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HISTOIRE POLITIQUE DE L’EUROPE
OCCIDENTALE
Tome 1 B
Ces mille ans qui ont fait l’Europe
(800-1806)
De l'empire de Charlemagne
à la dissolution du Saint Empire romain germanique
Christophe JENTA
Sylvain BIANCHI
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QUATRIÈME PARTIE : L’EUROPE AUX TEMPS DES
MALHEURS, États et nations en gestation (1303-1519)
Crises, famines, guerres, peste
Cette période est d’abord marquée chronologiquement par une crise économique et démographique qui apparaît dans les années 1280. Alors que la croissance des ressources s’arrête, la croissance démographique
continue. On assiste dès cette époque et selon une formule consacrée, aux « premiers craquements dans un
monde plein. » Les grandes famines, comme celle de 1315-1317, réapparaissent.
Cette période est ensuite marquée par l’entrecroisement de nombreuses et longues guerres, plus ou moins
intenses et souvent très localisées. Plus que de guerres frontales et massives, on peut parler d’un état de
guerre endémique.
Enfin, les effets de ces crises et ces guerres sont accentués par ceux des grandes épidémies à partir du milieu
du XIVème siècle. La peste s’installe périodiquement à partir de 1347 (et jusqu’en 1720 !) sur l’ensemble du
territoire européen. 25 millions de personnes, soit 1/3 de la population européenne, périt durant la première
phase dite de la Peste noire, de 1347 à 1352.
La gestation des États dans la douleur et la diversité
Malgré ces malheurs du temps, ou peut-être grâce à eux, les « entités » nées de la dislocation de l’Empire
carolingien (Empire germanique, royaumes, principautés, villes), se transforment profondément et d’une
manière irréversible. Leurs différences de nature n’empêchent pas une commune évolution et tous les territoires, petits ou grands, deviennent de véritables États.
Partout, le système féodal laisse place à un système administratif. A la tête de l’État, distinguons les grands
offices (chancelier, connétable), les services centraux de l’Hôtel du prince, mi- domestiques, mi- politiques
(chambellan, bouteiller) et les grands corps de l’État à vocation judiciaire (le Parlement en France) ou financière (Chambre des comptes). Le critère essentiel de la modernité d’un État moderne réside également dans
l’existence de nombreux agents locaux : en France les baillis ou les sénéchaux, les élus (qui répartissent les
impôts au nord du royaume), les sheriffs dans les shires, les comtés anglais, les corregidores castillans,….
Cependant, la féodalité ne disparaît pas, elle change de nature. Le contrat apparaît et se développe, surtout
en Angleterre (la « féodalité bâtarde »). Un homme s’engage à accomplir des services précis, moyennant une
somme d’argent. Il n’y a ni hommage, ni vassalité, ni fief. On jauge la puissance d’un prince à l’importance
de sa clientèle sous contrat. La noblesse, c’est-à-dire la société politique de l’époque, reste le partenaire privilégié du prince, même si les conflits sont nombreux, notamment contre la haute noblesse, les magnats. Les
nobles (et non les bourgeois) peuplent les offices royaux qui les enrichissent. En échange des services rendus, l’État royal confère aux nobles les moyens de leur existence et il leur rend un peu de l’honneur qu’ils
ont perdu lors des désastres militaires. La contrepartie est que le guerrier-chevalier se mue en officier et en
prud’homme. Autre conséquence, les nobles qui jusqu’à présent se regroupaient en lignages plus ou moins
indépendants, forment désormais un corps. On peut dire qu’à la fin du Moyen Âge, l’État crée la noblesse.
La genèse de l’État moderne est inséparable du développement de la guerre d’État et de la fiscalité d’État.
Les appels à l’ost féodal et les guerres privées ont tendance à disparaître (plus difficilement dans l’Empire),
laissant place aux guerres d’État qui sont plus techniques (apparition de l’artillerie) et plus coûteuses (armées de mercenaires mené par un capitaine ou un condottiere en Italie, armées permanentes à partir de
1450).
Les redevances seigneuriales se maintiennent mais elles sont complétées par la fiscalité d’État, les impôts
(fouage ou taille, fiscalités indirectes). Un principe s’impose alors : « pas d’impôts sans consentement des
sujets », d’où la nécessité pour le prince de réunir les assemblées représentatives : parlement (Angleterre),
diète (Empire), cortes (Espagne), états (France). Toutefois, à partir du XVème siècle, en France notamment,
les catégories qui composent ces assemblées (nobles, clergé, notables des villes) sont exemptées et deviennent des privilégiés. Par conséquent, ces assemblées n’ont plus de raison d’être et l’impôt devient permanent.
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Le « modèle français » impressionne par son étendue et notamment celle du domaine royal (2/3 du royaume
en 1328), sa continuité territoriale, la puissance de sa démographie, de ses finances et surtout de sa monarchie centralisatrice. Cependant, plusieurs types d’États apparaissent :
- Les monarchies centralisées : France, Angleterre, Castille ;
- Les monarchies fédératrices comme l’Aragon regroupant trois États, Aragon, Catalogne et Valence ;
- La confédération impériale du Saint Empire ;
- Une confédération républicaine comme la Suisse ;
- Des cités-États indépendantes en Italie, seigneuries princières ou républiques aristocratiques.
La légitimité des pouvoirs vient du sang (rois de France, Angleterre, Naples, Espagne), ou de l’élection
(Empereur, rois de Hongrie, de Pologne,…, doge de Venise, prince de Florence) mais la tendance est générale qui pousse vers l’hérédité.
Les souverains, maîtres des États les plus puissants.
La constitution d’un État puissant va de pair avec le développement de la souveraineté. Pour s’affirmer, la
royauté se place à partir du XIIème siècle comme suzeraine dans la hiérarchie féodale. Cette prépondérance
royale de suzeraine devient souveraine à partir des années 1260.
Ainsi, en 1145, l’abbé Suger l’analyse en deux points. Premièrement, le roi est suzerain, primus inter pares,
le premier entre ses pairs, et par conséquent il se situe au sommet de la pyramide féodale. Deuxièmement et
à ce titre, il ne doit l’hommage à personne et doit pouvoir obtenir, en tant que souverain, l’obéissance de
l’ensemble des habitants de son royaume qui deviennent, surtout à partir du XVème siècle, ses « sujets ».
En 1500, l’État moderne existe mais là où le prince ne peut faire accepter ni son action ni ses agents par le
« pays », sa genèse est bloquée ou ralentie. L’État moderne qui a un avenir ne tolère pas de médiation entre
le prince souverain et le sujet obéissant qui conserve paradoxalement une certaine autonomie. Ainsi, cette
curieuse formule accompagnant en Espagne certains ordres royaux : « Qu’il soit obéi mais qu’il ne soit pas
mis en pratique » !
Les souverainetés sont nées de la lutte contre la théocratie européenne. Au XIIIème siècle, les théologiens comme saint Thomas d’Aquin redécouvrent Aristote et le droit naturel de l’État.
Au XIème siècle, les Grégoriens, en tendant à rendre moins sacrale, plus laïque, la personne de l’empereur
et indirectement celles des rois, ont amorcé un glissement qui devait favoriser, quelques décennies plus tard,
la renaissance du droit romain. L’idée d’empire évolue d’une idée chrétienne vers une idée que l’on peut
qualifier d’idée romaine de l’empire, avec référence à l’Antiquité.
Au XIIIème siècle, l’aristotélisme, d’une part, le droit romain, d’autre part, ont été les deux courants de pensée qui ont menacé, atteint et finalement ruiné les bases même de la théocratie pontificale. Saint Thomas
d’Aquin (mort en 1274) emprunte à la pensée d’Aristote l’idée d’un ordre social autonome, indépendant de
l’ordre religieux. Saint Thomas s’est ainsi trouvé conduit à prendre le contrepied de l’augustinisme. Il l’a
pris fondamentalement et à deux points de vue qui sont liés. Le premier est relatif au rapport de la nature et
de la grâce. Pour saint Augustin, adoptant les rigueurs de l’ordre platonicien, la nature était en quelque sorte
venue se fondre dans la grâce jusqu’à perdre son autonomie. Au contraire, saint Thomas, dans le sens du
relativisme aristotélicien, distingue nature et grâce et dans un deuxième temps, reconnaît à l’État une autonomie.
Les nations européennes naissent au sein des États.
L’idée de théocratie décline à partir de la fin du XIIIème siècle et il faut reconnaître que le développement
de la souveraineté du roi de France a beaucoup contribué à ce déclin. C’est à peu près à ce moment où les
princes établissent leurs États et leurs souverainetés, que leurs sujets prennent conscience de ce qu’ils constituent, au sein de ces États, des nations.
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Chapitre XV : 1273-1519 : LE SAINT EMPIRE, MONARCHIE ÉLECTIVE ET CONFÉDÉRATION DE 350 ÉTATS ALLEMANDS
1273-1438 : Le Saint Empire a définitivement perdu sa souveraineté européenne, même si le titre impérial garde tout son prestige. Il devient définitivement une monarchie élective, indépendante de la
Papauté, dominé par l’aristocratie, pour une large part “allemande”, mais aussi italienne, composé
d’une multitude de petits États quasi-indépendants. Le contraste avec le puissant voisin Capétien à
l’ouest, État monarchique en pleine expansion centralisatrice, est saisissant. D’ailleurs, de nombreux
princes allemands sont inféodés au « Très-Chrétien ».
L’empereur et les sept électeurs se partagent la souveraineté. En 1356, la Bulle d’or de l’empereur
Charles IV codifie définitivement l’élection impériale.
Après 20 ans d’interrègne, Rodolphe 1er de Habsbourg est élu empereur en 1273. L’élection impériale, en
devenant définitivement la règle, contribue à aggraver l’affaiblissement de la monarchie et empêche toute
centralisation. Fait nouveau, sept électeurs s’accaparent le droit de désigner mais aussi de déposer le roi, et
deviennent ainsi les véritables maîtres de l’empire et de la noblesse : les archevêques de Mayence, Trèves et
Cologne, le Palatin du Rhin, le roi de Bohême, l’électeur de Saxe et le margrave de Brandebourg. La Bulle
d’or de l’empereur Charles IV en 1356 codifie cette élection impériale et renforce les pouvoirs des sept électeurs. L’empereur est tenu de les consulter une fois par an. Les princes, dans leur ensemble, sont toutefois
plus préoccupés par leur Land que par le Reich.
En 1273, Charles 1er d’Anjou, roi de Sicile propose la candidature de son neveu Philippe III, roi de France.
Cette candidature est rejetée par le Papauté qui ayant refusé en son temps l’encerclement des Hohenstaufen,
refuse ici l’encerclement des Capétiens. Elle est surtout rejetée par les princes allemands qui ne veulent pas
d’un souverain non allemand, qui ne veulent pas d’un empereur puissant et qui rejettent l’hégémonie capétienne. Ces trois caractéristiques de l’élection impériale vont perdurer dans les siècles suivants. Finalement,
le caractère allemand de l’Empire prend le pas sur son caractère universel.
Le « roi des Romains » est sacré après son élection. S’il veut être empereur, il doit faire le voyage à Rome
pour y être couronné par le pape. Rodolphe 1er renonce à ce voyage. Deux empereurs, Henri VII (13081313) et Louis IV de Bavière (1313-1347) tentent de remettre pied en Italie, sans succès. En 1356, la Bulle
d’Or passe sous silence l’approbation et la confirmation du titre impérial, revendiquées par le souverain pontife. Charles IV a choisi de régler le problème en ne le posant pas. La dramatique histoire entre la Papauté et
l’Empire est close. En 1452, Frédéric III de Habsbourg fut le dernier empereur couronné à Rome. Toutefois,
« le royaume d’Italie » reste une terre d’empire.
Trois dynasties se succèdent en alternance sur le trône impérial : les Habsbourg (Autriche), les Wittelsbach
(Bavière) et les Luxembourg : Rodolphe 1er de Habsbourg (1273) ; Adolphe 1er de Nassau (1292) ; Albert 1er
de Habsbourg (1298) ; Henri VII de Luxembourg (1308) ; Louis IV de Bavière Wittelsbach (1314) ; Charles
IV Luxembourg (1347) ; Wenceslas 1er Luxembourg (1378) ; Robert 1er Wittelsbach (1401) ; Sigismond 1er
Luxembourg (1410).
