé en urgence lors de cardiopathie décompensée car il agit très rapidement après la prise orale (30 minutes à 1 heure). Le lévosimendane, étudié dans la partie II-D/3), n’est utilisé que par voie intraveineuse dans les thérapeutiques d’urgence, mais il n’est actuellement employé qu’en médecine humaine. L’indication la plus courante des inotropes est le support de la fonction contractile lors d’insuffisance cardiaque, que ce soit au long cours ou en urgence, comme nous venons de l’aborder. Mais les inotropes peuvent être utiles dans d’autres circonstances, que nous allons détailler maintenant : en réanimation, lors d’une anesthésie, ou encore comme test-diagnostic des IC (dobutamine). Certaines molécules inotropes peuvent être employées dans le traitement des troubles du rythme cardiaque (digoxine, adrénaline), mais ce ne sont pas leurs propriétés inotropes qui sont dans ce cas responsables des effets recherchés. Nous n’aborderons donc cet aspect que très succinctement. B/ UTILISATION DES INOTROPES EN REANIMATION ET EN ANESTHESIE 1) Utilisation des inotropes en réanimation : traitement du choc Le choc est un syndrome clinique caractérisé par un défaut de perfusion des tissus ; il est habituellement associé à une hypotension et, au stade ultime, à une défaillance de divers organes. Le choc est caractérisé par une insuffisance d’apport d’oxygène et de nutriments aux différents organes du corps, qui met en jeu le pronostic vital de façon aiguë. Les causes d’un choc sont représentées par : - l’hypovolémie, provoquée par une déshydratation, un traumatisme ou une hémorragie, première cause de choc chez les petits animaux[7] - l’insuffisance cardiaque - obstacle au niveau de l’éjection cardiaque (embolie pulmonaire, tamponnade péricardique, dissection de l’aorte) (d’origine septique ou - dysfonctionnement circulatoire périphérique anaphylactique). Le traitement du choc consiste à inverser la pathogenèse sous-jacente tout en appliquant des mesures non spécifiques visant à corriger les anomalies hémodynamiques. Indépendamment de l’étiologie, la chute de la pression sanguine provoque habituellement une activation importante du système nerveux sympathique. Ceci provoque secondairement une vasoconstriction périphérique et une augmentation de la fréquence et de la contractilité cardiaques. Au stade de début du choc, ces mécanismes peuvent assurer le maintien de la pression sanguine et du débit sanguin cérébral, tandis que le débit sanguin rénal, cutané et des autres organes peut être abaissé, provoquant une réduction de la production d’urine et une acidose métabolique[20]. 67 Le traitement de première intention du choc consiste à préserver les fonctions vitales. Il est ainsi essentiel de maintenir le volume sanguin, ce qui nécessite souvent la surveillance des paramètres hémodynamiques. Les inotropes positifs sont indiqués pour maintenir une pression artérielle et un flux sanguin régional chez les patients dont la fonction myocardique n’est pas suffisamment améliorée après la fluidothérapie. La dopamine et la dobutamine sont les deux molécules les plus utilisées dans le traitement du choc. La dopamine est la plus intéressante lors de bradycardie. Lors de choc hypovolémique, les catécholamines doivent être utilisées uniquement en parallèle à une fluidothérapie adaptée. Leur modalités d’emploi sont les mêmes que dans le traitement en urgence des cardiopathies décompensées. Leur administration est intraveineuse, sous forme de perfusion continue : dobutamine : 2 à 10 µg/kg/min dopamine : 1 à 5 µg/kg/min Chez certains patients en état de choc, l’hypotension est tellement importante qu’il est nécessaire d’utiliser des médicaments vasoconstricteurs afin de maintenir une pression sanguine suffisante pour perfuser le système nerveux central. La noradrénaline est parfois utilisée dans ce cas, mais surtout pour son effet α-agoniste plutôt que pour ses propriétés inotropes[20]. 