Une mosaïque d’États
Même si cela concerne l’ensemble des terres germaniques, le contraste est toutefois frappant entre une mosaïque de micro-États au sud, et notamment dans les anciennes possessions des Hohenstaufen (Alsace,
Souabe, Franconie), et au contraire des États plus vastes au nord car en pleine expansion vers l’est.
Les villes, principal soutien de l’empire
Face à la puissance de la noblesse, les villes en pleine expansion et situées essentiellement au sud du Main et
sur les côtes de la Mer Baltique (avec la Hanse) sont les principaux soutiens de l’Empire qui seul peut les
protéger contre leur principal problème, les Fehden. Ces guerres privées, sont menées essentiellement par
des chevaliers-brigands, les Raubritter, qui comme les villes, bénéficient de l’immédiateté impériale (vassalité directe), et instaurent un climat d’insécurité sur l’ensemble du Reich.
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Un empereur souverain mais sans réel
pouvoir
Au-dessus de la mêlée, le rôle de
l’empereur, avec l’aide la diète, est de
maintenir la cohésion et la paix dans
l’Empire. Toutefois, les terres impériales
patiemment constituées par les Hohenstaufen, ont été en grande partie accaparées
par les princes et l’empereur manque donc
cruellement de moyens financiers pour
mener à bien cette mission. Il doit souvent
compter sur ses propres revenus. Alors
que le roi d’Angleterre Edouard III perçoit
700 000 florins de revenus, le roi de
France Jean II, deux millions (!), l’illustre
empereur Charles IV n’en perçoit que
150 000 !
Même si la personne de l’empereur ne
s’aventure plus au-delà des Alpes, la souveraineté impériale se maintient en Italie, même après le XVème siècle. Aux villes et aux princes italiens,
elle permet d’acquérir une légitimité en obtenant des titres impériaux (vicariat, ducs, comtes,…). Aux empereurs, elle permet en distribuant ces titres, d’encaisser des sommes (parfois) énormes : en 1311, Henri VII
encaisse quelque 300 000 florins des villes italiennes. Gian Galeazzo Visconti, seigneur de Milan, obtient le
titre ducal de l’empereur Venceslas contre 100 000 florins ! En 1450, Francesco Sforza devient duc de Milan
mais il ne se préoccupe pas d’obtenir l’investiture impériale. Son fils Ludovic, constatant son absence de
légitimité aux yeux des autres princes, l’obtient contre 400 000 ducats.
Cet interventionnisme impérial peut aussi occasionner un rejet si l’empereur essaie de prendre parti dans les
affaires italiennes (c’est le cas de Henri VII lors de sa campagne italienne de 1310-1313).
1438-1519 : Les Habsbourg deviennent les maîtres du Saint Empire.
À partir de 1438, malgré le système électif, l’Empire passe définitivement aux
mains des Habsbourg qui le réorganisent.
Sous Frédéric III, la Diète, “parlement” de
l’Empire, devient le Reichstag (1489),
composé de trois collèges : les princesélecteurs et les ducs, les autres princes
ecclésiastiques et laïcs et les villes impériales. Ne peuvent faire partie de ces deux
derniers collèges que les princes et les
villes ayant obtenu l’immédiateté impériale. A la diète de 1495, Maximilien 1er
(1493-1519) tente d’instaurer la Paix perpétuelle. Puis, il instaure de véritables institutions communes : Chancellerie, Conseil
(Reichrat) et Tribunal suprême (Reichkammergericht). En 1512, il partage les
parties allemande et bourguignonne en dix
cercles. Cette réorganisation n’empêche
pas la lente désintégration de l’Empire.
Entre l’Empire et l’Italie du nord, la Confédération suisse acquiert en 1499, après avoir combattu les Habsbourg (depuis 1291) et Charles le Téméraire, une indépendance de facto.
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Chapitre XVI : 1250-1494 : L’ITALIE S’ORGANISE AUTOUR DE CINQ ÉTATS : LES
CITÉS DU NORD, MILAN, VENISE ET FLORENCE ; LES ÉTATS PONTIFICAUX AU
CENTRE ; LE ROYAUME DES DEUX-SICILES AU SUD
1250-1402 : Le nord et le centre de l’Italie reste une terre d’empire à l’exception de Venise et des États
pontificaux. Il est morcelé en de nombreuses cités-États qui se combattent pour accroître leur puissance, ce qui rend difficile l’établissement d’accords fédératifs durables. Partout les grandes familles
(Visconti, Sforza, Médicis,…) s’emparent du pouvoir. Cependant, entre ces États, les structures politiques varient.
Les seigneuries urbaines.
Dans la plaine du Pô, zone où les libertés urbaines sont plus fragiles qu’ailleurs à cause des interventions
répétées de l’empereur, et dans une bonne partie de l’Italie centrale, les seigneuries se sont développées. Au
départ de ce processus, les villes connaissant des troubles sociaux, se soumettent volontairement à un podestat, chef de l’exécutif pour une durée limitée (de six mois à deux ans) ou à un capitaine du peuple si
l’élément populaire prévaut. Par la suite, la durée de la charge augmente et accaparée par une grande famille,
elle se transforme en seigneurie. L’ultime étape est l’obtention d’un titre seigneurial (duc, comte ou marquis) de l’empereur ou du pape. L’histoire de Milan est exemplaire.
En 1277, Milan la gibeline se soumet au pouvoir de son archevêque Ottone Visconti. En 1287, son petitneveu Mathieu Visconti devient capitaine du peuple, puis seigneur de la ville en 1291. Azzone Visconti,
vicaire impérial en 1329, obtient la seigneurie perpétuelle l’année suivante. En 1395, avec Gian Galeazzo
Visconti, Milan devient un duché contre 100 000 florins versés à l’empereur Venceslas. Durant le XIVème
siècle, Milan tente de créer son « royaume d’Italie ». Elle s’agrandit au détriment des villes padanes (Pavie
en 1359, la Vérone des Scaliger en 1387) mais est arrêtée dans son expansion par Florence et Venise.
Les républiques : D’autres villes évoluent vers un pouvoir personnel, tout en conservant des institutions
républicaines. Florence la guelfe met en place un gouvernement populaire. En 1260, le popolo (grasso et
minuto) prend le pouvoir et en 1293, les Magnats sont déclarés inéligibles. A partir des années 1360, les
oligarques reprennent le contrôle de la ville et au XVème siècle, les Médicis (1434-1737) prennent le pouvoir. Sans s’en rendre compte, Florence devient une seigneurie.
Venise reste une république mais en 1297, le Grand Conseil se ferme. Le pouvoir devient définitivement
oligarchique.
Des villes comme Gênes, Lucques et Pise restent des républiques, mais après une période d’expansion et de
prospérité, elles se soumettent aux villes plus puissantes que sont Milan, Florence et Venise. Pise est annexée par Florence en 1406. Gênes reconnaît la souveraineté du roi de France en 1398-1409 et 1458-1460,
et celle de Milan en 1421. Lucques, après avoir connu son apogée dans les années 1320, décline face à Florence.
Les seigneuries féodales : Des seigneuries d’origine féodale se constituent non pas à partir d’une évolution
interne du monde urbain mais autour de familles nobles. Elles connaissent des destins divers. Dans les
Alpes, le comté de Savoie, en contrôlant les cols mettant en relation l’Italie et la France, devient à partir du
XIIIème siècle un État riche et puissant. Il devient un duché impérial en 1416. En revanche, dans la plaine
du Pô, ces seigneuries féodales, insuffisamment implantées dans les villes, sont éphémères et ne parviennent
pas à créer des États puissants (marquisat de Montferrat). En ce qui concerne les seigneuries ecclésiastiques,
elles sont beaucoup plus rares en Italie que de l’autre côté des Alpes (patriarcat d’Aquilée, évêché de
Trente).
Les États pontificaux et le Grand Schisme : En Europe, la Papauté tire parfois les ficelles mais elle a perdu la souveraineté réelle qui était la sienne au XIIIème siècle. Dans les États pontificaux, l’insécurité est
telle que les papes à partir de Clément V (1305) séjournent à Avignon. Ils perdent le contrôle des villes qui
deviennent des seigneuries. En leur absence, des légats à poigne (Bertrand du Pouget, Gilles Albornoz) pacifient les États et en 1377, Grégoire XI peut rentrer à Rome. L’année suivante, le pape meurt et le Grand
Schisme (1378-1417) divise la Chrétienté ; les « Urbanistes », partisans du pape de Rome Urbain VI (Angleterre, Flandre, Italie du nord) s’opposent aux « Clémentistes », partisans du pape d’Avignon Clément VII
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(France, Espagnes, Naples). Parmi les solutions envisagées pour résoudre le conflit, on distingue trois voies
qui se succèdent chronologiquement.
- 1377-1390 : La voie de fait : Le roi de France Charles VI veut rétablir Clément VII à Rome (mais
aussi son cousin Louis II d’Anjou à Naples et créer un royaume d’Andria pour son frère Louis
d’Orléans en Italie du nord). Ce projet échoue.
- 1390-1408 : La voie de cession : Une succession de faits (nouvelle alliance franco-anglaise, Croisade
de 1396 contre les Turcs, soustraction d’obédience du clergé français au pape d’Avignon) porte le roi
de France à changer de politique.
- 1408-1417 : La voie conciliaire : Le concile de Pise élit un pape, Alexandre V en 1409, puis Jean
XXIII en 1410. Il y a alors trois papes. La confusion règne. Le concile de Constance (1414-1417)
dépose les et élit Martin V (1417-1431). Le Grand Schisme se termine. Toutefois les « conciliaires »
(ceux qui voulaient d’une Église gouvernée par un concile permanent secondant le pape) ont perdu et
le Grand Schisme a favorisé le développement d’Églises nationales, en particulier en France où se
développe le gallicanisme. Désormais, la papauté doit négocier des concordats avec les nations du
concile.
L’expansion économique : Gênes et Venise se partagent le monopole du commerce avec l’Orient. Gênes
supplante Venise entre 1259 et 1381, puis décline et doit faire face aussi à la concurrence aragonaise. Florence contrôle le grand trafic international. Le florin de Florence et le ducat de Venise deviennent des monnaies internationales. L’Italie devient au XVème siècle la première force financière et commerciale
d’Europe.
1402-1454 : les communes italiennes du nord sont devenues des États régionaux. Les rivalités expansionnistes atteignent leur paroxysme.
Face à un nouvel expansionnisme milanais, mené par le dernier Visconti, Filippo Maria (1412-1447), une
coalition se crée, alliant essentiellement Venise et Florence. Les autres puissances passent d’un camp à
l’autre. A Milan, avec le condottiere Francesco, les Sforza (1450-1535) s’emparent du pouvoir.
En 1452-1453, renversement d’alliances, Venise, alliée à Naples, s’oppose à Milan, alliée à Florence. La
chute de Constantinople en mai 1453, oblige Venise, mais aussi les autres cités-États, à trouver un compromis.
1268-1442 : Le sud de l’Italie, après la guerre opposant les Aragonais aux Angevins, s’unifie avec le
royaume aragonais de Naples.
En 1268, Charles 1er d’Anjou devient par la volonté du pape Clément IV, roi de Sicile. En 1282, après les
Vêpres siciliennes, Pierre III d’Aragon s’empare de la Sicile. En 1295, avec Frédéric II, frère cadet du roi
d’Aragon Jacques II, l’île de Sicile devient définitivement indépendante sous le nom de royaume de Trinacrie ; tandis que sur le continent, « le royaume de Sicile », appelé royaume de Naples au XIVème siècle, est
aux mains de Charles II d’Anjou (1285-1309), puis de Robert le Sage (1309-1343).
En 1380, Jeanne 1ère, petite-fille de Robert adopte Louis 1er d’Anjou (seconde maison d’Anjou), frère du roi
de France Charles V avec le soutien du pape d’Avignon Clément VII, tandis que le pape de Rome Urbain VI
couronne l’année suivante Charles III de Duras, cousin de Jeanne. Après les règnes de Charles III (13811386), puis de son fils Ladislas 1er (1386-1414), Jeanne II (1414-1435), sœur de ce dernier, fait de René 1er
d’Anjou, petit-fils de Louis 1er, son successeur. La lutte entre Angevins et Aragonais reprend. En 1442, Alphonse V, roi d’Aragon et de Sicile, s’empare de Naples, reconstituant ainsi l’ancien royaume normand. Il
prend le titre de roi des Deux-Siciles. Le sud de l’Italie passe ainsi sous l’hégémonie aragonaise. Avec la
paix de Lodi (1454), le royaume des Deux-Siciles renonce à ses prétentions sur le nord, mais acquiert – en
théorie – un rôle d’arbitre en Italie.
1454-1494 : La paix de Lodi et la Ligue italienne (1454) instaurent un équilibre entre les cinq principales puissances italiennes : Florence, Milan, Venise, l’État pontifical et le Royaume de Naples. Le
morcèlement de 1300 laisse place à des États italiens puissants mais toujours divisés.
Après cette période de guerres, la paix de Lodi et la Ligue italienne (1454) établit le statu quo, c’est-à-dire
l’alliance des puissances italiennes et régule les conflits. Dans ce fragile équilibre, les États italiens restent
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divisés ; la Papauté se rapproche de Venise, tandis que Florence se rapproche de Milan et de Naples qui paradoxalement reste le vassal de la Papauté.
Dans chaque État, le pouvoir des princes et des gentiluomini s’accroit et se superpose à ceux des anciennes
institutions urbaines, ce qui en résulte une organisation dualiste, avec un pouvoir fort mais décentralisé et
une fiscalité très efficace. L’influence des organisations « démocratiques » connaît un réel déclin et par conséquent, la violence urbaine et interurbaine diminue. Des princes acquièrent des titres impériaux ou pontificaux : les Este deviennent ducs de Modène (1452) et de Ferrare (1471) ; Les Gonzague deviennent marquis
de Mantoue (1433).
La puissance de Florence est à son faîte, sous le « règne » de Laurent le Magnifique (1469-1492).
Venise agrandit son territoire. En 1339, Venise annexe définitivement Trévise et étend son territoire. En
1406, Vicence, Vérone et Padoue, prise au dernier des Carrare, sont accueillies dans la République. En 1433
(paix de Ferrare), Filippo Maria Visconti cède Brescia et Bergame. Avec la paix de Lodi (1454), Francesco
Sforza reconnaît la frontière vénitienne sur l’Adda.
Le duché de Savoie, bien qu’en terre d’empire, est dominé par le royaume de France.
1494 : L’Italie devient un vaste champ
de bataille européen.
Durant la seconde moitié du XVème
siècle, les seigneurs italiens ont conscience de leur richesse, de leur manque
relatif d’unité et par conséquent de la
nécessité de préserver l’équilibre des
éléments étrangers qui tentent de le troubler. Ces éléments étrangers sont les
grands États européens (le royaume de
France de Louis XI, Les Rois Catholiques
d’une Espagne en grande partie unifiée,
l’empereur Maximilien de Habsbourg) et,
en Orient, l’empire turc dont l’ascension
semble alors irrésistible. En 1494, Le roi
de Naples Ferdinand 1er d’Aragon meurt.
Charles VIII, roi de France, voulant récupérer l’ensemble de l’héritage angevin,
prend le titre de roi de Naples. C’est le
début des guerres d’Italie.
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Chapitre XVII : 1314-1485 : DE LA MONARCHIE FÉODALE A LA MONARCHIE
ADMINISTRATIVE, FRANCE ET ANGLETERRE SURMONTENT MALGRÉ TOUT
LES CRISES ET LES GUERRES.
1337-1453 : La guerre de Cent-Ans
C’est avant tout une guerre féodale dont l’enjeu est à la fois double et contradictoire : le roi d’Angleterre, en
tant que roi, réclame la pleine souveraineté sur ses terres de Guyenne ; le roi de France ne peut accepter cette
insoumission. Secondairement, c’est aussi une guerre de succession (royaume de France, mais aussi duché
de Bretagne), une guerre d’alliances (Le roi de France soutient le roi d’Écosse David II en lutte contre
Edouard III le roi d’Angleterre), une guerre économique à cause de l’enjeu flamand1, et à laquelle se rajoute
la guerre civile des Armagnacs et des Bourguignons (1411-1435). Elle se découpe en quatre périodes.
1328-1380 : Les premiers succès anglais et le
retour au statu quo
En 1328, le dernier roi Capétien Charles IV
meurt sans héritier. La noblesse française installe sur le trône son cousin Philippe VI de Valois. Le roi d’Angleterre Edouard III, dans un
premier temps et bien que petit-fils de Philippe
IV le Bel par sa mère Isabelle, ne revendique
pas la succession.
En mai 1337, Philippe VI décide de confisquer
la Guyenne à Edouard pour désobéissance. Celui-ci envoie son défi à Philippe « qui se dit roi
de France » et réclame la couronne de France.
Cette première période se solde par de nombreuses victoires anglaises : victoire navale de
l’Ecluse (1340), chevauchée du Prince Noir en
Languedoc (1345), Crécy (1346), prise de Calais (1347) et Poitiers (1356) où le roi de
France Jean II est fait prisonnier.
Après la crise politique et la jacquerie de 13561358, qui sont surtout des révoltes antifiscales,
les Français signent le traité de Brétigny et à la
paix de Calais (1360). Edouard III obtient la
souveraineté sur une grande Aquitaine mais renonce à la couronne de France. Cependant,
avec l’aide de son connétable Bertrand du Guesclin et du roi de Castille, le roi Charles V reprend une
grande partie des territoires cédés (1368-1380) ; mais la Guyenne reste anglaise.
1380-1405 : Une période de trêve, marquée par des révoltes populaires et antifiscales des deux
côtés de la Manche ; en France, le pouvoir royal est affaibli et les princes territoriaux (Anjou,
Berry, Orléans, Bourgogne,…) deviennent les maîtres du royaume
La période précédente, par ses coûts guerriers, a entraîné une augmentation de la pression fiscale et
par conséquent, a déclenché des révoltes populaires.
En Angleterre, en 1381, Richard II doit affronter une révolte antifiscale et paysanne (Wat Tyler, John
Ball) et il est renversé en 1399 par Henri de Bolingbroke, qui devient Henri IV Lancastre.
En France, en 1382, Charles VI doit aussi affronter une révolte antifiscale (Les Maillotins à Paris, la
Harelle à Rouen) et doit venir en aide à Louis de Male, comte de Flandre, en lutte contre les tisserands de Gand.
1
Le comté de Flandre fait partie encore à cette époque du royaume de France, mais les marchands de draps flamands ont
besoin de la laine anglaise pour faire fonctionner leurs ateliers. Or, dès le début du conflit, le roi de France fait de cette
marchandise une arme de guerre en interdisant son importation.
9
En France également, la faiblesse du pouvoir
royal due à la folie du roi (à partir de 1392) bouleverse l’équilibre qui s’était institué au cours du
XIVème siècle. Jusqu’en 1435, les princes territoriaux deviennent les maîtres du royaume et ils
instaurent de véritables États dans leurs principautés. On distingue les apanages aux mains des
princes de sang royal (les oncles du roi, duc
d’Anjou, duc de Berry, duc de Bourgogne, et
Louis duc d’Orléans, frère du roi) et les principautés héréditaires (duchés de Bourbon, de Bretagne, comté de Foix-Béarn, comté de Flandre
qui passe aux mains du duc de Bourgogne,…).
Toutefois, l’État royal restant fort, ces princes ont
besoin du roi et le lien avec Paris se maintient. Ils
cherchent à contrôler le trésor royal, source principale de leurs revenus, et le Conseil du roi.
1405-1422 : La guerre civile des Armagnacs et
des Bourguignons et les nouvelles victoires anglaises
En 1405, la guerre reprend en Guyenne et près de
Calais. En 1410, après l’assassinat du duc
d’Orléans, frère du roi, par son cousin Jean sans
Peur, duc de Bourgogne (1407), un parti Armagnac contre les Bourguignons se forme. Une
guerre civile se rajoute à la guerre contre les Anglais. En 1415, Henri V inflige une terrible défaite à
Azincourt (1415), puis conquiert la Normandie (1417-1420). En 1419, Jean sans Peur est assassiné
par les Armagnacs, partisans du dauphin Charles. Philippe III le Bon, duc de Bourgogne s’allie avec
les Anglais. Au traité de Troyes (1420), Henri V obtient la succession de Charles VI, mais les deux
rois meurent en 1422.
1422-1453 : La fin de la guerre civile et la lente reconquête française
En 1422, le roi d’Angleterre et de France Henri VI n’a qu’un an et son oncle, le duc de Bedford, devient le régent. Il doit conquérir le sud du royaume de France, tenu par le dauphin Charles qui s’est
réfugié à Bourges et qui se proclame roi de France.
En 1429, Jeanne d’Arc galvanise la résistance française. Elle lève le siège d’Orléans et conduit le roi
Charles VII à Reims pour qu’il reçoive l’onction du sacre. Faite prisonnière à Compiègne, elle est
vendue aux Anglais par Jean de Luxembourg, allié des Bourguignons, jugée et brûlée vive à Rouen
en 1431.
En 1435, au traité d’Arras, Philippe le Bon et Charles VII se réconcilient. Les Anglais se retrouvent
isolés sur le continent. Par la suite, les Français reprennent Paris (1436), la Normandie (1449-1450),
la Guyenne (1451) et après de Castillon, Bordeaux (1453). Toutefois, aucune paix ne conclut cette
guerre.
1364-1483 : L’éphémère État des ducs de Bourgogne et la renaissance de la monarchie française
1364-1404 : Constitution de l’État bourguignon
À cheval sur le royaume de France et l’Empire, l’État bourguignon comprend à son apogée deux
blocs : les Flandres, l’Artois, la Picardie, la Hollande, le Brabant, le Hainaut, le Luxembourg au nord
(pays de par-deçà, futurs Pays-Bas), le duché de Bourgogne et le comté de Bourgogne au sud (pays
de par-delà). Quatre ducs se succèdent : Philippe II le Hardi, frère du roi de France Charles V (1364),
Jean sans Peur (1404), Philippe III le Bon (1419) et Charles le Téméraire (1467-1477).
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1404-1467 : La lutte contre les rois de France et
la réconciliation
En rivalité avec Louis d’Orléans, frère de Charles
VI, Jean sans Peur le fait assassiner en 1407. Deux
partis s’affrontent alors : les Bourguignons et les
Armagnacs, partisans du dauphin Charles. En 1419,
celui-ci fait assassiner Jean.
À la suite de l’assassinat de son père, Philippe le
Bon affirme son indépendance et s’allie aux Anglais de 1420 à 1435.
En 1435, Philippe se réconcilie avec son cousin
Charles VII et l’aide à chasser les Anglais jusqu’en
1453.
1467-1477 : Le rêve de Charles le Téméraire
Charles le Téméraire, reprenant l’idée de son père
et de son grand-père, tente de ressusciter l’ancienne
Lotharingie et de souder les deux blocs en occupant
de gré ou de force les terres du duché de Lorraine.
Après la guerre de Cent-Ans, le roi de France Louis
XI (1461-1483) entame une lutte victorieuse contre
son cousin Charles, lutte qui met fin à l’expérience
bourguignonne et permet au roi Louis de réaffirmer
son entière souveraineté sur l’ensemble du
royaume.
Après la mort de Charles (1477), l’héritage bourguignon est partagé :
- L’empereur Maximilien 1er épouse
l’héritière Marguerite de Bourgogne et récupère la
Flandre et le comté de Bourgogne.
- Le roi de France Louis XI récupère la
Picardie, l’Artois (cédé à nouveau à l’Empire en
1493) et le duché de Bourgogne.
- La Flandre, “française” depuis 843, est
intégrée de fait à l’Empire. Cette intégration sera
confirmée plus tard en 1526 par le traité de Madrid
qui supprime la vassalité française.
1454-1485 : La guerre civile des Deux Roses dans le
royaume d’Angleterre
La guerre des Deux-Roses (1454-1485), en Angleterre,
entre les Lancastre (rose rouge) et les York (rose blanche),
fait suite à la défaite contre le royaume de France, et se
traduit par une victoire éphémère des York, puis par celle
définitive des Tudor en 1485 avec Henri VII.