2) Utilisation des inotropes en anesthésie Un traitement inotrope peut être envisagé lors de dépression myocardique transitoire, et non lésionnelle, lors d’une anesthésie, afin de maintenir un débit cardiaque et une pression artérielle suffisants[19]. La dobutamine est également indiquée dans le traitement à court terme de la décompensation cardiaque qui peut survenir après une intervention de chirurgie cardiaque[20]. Lors d’une chirurgie, les indications des inotropes sont nombreuses : - effets indésirables de l’anesthésique employé (souvent dépresseur cardiovasculaire) - hémorragie - bradycardie - baisse rapide de pression sanguine. Face aux nombreux inotropes disponibles et à leurs propriétés souvent multiples et parfois complexes, il est parfois difficile de savoir adapter le bon inotrope à chaque situation, surtout en cas d’urgence. ARAMAKI et al. [2] ont étudié la dopamine, la dobutamine et la milrinone chez des chats anesthésiés à l’isoflurane, dans le but de définir précisément les effets de ces inotropes chez des patients anesthésiés, et de comparer les molécules traditionnellement employées (dopamine, dobutamine) avec une nouvelle molécule de classe différente (milrinone). D’après les résultats de leur étude, la dobutamine produit des effets chronotrope positif et inotrope positif dose-dépendants, mais sans modification de la pression artérielle. Elle est donc utile pour stimuler la contraction cardiaque lors de dépression cardiaque induite par l’anesthésique. Comme la dobutamine, la dopamine est chronotrope et inotrope positive, et elle améliore la fonction diastolique. Elle augmente également la pression artérielle (de 18 %) et la résistance 68 périphérique (de 72 %) à la dose la plus élevée (10 µg/kg/min). La dopamine est donc intéressante à forte dose pour traiter une hémorragie importante ou une hypotension sévère. Les faibles doses de dopamine favorisent, à l’inverse, la vasodilatation des artères rénales et mésentériques, entraînant une augmentation du flux sanguin aortique abdominal et de la diurèse. La dopamine est donc nécessaire à faible dose pour préserver la fonction et la perfusion des organes lors d’une anesthésie avec un faible débit cardiaque. La milrinone est chronotrope et inotrope positive et provoque une vasodilatation et une augmentation du flux sanguin coronarien. En comparaison avec la dobutamine et la dopamine, ses effets sur la contractilité myocardique ventriculaire sont faibles, et elle améliore moins la fonction diastolique, mais elle est par contre beaucoup plus « hypotensive ». Etant donné que l’anesthésie à l’isoflurane favorise déja l’hypotension, il est recommandé de ne pas utiliser la milrinone dans ces conditions. Les auteurs indiquent que les mêmes résultats ont été retrouvés chez le chien. C/ LE TEST ECHOCARDIOGRAPHIQUE DE STRESS CARDIAQUE A LA DOBUTAMINE : DETECTION PRECOCE DE LA CARDIOMYOPATHIE DILATEE CHEZ LE CHIEN La cardiomyopathie dilatée (CMD) du chien est une maladie chronique myocardique définie par une diminution progressive de contractilité myocardique associée généralement à une augmentation de taille des cavités cardiaques. Depuis le développement de l’échocardiographie, les signes cliniques d’ICC associés à la détection d’une hypokinésie myocardique et d’une dilatation du ventricule gauche sont considérés diagnostiques de CMD chez le chien. Cependant, le diagnostic de CMD chez le chien ne présentant pas de signes cliniques d’anomalie cardiaque est difficile, les résultats des échocardiographies des chiens atteints et sains se superposant dans ce cas. Des tests de stress cardiaques basés sur l’exercice ou pharmacologiques se sont développés en médecine humaine. Le test échocardiographique de stress cardiaque à la dobutamine (TSD) est réputé pour être une technique diagnostique, non-invasive et précise, de détection de dysfonction cardiaque chez des patients asymptomatiques avec une ou plusieurs maladies cardiaques. Le TSD pourrait donc être une méthode non-invasive d’exploration de la fonction cardiaque chez des chiens suspectés atteints de CMD. Récemment, une étude sur des Doberman Pinscher a prouvé que le test à la dobutamine était réalisable chez le chien pour détecter précocement une CMD. Cependant, les résultats des tests à la dobutamine faits dans cette étude (avec des perfusions de dobutamine de 5µg/kg/min) n’étaient pas significativement supérieurs à l’échocardiographie classique [16]. En 2001, MC ENTEE et al. [44] renouvellent l’expérience mais en utilisant des doses supérieures de dobutamine pour le test : de 12,5 à 42,5 µg/kg/min. La plupart des indices échocardiographiques de fonction cardiaque sont significativement altérés en réponse à l’infusion de dobutamine chez les chiens dont on induit expérimentalement un dysfonctionnement ventriculaire simulant une CMD précoce. Les auteurs n’observent aucun effet indésirable lors de la perfusion de dobutamine, qui est bien tolérée par tous les animaux. 