Chapitre XVIII : 1292-1516 : PAR ALLIANCES DYNASTIQUES, LA MONARCHIE
UNIFIE L’ESPAGNE.
1292 : L’arrêt provisoire de la Reconquista.
En 1292, après la prise de Tarifa (mais pas celle de Gibraltar), la Reconquista est presque achevée. Seul le
petit royaume nasride de Grenade maintient une présence musulmane dans la péninsule ibérique.
11
1112-1442 : Constitution de l’empire aragonais
L’empire aragonais se constitue entre 1112 et 1442. Entre 1112 et 1246, les Aragonais sont comtes de Provence. En 1137, l’Aragon et la Catalogne sont réunifiés. Les Baléares sont conquises en 1232, Valence en
1238, la Sicile en 1282 et la Sardaigne en 1324 (contre les Génois). En 1442, Alphonse V le Magnanime, roi
d’Aragon (1416-1458), s’empare du royaume de Naples et unifie ainsi tout le sud de l’Italie. Il devient un
des principaux acteurs de la Ligue italienne de 1454. A sa mort, en 1458, l’Aragon et la Sicile échoient à son
frère Jean II, tandis que son fils bâtard Ferdinand 1er hérite de Naples.
L’Aragon est une monarchie rassemblant trois États : Aragon, Catalogne et Valence. Chacun possède ses
droits et son assemblée représentative (Cortes). Entre eux, les divergences sont réelles ; Valence et Barcelone bénéficient de la politique d’expansion en Méditerranée occidentale alors que l’Aragon y est hostile.
Les possessions extérieures (Majorque, Sicile-Naples, Sardaigne) sont laissées à des branches cadettes, Ferdinand 1er et son fils Alphonse V faisant exception.
1369-1479 : Les Trastamare règnent sur les Espagnes
En 1369, avec Henri II, les Trastamare deviennent rois de Castille (avec l’aide des grandes compagnies de
Bertrand du Guesclin). Les anciens lignages disparaissent au profit d’une nouvelle haute noblesse, les
Grandes, qui contrôlent d’immenses principautés territoriales notamment au sud.
En 1412, avec le Compromis de Caspe, Ferdinand 1er, fils cadet du roi de Castille Jean 1er (1379-1390) et
d’Éléonore, héritière d’Aragon, devient roi d’Aragon-Sicile (1412-1416). En 1420, son neveu Jean II roi de
Castille (1406-1454) épouse Blanche, l’héritière de Navarre. Les Trastamare sont les maîtres de l’Espagne et
une union devient envisageable. Durant la minorité du roi Jean II de Castille, une première tentative de rapprochement des deux couronnes est rejetée par la noblesse castillane ; idem en Aragon où durant la guerre
civile de 1462-1472, les Catalans luttent sans succès contre leur roi « étranger » Jean II (1458-1479).
1469-1516 : L’unification dynastique et territoriale de l’Espagne et la fin de la Reconquista
En 1469, le futur roi Ferdinand II d’Aragon épouse la future reine Isabelle 1ère de Castille.
En 1475, Isabelle, reine depuis un an, octroie à Ferdinand un
pouvoir absolu sur la Castille. En 1479, Ferdinand fait de
même pour l’Aragon. Les deux royaumes sont de fait unifiés.
Toutefois, la Castille domine.
Entre 1482 et 1492, les deux « Rois très catholiques » conquièrent le royaume nasride de Grenade, dernière terre musulmane
en Espagne. Les Juifs d’Espagne sont expulsés en 1492, les
Musulmans une première fois en 1502 (définitivement en
1611). L’Espagne redevient une terre chrétienne.
En 1501, Ferdinand, déjà maître de la Sicile, s’empare de
Naples et crée le royaume des Deux-Siciles. En 1512, il
s’empare de la Haute-Navarre, la Basse-Navarre au nord des
Pyrénées restant française. A sa mort, en 1516, hormis le Portugal, toute la péninsule ibérique est unifiée et le sud de l’Italie
est espagnol.
L’affermissement de l’État et de la monarchie espagnols
En 1476 et 1480, les Cortès de Madrigal et de Tolède instaurent la Santa Hermandad, union « sacrée » des villes contre les
guerres privées, en réalité esquisse d’une armée permanente au
service des Rois.
En 1480, le Conseil royal devient le principal organe de gouvernement, annonçant le futur système polysynodique (gouvernement des conseils). Les rois s’entourent de letrados, juristes ayant fait au moins dix ans
d’études universitaires, et notamment dans les Colegios mayores de Salamanque et de Valladolid. Les corregidores, agents royaux, chapeautent toutes les administrations locales. Toutefois, le prestige de la noblesse
reste intact. Les Grandes, la haute noblesse, les caballeros, la noblesse urbaine et les hidalgos, la noblesse
rurale, 10 % de la population castillane (!), sont les principaux soutiens de la monarchie.
12
CINQUIÈME PARTIE : L’EUROPE DES GUERRES DE
RELIGION, La naissance des États-nations (1516-1648)
Au XVIème siècle, l’ultime tentative par Charles Quint de créer un empire universel est un échec. Les
monarchies du Moyen Âge sont devenues de puissants États-nations qui affirment leur puissance et
leur indépendance.
Des États-nations, c’est-à-dire des territoires et des nations ayant à leurs têtes des souverains et qu’il convient d’unifier, de défendre, de contrôler pour en tirer un maximum de revenus financiers. Ces États sont
gérés comme d’immenses domaines familiaux, les droits patrimoniaux remplaçant autant que possible les
droits particuliers des vassaux, des féodaux et des provinces. Les conflits dynastiques tournent de plus en
plus autour de questions d’héritages (les guerres d’Italie), de dots, de droits acquis par mariage ou naissance,
de sorte que les prétentions des princes, affirmées ou défendues comme toujours par la force des armes, se
fondent sur des contrats matrimoniaux et non plus féodaux, “et les territoires des futurs États nationaux furent constitués comme des propriétés familiales.”2
Les guerres de religion divisent l’Europe.
Au départ, une simple « querelle de moines », qui aurait pu trouver une issue si l’intransigeance des uns et
des autres n’avait pas prévalue. A partir des années 1540, cette confrontation théologique se transforme en
guerre ouverte. Des guerres civiles d’abord, en Allemagne, puis en Angleterre, en France. Enfin, des guerres
internationales comme la guerre d’indépendance des Provinces-Unies (1568-1648), et surtout la guerre de
Trente Ans (1618-1648), prodigieusement effroyable.
Les grandes dynasties (les Valois puis les Bourbon en France, les Habsbourg en Espagne et dans
l’Empire, les Tudor en Angleterre) dominent ou tentent de dominer le jeu européen.
Les alliances, les « amitiés chevaleresques » (François 1er et Henri VIII, par exemple), se font et se défont,
tout cela sous la menace des Turcs, contre lesquels on peut lancer des appels à la croisade (notamment les
empereurs, les plus proches du danger), ou bien avec lesquels on peut au contraire pactiser !
Chapitre XIX : 1516-1519 : LA CONSTITUTION DE L’EMPIRE DE CHARLES-QUINT
Charles Quint constitue par héritage un immense et riche empire qui comprend les Espagnes et les
colonies espagnoles d’Amérique, les Pays-Bas, le Saint Empire et l’Italie du sud. Cet empire encercle
le royaume de France.
Grâce aux héritages espagnol, bourguignon et autrichien, les Habsbourg avec l’empereur Charles Quint se
retrouvent entre 1516 et 1519 à la tête d’un empire riche, immense mais disparate, composé de quatre parties
séparées : les Espagnes au sud-ouest, et les colonies espagnoles d’Amérique outre-Atlantique, le comté de
Bourgogne et les Pays-Bas au nord-ouest, les possessions autrichiennes du Saint Empire au nord-est, la Sardaigne et le royaume des Deux-Siciles au sud-est. A cet héritage, il faut ajouter le duché de Milan, annexé à
partir de 1535, qui représente l’anneau indispensable dans la chaîne d’un empire dont les voies de communication passent par la Lombardie.
À cet héritage, il faut aussi rajouter le royaume de Bohème et l’ouest du royaume de Hongrie. Après la défaite et la mort à Mohács en 1526 du dernier roi hongrois et tchèque Louis II Jagellon contre les Ottomans,
le frère de Charles Quint, le futur empereur Ferdinand 1er (1556-1564) hérite de ces deux royaumes.
Malgré cette puissance territoriale, Charles-Quint ne parvient même pas à pérenniser la Paix perpétuelle
dans la partie germanique de son empire.
Charles Quint rêve d’une « monarchie universelle » faites d’allégeances européennes, et unie dans la lutte
contre l’expansion ottomane. Il est le dernier empereur germanique à nourrir le rêve carolingien d'un Empire
prenant la tête de la Chrétienté. Cette ambition d'unité chrétienne face à la poussée du monde ottoman dans
les Balkans et en Méditerranée est brisée par l'opposition farouche et ininterrompue des rois de France François 1er et Henri II, qui à la même époque consolident le royaume français pour en faire un État national moderne, ainsi que par la rupture religieuse provoquée par Martin Luther et les Réformes protestantes à partir
2
Eugen Weber, Une histoire de l’Europe, Fayard, tome I, 1986, p. 259
13
de 1517. Ces deux conflits extérieur et intérieur occupent ses finances et son énergie pendant tout son règne,
tandis que des révoltes intérieures en Castille, en Allemagne et dans les Flandres affaiblissent par moment
les bases de son pouvoir.
Chapitre XX : 1517-1555 : LES GUERRES DE RELIGION NAISSENT EN
ALLEMAGNE ; L’EMPEREUR CHARLES QUINT LUTTE CONTRE LES PRINCES
PROTESTANTS DE L’EMPIRE
1517-1531 : La naissance du Protestantisme : « D’une querelle de moines » à la rébellion des princes
En 1517, le moine Martin Luther affiche ses 95 thèses à Wittenberg. Il rejette les indulgences ; il affirme que
la seule richesse de l’Église réside dans les Saintes Écritures. En 1521, Charles Quint réunit la diète de
Worms et Luther est mis au ban de l’Empire. Pour lui éviter le sort de Jan Hus en 1415, l’électeur de Saxe le
fait enlever et l’installe dans le château de Wartburg. Très vite donc, la confrontation religieuse se double
d’une confrontation politique. En 1529, l’archiduc Ferdinand décide que le luthéranisme sera toléré là où il
est établi. Les Luthériens protestent et deviennent ainsi les « Protestants ». En 1530, un disciple de Luther,
Melanchthon rédige la Confession d’Augsbourg, profession de foi des luthériens.
En France, le théologien Calvin se convertit aux théories de
la Réforme. Pour Calvin, il s'agit moins de se convertir à une
autre religion que de réformer le fonctionnement spirituel de
la société pour être de bons chrétiens. Il se définit d'ailleurs
lui-même avant tout comme chrétien. En 1536, après
« l’affaire des placards », il se réfugie à Genève.
1531-1555 : La guerre contre la Ligue de Smalkalde et la
paix d’Augsbourg
Charles-Quint doit faire face aux princes protestants de la
Ligue de Smalkalde (1531-1555). Dirigée par Philippe de
Hesse et l’Électeur Jean Frédéric de Saxe, elle déclare la
guerre à Charles Quint en 1546. Soutenue par Henri II, roi de
France, elle subit d’abord une défaite à Mühlberg (1546),
puis vainc l’empereur dans le Tyrol. En 1553, Charles Quint
14
quitte définitivement l’Allemagne pour l’Espagne et charge son frère Ferdinand de trouver un compromis.
La paix d’Augsbourg (1555) instaure la liberté religieuse des États allemands : cujus regio, ejus religio, tel
prince, telle religion.
Chapitre XXI : 1516-1559 : LES GUERRES D’ITALIE ; LE ROI D’ESPAGNE
CHARLES 1er LUTTE CONTRE LES ROIS DE FRANCE VALOIS.
1494-1515 : Les premières guerres
d’Italie
Entre 1494 et 1498, Charles VIII, fils de
Louis XI, en tant qu’héritier de la maison d’Anjou, revendique le trône du
Royaume de Naples. Pour cela, il obtient
la neutralité de Ferdinand 1er d’Aragon
(à qui il cède le Roussillon et la Cerdagne), de l’empereur Maximilien 1er (à
qui il cède l’Artois, la Franche-Comté et
le Charolais) et du roi d’Angleterre Henri VII Tudor. Sa tentative de 1494-1497
est un échec. Après sa mort l’année suivante, son successeur Louis XII revendique lui aussi le royaume de Naples,
ainsi que le duché de Milan (Valentine,
fille du premier duc de Milan Gian
Galeazzo Visconti, était sa grand-mère).
Louis conquiert Milan en 1500, puis se
tourne vers Naples l’année suivante.
Attaqué au nord par les Français et au sud par son cousin Ferdinand II d’Aragon, Frédéric II abdique. En
1503, Ferdinand II récupère l’ensemble du royaume de Naples qui devient une terre espagnole. En 1513,
Louis XII, confronté à la Sainte Ligue autour du pape Jules II3, perd également Milan. Après la victoire de
Marignan en 1515 sur Maximilien Sforza, son successeur François 1er reprend Milan.
1519-1547 : Charles Quint contre François 1er
Après l’élection impériale de 1519 qui voit la victoire de Charles Quint contre François 1er, les possessions
des Habsbourg encerclent le royaume de France. Milan (et Gênes), occupé par François 1er, devient un enjeu
important pour le nouvel empereur, lequel veut également récupérer le duché de Bourgogne. En 1522, il
conquiert Milan et réinstalle les Sforza sur le duché. En 1526, après la défaite de Pavie, François 1er est fait
prisonnier. Au traité de Madrid, il renonce à la Flandre et à l’Artois. L’année suivante, les troupes du connétable de Bourbon, au service de l’empereur, mettent à sac Rome. Au traité de Cambrai en 1529, Charles
Quint renonce à la Bourgogne. Entre 1535 et 1538, François II, le dernier Sforza meurt et la guerre reprend.
Charles Quint annexe le duché de Milan, tandis que François 1er occupe la Savoie et le Piémont. En 1544,
François 1er doit affronter Charles Quint à l’est et Henri VIII au nord. En 1546, il renonce à Milan et Naples
et meurt en 1547.
1547-1559 : Henri II contre Charles Quint et Philippe II
Le nouveau roi Henri II apporte son soutien aux princes allemands protestants. En 1552, il occupe les trois
Évêchés de Toul, Verdun et Metz mais en 1557, soutenu par sa femme Marie 1ère Tudor, reine catholique
d’Angleterre, le nouveau roi d’Espagne Philippe II vainc les troupes françaises à Saint-Quentin.
En 1559, malgré la prise de Calais, la France signe le traité de paix de Cateau-Cambrésis qui met fin aux
guerres d’Italie et consolide la domination espagnole de la péninsule italienne. La France restitue la Savoie à
Emmanuel-Philibert, le vainqueur de Saint-Quentin, et renonce définitivement au rêve italien. La pax hispanica règne en Italie.
3
« Dehors les barbares ! »
15
Chapitre XXII : 1556 : CHARLES QUINT PARTAGE SON EMPIRE EN DEUX
En 1556, Charles-Quint abdique et procède à un partage :
- À son fils Philippe II, il laisse l’Espagne, les possessions en Italie (duché de Milan acquis en
1535, le royaume des Deux-Siciles et la Sardaigne), les Dix-sept Provinces des Pays-Bas et les colonies
américaines (Habsbourg d’Espagne) ;
- À son frère Ferdinand 1er, il laisse le titre impérial, l’Autriche, la Bohême et l’ouest de la Hongrie (Habsbourg d’Autriche).
Cet ensemble germano-ibérique est largement dominé dans un premier temps par l’Espagne.
Malgré cette scission, l’empire des Habsbourg encercle et donc menace toujours le royaume de France.
Chapitre XXIII : 1555-1648 : LES PAYS-BAS, LA FRANCE, L’ANGLETERRE ET
L’ALLEMAGNE AUX TEMPS DES GUERRES DE RELIGION
La lutte qui oppose les Catholiques aux Protestants a pour conséquence des guerres et de graves crises
politiques pas seulement dans l’Empire, mais aussi aux Pays-Bas, en France et en Angleterre.
1568-1648 : La guerre de Quatre-vingts Ans aux Pays-Bas et la naissance de « l’exception hollandaise »
Durant la guerre des Quatre-vingts Ans, les Habsbourg
d’Espagne catholiques s’opposent aux Néerlandais protestants.
En 1568, les Pays Bas se révoltent contre la présence militaire
espagnole et les persécutions des Protestants. En réponse, Philippe II envoie le duc d’Albe à Bruxelles pour réprimer les rebelles. En 1576, après le sac d’Anvers, Catholiques et Protestants des 17 provinces s’accordent pour mettre fin aux exactions
des troupes espagnoles et instaurent une tolérance religieuse.
Toutefois, en 1579, les dix provinces du sud, restées fidèles à
Philippe II, s’unissent dans l’Union d’Arras, tandis qu’au nord,
les sept provinces protestantes s’unissent dans l’Union
d’Utrecht. En 1581, l’Union d’Utrecht devient une république,
les Provinces-Unies. Soutenue par la France et l’Angleterre, elle
entre en lutte contre les Pays-Bas espagnols. Après une trêve de
douze ans (1609-1621), la guerre reprend contre l’Espagne mais
cette fois-ci dans le cadre de la guerre de Trente-Ans. En 1648,
aux traités de Westphalie, l’indépendance des Provinces-Unies
est reconnue.
Malgré les luttes contre les Habsbourg d’Espagne puis après
1648 contre Louis XIV, les Provinces-Unies deviennent une
exception dans l’Europe du XVIIème et du XVIIIème siècle :
- Dans une Europe largement absolutiste, c’est d’abord
une république où le pouvoir est partagé entre ses États généraux, la grande bourgeoisie commerçante toute puissante en Hollande et en Zélande (les “régents” et le “Grand pensionnaire”) et la prestigieuse famille d’Orange-Nassau
qui fournit les gouverneurs militaires (stadhouders) de Hollande et des autres provinces.
- Peuplée d’à peine un million et demi d’habitants, les Provinces-Unies deviennent au XVIIème
siècle, avec une certaine insolence, la première puissance maritime, commerciale et financière d’Europe.
Amsterdam devient « le magasin de l’Europe4 ».
- Alors que la plupart des monarchies se construisent sur l’identité forcée entre la religion du prince
et celle de ses sujets, ici la tolérance est devenue une donnée fondamentale.
- Enfin, la composition sociale des Provinces-Unies n’accorde à la noblesse d’épée qu’une position
secondaire par rapport à un tiers état dominant. Ici, le travail et l’argent sont plus importants que la notion
d’honneur et d’héroïsme.
4
Roussignault, Le Guide universel de tous les Pays-Bas et les 47 provinces, 1665.
16
1534-1598 : Les guerres de religion dans le royaume de France
Les premiers troubles religieux apparaissent sous le règne de François Ier (1515-1547). Malgré son inclination pour l'humanisme, le roi considère la Réforme comme néfaste à son autorité. À partir de l'affaire des
Placards (1534), le roi se met à persécuter les protestants. En 1545, 3000 Vaudois du Luberon sont massacrés à Mérindol sur l'ordre du Parlement d'Aix et avec l'assentiment du roi.
C'est sous le règne de son fils Henri II (1547-1559), que les tensions religieuses augmentent dangereusement. Le roi met en place une législation antiprotestante. Malgré cette persécution, le protestantisme connaît
un essor considérable.
En 1560, le jeune roi François II confie le gouvernement aux oncles de son épouse, le duc de Guise et le
cardinal de Lorraine partisans catholiques de la fermeté à l'égard des protestants. La légitimité de leur présence au pouvoir est remise en cause par les protestants dont le prince de Condé.
À la mort de François II en décembre 1560, Catherine de Médicis ouvre la Régence au nom du tout jeune
Charles IX, dix ans. Elle écarte les Guise du pouvoir et cherche avec le chancelier Michel de l'Hospital un
terrain d'entente entre catholiques et protestants. Le débat religieux donne alors naissance à un intense débat
politique. D'un côté les catholiques veulent faire l'unité religieuse autour du roi au nom du vieil adage : « Un
roi, une loi, une foi ». De l'autre, un courant, les politiques, s'efforce de disjoindre les problèmes politiques
et les problèmes religieux afin de maintenir, avant tout, la cohésion de l'État. L'année 1561 est l'apogée du
protestantisme en France. Il y a environ deux millions de protestants en France. La marche à la guerre est
déclenchée le 1er mars 1562 par le massacre de protestants à Wassy.
On peut distinguer huit guerres de religions : 1562-1563, 1567-1568, 1568-1570, 1572-1573, 1574-1576,
1576-1577, 1579-1580, 1585-1598, la dernière se transformant en guerre classique contre le roi d'Espagne
qui a soutenu la Ligue catholique créée en 1576. En fait, la France connaît 36 années de troubles avec seulement deux périodes d'accalmie relative.
En 1589, Henri III, roi de France depuis
1574, est assassiné par un moine fanatique,
faisant ainsi de Henri de Navarre, chef des
Protestants, le nouveau roi de France.
En 1593, Henri IV comprend qu'il ne sera
jamais accepté s'il reste protestant. Il annonce
sa conversion au catholicisme et abjure à la
cathédrale de Saint-Denis. Cette conversion
lui ouvre les portes de Paris en 1594. Il est
sacré à Chartres le 27 février 1594. Les ralliements au roi légitime s'accélèrent.
En 1598, la France et l'Espagne sont à bout
de force et signent la paix de Vervins. Henri
IV règle le problème protestant par l'adoption
d'un édit de tolérance, l'Édit de Nantes. Les
réformés obtiennent la liberté de conscience,
une liberté de culte limitée et l'égalité civile
avec les catholiques. Des garanties judiciaires
leur sont assurées par la constitution de « tribunaux mi-parties » dans quatre villes. Enfin
pour se protéger ils disposent d'une centaine
de places fortes pour huit ans, privilège renouvelé en 1606. Mais le nombre de protestants a fortement diminué. À la fin des
guerres de religion, ils ne sont plus qu'un million en France.
17
1485-1603 : L’Angleterre des Tudors : du déclin absolu5 à la domination maritime et économique de
l’Europe.
Henri VIII, roi d’Angleterre depuis 1509, rompt avec Rome en 1534 et établit une Église indépendante dont
il se proclame le chef suprême (Acte de suprématie).
Son fils Edouard VI (1547) favorise le protestantisme, tandis que sa demi-sœur Marie 1ère (1553), catholique, se rapproche de l’Espagne contre la France.
Véritable fondatrice de l’Église anglicane, Élisabeth 1ère, demi-sœur des deux précédents, lutte contre
l’Espagne catholique (victoire contre L’Invincible Armada en 1588) et apporte son soutien aux protestants
des Provinces-Unies.
Alors que les souverains de son temps constituent des armées régulières, les Tudor créent une marine royale.
Grâce à ces mesures, l’Angleterre deviendra à partir du XVIIIème siècle, la principale puissance maritime et
économique de l’Europe6.
1555-1618 : L’Allemagne : Climat de tension entre les princes protestants, soutenus par la France catholique et l’empereur et les princes catholiques, soutenus par l’Espagne
Chapitre XXIV : 1556-1648 : L’HÉGÉMONIE ESPAGNOLE : ESPAGNE ET ITALIE
UNIES DANS L’APOGÉE, PUIS DANS LE DÉCLIN
1516-1598 : Le Siècle d’or, apogée de l’hégémonie espagnole
Durant les règnes de Charles Quint (1516-1556) et surtout de Philippe II (1556-1598), l’Espagne est à son
apogée, notamment grâce à l’arrivée d’énormes quantités de métaux précieux américains qui permettent aux
monarques espagnols de financer leurs nombreuses guerres : guerres victorieuses d’Italie (1516-1559),
guerre contre les Pays-Bas (1568-1648), guerres contre les Turcs (victoire de Lépante, 1571), guerre contre
l’Angleterre (désastre de l’Invincible Armada, 1588).