69 Les indices échocardiographiques étudiés sont : la fraction de raccourcissement (FR), le temps de pré-éjection (PEP), le temps d’éjection (LVET), le rapport PEP/LVET et la vitesse moyenne de raccourcissement des fibres (mVcf = (%FR/LVET)*10). Les auteurs conseillent, d’après l’analyse de leurs résultats, de réaliser les mesures échographiques en mode TM sur une vue du ventricule gauche au niveau des cordages, ainsi qu’à l’aide d’un Doppler du flux aortique et un Doppler du flux mitral, pendant le test à la dobutamine à haute dose. Leur étude prouve que, réalisé avec des fortes doses de dobutamine, le TSD semble réalisable et efficace pour détecter précocement une CMD chez un chien suspect mais non symptomatique. Ce test possède de nombreux avantages : - il est précis - il est non-invasif - il est réalisable sans anesthésie de l’animal, en clinique courante - il est réalisable sur tous les chiens (au contraire du test d’exercice, qui nécessite la coopération de l’animal) Le TSD semble être une excellente méthode de diagnostic précoce, précis et rapide, et noninvasif, de la CMD chez le chien[43,20]. Il permettrait chez ces patients la mise en place d’une thérapeutique adaptée plus précoce et peut-être un recul de l’apparition des symptômes d’ICC. D/ TRAITEMENTS DES TROUBLES DU RYTHME CARDIAQUE : DIGOXINE ET ADRENALINE 1) Digoxine et traitement des arythmies cardiaques supra-ventriculaires La digoxine a longtemps été le traitement de choix des arythmies supra-ventriculaires. Ses effets anti-arythmiques ne sont cependant pas liés à ses propriétés inotropes. En effet, elle agit sur la phase de repolarisation du potentiel d’action, en bloquant la pompe Na/K ATPase dépendante et possède une action vagomimétique au niveau des centres bulbaires[24]. A des concentrations plasmatiques thérapeutiques non toxiques (1 à 2 ng/ml), la digoxine diminue l’automaticité et augmente le potentiel de membrane maximal diastolique de repos de manière prédominante dans le tissu nodal auriculaire et auriculo-ventriculaire du fait d’une augmentation du tonus vagal et d’une diminution de l’activité du système nerveux sympathique. Il y a aussi une prolongation de la période réfractaire effective et une diminution de la vélocité de la conduction dans le tissu nodal auriculo-ventriculaire[34]. La digoxine est employée à des doses de 10 à 20 µg/kg pour cette indication particulière[25]. Avec l’arrivée de nouvelles classes thérapeutiques pour le traitement des arythmies supra ventriculaires, comprenant entre autres les antagonistes des canaux calciques de type L, les βbloquants et l’amiodarone, la digoxine n’est plus un médicament de première intention du traitement de ces arythmies, à l’exception de la fibrillation auriculaire, pour laquelle elle est fréquemment utilisée seule ou en association avec les β-bloquants, le vérapamil ou le diltiazem[34]. Elle reste également utile dans le traitement des arythmies supra-ventriculaires chez les patients qui ont également une dysfonction ventriculaire systolique. 70 2) Adrénaline et traitement de l’arrêt cardiaque La réanimation cardio-vasculaire des patients présentant un arrêt cardiaque provoqué par une fibrillation ventriculaire, une dissociation électromécanique ou une asystolie peut être favorisée par un traitement médicamenteux. L’adrénaline est un agent thérapeutique important en cas d’arrêt cardiaque : elle augmente la pression diastolique et améliore le débit coronarien. Elle aide aussi au maintien du débit sanguin cérébral durant la réanimation. Les vaisseaux sanguins cérébraux sont relativement insensibles aux effets vasoconstricteurs des catécholamines, et la pression de perfusion est accrue. Par conséquent, au cours du massage cardiaque par voie externe, l’adrénaline oriente le débit cardiaque réduit vers la circulation cérébrale et coronarienne[20]. L’adrénaline améliore également l’activité cardiaque (stimulation du rythme et de la contractilité). Sa posologie varie de 0,02 à 0,2 mg/kg selon les auteurs et les voies d’injection[54]. Les fortes doses, parfois considérées comme plus efficaces, risquent de déclencher une fibrillation ventriculaire et doivent être réservées aux structures qui disposent d’un défibrillateur électrique. Nous aborderons maintenant dans cette partie consacrée à l’utilisation des inotropes en médecine vétérinaire, une caractéristique non négligeable de ces molécules, commune aux différentes classes d’agents inotropes : leur cardiotoxicité potentielle. 