1598-1648 : L’amorce du déclin espagnol
Les rois Philippe III (1598-1621) et Philippe IV (1621-1665) ne sont pas dignes de leurs ancêtres. Le pouvoir appartient aux favoris. Alors qu’au nord de l’Europe, l’absolutisme confère un avantage décisif aux
monarchies nationales, l’Espagne reste une monarchie plurinationale et divisée, ce qui ne lui permet pas
d’arrêter son évolution déclinante. En 1640, le Portugal, annexé depuis 1580, retrouve son indépendance
avec son roi, Jean IV de Bragance. Entre 1640 et 1659, la Catalogne se soulève, exaspérée par les charges
financières imposées par la Castille.
1559-1713 : L’Italie devient un satellite de l’Espagne avec laquelle elle partage le déclin.
Florence et Gênes, sous protection espagnole, deviennent des places bancaires
À Florence, les Médicis, chassés en 1494, sont rétablis avec l’appui de Charles Quint (1531). Florence devient alors le duché (puis le Grand-duché en 1569) de Toscane. Son économie et son influence décroît.
Gênes, jadis puissance maritime, se reconvertit dans la banque. Par leurs lettres de change gagées sur les
importations de métaux précieux américains, les asientos, Gênes et Florence financent les guerres menées
par l’Espagne, notamment aux Pays Bas.
Milan, possession espagnole, nœud indispensable de l’empire habsbourgeois
Milan, espagnole depuis 1535, le reste jusqu’en 1713. Elle est le nœud indispensable des possessions habsbourgeoises, notamment pour le déplacement des troupes. Pour cela, Milan contrôle la haute vallée de
l’Adda, la Valteline, qui devient aussi l’objet des convoitises vénitiennes et françaises. Malgré une courte
occupation française entre 1631 et 1637, la Valteline reste espagnole.
5
Charles-Quint : « Je parle latin à Dieu, italien aux musiciens, espagnol aux dames, français à la cour, allemand, aux laquais et
anglais à mes chevaux. »
6
En 1563, une loi d’Élisabeth 1ère oblige même ses sujets majoritairement protestants à consommer du poisson le mercredi en
plus du vendredi, sauvant ainsi le monde de la pêche, vivier de la marine.
18
Venise déclinante mais toujours indépendante
- Venise, la Sérénissime République, toujours indépendante, mais concurrencée par de nouvelles grandes
puissances commerciales (Portugal, Provinces-Unies, Angleterre) et surtout confrontée en Orient à
l’expansionnisme ottoman, elle perd sa place de capitale commerciale de l’Europe. Côté continent, à partir
de 1630, elle opte pour la neutralité dans les conflits européens.
Le duché de Savoie, entre Espagne et France
- Maître des cols alpins entre la France et l’Italie, le duché de Savoie use de sa position stratégique et tente
de manœuvrer entre l’Espagne et la France. Emmanuel-Philibert (1553-1580), neveu de Charles Quint,
œuvre pour les Espagnols. Chef militaire des impériaux, il bat les Français à Saint-Quentin (1557). En 1580,
à l’avènement de Charles-Emmanuel 1er (1580-1630), la Savoie constitue un État compact, allant de la
Saône à Nice, et au Milanais. En 1601, elle cède à la France, la Bresse, le Bugey et le pays de Gex. Se
voyant contraint de tourner ses appétits vers Milan et Gênes, la Savoie s’allie avec la France jusqu’en 1689.
La décadence des États pontificaux
- Les États pontificaux conservent une certaine autonomie face à l’Espagne, mais se sclérosent. La féodalisation des territoires et la mise en place des latifundia accentuent l’appauvrissement des campagnes. Malgré la
puissance de l’administration et de la curie pontificale, les États pontificaux sombrent dans la misère et le
banditisme.
Le royaume de Naples, annexion espagnole
- Le royaume de Naples appartient à l’Espagne et est gouverné par un vice-roi. Dans les campagnes, les barons dominent et comme dans les États pontificaux, la misère et le banditisme règnent. De toutes ses possessions, le royaume de Naples est celui qui contribue le plus massivement au financement de la monarchie
ibérique. L’hostilité des Napolitains au pillage du royaume entretient un esprit de révolte qui éclate lors de
l’insurrection de 1647-1648. Après l’échec de cette dernière, l’aristocratie terrienne impose définitivement
son hégémonie.
Les autres cités (Parme, Mantoue) tremblent devant les Tercio 7 des Milanais.
Chapitre XXV : 1618-1648 : LA GUERRE DE TRENTE ANS
La guerre de Trente-Ans (1618-1648) oppose les Habsbourg d’Autriche et d’Espagne, catholiques, aux
princes protestants, allemands et tchèques, soutenus par la Suède protestante, puis par la France catholique à partir de 1635.
1618-1623 : La révolte matée de la Bohème
- En 1618, la Bohème protestante se révolte contre l’empereur Mathias 1er. En 1619, elle ne reconnait pas le
nouvel empereur Ferdinand II, promulgue sa propre constitution et choisit pour roi l’électeur palatin Frédéric V qui se rend ainsi coupable de félonie. En 1620, fort du soutien des Espagnols et du loyalisme des autres
princes allemands, Ferdinand envoie ses troupes impériales commandées par Tilly, qui vainquent les
Tchèques à la Montagne blanche.
En 1623, Ferdinand place sous séquestre les terres du Palatin. La paix semble revenue, malgré l’inquiétude
d’une restauration catholique de la part des princes protestants.
1625-1629 : L’intervention du roi du Danemark Christian IV
- Le roi du Danemark Christian IV, soutenu par Richelieu et par les Hongrois de Transylvanie, entre en
guerre contre Ferdinand. En 1626-1627, Tilly et le condottiere tchèque Wallenstein battent les Danois et les
princes protestants (Hesse-Kassel, Saxe-Weimar…). En 1629, Christian IV signe le traité de Lübeck. Se
sentant assez puissant, Ferdinand réclame la restitution de tous les biens de l’Église sécularisés par les protestants depuis 1552.
7
Nom donné aux mercenaires espagnols à l’Époque moderne, soldats efficaces et à ce titre, très redoutés.
19
1630-1635 : L’intervention du roi de Suède
Gustave-Adolphe
- En 1630, le roi de Suède Gustave-Adolphe
intervient dans le conflit pour soutenir les protestants du nord menacés par les armées de Tilly. En 1631, celui-ci massacre la population de
Magdebourg, ce qui a pour effet de rallier les
électeurs de Brandebourg et de Saxe à GustaveAdolphe. En 1632, Wallenstein chasse les
Saxons de Bohème et les Suédois de Bavière et
Gustave-Adolphe est tué à la bataille de Lützen.
La Suède reste en guerre et certains princes, las
de la guerre, se placent sous la protection de la
France. Les Suédois sont battus à Nördlingen en
1634 et en 1635, les princes signent la paix de
Prague et se rallient à l’empereur.
1635-1648 : L’intervention franco-suédoise et
la paix de Westphalie
- Pour Richelieu, il faut affaiblir l’empereur
pour l’empêcher de soutenir l’Espagne, proche
et menaçante. Par conséquent, il faut combattre
l’Espagne (soutiens aux Hollandais, aux Catalans et aux Portugais) ; s’allier aux princes allemands protestants ; empêcher les Habsbourg
d’atteindre le Rhin en occupant l’Alsace et
couper ainsi la route entre Milan et les
Flandres ; contrôler les cols alpins
(grâce à l’alliance avec la Savoie) et la
Valteline. En 1635, la France déclare la
guerre à l’Espagne qui est soutenue par
l’empereur, lui-même toujours en guerre
contre la Suède et les princes de HesselKassel et de Saxe-Weimar. Après une
série de victoires françaises (occupation
du Roussillon, 1642 ; Rocroi, 1643), des
pourparlers sont engagés à partir de
1645. Entre 1644 et 1648, les campagnes de Turenne et de Condé, aidés
par les Suédois, permettent à la France
de vaincre les Habsbourg. En 1648, Ferdinand III se décide à signer la paix.
SIXIÈME PARTIE :
L’EUROPE DES
FRONTIÈRES,
20
Le temps des monarchies absolues (1648-1806)
Les États-nations souverains, la “raison d’État”
Les traités de Westphalie mettent fin à la guerre de Trente-Ans et érigent l’État-nation souverain comme
socle d’un droit nouveau, le droit international, mettant fin (en théorie) au droit du plus fort et établissant
ainsi une nouvelle conception de la souveraineté. Ces traités - et les suivants - énoncent et initient la nécessité d’un équilibre politique “opérant par et dans la pluralité des états.”8 Ce nouvel ordre met fin à l’idée
d’une paix terrestre perpétuelle administrée par un “empire des derniers jours.”9 Les contestations les plus
virulentes vinrent du Saint-Siège qui perdait - définitivement - la plus grande partie de ce qui lui restait
d’influence dans la politique européenne.
Les grandes dynasties s’affrontent dans les querelles de succession : les Bourbon, les Habsbourg, les
Stuart puis les Hanovre, les Hohenzollern.
À partir de 1648, les différents traités donnent lieu à de véritables marchandages : échanges de territoires et
de titres, déplacements de frontières,... Ces marchandages furent pour beaucoup d’entre eux à l’origine de la
carte politique actuelle de l’Europe, et ne tinrent pas toujours compte de la volonté des peuples.10
Jean Bodin, Thomas Hobbes : L’Absolutisme comme réponse aux désordres du temps, comme condition de la sécurité matérielle des individus
S’il doit bien gouverner l’État, écrit le Français Jean Bodin en 1576 dans La République, alors que les
guerres de Religion font rage autour de lui, un prince souverain doit être au-dessus des lois, tout en estimant
que le roi doit rester lié - comme chez Aristote - aux lois de la nature et de Dieu.
Un siècle plus tard, l’Anglais Thomas Hobbes (1588-1679), aussi choqué que l’avait été Bodin par la guerre
civile, “les écervelés” et les ambitieux, affranchit le prince des bornes et d’Aristote. La vieille notion de contrat ne sert à rien, affirme Hobbes dans son Léviathan (1651). La seule chose qui puisse réprimer les instincts sauvages de l’humanité est la force, et la peur que seule la force inspire. Même un républicain anglais
en 1653 observait que la question n’était pas “si nous devrions être gouvernés par un pouvoir arbitraire, mais
dans quelles mains il devrait être.” Hobbes fonde la réflexion politique sur l’analyse et l’application de la
psychologie humaine plutôt que sur les assertions invérifiables et inadéquates des lois antique et biblique.
Baruch Spinoza : La religion sécularisée
Tout en essayant de purifier l’Église des relâchements et des faiblesses qui l’exposaient aux critiques,
évêques et rois veulent dorénavant – et avant tout - être obéis sans qu’on fasse constamment référence à la
conscience personnelle. Ainsi, l’Église est réorganisée et réglementée. Elle cesse d’apparaître comme une
sorte de bazar ou de lieu de rencontre pour de plus en plus se purifier et se spécialiser. De la sorte, lentement
mais sûrement, la confusion de jadis entre le sacré et le profane se dissipe. “Quand on eut chassé les marchands du temple, le temple commença à sortir de la vie quotidienne.”11 Spinoza le soulignait dans son tractatus theologico-politicus (1670) que “le culte religieux dépend uniquement de nos jours de la compétence
des autorités supérieures.”
Les monarchies absolues dans les faits ; l’exception anglaise
Sur le continent, hormis quelques exceptions - comme les Provinces-Unies, Gênes, Venise, ou les cantons
helvétiques, tous sur le déclin - la monarchie et l’État se confondent largement. Les monarchies absolues
dominent. La monarchie est, se doit d’être ou s’efforce d’être toute-puissante. La puissance publique, jadis
fractionnée en une multitude de seigneurs (religieux et séculiers) et de corporations, s’est concentrée dans
l’État, c’est-à-dire dans l’entourage du souverain. Ce qui survit ressort à l’ordre de la propriété : hiérarchie
de revenus et de bénéfices, à la possession garantie, et dont l’existence devient le principal obstacle à
8
S. Malette, Université de Laval-Québec, Faculté de philosophie, 2006
F. Hayt, Atlas historique, Bruxelles, 2006
10
L’un des exemples les plus saisissants est la résistance du peuple de Franche-Comté entre 1668 et 1678,… à l’envahisseur
français, et son attachement à la couronne espagnole, ou plutôt aux libertés afférentes que cette souveraineté espagnole
garantissait.
11
Eugen Weber, op. cité, p. 306
9
21
l’exercice du pouvoir royal. Le privilège lui-même devient une propriété dont on ne peut priver les bénéficiaires sans mettre en danger le système tout entier ; et cette situation paralyse le pouvoir royal en empêchant tout changement dans la société. Ayant supprimé le pouvoir politique des ordres et des groupes, la
monarchie ne trouve que des opposants à l’innovation.
En revanche, en Grande-Bretagne, ces corps disposent d’une réalité politique effective et les différences
économiques et sociales ne sont pas aggravées par le droit. La noblesse dispose d’un pouvoir politique réel,
comme dans certains pays d’Europe orientale, mais ses membres sont prêts à travailler pour atteindre leurs
positions et même à payer des impôts. De plus en plus, l’individualisme utilitaire règne : « Tout le monde, à
la lumière de la nature et de la raison, fera ce qui lui profite le plus. L’avantage de chacun en particulier sera
l’avantage de tous. » Voilà les différences fondamentales - outre son insularité - qui la « sauveront » plus
tard, tandis que d’autres États continentaux s’effondreront sous les coups de la Révolution française.
Le Progrès tourné vers le futur remplace le Salut tourné vers le passé.
Toutes ces théories et ces faits politiques en Europe durant cette époque sont largement tributaires du nouvel
esprit européen tourné vers le progrès.
Durant le Moyen Âge et le début des Temps modernes, les idéaux et le salut se tournent vers le passé, mythique ou réel, car comme l’écrit Jacques Le Goff à propos de la mentalité médiévale, “n’existe vraiment
que ce qui rappelle quelque chose ou quelqu’un, que ce qui a déjà existé.” À partir du XVIIème siècle, des
scientifiques et des philosophes comme Francis Bacon (1561-1626), René Descartes (1596-1650) et plus
tard Charles Perrault (1628-1703)12 théorisent l’aptitude humaine à progresser au moment où précisément
commencent à s’affirmer les capacités techniques de l’homme. Par conséquent, une nouvelle téléologie se
met en place, non pas tournée vers un paradis perdu et connu, mais vers un autre paradis futur et éternellement perfectible.
Chapitre XXVI : 1648 : LES TRAITÉS DE WESTPHALIE
Les États-nations obtiennent théoriquement leurs pleines souverainetés et consolident leurs frontières.
- Les indépendances des Provinces-Unies et des Cantons suisses (indépendants de fait depuis le traité de
Bâle en 1499) sont reconnues ; les Pays-Bas méridionaux restent espagnols.
- Les Trois-Évêchés (Metz, Toul et Verdun, sous tutelle française depuis 1552) et la Haute-Alsace sont annexés par la France.
Dans le Saint Empire, les 350 États allemands sans être souverains deviennent quasi-indépendants. La
souveraineté impériale n’est plus que nominale. L’Empire devient une « république fédérale aristocratique. »
- Les Habsbourg restent maîtres dans les faits de l’Empire. Cependant, par la « Capitulation perpétuelle »,
les décisions de chaque nouvel empereur doivent désormais recevoir le consentement de la Diète. A la diète
de 1653, les pouvoirs des électeurs et des princes sont renforcés aux dépens de celui des villes, transformant
l’Empire en une véritable « république fédérale aristocratique. »
Chapitre XXVII : 1648-1715 : L’HÉGÉMONIE FRANCAISE ET LES GUERRES DE
LOUIS XIV
En 1659, la paix des Pyrénées marque la fin de l’hégémonie espagnole. La France de Louis XIV devient la première puissance européenne. Il s’agit pour elle de repousser et de consolider ses frontières
et de briser l’encerclement toujours menaçant des Habsbourg d’Espagne et d’Autriche.
- Pour Richelieu, Mazarin et Louis XIV, il s’agit de repousser “la vieille frontière carolingienne”13 vers l’est
car trop proche de Paris, en occupant des positions en terre d’empire, et de soustraire aux Habsbourg des
positions qui faciliteraient leur intervention en France (exemple, le comté de Charolais français en 1684).
Pour Louis XIV, la succession d’Espagne est également la grande affaire de son règne.
12
13
La querelle des Anciens et des modernes, 1687-1694
Déjà déplacée au sud depuis le Moyen Âge : annexions de Lyon (1310), du Dauphiné (1349), de la Provence (1483), de la
Bresse et des pays de Gex et de Bugey (1601), contrebalancées par des pertes territoriales au nord : la Flandre (perdue en
1477, détachée de la souveraineté française en 1526) et l’Artois (perdue en 1493, rattachée en 1659).
22
1648-1678 : La France conquérante
1648 : Les traités de Westphalie : Toul, Metz, Verdun et la Haute-Alsace
- En 1648, la France obtient aux traités de Westphalie la reconnaissance de sa souveraineté sur les TroisÉvêchés, Toul, Metz, Verdun, occupés depuis 1552, et l’annexion de la Haute-Alsace. Toutefois, la guerre
contre l’Espagne continue.
1659 : Le traité des Pyrénées : Artois, Roussillon
- D’abord affaiblie par la Fronde (1648-1653), la France finit par vaincre l’Espagne, notamment grâce au
soutien des Anglais de Cromwell (bataille des Dunes, 1658). En 1659, au traité des Pyrénées, l’Espagne
cède le Roussillon et l’Artois à la France. Louis XIV rend la Lorraine (occupée depuis 1641) à son duc
Charles IV mais obtient des places fortes lui permettant d’accéder librement en Alsace (convention de Vincennes, 1661). En 1658, la France adhère à la Ligue du Rhin qui entend défendre les libertés des princes
allemands acquises depuis 1648. Toutefois, l’immixtion permanente de la France amène un relâchement de
ces liens et en 1667, cette adhésion n’est pas renouvelée.
1667-1668 : La guerre de Dévolution d’Espagne et le traité d’Aix-la-Chapelle : Lille, Douai,…
- Après la guerre de Dévolution d’Espagne (1667-1668) et le traité d’Aix-la-Chapelle (1668), la France obtient dans les Flandres, 12 places fortes dont Lille, Armentières et Douai. La « marche » entre la France et
les Pays-Bas espagnols est alors constituée d’un ensemble de places fortes, liées entre elles par des cours
d’eau nécessaires pour le transport des pièces d’artillerie. Vauban, alors Commissaire général des fortifications, constate la difficulté pour défendre le royaume car les places fortes françaises et espagnoles sont imbriquées les unes dans les autres. Il convainc Louis XIV de choisir la politique du « pré carré », c’est-à-dire
la mise en place d’une véritable frontière linéaire protégée par une double ceinture de forteresses.
1672-1678 : La guerre de Hollande (1672-1674), le traité de Nimègue (1678) et la fin de la prépondérance espagnole : Franche-Comté
- Voulant se venger des traîtrises lors du conflit précédent de « cette république de marchands de fromages », Louis XIV déclare la guerre à la Hollande (1672-1674). Celle-ci, alliée à la France contre les Espagnols durant la guerre de Trente-Ans, redoute l’accroissement de la puissance française. Abandonnant la
Hollande après l’avoir ruinée, Louis XIV tourne ses forces contre les Espagnols, l’empereur et les princes
allemands. Au traité de Nimègue (1678), la France obtient la Franche-Comté et échange avec les Espagnols
des places fortes dans les Flandres. La frontière nord est plus ou moins lissée et comprend moins d’enclaves.
Vauban s’empresse alors de la fortifier.
1679-1715 : La France isolée
1679-1689 : L’isolement de Louis XIV : la politique des réunions ; la révocation de l’édit de Nantes
(1685) ; le rapprochement anglo-hollandais
- En 1683, la neutralité de Louis XIV lors du siège de Vienne par les Turcs, provoque un certain rejet dans
l’Europe chrétienne. En 1685, par la révocation de l’édit de Nantes, il perd ses anciens alliés protestants (Suède, Brandebourg) qui se tournent vers la Hollande. Après s’être confrontées durant trois guerres
maritimes (1652, 1665 et 1672), la Hollande et l’Angleterre se rapprochent. En 1688, Guillaume d’Orange,
Stadhouder des Provinces-Unies, devient Guillaume III, roi d’Angleterre.
- Par la politique des réunions (à partir de 1679), Louis XIV « grignote » des territoires dépendants des nouvelles acquisitions : Trois-Évêchés lorrains, Haute-Alsace, Franche-Comté. En 1681, il occupe Strasbourg,
pourtant ville impériale libre, et son pont stratégique. Inquiets par cette politique, de nombreux États allemands se regroupent en 1686 dans la Ligue d’Augsbourg. En 1688, l’immixtion de Louis XIV dans
l’élection de l’archevêque de Cologne et le sac du Palatinat scandalisent l’empereur et les princes allemands,
pour cette fois unis, qui lui déclarent la guerre. L’Espagne, La Savoie et la Bavière se groupent autour de
Guillaume d’Orange. Louis XIV est alors totalement isolé en Europe.
23
1689-1697 : La guerre de la
Ligue d’Augsbourg (16891697) et le traité de Ryswick
(1697) : Strasbourg et Sarrelouis
- La guerre de la ligue
d’Augsbourg (1688-1697) se
déroule sur plusieurs théâtres
d’opérations : Allemagne, PaysBas, Espagne, Irlande,… Au
traité de Ryswick (1697), la
France reconnaît Guillaume III
comme roi d’Angleterre, perd
Pignerol et Montferrat, rend la
Lorraine (à nouveau occupée
depuis 1670) à son duc Léopold.
Strasbourg et Sarrelouis restent
françaises.
1702-1714 : La guerre de la
Succession d’Espagne :
L’Espagne passe aux mains
des Bourbon, tandis que les
Pays-Bas espagnols deviennent
autrichiens. Espagne et
France, en guerre depuis le
XVIème siècle, s’allient par
des « pactes de famille. »
L’encerclement des Habsbourg est brisé mais les prépondérances française et hollandaise s’estompent au profit
de la Grande-Bretagne.
- A la mort de Charles II, roi d’Espagne sans descendance, deux candidatures se présentent : Philippe, duc
d’Anjou, petit-fils de Louis XIV et l’archiduc Charles, fils cadet de l’empereur Léopold 1er. Charles II choisit Philippe qui devient Philippe V. En 1702, refusant cette union des trônes, le triumvirat Angleterre, Provinces Unies et Empire déclare la guerre à la France. Après une série de défaites, Philippe V peut entrer dans
Madrid en 1710. En 1711, l’empereur Joseph 1er meurt et son frère l’archiduc Charles devient empereur sous
le nom de Charles VI. Les Anglo-Hollandais ne désirant ni la constitution d’un empire bourbon, ni la reconstitution de l’empire de Charles-Quint, entament des pourparlers de paix. Les traités d’Utrecht (1713) et
de Rastatt (1714) instaurent un nouvel équilibre européen : l’Électeur George de Hanovre est reconnu roi
d’Angleterre au détriment des Stuarts, Frédéric 1er, électeur du Brandebourg, se voit confirmer son titre de
roi en Prusse et Victor-Amédée II, duc de Savoie obtient la Sicile et le titre de roi. Philippe V est reconnu roi
d’Espagne mais il renonce au trône de France. En contrepartie, les Habsbourg d’Autriche avec l’empereur
Charles VI gardent Milan, récupèrent les ex-Pays-Bas espagnols qui deviennent les Pays-Bas autrichiens
(jusqu’en 1815), le royaume de Naples et le royaume de Sardaigne.
- La France, malgré quelques reculs, maintient sa frontière septentrionale. Dans les Alpes, elle échange avec
la Savoie, la vallée de Suse contre la vallée de Barcelonnette.
1766 : Annexion de la Lorraine
- En 1766, à la mort de son beau-père le duc Stanislas Leszczynski, Louis XV annexe le duché de Lorraine.
Pour le royaume de France, les frontières du nord et de l’est sont définitivement établies.
24
Chapitre XXVIII : 1603-1714 : FACE A L’ABSOLUTISME, L’EXCEPTION ANGLAISE.
Durant le XVIIème siècle, l’Angleterre anglicane et puritaine, et de tradition parlementaire se révolte
contre ses rois Stuart, écossais et absolutistes.
1603-1649 : Jacques 1er et Charles 1er Stuart, 1ers
rois d’Écosse et d’Angleterre
- Les rois Stuarts, par leurs dépenses et surtout par leur
absolutisme, provoquent l’opposition du Parlement. En
1641, Charles 1er convoque le Parlement pour lever de
nouveaux impôts, puis le dissout au bout de quelques
semaines.