71 E/ CARDIOTOXICITE DES MEDICAMENTS INOTROPES Depuis des dizaines d’années, les digitaliques sont utilisés comme inotropes positifs dans le traitement des insuffisances cardiaques en médecine vétérinaire, car ils étaient, il n’y a pas longtemps encore, les seuls inotropes positifs disponibles par voie orale pour les traitements au long cours. Cependant, leur marge de sécurité très étroite et leur toxicité rend leur utilisation relativement contraignante et non sans risques. Aujourd’hui, de nouvelles classes d’inotropes sont apparues, avec diverses molécules de mode d’actions différents : l’amrinone et la milrinone, des inhibiteurs des PDE, et le pimobendane, un calcium-sensibiliseur. Toutefois, le pimobendane est le seul actuellement commercialisé en médecine vétérinaire. En effet, les études de la milrinone comme thérapeutique à long terme de l’IC chez l’homme ont dues être arrêtées en raison d’un nombre important de morts subites chez les patients. De plus, presque toutes les études de ces molécules, y compris le pimobendane, ont rapporté des effets indésirables potentiellement dangereux lors d’utilisation à des doses fortes (genèse ou exacerbation d’arythmies, tachycardies, augmentation de la demande d’oxygène par le myocarde) ; de nombreux cliniciens aujourd’hui ne prennent pas le risque d’utiliser ces molécules en raison de leur cardiotoxicité et de leurs nombreux effets secondaires. Qu’en estil réellement ? En 1992, DOGTEROM et al. [12] réalisent une vue d’ensemble des études toxicologiques portées sur la cardiotoxicité chez le chien des vasodilatateurs et inotropes positifs/vasodilatateurs en vue d’une utilisation de ces molécules chez l’homme. De nombreuses molécules sont testées, leur propriétés pharmacologiques sont décrites et leurs effets toxicologiques chez le chien sont comparés. Toutes les molécules étudiées présentent une toxicité cardiaque très importante chez le chien, par rapport à d’autres espèces. En effet, la réponse d’une espèce à un médicament dépend de son métabolisme spécifique menant éventuellement à la formation de différents métabolites, et des différences de sensibilité des récepteurs, de leur répartition, et d’autres facteurs anatomiques et physiologiques. Chez le chien, extrêmement sensible aux effets pharmacologiques des molécules étudiées, de faibles doses sont suffisantes pour induire le changement désiré lors du traitement. Cependant, l’administration de fortes doses, une mesure obligatoire dans les essais toxicologiques, produit souvent une réponse fonctionnelle exagérée qui mène finalement au développement de troubles biochimiques et de dommages structuraux. Les principales molécules inotropes testées dans cet article sont : - un digitalique : la digoxine - des inhibiteurs des PDE : la piroximone (MDL 19.205), l’énoximone (MDL 17.043), l’amrinone (Win 40680) et la milrinone (Win 47203) - un calcium-sensibiliseur : le pimobendane (UD-CG 115 BS) 72 Les lésions cardiaques induites par ces inotropes chez le chien sont à peu de choses près les mêmes pour toutes ces molécules et sont typiques : (1) nécrose du muscle papillaire du ventricule gauche (2) lésions de l’artère coronaire (3) lésions hémorragiques de l’atrium droit De plus, ces molécules produisent souvent des modifications de la valve mitrale : renflements focaux, tissu granuleux et saignements. Les inotropes sont utilisés dans les études à fortes doses et chez des patients sains, hypertendus ou atteints d’ICC : - piroximone : 0,9 mg/kg IV - énoximone : 3 à 6 mg/kg PO - pimobendane : 10 mg/kg PO - milrinone: dose de charge de 0,03 à 0,06 mg/kg en 10 min puis dose de maintenance de 0,66 µg/kg/min IV ou 15 mg/kg PO - amrinone : 2,5 mg/kg IV Les molécules sont également administrées à des animaux conscients ou anesthésiés pour pouvoir comparer les effets hémodynamiques. •Les auteurs montrent que lors des études, une tachycardie est induite durant les périodes de cardiotoxicité la plus sévère. •L’hypotension, la tachycardie et la cardiotoxicité du pimobendane sont dose-dépendants. •Les lésions cardiaques observées dans les études sont quasiment similaires pour tous les inotropes, y compris pour les sympathomimétiques (dopamine, dobutamine), malgré de