1642-1660 : La première Révolution anglaise et la
République de Cromwell
- En 1642, le Parlement se révolte et lève une armée.
Entre 1642 et 1651, l’armée du Parlement avec son
chef Oliver Cromwell vainc les armées royaliste et
écossaise. En 1649, Charles 1er est jugé et exécuté.
Cromwell établit une éphémère république qui durera
jusqu’en 1660.
- Les victoires maritimes contre la Hollande (1652,
1665 et 1672) marquent le début de la domination britannique des mers.
1660-1688 : La Restauration avec Charles II et
Jacques II
- En 1660, Charles II, fils de Charles 1er, restaure la
monarchie. Poussé par le besoin d’argent, il conclut
avec Louis XIV le traité de Douvres (1670) par lequel
il promet d’être tolérant envers les catholiques et de se
convertir. En 1685, son frère Jacques II, ouvertement catholique, monte sur le trône.
1688 : La “Glorieuse Révolution”
- En 1688, la “Glorieuse Révolution” chasse Jacques II. Sa fille Marie II et son époux, Guillaume III
d’Orange-Nassau lui succèdent. Le 13 février 1689, le Parlement lit au roi et à la reine le Bill of Rights qui
limite à jamais le pouvoir royal et rend impossible l’avènement d’un monarque catholique. Le Toleration
Act proclame la liberté religieuse, rompant ainsi avec l’ancienne conception d’une Église unique à laquelle
tous les citoyens doivent appartenir. C’est la victoire du protestantisme et surtout du régime parlementaire.
En 1702, Anne, sœur de Marie, succède à Guillaume. Elle règne jusqu’en 1714.
Chapitre XXIX : 1714-1792 : LA PRÉPONDÉRANCE BRITANNIQUE
Les traités d’Utrecht (1713) et de Rastatt (1714) marquent le début de la prépondérance britannique.
La Grande-Bretagne, alliée aux Autrichiens contre la France, ne vise pas l’hégémonie mais au contraire un équilibre entre les différentes nations européennes, servant ainsi au mieux ses intérêts de
puissance maritime et commerciale.
1707 : Les deux royaumes d’Angleterre et d’Écosse fusionnent et prennent le nom de Royaume-Uni de
Grande-Bretagne.
1714-1792 : Les Hanovre montent sur le trône. Le Royaume-Uni devient la première puissance commerciale et industrielle d’Europe, au détriment des Hollandais.
- A la mort d’Anne en 1714, Georges de Hanovre devient roi d’Angleterre sous le nom de George 1er. Du25
rant cette période appelée aussi “époque georgienne”, les Hanovre règnent mais perdent peu à peu leur autorité au profit du Parlement.
- L’aristocratie foncière détient de fait le pouvoir politique avec le Parlement et les gouvernements successifs autour du premier ministre.
Chapitre XXX : 1714-1796 : LES BOURBON D’ESPAGNE ET LES HABSBOURG
D’AUTRICHE SE PARTAGENT L’ESPAGNE ET L’ITALIE
1714-1788 : L’ESPAGNE UNIFIÉE ET LE DESPOTISME ÉCLAIRÉ DES BOURBON
1714-1759 : Philippe V et Ferdinand VI
- Avec les Bourbon, le gouvernement polysynodique laisse place à un gouvernement national calqué sur le
modèle français.
1759-1788 : Charles III
- Charles III, frère de Ferdinand VI et adepte des Lumières, conduit les affaires de l’État en monarque éclairé : Concordat de 1753, expulsion des Jésuites en 1767, émancipation des chuetas, descendants des conversos, et des gitans, droits de la Mesta abolis, colonisation de la Sierra Morena,…
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1714-1796 : L’ITALIE PARTAGÉE ENTRE BOURBON DES DEUX-SICILES AU SUD
ET HABSBOURG D’AUTRICHE AU NORD
1714-1731 : L’Italie reste dominée par les Habsbourg, l’empereur Charles VI devient roi des DeuxSiciles ; naissance du royaume de Piémont-Sardaigne
- Aux traités d’Utrecht et de Rastatt, les Bourbon d’Espagne doivent renoncer à contrecœur à Naples et la
Sardaigne qui échoient à l’empereur Charles VI. En 1718, Philippe V tente vainement de reconquérir la Sardaigne et la Sicile.
- En 1720, le duc de Savoie Victor-Amédée II échange la Sicile contre la Sardaigne et prend le titre de roi de
(Piémont-)Sardaigne. Charles VI devient ainsi roi des Deux-Siciles.
1731-1748 : L’Italie est partagée : Au sud, les Bourbon d’Espagne reconquièrent le royaume des
Deux-Siciles et le duché de Parme ; au nord, les Habsbourg conservent Milan et acquièrent le GrandDuché de Toscane.
- Entre 1731 et 1735, Don Carlos, le futur Charles III d’Espagne, devient duc de Parme et de Plaisance. En
1734-1735, profitant de la guerre de Succession de Pologne (1733-1738), il envahit le royaume des DeuxSiciles.
- La paix de Vienne en 1738 et le traité d’Aix-la-Chapelle en 1748 redonnent l’avantage aux Bourbon. En
échange de la reconnaissance définitive de la Pragmatique Sanction et de ses possessions autrichiennes,
l’impératrice Marie-Thérèse renonce à une grande partie de ses prétentions italiennes. Ces deux traités instaurent une nouvelle carte de l’Italie :
- En 1738, Don Carlos est reconnu comme roi des Deux-Siciles sous le nom de Charles VII. En
1759, succédant à son frère Ferdinand VI, il devient Charles III, roi d’Espagne (1759-1788). Son fils Ferdinand 1er lui succède en Italie (1759-1825).
- En 1748, Philippe, frère de Don Carlos, devient Philippe 1er, duc de Parme et de Plaisance (17481765).
- Malgré ces reculs,
les Habsbourg acquièrent ou
conservent certaines possessions italiennes et dominent
ainsi le nord de l’Italie. En
1738, François, duc de Lorraine, renonce à son duché
qui échoit à titre viager à
Stanislas Leszczynski, beaupère de Louis XV et roi déchu de Pologne. François
obtient en échange le Grandduché de Toscane. Époux de
l’impératrice Marie-Thérèse
d’Autriche, il devient empereur en 1745. Le duché de
Milan, agrandi de Mantoue et
devenu autrichien depuis
1714, reste durant toute cette
période une possession des
Habsbourg.
1748-1796 : L’Italie connaît
une ère de stabilité et de paix. Pris en tenaille entre Bourbon au sud et Habsbourg au nord, la Papauté, Gênes, Lucques, Venise et surtout le royaume de Piémont-Sardaigne, noyau du futur Risorgimento,
conservent cependant une certaine indépendance.
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Chapitre XXXI : 1683-1795 : L’UNITÉ DU SAINT EMPIRE DISPARAÎT ; LA PRUSSE
DES HOHENZOLLERN ENTRE EN LUTTE OUVERTE AVEC L’AUTRICHE DES
HABSBOURG
Tout au long du XVIIIème siècle, l’Empire disparaît et sur ses ruines, deux grands complexes territoriaux deviennent de véritables États qui dominent l’espace germanique : le Brandebourg-Prusse des
Hohenzollern et les possessions des Habsbourg d’Autriche. Paradoxalement, ces États se construisent
en partie hors de l’Empire : Hongrie pour les Habsbourg, Prusse pour les Hohenzollern.
1683 : Siège de Vienne par les Turcs
1686-1699 : Prise de Buda par les troupes impériales ; reconquête de la Hongrie et traité de Karlowitz
(1699) qui met fin à la menace turque.
1701 : Naissance du royaume de Prusse
- En 1701, Frédéric 1er Hohenzollern, électeur
du Brandebourg et duc souverain de Prusse
prend le titre de roi “en” Prusse (“de” Prusse à
partir de 1742). Les Hohenzollern créent un
véritable État homogène et militarisé, tout en
donnant un large pouvoir à la noblesse.
1713 : La Pragmatique Sanction
- En 1713, la puissance de la maison des Habsbourg d’Autriche n’a jamais été aussi grande.
L’empereur Charles VI publie un acte, la Pragmatique Sanction, par lequel il fait des territoires héréditaires de la maison d’Autriche un
ensemble indivisible dont la succession, à défaut d’héritiers mâles, reviendra aux filles du
dernier empereur régnant. Dès le début, cet acte
est contesté par les principautés allemandes et
notamment par la Bavière et la Saxe.
1733-1738 : La guerre de Succession de Pologne et le traité de Vienne
- Charles VI perd le royaume des Deux-Siciles mais obtient en échange la reconnaissance de la Pragmatique
Sanction par les souverains européens : France, Espagne, Grande-Bretagne, Prusse.
1740-1748 : La guerre de la Succession d’Autriche et le traité d’Aix-la-Chapelle
- En 1740, conformément à la Pragmatique Sanction, Marie-Thérèse succède à son père Charles VI et envisage de faire élire son mari François de Lorraine à la tête de l’Empire. La faiblesse de la nouvelle impératrice incite les princes allemands à renier leurs engagements. La même année, Frédéric II, roi de Prusse enclenche les hostilités en envahissant la Silésie. Marie-Thérèse, alliée aux Anglais, aux Hollandais et aux
Piémontais, s’oppose à Frédéric II mais aussi à Charles-Albert, électeur de Bavière et prétendant au titre
impérial, tous deux alliés aux franco-espagnols. Malgré les hostilités, François de Lorraine est élu empereur
en 1745. La rivalité austro-prussienne, qui ne prendra réellement fin qu’après 1866, s’intensifie et achève
définitivement ce qui restait de l’unité de l’Empire. En 1748, le traité d’Aix-la-Chapelle met fin à cette
guerre mais l’Autriche perd la Silésie conquise par la Prusse.
1756-1763 : Le renversement des alliances et la guerre de Sept-Ans
- Entre 1756 et 1763, durant la guerre de Sept-Ans, un renversement des alliances s’opère : la France s’allie
cette fois-ci avec l’Autriche contre la Prusse et la Grande-Bretagne. Toutefois, Marie-Thérèse ne parvient
pas à récupérer la Silésie et la suprématie de la Prusse dans l’Empire devient réelle.
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1772, 1793 et 1795 : Le partage de la Pologne
- En 1772, 1793 et 1795, la Prusse, la Russie (où règnent les Romanov depuis 1613) et l’Autriche se partagent la Pologne. La Mittel Europa est partagée entre les quatre “empires” centraux : Prusse, Autriche, Russie
et Empire ottoman.
Chapitre XXXII : 1806 : LE SAINT EMPIRE DISPARAÎT.
- Le 12 juillet 1806, Napoléon 1er instaure en Allemagne la Confédération du Rhin. Le dernier empereur, le
Habsbourg François II14, doit renoncer au titre d’empereur germanique. Le 16 juillet 1806, il “dépose” le
titre impérial15. Le Saint Empire romain germanique est dissous.
- La chute du Saint Empire est apparue comme inévitable dès lors que Napoléon s'est employé à redéfinir la
carte géopolitique de l’Europe.
- Les réactions à cette disparition sont diverses, oscillant entre indifférence et étonnement comme le montre
l'un des témoignages les plus connus, celui de la mère de Goethe, Catharina Elisabeth Textor, qui écrit le 19
août 1806 moins de quinze jours après l'abdication de François II : « Je suis d’ailleurs dans le même état
d'esprit que lorsqu'un vieil ami est très malade. Les médecins le déclarent condamné, on est assuré qu'il va
bientôt mourir et on est assurément bouleversé lorsque le courrier arrive nous annonçant qu'il est mort. »
- Cette indifférence face à la disparition montre comment le Saint Empire s'était sclérosé et comment ses
institutions ne fonctionnaient plus. Le lendemain de l'abdication, Goethe écrit dans son journal qu'une dispute entre un cocher et son valet suscite plus de passion que la disparition de l'Empire. D'autres comme à
Hambourg la célèbrent.
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Empereur d’Autriche sous le nom de François 1 er depuis 1804
Ce qui signifie que ce titre existe toujours comme « sujet de droit international », selon la jurisprudence constante de la Cour
constitutionnelle de l’Allemagne actuelle, à Karlsruhe.
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