grandes différences dans la structure chimique de ces molécules. •La nécrose du muscle papillaire induite par la milrinone est observée après 3 mois tandis que les lésions induites par l’amrinone apparaissent après 1 an (la milrinone est 10 fois plus puissante que l’amrinone). •L’administration intraveineuse de milrinone induit des changements au niveau du cœur dosedépendants, caractérisés par une dégénération des myofibrilles et une infiltration par des cellules inflammatoires ainsi qu’une prolifération de fibroblastes avec une fibrose précoce. Ces lésions de fibrose de taille différentes sont observées après 3 mois de traitement. Après 6 ou 12 mois de traitement, on observe les mêmes lésions. •L’amrinone administrée pendant un an provoque des tachycardies dose-dépendantes. Les lésions microscopiques observées au niveau du muscle papillaire sont plus fréquentes et plus intenses chez les femelles que chez les mâles. Or les auteurs montrent que les concentrations sanguines en amrinone sont plus élevées chez les femelles. Les résultats de cette étude prouvent que la cardiotoxicité observée chez le chien, espèce très sensible, est liée uniquement aux effets pharmacodynamiques exagérés des inotropes utilisés à forte dose et non à une toxicité directe de la molécule sur l’organe cible. En effet, la tachycardie induite par ces molécules est une réaction fréquente et indésirable à forte dose. Cette augmentation de fréquence cardiaque est induite par des mécanismes réflexes, comme la stimulation du système nerveux sympathique provoquée par la vasodilatation. Aux fortes doses, ces mécanismes réflexes entraînent des modifications de perfusion cardiaque et des perturbations de la perméabilité vasculaire affectant la diffusion des gaz du sang et des nutriments. La dose, la voie, la fréquence et la vitesse d’administration ont une profonde influence sur les effets cardiovasculaires des inotropes. La sensibilité individuelle est également un facteur influent. 73 Les lésions induites par les inotropes à la base de la valve mitrale sont appelées « jet lesions », en référence à leur origine hémodynamique. En 1997, SCHNEIDER et al. [59] confirment que la cardiotoxicité du pimobendane n’est pas induite par la nature chimique du composé, mais bien par ses effets pharmacodynamiques exagérés. En 1995, BOOR et al. [6] étudient en détail les lésions tissulaires causées par l’administration de plusieurs inhibiteurs des PDE III à forte dose : leurs études histologiques permettent de localiser précisément les lésions vasculaires : hémorragies et tissu de granulation avec néovascularisation au niveau de la média et de l’adventice sont rapportées. Pour les auteurs, bien que les lésions entraînées par l’administration d’inhibiteurs des PDE III sont probablement liées aux effets hémodynamiques exagérés, les relations exactes ne sont pas encore bien établies. En effet, ces lésions ne sont pas retrouvées avec d’autres classes pharmacologiques de vasodilatateurs, comme les IECA. D’après les auteurs, les lésions ne sont pas causées par l’hypotension au sens strict, mais plutôt par l’altération de la compliance vasculaire régionale qui en résulte (perturbations de la tension critique de la paroi vasculaire due à la dilatation exagérée du muscle lisse de la média entraînant sa nécrose). En conclusion, la cardiotoxicité tant réputée des inotropes est uniquement la conséquence de leurs effets pharmacodynamiques exagérés lors de l’utilisation aux fortes doses requise pour les essais de toxicité chez le chien, espèce particulièrement sensible. Les effets pharmacodynamiques exagérés et la perturbation prolongée des mécanismes homéostatiques sont responsables des lésions observées sur le cœur ; ces lésions ne devraient pas apparaître aux doses thérapeutiques habituellement utilisées. L’emploi des nouvelles molécules, telles que le pimobendane, est donc tout-à-fait envisageable en médecine vétérinaire. Comme pour toutes les autres catégories d’inotropes, il est cependant très important de respecter les indications précises de son utilisation et la dose préconisée, ainsi que la voie, la vitesse, la fréquence d’administration, et de savoir adapter le traitement en fonction de l’état clinique de l’animal et de ses symptômes. Une surveillance de l’animal durant les premières semaines de traitement est indispensable, ainsi que la vérification du respect des posologies par les propriétaires. 74 CONCLUSION GENERALE En cardiologie vétérinaire, la thérapeutique a pour objectif principal de lutter par un traitement symptomatique contre les effets délétères, souvent préjudiciables, de l’insuffisance cardiaque, quelle que soit son origine. Les médicaments inotropes sont employés pour renforcer la contraction cardiaque, lorsque celle-ci est défaillante. Les nouveaux agents tonicardiaques, destinés à remplacer petit à petit la digoxine en thérapeutique inotrope de l’insuffisance cardiaque congestive chronique, sont nombreux et leur mécanisme d’action parfois très différents. Cependant il ressort de notre travail que la plupart de ces composés doivent encore être soumis à des études concernant leur efficacité et leur sécurité d’emploi. Le seul autorisé actuellement en médecine vétérinaire est un inodilatateur, le pimobendane, destiné au traitement des cardiomyopathies dilatées et des endocardioses valvulaires canines. Son efficacité n’est plus à démontrer, et il a été prouvé que sa cardiotoxicité, tant redoutée, est en fait liée à un effet hémodynamique exagéré lors de surdosage. Seul le mécanisme responsable des lésions cardiaques et vasculaires observées lors d’effet hémodynamique exagéré reste à préciser. Actuellement, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine sont les médicaments les plus utilisés en thérapeutique de l’insuffisance cardiaque ; des études cliniques concernant l’efficacité du pimobendane sont en cours. D’autres composés, comme le lévosimendane, déjà utilisé en médecine humaine, ou la vesnarinone, sont également très prometteurs en thérapeutique vétérinaire inotrope. 75 BIBLIOGRAPHIE 1- ABBOTT JA. Diagnosing congestive heart failure in dogs and cats. 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La digoxine est utilisée en médecine vétérinaire depuis longtemps mais la faible marge existant entre sa dose efficace et sa dose toxique, ainsi que les variations individuelles importantes liées à son absorption rendent son utilisation parfois difficile. Récemment, de nouveaux agents tonicardiaques très prometteurs, doués de mécanismes d’action différents sont apparus, tels que les « calcium-sensibiliseurs », également baptisés ino-dilatateurs. Le pimobendane en est le chef de file, il est le seul à avoir été développé sous forme de médicament vétérinaire, disponible sur le marché. Assez rapidement, l’utilisation de ces nouveaux composés en thérapeutique de l’insuffisance cardiaque a été remise en question en raison de la découverte de leur cardiotoxicité potentielle. Cependant, en 2004, l’AMM du pimobendane, dont l’indication initiale comprenait les cardiomyopathies dilatées canines, a été élargie aux endocardioses valvulaires, maladies cardiaques acquises les plus courantes chez le chien. Ce travail recense les principaux inotropes actuellement étudiés ou utilisés en médecine vétérinaire, et fait le point sur leur efficacité, leurs indications et leur sécurité d’emploi. Mots clés : Inotrope- Insuffisance cardiaque- Thérapeutique- Chien Jury : Président : Pr. Directeur : Pr. POUCHELON Assesseur : Pr. ENRIQUEZ Adresse de l’auteur : 24 rue Jeanne d’Arc – 80000 AMIENS 82 INOTROPES IN CANINE VETERINARY MEDICINE LAMERE Fanny SUMMARY: The inotropic drugs improve the heart contraction. Digoxin has been used in veterinary medicine for a long time but the slight interval between therapeutic and toxic dose added to individual variations due to absorption, make its use difficult. Recently new inotropic agents with different ways of action appeared, as the calciumsensitizers, also called “ino-dilatateurs”. Pimobendan is their leader and it’s the only one to be marketed in veterinary medicine. Shortly afterwards, these new compounds were called into question because of the discovery of their potential cardiotoxicity. However, the indications of pimobendan, which was first used to treat the canine dilated cardiomyopathy, were expanded in 2004 to myxomatous valvular diseases which are the most common dog’s heart diseases. This work draws up an inventory of the main inotropes which are actually studied or used in veterinary medicine, and gives details about their efficiency, indications and safety. Keywords: Inotropic- Heart failure- Therapeutic- Dog Jury : Président : Pr. Director : Pr. POUCHELON Assesor : Pr. ENRIQUEZ Author’s address: 24 rue Jeanne d’Arc- 80000 AMIENS 83